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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4A_736/2011 
 
Arrêt du 11 avril 2012 
Ire Cour de droit civil 
 
Composition 
Mmes et MM. les Juges Klett, Présidente, Corboz, Rottenberg Liatowitsch, Kolly et Kiss. 
Greffier: M. Piaget. 
 
Participants à la procédure 
X.________ AG, (anciennement A.X.________ AG), représentée par Me Bernard Lachenal et Me Carole van de Sandt, 
recourante, 
 
contre 
 
1. A.________, représenté par Me Alain Bruno Lévy, 
2. B.________, 
3. C.________, représenté par Me Yves Pirenne, 
4. Y.________ Limited, en liquidation, 
5. Z.________ SA, 
toutes les 2 représentées par Me Olivier Wehrli et/ou Me Philippe Neyroud, 
intimés. 
 
Objet 
appel en cause, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile, du 21 octobre 2011. 
 
Faits: 
 
A. 
Le 26 septembre 2000, Y.________ Ltd et Z.________ SA ont assigné X.________ AG et V.________, conjointement et solidairement, devant le Tribunal de première instance de Genève en paiement de différentes sommes d'argent totalisant 721'657'970 dollars et 500'000'000 fr. 
Le 30 novembre 2001, les deux défenderesses ont appelé en cause A.________, B.________ et C.________, concluant à la condamnation de ces derniers à les relever de toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre dans le procès principal (référence étant faite à "l'opération ..."). 
Par arrêt du 20 janvier 2006, la Cour de justice du canton de Genève a notamment débouté Y.________ Ltd et Z.________ SA de leurs conclusions en tant qu'elles concernaient V.________ (devenue W.________ Corporation). 
 
B. 
L'assignation de A.________ ayant été affectée d'un vice, le Tribunal de première instance, par jugement du 17 mars 2009, a ordonné sa réassignation. 
La demande d'appel en cause a alors été introduite le 11 juin 2009. 
Le 24 août 2009, A.________ a conclu à l'irrecevabilité de la demande d'appel en cause formée par X.________ AG et, subsidiairement, à son rejet. Il a soulevé les exceptions de chose jugée et de prescription. Il a également invoqué la réserve matérielle faite par la Suisse au sujet de l'art. 6 ch. 2 de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988 (art. V de son Protocole no 1), qui rendrait l'appel en cause impossible et, partant, irrecevable (en raison de l'incompétence locale de l'autorité genevoise). 
Le 29 septembre 2009, X.________ AG a soulevé un incident de réouverture de l'instruction, invoquant le fait qu'elle avait appris, après l'audience de plaidoirie du 17 septembre 2009, que A.________ avait été condamné au Koweït pour des faits en relation avec l'affaire .... Elle a notamment conclu à ce qu'elle soit admise à invoquer le fait nouvellement connu consistant en la condamnation de A.________ au Koweït et à la réouverture de l'instruction. 
Par jugement du 21 janvier 2010, notifié aux parties le même jour, le Tribunal de première instance, statuant préparatoirement sur demande de réouverture de l'instruction, a rejeté la demande formée par X.________ AG, le prétendu nouveau fait allégué étant dépourvu de pertinence. Il a également déclaré irrecevable l'appel en cause à l'encontre de A.________, la juridiction genevoise étant incompétente au vu de la réserve formulée par la Suisse en rapport avec l'art. 6 ch. 2 de la Convention de Lugano de 1988. 
X.________ AG a formé un appel contre ce jugement. 
A.________ (appelé en cause) a conclu au rejet de l'appel dans la mesure de sa recevabilité et à la confirmation du jugement attaqué. Y.________ Ltd et Z.________ SA (demanderesses au fond) ont conclu à la confirmation du jugement attaqué. 
Par arrêt du 21 octobre 2011, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a déclaré irrecevable l'appel interjeté par X.________ AG en tant qu'il portait sur la demande de réouverture de l'instruction. Sur le fond, confirmant l'appréciation de l'instance précédente quant à la réserve émise par la Suisse, elle a rejeté l'appel et condamné l'appelante aux dépens, lesquels comprennent des indemnités de procédure, à titre de participation aux honoraires des avocats de l'appelé en cause et des demanderesses au fond. 
 
C. 
X.________ AG exerce un recours en matière civile contre l'arrêt cantonal du 21 octobre 2011. Elle conclut, sous suite de dépens, à son annulation et à ce que le dossier soit retourné à la juridiction cantonale pour nouvelle décision. Elle invoque un établissement des faits manifestement inexact et en violation du droit (art. 9 Cst.), une violation de l'art. V du Protocole no 1 (qui contient la réserve suisse visant l'art. 6 ch. 2 aCL), de l'art. 5 ch. 3 aCL, ainsi qu'une transgression de l'art. 129 al. 3 LDIP
Y.________ Ltd, en liquidation, et Z.________ SA (ci-après: les sociétés intimées ou les demanderesses au fond) concluent, sous suite de frais et dépens, à ce que la recourante soit déboutée de toutes ses conclusions. 
A.________ (ci-après: l'intimé ou l'appelé en cause) conclut, sous suite de frais et dépens, au rejet du recours dans la mesure où il est recevable. 
La recourante a encore transmis des observations à la Cour de céans, qui ont fait l'objet de brefs commentaires de la part de l'intimé. 
Les autres intimés (B.________ et C.________), invités à se déterminer sur le recours selon l'art. 102 al. 1 LTF, n'ont transmis aucune communication au Tribunal fédéral. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
1.1 La décision attaquée déclare la demande d'appel en cause irrecevable. Il s'agit donc d'un refus d'appel en cause qui constitue une décision partielle au sens de l'art. 91 let. b LTF (ATF 134 III 379 consid. 1.1 p. 382). 
Interjeté par la partie dont la demande d'appel en cause a été déclarée irrecevable (art. 76 al. 1 LTF) et dirigé contre une décision rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF) dans une affaire dont la valeur litigieuse (art. 51 al. 1 let. c LTF) atteint très largement le seuil de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le présent recours en matière civile est recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 48 al. 1 et 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. 
 
1.2 Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF, donc également pour violation d'un droit constitutionnel (ATF 136 I 241 consid. 2.1 p. 247; 136 II 304 consid. 2.4 p. 313). 
Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments soulevés dans le recours, ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 135 II 384 consid. 2.2.1 p. 389; 135 III 397 consid. 1.4 p. 400). 
Par exception à la règle selon laquelle il applique le droit d'office, le Tribunal fédéral ne peut entrer en matière sur la violation d'un droit constitutionnel ou sur une question relevant du droit cantonal ou intercantonal que si le grief a été invoqué et motivé de manière précise par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF). 
 
1.3 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire (ATF 136 II 304 consid. 2.4 p. 314; 135 II 145 consid. 8.1 p. 153; 135 III 127 consid. 1.5 p. 130, 397 consid. 1.5 p. 401) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). 
La partie recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, faute de quoi il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui contenu dans la décision attaquée (ATF 136 I 184 consid. 1.2 p. 187; 133 IV 286 consid. 1.4 et 6.2). Une rectification de l'état de fait ne peut être demandée que si elle est de nature à influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Aucun fait nouveau, ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF). 
Aux pages 3 à 7 de son mémoire, la recourante reprend des extraits de l'état de fait dressé par la cour cantonale. Dans la mesure où elle ne tente pas de démontrer, de manière précise et en se référant à des pièces du dossier, que les constatations cantonales mises en évidence seraient arbitraires sur des points de nature à influencer le sort du litige, il n'y a pas lieu d'en tenir compte et le raisonnement doit être mené exclusivement sur la base des faits contenus dans la décision attaquée. 
 
1.4 Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al. 2 LTF). S'il admet le recours, le Tribunal fédéral peut statuer lui-même sur le fond ou renvoyer l'affaire à l'autorité précédente pour qu'elle prenne une nouvelle décision (art. 107 al. 2 LTF). 
 
2. 
2.1 La cour précédente juge la demande d'appel en cause irrecevable, la juridiction genevoise n'étant pas compétente ratione loci. Elle explique que la Suisse, sous l'empire de la Convention du 16 septembre 1988 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (ci-après: Convention de Lugano de 1988 ou aCL; FF 1990 II p. 344 ss), a émis une réserve, contenue à l'art. V du Protocole no 1 relatif à certains problèmes de compétence, de procédure et d'exécution (ci-après: Protocole no 1; FF 1990 II p. 372 ss), de sorte que l'art. 6 ch. 2 aCL n'était pas applicable sur le territoire suisse. Elle précise que cette réserve empêchait les cantons qui connaissaient l'appel en cause - à l'instar de Genève (art. 104 de la loi de procédure civile genevoise du 10 avril 1987 [aLPC/GE]) - d'en faire usage. La cour cantonale ajoute que la compétence de Genève ne pouvait être fondée sur l'art. 5 ch. 3 aCL (for de l'action délictuelle), l'exclusion de sa compétence en vertu de la réserve précitée s'appliquant également à une compétence basée sur l'art. 5 ch. 3 aCL. Elle conclut que le premier juge n'a pas violé la loi en déclarant la demande d'appel en cause irrecevable et que l'issue du litige la dispense d'examiner si les conditions de l'art. 104 aLPC/GE sont réalisées. 
La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir retenu que la réserve de la Suisse visant l'art. 6 ch. 2 aCL, contenue à l'art. V du Protocole no 1, excluait l'application de toute autre règle de for prévue par la Convention de Lugano de 1998, en particulier l'art. 5 ch. 3 aCL. Elle soutient que l'autorité précédente a violé ces dispositions en écartant sa compétence ratione loci. La cour cantonale, sauf à sombrer dans l'arbitraire, aurait dû constater que l'appelé en cause avait commis des actes illicites et qu'elle a elle-même fait valoir des prétentions de nature délictuelle à son encontre. Elle souligne que ces points de fait auraient dû être examinés par l'autorité précédente, leur prise en compte étant susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). 
 
2.2 L'intimé (appelé en cause) considère que le grief de violation de l'art. V du Protocole no 1 (réserve émise par la Suisse en lien avec l'art. 6 ch. 2 aCL) et celui ayant trait à la transgression de l'art. 5 ch. 3 aCL sont irrecevables. Selon lui, l'appel en cause litigieux est régi exclusivement par le droit cantonal de procédure et la recourante n'aurait pas démontré que celui-ci aurait été appliqué de manière arbitraire. 
L'argumentation de l'intimé tombe à faux. Elle ne distingue pas clairement la question de la compétence locale (qui relève in casu du droit international) de celle des conditions devant être réalisées pour l'admission de l'appel en cause (cette question relevant du droit cantonal; cf. art. 404 al. 1 CPC) (sur la nécessaire distinction: cf. JEAN-FRANÇOIS POUDRET, Règles de compétence de la Convention et du droit fédéral, in L'espace judiciaire européen, 1992, p. 76 s.; HÉLÈNE GAUDEMET-TALLON, Compétence et exécution des jugements en Europe, 3e édition 2002, p. 202). 
En l'espèce, le recours en matière civile est déposé contre une décision relative à la compétence (ratione loci) des tribunaux genevois pour statuer sur l'appel en cause de l'intimé. Il n'est ici pas contesté qu'en raison du domicile en Grande-Bretagne de ce dernier, la cause revêt un caractère international, étant précisé que la recourante a son siège en Suisse (Genève). S'agissant des actions intentées après le 1er janvier 1989, la compétence locale des tribunaux suisses est régie en matière internationale par la LDIP, sous réserve des traités internationaux (art. 1 LDIP). La Convention de Lugano prime le droit national, y compris la LDIP (ATF 124 III 134 consid. 2/b/aa/bbb p. 139). Il n'est pas contesté que la Convention de Lugano du 16 septembre 1988 (aCL) est seule applicable aux relations entre la recourante et l'intimé. En l'espèce, tant la demande principale que la demande en garantie ont été formées avant le 1er janvier 2011, de sorte que la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 (CL Rév.; RS 0.275.12), entrée en vigueur pour la Suisse le 1er janvier 2011, n'est pas applicable. La CL Rév. prévoit expressément, à son art. 63 ch. 1 (Titre VI Dispositions transitoires), que ses dispositions ne sont applicables qu'aux actions intentées postérieurement à son entrée en vigueur. 
L'art. 57 de l'ancienne loi sur l'organisation judiciaire genevoise (aLOJ/GE), applicable à la présente cause (art. 404 al. 1 CPC), réserve d'ailleurs expressément, pour la compétence locale, les "dispositions des traités internationaux". 
En l'espèce, il n'y a donc pas de place pour l'application du droit cantonal, mais on est en présence d'une question de droit international que le Tribunal fédéral peut examiner librement dans le recours en matière civile (cf. art. 95 let. b et 106 al. 1 LTF). 
Quant aux nombreuses décisions citées par l'intimé, elles traitent de problèmes différents, relevant exclusivement du droit cantonal et elles ne lui sont d'aucune aide. En particulier, dans l'ATF 132 I 13, consid. 1.2 p. 17, il était question du refus d'un appel en cause en raison de la complexité du procès, critère qui relève du droit de procédure cantonal. Dans l'arrêt 4C.429/2005 du 21 mars 2006, consid. 3, il s'agissait de statuer sur la compétence matérielle de la juridiction genevoise des prud'hommes laquelle relève exclusivement du droit cantonal. Enfin, dans l'arrêt 4P.8/2003 du 11 mars 2003, consid. 2.2, la juridiction appliquant le droit cantonal devait résoudre, seulement à titre préjudiciel, la question de la légitimité passive des appelés en cause qui relevait du droit privé fédéral. 
 
2.3 L'intimé constate que la recourante a conclu à l'annulation de l'arrêt entrepris et au renvoi du dossier à l'autorité cantonale, sans prendre de conclusions sur le fond du litige. Il soutient, dans l'hypothèse de l'admission du recours, que le Tribunal fédéral serait en mesure de statuer lui-même, par substitution des motifs, de sorte que les conclusions seraient insuffisantes, et le mémoire irrecevable (cf. ATF 134 III 379 consid. 1.3 p. 383). Quant aux motifs qui permettraient au Tribunal fédéral de statuer lui-même sur le fond, l'intimé allègue que l'appel en cause compliquerait à l'excès la procédure et qu'il ne pourrait, selon l'art. 104 aLPC/GE, qu'être refusé. En guise de motivation, il rappelle, à l'instar des sociétés intimées (demanderesses au fond), que l'appel en cause serait admis plus de dix ans après l'ouverture du procès principal, que de multiples incidents sont déjà survenus de 2003 à 2006 et que, depuis la reprise de l'instruction en 2007, il a donné lieu à plusieurs enquêtes et commissions rogatoires, actes qui devraient être refaits pour l'appelé en cause. 
Eu égard à l'issue du litige, la cour cantonale s'est dispensée d'examiner si les conditions de l'art. 104 aLPC/GE étaient réalisées (arrêt entrepris consid. 5.3 p. 10). Elle ne s'est donc pas demandée, basée sur cette disposition, si dans les circonstances d'espèce, l'intérêt à l'appel en cause l'emporte sur l'inconvénient que constituent l'alourdissement et la prolongation du procès (sur l'exigence: arrêt 4A_431/2009 du 18 novembre 2009 consid. 2.7). Elle n'a donc pas établi, dans cette perspective, les points de fait indispensables pour juger de la réalisation des conditions de l'art. 104 aLPC/GE; les allégations de l'intimé se révèlent ainsi, sur plusieurs points, appellatoires. 
En l'absence de toute pesée des intérêts par l'autorité précédente, on ne saurait dire que la cause est en état d'être jugée et qu'il n'y a plus aucune latitude (cf. ATF 134 III 379 consid. 1.3 p. 384). On ne peut en particulier exclure que la cour cantonale, qui possède une large manoeuvre d'appréciation, admette l'appel en cause, pour faire ensuite application de l'art. 105 let. c aLPC/GE (l'application de cette disposition présupposant un appel en cause recevable au regard de l'art. 104 aLPC/GE; cf. BERTOSSA/GAILLARD/GUYET/SCHMIDT, Commentaire de la loi de procédure civile du canton de Genève, n° 1 s. ad art. 105 aLPC/GE), possibilité d'ailleurs évoquée par les sociétés intimées. 
Quant à l'irrecevabilité de l'appel en cause en raison de son caractère tardif qui est évoquée par les sociétés intimées, cette question n'a pas non plus été instruite par la cour cantonale. On ne saurait l'examiner sur la base des faits présentés, de manière purement appellatoire, par les sociétés intimées. 
Ainsi, en cas d'admission du recours, le renvoi à l'autorité précédente s'imposerait, de sorte qu'il faut retenir que les conclusions prises par la recourante l'ont été conformément à l'art. 42 al. 1 LTF (ATF 134 III 379 consid. 1.3 p. 383). 
 
3. 
La question principale, déterminante pour l'issue du litige, a donc trait à la portée de la réserve suisse, formulée à l'art. V du Protocole no 1, qui vise l'art. 6 ch. 2 aCL. Avant d'examiner l'effet (indirect) de cette réserve sur l'application du rattachement territorial prévu à l'art. 5 ch. 3 aCL, il convient préalablement de contrôler si cette réserve, formulée en rapport avec l'art. 6 ch. 2 aCL, concernait également le canton de Genève. 
 
3.1 Selon l'art. 6 ch. 2 aCL, le défendeur peut être attrait "s'il s'agit d'une demande en garantie ou d'une demande en intervention, devant le Tribunal saisi de la demande originaire, à moins qu'elle n'ait été formée que pour traduire hors de son tribunal celui qui a été appelé" (FF 1990 II p. 347). 
La Suisse, ainsi que trois autres Etats, ont formulé une réserve à l'art. V du Protocole no 1. Celle-ci prévoit que "la compétence judiciaire prévue à l'article 6, point 2, et à l'article 10, pour la demande en garantie ou la demande en intervention, ne peut être invoquée dans la République fédérale d'Allemagne, en Espagne, en Autriche ni en Suisse" (FF 1990 II p. 373 s.). L'hypothèse de l'art. 10 aCL, qui traite de la compétence en matière d'assurances, n'entre ici pas en ligne de compte. 
La réserve a été émise par les négociateurs suisses à Lugano, au motif erroné que les droits de procédure en vigueur en Suisse ne connaissaient ni l'une ni l'autre des institutions prévues à l'art. 6 ch. 2 aCL. L'appel en cause, qui correspond à la figure française de la demande en garantie (simple), était pourtant prévu à l'art. 83 du Code de procédure civile vaudois du 14 décembre 1966 et à l'art. 104 aLPC/GE (YVES DONZALLAZ, La Convention de Lugano, Vol. II, 1998, p. 524 s. n. 5539; POUDRET, op. cit., p. 76 et la référence; VINCENT SALVADÉ, Dénonciation d'instance et appel en cause, thèse Lausanne 1995, p. 230; pour les caractéristiques de l'appel en cause: arrêt 4A_431/2009 déjà cité consid. 2.3). A cette époque, le canton du Valais ne connaissait pas encore l'appel en cause, cette institution procédurale ayant été introduite dans le Code de procédure civile valaisan du 24 mars 1998 (aCPC/VS). 
Dans son message sur la Convention de Lugano de 1988 (FF 1990 II p. 269), le Conseil fédéral, après avoir soutenu que l'institution de la demande en garantie "n'existe dans aucune des lois de procédure civile suisses", laisse entendre que l'exclusion générale de l'appel en cause n'a pas été formulée dans l'intention d'exclure le for dérivé de l'art. 6 ch. 2 aCL dans les cantons disposant de cette institution procédurale; cela ressort, a contrario, de l'affirmation selon laquelle "l'action en garantie et même l'action en intervention de l'art. 6, chiffre 2, ne peuvent pas être invoquées dans les cantons qui ne les connaissent pas" (FF 1990 II p. 302 ch. 223.72). 
 
3.2 Se pose alors la question de savoir s'il convient de se fonder sur le message du Conseil fédéral pour retenir que l'art. 6 ch. 2 aCL reste applicable dans les cantons qui connaissent l'appel en cause, ou s'il faut se baser sur la disposition expresse du Protocole no 1 qui ne forme pas d'exceptions (mettant en évidence l'alternative: DONZALLAZ, op. cit., p. 525 n. 5542; POUDRET, op. cit., p. 77; SALVADÉ, op. cit., p. 229 s.; IVO SCHWANDER, Gerichtszuständigkeiten im Lugano-Übereinkommen, in Das Lugano-Übereinkommen, 1990, p. 80 s.). 
Cette question n'a jamais été tranchée par le Tribunal fédéral. 
Dans une décision du 15 février 2002, publié in RVJ 2003 p. 229, le juge des districts de Martigny et St-Maurice devait juger si une partie à une instance devant un tribunal valaisan pouvait appeler en cause, sur la base de l'art. 53 CPC/VS, une personne domiciliée au Portugal. Il a déclaré la requête irrecevable, se limitant à constater que la Suisse, à l'art. V du Protocole no 1, avait écarté l'application de l'art. 6 ch. 2 aCL. 
Dans le canton de Vaud, le Juge instructeur de la Cour civile est arrivé à la même conclusion (décision du 21 juillet 1995, publié in JdT 1996 III p. 38; on comprend, malgré une motivation ambigüe sur ce point, que le juge a confirmé cette position dans sa décision du 26 novembre 2010, sous la réf. Jug-inc/2011/2). 
La Cour de justice de Genève, dans l'arrêt entrepris, fait référence à deux de ses précédents (ACJC/46/2005 et ACJC/84/2005) - non publiés - dans lesquels elle avait déjà jugé que la réserve suisse faisait obstacle à l'application de l'art. 6 ch. 2 aCL et qu'il n'appartenait pas au juge d'anticiper le retrait de cette réserve décidée par le Conseil fédéral. 
Quant à la doctrine, elle se divise en deux courants, d'importance presque égale. 
Un premier courant doctrinal, affirmant qu'une réduction téléologique du texte de l'art. V du Protocole no 1 s'impose, soutient que la réserve ne concerne pas les cantons connaissant l'institution de l'appel en cause, l'art 6 ch. 2 aCL pouvant ainsi être appliqué dans ces cantons également dans les relations internationales (GERHARD WALTER, Wechselwirkungen zwischen europäischen und nationalen Zivilprozessrecht - Lugano-Übereinkommen und Schweizer Recht, ZZP 1994, p. 307 ss; LE MÊME, Internationales Zivilprozessrecht der Schweiz, 4e éd. 1995, p. 218 s.; CORNELIA DÄTWYLER, Gewährleistungs- und Interventionsklage nach französischem Recht und Streitverkündigung nach schweizerischem und deutschem Recht im internationalen Verhältnis, thèse St-Gall 2005, p. 148; MONIQUE JAMETTI GREINER, Überblick zum Lugano-Übereinkommen, RJB 1992, p. 58; SCHWANDER, op. cit., p. 81; ANN-KRISTIN KOBERG, Zivilprozessuale Besonderheiten bei Sachverhalten mit Auslandsberührung, thèse St Gall 1992; MARTINA WITTIBSCHLAGER, Rechtshängigkeit in internationalen Verhältnissen, 1994, p. 101; ALFONS VOLKEN, Die örtliche Zuständigkeit gemäss Lugano-Übereinkommen, RVJ 1992, p. 164). 
Un second courant de la doctrine professe que l'on ne peut s'écarter de la signification qui découle du texte de l'art. V du Protocole no 1 et que la réserve s'applique également aux cantons qui connaissent l'institution de l'appel en cause, ceux-ci ne pouvant en faire usage dans les relations internationales (DONZALLAZ, op. cit., p. 525 s. n. 5543; SALVADÉ, op. cit., p. 230 s.; BERNARD DUTOIT, Guide pratique de la compétence des tribunaux et de l'exécution des jugements en Europe, 2007, p. 32; LE MÊME, Les compétences spéciales dans la Convention de Lugano, in La Convention de Lugano de 1988, 1991, p. 76; THOMAS MÜLLER, in Kommentar zum Lugano-Übereinkommen, 2008, no 95 ad art. 6 CL; KURT SIEHR, in Lugano-Übereinkommen (LugÜ) zum internationalen Zivilverfahrensrecht - Kommentar, 2011, no 38 ad art. 6 CL; BERTOSSA/GAILLARD/GUYET/SCHMIDT, op. cit., n° 12 ad art. 104 aLPC/GE; MICHEL DUCROT, Le droit judiciaire privé valaisan, 2000, p. 161; POUDRET, op. cit., p. 77, plus nuancé, admet que la première opinion doctrinale serait la "solution raisonnable", mais a de la "peine à admettre que l'interprétation a contrario du Message puisse prévaloir sur la disposition expresse du Protocole, qui ne formule précisément pas une telle exception"). 
 
3.3 L'opinion du premier courant doctrinal emporte la conviction pour les raisons qui suivent. 
3.3.1 Comme tout traité, la Convention de Lugano doit être interprétée de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but (art. 31 al. 1 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités [ci-après CV; RS 0.111]; ATF 131 III 227 consid. 3.1 p. 229). 
Il n'en va pas différemment de la réserve formulée par un Etat. Celle-ci, acceptée par les autres Etats, exclut ou modifie l'effet juridique de certaines dispositions du traité dans leur application à cet Etat (art. 2 al. 1 let. d CV). Elle doit donc être considérée comme faisant partie intégrante du traité et, en conséquence, pour déterminer les obligations assumées sous l'empire du traité par l'Etat réservataire, elle doit être interprétée comme une clause de ce traité (sur l'ensemble de la question: AYDOGAN ÖZMAN, Le problème de l'interprétation des réserves à la lumière de la Convention de Vienne sur le droit des traités, in Ankara Üniversitesi Hukuk Fakültesi Dergisi, C.XXVII (1970), p. 89 ss). 
L'étroite dépendance qui unit la Convention de Lugano à la Convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, conclue entre les États membres de la Communauté européenne à Bruxelles le 27 septembre 1968, dite Convention de Bruxelles (CB), qui a servi de modèle à la Convention de Lugano, est un élément important du "contexte" de l'interprétation (ATF 131 III 227 consid. 3.1 p. 229 s.). Ainsi, il est indispensable de tenir compte des enseignements tirés de l'interprétation de la Convention de Bruxelles, notamment pour définir l'objet et le but de la Convention de Lugano (cf. infra consid. 3.3.3). S'agissant plus spécifiquement de l'interprétation de la réserve suisse, il faut par contre observer que la République fédérale d'Allemagne, l'Espagne et l'Autriche, qui ont également formulé une réserve (cf. supra consid. 3.1), ne connaissent pas la demande de garantie ou la demande en intervention (art. 6 ch. 2 aCL), contrairement à la Suisse (puisque certains cantons mettent à disposition des parties au procès une institution s'apparentant à la demande en garantie de l'art. 6 ch. 2 aCL), de sorte qu'il serait vain de rechercher, dans les décisions prises par les autorités judiciaires des Etats précités, une aide pour interpréter la réserve suisse. 
3.3.2 Il est exact que la réserve suisse a été formulée de façon générale, sans exclure le territoire de certains cantons, à l'art. V du Protocole no 1. On ne saurait toutefois tirer argument du seul texte de cette disposition pour confirmer l'opinion du deuxième courant doctrinal présenté ci-dessus (cf. consid. 3.2). 
L'art. 31 CV, intitulé "Règle générale d'interprétation" commence par affirmer que les traités doivent être interprétés de bonne foi. Il énonce ensuite les méthodes qui doivent être suivies, à savoir prendre en compte les termes du texte dans leur sens ordinaire, tenir compte du contexte, de l'objet et du but du traité (entre autres auteurs: GEORGES J. PERRIN, Droit international public, 1999, p. 400 et les références). Cette disposition fixe un ordre de prise en compte des éléments de l'interprétation, sans toutefois établir une hiérarchie juridique obligatoire entre ces différents éléments (JEAN-MARC SOREL, in Les Conventions de Vienne sur le droit des traités - Commentaire article par article, Tome II, 2006, no 9 ad art. 31 CV 1969; PERRIN, op. cit., p. 402 et les références; MUSTAFA KAMIL YASSEEN, L'interprétation des traités d'après la Convention de Vienne sur le droit des traités, Recueil des cours de l'Académie de droit international de La Haye 1976 III p. 22). Il serait donc contraire à l'art. 31 CV de favoriser, en soi, l'analyse textuelle, au détriment des autres méthodes proposées (FOUAD ZARBIEV, Les règles d'interprétation de la Convention de Vienne sur le droit des traités, in L'harmonisation internationale du droit, 2007, p. 81). 
En matière d'interprétation des réserves, il semble d'ailleurs qu'il existe en pratique une tendance diamétralement opposée, consistant à ne pas appliquer la réserve de façon strictement littérale. Il est en effet admis qu'il n'est pas possible d'apprécier la portée d'une réserve en l'isolant de son contexte et qu'il convient plutôt de rechercher le but poursuivi par le gouvernement réservataire, tout en faisant en sorte que la réserve ne soit pas dépourvue d'effet "pratique" (ou "utile") (PIERRE-HENRI IMBERT, Les réserves aux traités multilatéraux, 1979, p. 276 et les références). 
3.3.3 Cela étant, l'examen des diverses méthodes présentées à l'art. 31 al. 1 CV conduit en l'espèce à retenir que l'objet et le but de la Convention de Lugano de 1988 revêtent un poids particulier et que, sans véritablement s'écarter de la lettre de l'art. V du Protocole no 1 (l'existence d'une réserve liant la Suisse étant confirmée), ils en limitent la portée. 
L'objet et le but d'un traité - deux termes, utilisés le plus souvent de façon indifférenciée, qui visent l'objectif poursuivi par les parties dans les limites des normes qu'elles ont formulées (sur l'ensemble de la question: YASSEEN, op. cit., p. 55 ss) - sont normalement énoncés dans le préambule du traité (YASSEEN, op. cit., p. 57). Il ressort expressément du préambule de la Convention de Lugano de 1988 que les parties contractantes "sont déterminées à renforcer sur [leur] territoire [...] la protection juridique des personnes qui y sont établies". L'importance de l'objectif a été souligné par la Cour de Justice des Communautés européennes en lien avec l'art. 6 ch. 2 CB (parallèle de l'art. 6 ch. 2 aCL), celle-ci insistant sur le fait que le juge ne saurait appliquer aucune condition de recevabilité prévue par le droit national qui aurait pour effet de limiter la mise en oeuvre des règles de compétence prévues par la convention (Kongress Agentur Hagen GmbH c/ Zeehaghe BV, arrêt du 15 mai 1990, affaire C-365/88 ch. 20; ROHNER/LERCH, in Basler Kommentar, Lugano-Übereinkommen, 2011, no 70 ad art. 6 CL et les références). 
Il en résulte que les Etats contractants n'ont plus aucune marge de man?uvre pour déterminer s'ils entendent ou non permettre, sur leur territoire, une demande en garantie ou une demande en intervention émanant d'une personne établie dans l'Etat en question. L'art. 6 ch. 2 aCL leur impose de mettre à disposition un tribunal compétent pour accueillir ces demandes. La fonction de la réserve, que les Etats contractants sont habilités à émettre en vertu de l'art. V du Protocole no 1, doit être comprise dans ce cadre; elle leur permet d'éviter de mettre sur pied une institution qui leur est étrangère (DÄTWYLER, op. cit., p. 148; PETER F. SCHLOSSER, EU-Zivilprozessrecht, 3e éd. 2009, no 8 ad art. 6 CB; REINHOLD GEIMER, in Europäisches Zivilverfahrensrecht, 3e éd. 2010, no 43 ad art. 6 CB; HEINZ-PETER MANSEL, Streitverkündung und Interventionsklage im Europäischen internationalen Zivilprozessrecht, in Europäischer Binnenmarkt IPR und Rechtsangleichung, 1995, p. 246). Il serait par contre contraire au sens du Protocole no 1 et au but de la Convention de Lugano d'autoriser les Etats à formuler une réserve qui les dispenserait de faire usage d'une institution procédurale qu'ils ont déjà mis sur pied. Dans cette hypothèse, qui concerne la Suisse en raison des réglementations cantonales vaudoises et genevoises, la faculté octroyée par le Protocole no 1 ne doit pas être utilisée (DÄTWYLER, op. cit., p. 148; SCHLOSSER, op. cit. no 8 ad art. 6 CB; MANSEL, op. cit., p. 246). 
La question de l'effet d'une réserve (partiellement) contraire à l'objet et au but du traité est controversée. D'aucuns estiment que la réserve est alors invalide; d'autres sont d'avis que, même si la réserve tombe sous le coup de l'art. 19 let. c CV, sa validité ne saurait être remise en cause, celle-ci étant exclusivement dépendante de l'acceptation des autres Etats (pour la controverse: MALCOLM N. SHAW, International Law, 5e éd. 2003, p. 828 et les références; cf. également: ALAIN PELLET, Les Conventions de Vienne sur le droit des traités - Commentaire article par article, Tome I, 2006, no 254 ss ad art. 19 CV 1969). En l'espèce, cette question peut toutefois rester indécise puisque l'interprétation de la réserve peut être effectuée en conformité avec le but de la Convention de Lugano. En conséquence, la réserve doit être comprise en ce sens qu'elle ne vise que les réglementations cantonales ne prévoyant pas le for inscrit à l'art. 6 ch. 2 aCL. 
Cette interprétation n'est pas contraire à l'approche textuelle puisqu'elle ne nie pas, en soi, l'existence de la réserve suisse, inscrite à l'art. V du Protocole no 1. Elle en réduit simplement la portée, en fonction de l'objet et du but de la Convention de Lugano de 1988. Ce procédé a d'autant plus de poids qu'il s'inscrit dans le cadre de la volonté (objective) des Etats contractants (l'interprétation téléologique ne pouvant aller au-delà de cette volonté: YASSEEN, op. cit., p. 58). S'agissant de la Suisse, force est en effet de constater que la formulation générale de la réserve contenue à l'art. V du Protocole no 1 résulte d'une erreur et que le Conseil fédéral n'a jamais exprimé son intention de priver les cantons qui disposaient de l'appel en cause de son usage (cf. supra consid. 3.1). Le Conseil fédéral a d'ailleurs profité de la révision de la Convention de Lugano de 2007 pour adapter l'art. V du Protocole no 1 (déplacé dans l'Annexe IX) et préciser que la réserve de la Suisse visait les réglementations cantonales ne prévoyant pas le for inscrit à l'art. 6 ch. 2 aCL (Message du Conseil fédéral du 18 février 2009, FF 2009 p. 1517 ch. 2.3.4; cf. MÜLLER, op. cit., no 98 ad art. 6 CL; la réserve suisse est ensuite tombée dès l'entrée en vigueur du CPC qui prévoit l'appel en cause). Il est constaté en pratique que les Etats tardent parfois à retirer (ou à amender, pour aller dans le sens d'un retour à l'intégrité du traité) leurs réserves, ce qui procède plus d'une certaine inertie que d'une réticence à l'égard du retrait (ou de l'amendement) des réserves (IMBERT, op. cit., p. 292). Ainsi, le fait que le Conseil fédéral n'ait pas procédé à l'amendement de la réserve avant la révision de la Convention de Lugano de 2007 est impropre à démontrer qu'il n'avait pas la volonté, jusque-là, de restreindre la formulation générale utilisée à l'art. V du Protocole no 1 (cf. en général sur les réserves "oubliées": IMBERT, op. cit., p. 292 s.). 
S'agissant de la volonté des autres Etats contractants, il faut rappeler au préalable que ceux-ci, à défaut d'avoir émis leur propre réserve, ne peuvent se prévaloir, au titre de la réciprocité, de la réserve émise par la Suisse, la règle de la réciprocité étant ici exclue par la nature de la Convention de Lugano, celle-ci ne reposant pas sur un échange mutuel d'avantages entres les différents Etats contractants (cf. en général: IMBERT, op. cit., p. 253 ss). On ne saurait ainsi leur nier un intérêt - et cela est d'autant plus vrai pour les Etats qui n'ont pas formulé la même réserve - à une application du traité sans la réserve en question (ou avec une réserve de portée restreinte) et il n'y aurait aucun sens à exclure de leur côté une volonté d'aller dans la direction d'une application intégrale du traité (cf. JOSÉ MARIA RUDA, Reservations to Treaties, Recueil des cours de l'Académie de droit international de La Haye III 1975 p. 201; PERRIN, op. cit., p. 161 et les références; CHARLES ROUSSEAU, Droit international public, Tome I, 1970, p. 125). 
Enfin, il faut observer qu'une interprétation inverse reviendrait non seulement à ignorer les exigences tirées de la Convention de Lugano, mais elle aurait également pour effet de priver, dans les relations internationales, les cantons qui connaissent l'institution de l'appel en cause de son usage (expressément: DONZALLAZ, op. cit., no 5543 ad art. 6 CL), alors même qu'ils étaient encore compétents en matière de procédure civile (cette compétence ayant subsisté jusqu'à l'entrée en vigueur du nouveau Code de procédure civile basé sur l'art. 122 al. 1 Cst.). L'interprétation retenue par la Cour de céans permet ainsi d'éviter qu'une simple erreur commise au moment de la ratification de la Convention de Lugano de 1988 ait pour effet d'empiéter sur une compétence encore du ressort des cantons. 
3.3.4 Les partisans d'une interprétation purement littérale de la réserve suisse évoquent parfois également le principe "pacta sunt servanda" et celui de la bonne foi, pour soutenir que le retrait (partiel) de la réserve ne pouvait prendre effet à l'égard d'un autre Etat que lorsque cet Etat en a reçu notification. 
S'agissant du principe de la bonne foi, il résulte déjà implicitement des considérations qui précèdent que l'argument tombe à faux. Eu égard à l'objet et au but de la Convention de Lugano, la réserve formulée par la Suisse pouvait être comprise par les autres Etats comme l'affirmation qu'aucun canton suisse ne connaissait les institutions procédurales mentionnées à l'art. 6 ch. 2 aCL. Ainsi, la réserve générale émise par la Suisse, sauf à l'interpréter restrictivement selon son objet et son but, tromperait les autres Etats contractants, puisque, précisément, les cantons de Genève et de Vaud connaissaient une institution équivalente. Preuve en est d'ailleurs que plusieurs commentateurs de l'art. 6 CB, qui ont recherché la portée de la réserve formulée par la Suisse, retiennent que celle-ci concerne exclusivement les cantons qui ne connaissaient pas l'appel en cause (expressément: SCHLOSSER, op. cit., no 8 ad art. 6 CB; MANSEL, op. cit., p. 246 s.; renvoyant à la position du premier courant doctrinal mentionné supra consid. 3.3: KROPHOLLER/VON HEIN, Europäisches Zivilprozessrecht, 9e éd. 2011, no 19 ad art. 6 CB, note de pied no 85). 
On peut au demeurant encore rappeler que le principe de la bonne foi est intimement lié à la règle de l'effet utile, même si cette dernière n'apparaît pas expressément à l'art. 31 CV (JEAN-MARC SOREL, op. cit., no 29 ad art. 31 CV 1969; DAILLIER/PELLET, Droit international public, 7e éd. 2002, n. 169 p. 264). L'interprète doit choisir, entre plusieurs significations possibles, celui qui permet l'application effective de la clause dont on recherche le sens, en évitant toutefois d'aboutir à une signification en contradiction avec la lettre ou l'esprit du traité (DAILLIER/PELLET, op. cit., n. 169 p. 263 s.). Or, seule une interprétation restreinte de la portée de la réserve suisse permet de conserver celle-ci tout en la conciliant avec le but de la convention. 
Quant à l'argument tiré du principe "pacta sunt servanda", qui appellerait un retrait formel de la réserve, il ne convainc pas, l'exigence d'un tel retrait présupposant l'existence d'une réserve générale, hypothèse écartée ci-dessus (cf. également, en ce qui concerne la question des réserves "oubliées", supra consid. 3.3.3). 
C'est donc à tort que la cour cantonale, se fondant sur la réserve contenue à l'art. V du Protocole no 1, a jugé que les tribunaux genevois n'étaient pas compétents et conclu que l'appel en cause, pour ce motif, était irrecevable. La compétence des tribunaux genevois est donnée en application de l'art. 6 ch. 2 aCL et il n'y a donc pas lieu d'examiner les autres moyens invoqués par la recourante (art. 5 ch. 3 aCL et art. 129 al. 3 LDIP). 
 
4. 
En conclusion, il y a lieu d'admettre le recours, d'annuler l'arrêt attaqué et, une réforme n'entrant pas en ligne de compte (cf. supra consid. 2.3), de renvoyer l'affaire à l'autorité cantonale qui devra examiner si les conditions de l'art. 104 aLPC/GE sont réalisées. 
 
Compte tenu de l'issue du litige, les frais et dépens sont mis solidairement à la charge des intimés (appelé en cause et demanderesses au fond), qui succombent (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 10'000 fr., sont mis solidairement à la charge des intimés (appelé en cause et demanderesses au fond). 
 
3. 
Les intimés (appelé en cause et demanderesses au fond) verseront solidairement à la recourante une indemnité de 12'000 fr. à titre de dépens. 
 
4. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile. 
 
Lausanne, le 11 avril 2012 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente: Klett 
 
Le Greffier: Piaget