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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_433/2022  
 
 
Arrêt du 10 octobre 2023  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, Moser-Szeless et Beusch. 
Greffier : M. Berthoud. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représentée par Me Yero Diagne, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Office de l'assurance-invalidité pour les assurés résidant à l'étranger, 
avenue Edmond-Vaucher 18, 1203 Genève, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-invalidité, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 19 juillet 2022 (C-4090/2020). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________, née en 1969, avait déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité en novembre 1997. Dans un rapport d'expertise du 23 novembre 2001, le docteur B.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, avait attesté une incapacité de travail de 50% en raison d'un état dépressif de degré léger à moyen, d'un trouble somatoforme indifférencié, d'une personnalité évitante "décompensée", de cervicalgies chroniques et de difficultés familiales. Par décision sur opposition du 15 décembre 2003, l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud lui avait alloué une demi-rente d'invalidité depuis le 1 er avril 1997 fondée sur un degré d'invalidité de 50%. Le recours que l'assurée avait formé devant le Tribunal des assurances du canton de Vaud avait été rejeté par jugement du 2 décembre 2004.  
 
A.b. Le droit à la demi-rente a été maintenu à plusieurs reprises (communications de l'Office de l'assurance-invalidité pour les assurés résidant à l'étranger [ci-après: l'office AI] des 25 juin 2008, 28 octobre 2011 et 5 décembre 2014).  
 
A.c. En octobre 2017, l'office AI a ouvert une nouvelle procédure de révision de la rente. Dans ce cadre, il a mis en oeuvre une expertise bidisciplinaire auprès du Centre d'expertise médicale Lancy (CEML). Les docteurs C.________, spécialiste en rhumatologie, et D.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, accompagné de Mme E.________, spécialiste en neuropsychologie, ont posé les diagnostics d'épisode dépressif moyen, d'atteinte psychosomatique de type fibromyalgie, d'atteinte de type cervicalgie chronique, d'atteinte de type lombalgie chronique ainsi que d'atteinte de type asthénie. Selon les experts, l'assurée ne présente aucune capacité de travail sur le plan rhumatologique. En revanche, sous l'angle psychiatrique, la capacité de travail n'a pas évolué depuis la dernière révision et reste compatible avec l'exercice d'une activité à 50% (rapport d'expertise du 24 juillet 2019 et rapport complémentaire du 10 janvier 2022).  
Dans une évaluation du 17 mars 2020, le Service médical de l'office AI a retenu que l'expertise du CEML n'avait pas mis en lumière d'aggravation de l'état de santé de l'assurée, mais qu'elle constituait - par rapport à l'expertise de 2001 - une appréciation différente d'un état de santé resté inchangé. Par décision du 30 juin 2020, l'office AI a dès lors maintenu le droit de l'assurée à une demi-rente. 
 
B.  
A.________ a déféré cette décision au Tribunal administratif fédéral, qui l'a déboutée par arrêt du 19 juillet 2022. 
 
C.  
La prénommée interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt. A titre principal, elle en demande la réforme en concluant à l'octroi d'une rente entière d'invalidité à partir du 1 er décembre 2017. A titre subsidiaire, elle conclut à son annulation et au renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouveau jugement au sens des considérants.  
L'intimé et l'Office fédéral des assurances sociales ont renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral fonde son raisonnement sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), à moins que ces faits n'aient été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 143 I 310 consid. 2.2; 140 III 264 consid. 2.3) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Il applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être lié ni par les motifs de l'autorité précédente, ni par les moyens des parties. Le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, pour autant que les manquements ne soient pas manifestes (ATF 144 V 173 consid. 1.2 et les références). 
 
2.  
Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente entière d'invalidité dans le cadre de la révision du droit à la demi-rente dont elle bénéficie depuis le 1 er avril 1997.  
L'arrêt attaqué expose correctement les dispositions légales et les principes jurisprudentiels relatifs à la révision de la rente (art. 17 al. 1 LPGA) et à l'évaluation de l'invalidité (art. 16 LPGA et art. 28a LAI), de même que ceux qui se rapportent aux tâches du médecin (cf. ATF 132 V 93 consid. 4) et à la libre appréciation des preuves médicales par le juge (cf. art. 61 let. c LPGA). Il suffit d'y renvoyer. Au surplus, l'arrêt attaqué rappelle que les modifications intervenues dans le cadre du "développement continu de l'AI", prenant effet au 1er janvier 2022 (RO 2021 705; FF 2017 2535), ne sont pas applicables au présent litige car la décision administrative a été rendue avant cette date (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.2.1). 
 
3.  
Les premiers juges ont constaté que l'état de santé de la recourante qui prévalait lors de l'octroi initial de la rente ne se distinguait pas sensiblement de celui qui a été documenté par l'expertise du CEML. A l'examen du rapport des docteurs C.________ et D.________, ils ont retenu que la capacité de travail était limitée essentiellement par une fibromyalgie et un état dépressif moyen qui, en interaction, provoquaient un important état douloureux et de fatigue à l'origine notamment de ralentissements psychomoteurs. Cette situation était pourtant largement similaire aux constatations du docteur B.________ réalisées en novembre 2001, où ce spécialiste reconnaissait, outre l'état dépressif, un trouble somatoforme indifférencié correspondant au diagnostic de fibromyalgie chez le médecin somaticien. Si les experts du CEML ont constaté que la capacité de travail s'est péjorée en raison de l'aggravation du statut rhumatologique, l'instance précédente a toutefois retenu que de telles circonstances ne permettaient pas encore d'établir, au degré de preuve requis, l'existence d'une aggravation de la symptomatologie douloureuse. En effet, en tant qu'ils admettaient une péjoration des troubles liés au syndrome de fibromyalgie, les experts ne corrélaient pas leurs constatations à des observations médicales concluantes et ne motivaient pas leurs conclusions à la lumière des indicateurs développés par la jurisprudence (cf. ATF 143 V 418 consid. 6 et 409 consid. 4, 142 V 106 consid. 3 et 127 V 294). En particulier, si les experts du CEML retenaient que cette atteinte était extrêmement évoluée, ils ne précisaient pas de façon circonstanciée en quoi ses répercussions fonctionnelles étaient aujourd'hui plus importantes qu'elles ne l'étaient à l'époque, où 18 points de fibromyalgie avaient déjà été observés. Le Tribunal administratif fédéral a retenu que le docteur C.________ s'est essentiellement référé aux signes douloureux manifestés lors de l'examen clinique ainsi qu'aux rapports médicaux portugais, alors qu'il s'agit-là de résultats non-objectivables relevant de l'appréciation de l'examinateur, qui ne semble pas être l'expression d'un état stationnaire mais d'une crise à laquelle la recourante était confrontée lors de l'expertise. Le tribunal a ajouté que les atteintes à la santé étaient restées largement identiques, les experts n'ayant pas précisé de manière suffisamment convaincante en quoi les éléments pertinents pour le diagnostic de fibromyalgie seraient actuellement plus prononcés qu'à l'époque de la décision initiale de rente, la recourante ayant elle-même nié, lors de l'examen psychiatrique, que ses crises de douleurs aient évolué au cours des dernières années. Dans ces conditions, les premiers juges ont admis que l'incapacité de travail retenue au plan rhumatologique par les spécialistes du CEML n'apparaissait pas suffisamment sûre pour se voir reconnaître une portée juridique, quand bien même l'expertise aurait été effectuée lege artis. L'évaluation des experts du CEML constituait ainsi plutôt une appréciation différente d'un état de santé resté pour l'essentiel inchangé. Comme le dossier ne mettait pas en évidence de circonstances impliquant de réviser le droit à la rente, la décision administrative devait être confirmée. 
 
4.  
La recourante se prévaut d'une constatation incomplète des faits. Elle soutient que des passages de l'expertise du CEML n'ont pas été cités intégralement dans l'arrêt attaqué, ce qui a conduit les premiers juges à admettre à tort que la situation médicale n'avait pas sensiblement changé entre 2001 et 2019. 
Par ailleurs, elle fait valoir que l'instance précédente a abusé de son pouvoir d'appréciation en ne suivant pas les conclusions du rapport d'expertise du CEML et son complément, selon lesquels elle présente une incapacité de travail totale sous l'angle rhumatologique. La recourante s'étonne que le Tribunal administratif fédéral se soit référé à la jurisprudence applicable en matière de troubles psychiques (cf. ATF 148 V 49), alors que l'aggravation de l'état de santé ne concerne que le volet rhumatologique. Contrairement aux premiers juges, elle est d'avis que les experts ont expliqué en quoi consistaient les changements au niveau fonctionnel sur la base de leurs constatations cliniques, dès lors qu'ils ont indiqué que la mobilisation dorso-lombaire était limitée et qu'il existait une désadaptation musco-squelettique globale chez l'assurée. A cet égard, elle cite plusieurs rapports médicaux mentionnant une aggravation de l'état de santé et des problèmes de mémoire, ainsi qu'une péjoration de la capacité de travail. Elle en déduit qu'il était arbitraire de conclure que l'état de santé existant à l'époque de l'octroi initial de la rente ne se distinguait pas sensiblement de celui documenté par le CEML. Le diagnostic rhumatologique (la fibromyalgie), avec ses limitations, aurait pris le dessus et impacterait davantage que le diagnostic psychiatrique (l'état dépressif). 
 
5.  
 
5.1. En tant qu'il porte sur le caractère incomplet de l'état de fait, le grief de la recourante est mal fondé. En effet, la juridiction précédente a fondé sa décision en connaissance du dossier médical auquel elle s'est référée à maintes reprises. Il n'était donc pas nécessaire qu'elle citât intégralement tous les passages de l'expertise du CEML.  
 
5.2. Par ailleurs, on ne saurait suivre la recourante lorsqu'elle s'étonne que le Tribunal administratif fédéral se soit référé à la jurisprudence applicable en matière de troubles psychiques. En effet, le diagnostic de fibromyalgie et son éventuel impact sur la capacité de travail doivent faire l'objet d'un examen global de l'état de santé de la personne assurée conforme à la jurisprudence, ainsi que les premiers juges l'ont rappelé (cf. ATF 141 V 281). La procédure d'administration des preuves qui prévaut en matière de troubles douloureux sans substrat organique et de troubles psychosomatiques analogues, à savoir au moyen de la grille d'indicateurs, est applicable à toutes les maladies psychiques (cf. ATF 143 V 418).  
 
6.  
 
6.1. A l'occasion d'une procédure de révision du droit à la demi-rente au sens de l'art. 17 al. 1 LPGA, il faut déterminer s'il existe une modification notable des circonstances propre à influencer le taux d'invalidité, c'est-à-dire un changement des circonstances de fait de nature à baisser ou à augmenter le taux d'invalidité (parmi d'autres: arrêt 8C_696/2022 du 2 juin 2023 consid. 3 et les références).  
 
6.2. Le docteur C.________, expert rhumatologue du CEML, a évoqué une péjoration de la symptomatologie douloureuse (voir les divers points du rapport d'expertise mis en exergue par la recourante devant le Tribunal fédéral). En précisant qu'il est impossible de donner une date exacte relative à l'évolution de cette pathologie, il a néanmoins relevé que la recourante en avait fait part à ses médecins portugais depuis l'année 2014, mais qu'elle avait aussi indiqué que les douleurs dataient au moins de 1994 et qu'elles avaient été exacerbées en 1996 (rapport du 24 juillet 2019 p. 33 ch. 8.1; consilium p. 67 ch. 4.7). Une comparaison de cette appréciation avec les constatations du docteur B.________ réalisées en 2001 (rapport du 23 novembre 2001 p. 31) ne permettrait pas d'admettre une modification notable de la situation au sens de l'art. 17 al. 1 LPGA. En effet, le docteur B.________ avait indiqué que la sévérité du trouble somatoforme indifférencié qu'il avait mis en évidence était difficile à évaluer (cet expert avait précisé que ce trouble correspond en général au diagnostic de fibromyalgie chez le médecin somaticien). De plus, le docteur F.________, spécialiste en médecine interne et en maladies rhumatismales, avait précédemment déjà observé 18 points de fibromyalgie (rapport du 9 juin 2000, p. 2).  
 
6.3. Cependant, dans son rapport complémentaire du 10 janvier 2020, l'expert C.________ a attesté des limitations fonctionnelles, indiquant que la mobilisation rachidienne dorso-lombaire est réduite et qu'il existe surtout une désadaptation musco-squelettique générale chez l'assurée. Il s'agit-là d'une situation nouvelle, de sorte qu'on ne saurait en déduire que les experts du CEML ont procédé à une nouvelle appréciation d'un état de santé resté pour l'essentiel inchangé. On ne peut pas dès lors exclure la survenance d'un motif de révision au sens de l'art. 17 al. 1 LPGA. Le rapport complémentaire du 10 janvier 2020, sommaire et non documenté sur ces derniers points, justifie la mise en oeuvre d'un complément d'instruction d'ordre orthopédique afin de savoir si la recourante dispose d'une capacité de travail dans une activité adaptée en raison de limitations fonctionnelles liée à une atteinte somatique. En ce sens, le recours sera admis et la cause renvoyée à l'intimé.  
 
7.  
L'intimé, qui succombe, supportera les frais de la procédure fédérale (art. 66 al. 1 LTF) ainsi que les dépens de la recourante (art. 68 al. 1 LTF). La cause sera renvoyée au Tribunal administratif fédéral pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure antérieure (art. 68 al. 5 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est partiellement admis. L'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 19 juillet 2022 ainsi que la décision de l'Office de l'assurance-invalidité pour les assurés résidant à l'étranger du 30 juin 2020 sont annulés, la cause étant renvoyée audit office pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision. Le recours est rejeté pour le surplus. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
3.  
L'intimé versera à la recourante une indemnité de dépens de 2'800 fr. pour la procédure fédérale. 
 
4.  
Le dossier est renvoyé au Tribunal administratif fédéral pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure précédente. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal administratif fédéral, Cour III, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 10 octobre 2023 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Berthoud