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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_116/2022  
 
 
Arrêt du 13 septembre 2022  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Hohl, Présidente, Kiss et Rüedi. 
Greffière: Mme Raetz. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Jean-Michel Duc, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________, 
représenté par Me Philippe Nordmann, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
responsabilité civile; taux de capitalisation, 
 
recours contre l'arrêt rendu le 1er février 2022 par la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud (CO08.021268-210383, 57). 
 
 
Faits :  
 
A.  
B.________ (ci-après: le lésé), né en 1993, a été victime d'un accident de la circulation le 21 janvier 2002. Alors qu'il traversait la chaussée en empruntant un passage pour piétons, il a été percuté par le véhicule conduit par C.________, assuré en responsabilité civile auprès de A.________ SA (ci-après: l'assurance). Le lésé a notamment subi un traumatisme crânio-cérébral avec fractures du crâne. 
Le 27 novembre 2006, le lésé a informé l'assurance qu'il n'y avait aucune évolution de son état de santé et qu'il paraissait ainsi possible de procéder à la liquidation du cas. Il a évoqué une liquidation en capital, avec une capitalisation à 2,5 %. 
Le 30 juin 2014, le lésé a obtenu une attestation fédérale de formation professionnelle mentionnant qu'il avait réussi la procédure de qualification d'assistant du commerce de détail AFP. 
 
B.  
 
B.a. Dans l'intervalle, le 14 juillet 2008, le lésé a saisi la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois d'une demande en paiement contre l'assurance d'un montant total de 818'131 fr. avec intérêts, pour différents postes de dommage.  
Des expertises judiciaires ont été mises en oeuvre. En particulier, le Dr D.________, spécialiste en médecine physique et réadaptation, a rendu son rapport le 16 octobre 2017. 
Le lésé a déposé un mémoire de droit le 13 septembre 2018 et un mémoire de droit II le 2 avril 2019. 
Le 2 avril 2019 également, l'assurance a déposé un mémoire de droit en concluant, au fond, au rejet de la demande. 
Par jugement du 20 septembre 2019, la Cour civile a condamné l'assurance à payer au lésé la somme totale (hors frais et dépens) de 156'711 fr. 90 avec intérêts, sous déduction des montants déjà versés pour une somme de 30'000 fr. plus intérêts. 
Par arrêt du 19 août 2020, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal vaudois a partiellement admis l'appel formé par le lésé et très partiellement admis l'appel joint interjeté par l'assurance. Elle a annulé le jugement et a renvoyé la cause à la Cour civile afin qu'elle rende une nouvelle décision dans le sens des considérants. Il convenait de procéder à un nouveau calcul de la perte de gain pour la période de 2014 à 2019, en tenant compte du salaire que le lésé aurait pu réaliser et non de salaires bas. Il y avait également lieu d'effectuer un nouveau calcul de la perte de gain future, puisque le salaire arrêté pour 2019 fonderait le revenu qui devait être pris en compte pour ce calcul. De plus, un taux de capitalisation de 2 %, et non de 3,5 %, devait être appliqué pour déterminer la perte de gain future. Enfin, la cour cantonale a confirmé, en particulier, le montant de 60'000 fr. alloué à titre de dommage lié aux frais de surveillance et d'aide des parents, lesquels avaient effectué le travail d'un répétiteur pour leur fils, faute d'avoir pu en trouver un, depuis l'accident jusqu'à la fin de sa formation en 2014. 
 
B.b. A la suite de l'arrêt de renvoi, la Cour civile a, par jugement du 19 janvier 2021, condamné l'assurance à payer au lésé la somme totale (hors frais et dépens) de 424'389 fr. 75 avec intérêts, sous déduction des montants déjà versés pour une somme de 30'000 fr. plus intérêts. Le montant total correspondait aux sommes de 47'401 fr. 90 à titre de perte de gain passée pour la période du 1er juillet 2014 au 30 septembre 2019, de 241'110 fr. 60 à titre de perte de gain future, de 50'877 fr. 20 à titre de perte sur rentes vieillesse futures, de 60'000 fr. à titre d'indemnité pour frais de surveillance et d'aide des parents et de 25'000 fr. à titre d'indemnité pour tort moral.  
 
B.c. Par arrêt du 1er février 2022, la Cour d'appel civile a rejeté l'appel formé par l'assurance à l'encontre de ce jugement et l'a confirmé. Elle a précisé que la date de bascule entre la perte de gain passée et future devait être fixée à la date du second jugement, soit au 19 janvier 2021 et non au 30 septembre 2019, mais a renoncé à réformer le jugement sur ce point, puisque cela aurait entraîné une augmentation des indemnités que l'assurance serait tenue de verser au lésé, et ainsi une reformatio in pejus.  
 
C.  
L'assurance (ci-après: la recourante) a exercé un recours en matière civile et un recours constitutionnel subsidiaire au Tribunal fédéral contre cet arrêt. Elle a conclu à sa réforme en ce sens qu'elle soit condamnée à verser au lésé (ci-après: l'intimé) la somme totale de 288'355 fr. Celle-ci comprenait les montants de 59'391 fr. à titre de perte de gain passée (telle que calculée par la Cour d'appel civile, sans pour autant réformer le jugement), de 188'488 fr. à titre de perte de gain future, de 26'201 fr. à titre de perte sur rentes vieillesse futures, de 25'000 fr. à titre d'indemnité pour tort moral, ainsi qu'une somme à titre d'intérêts jusqu'au 31 mars 2022 pour la perte de gain passée et le tort moral. Les montants déjà versés de 30'000 fr., avec intérêts, étaient déduits. Subsidiairement, la recourante a conclu à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la Cour d'appel civile pour nouvelle décision dans le sens des considérants. La recourante a contesté le taux de capitalisation de 2 % fixé par la cour cantonale, ainsi que le versement de dommages-intérêts à hauteur de 60'000 fr. à titre d'indemnité pour frais de surveillance et d'aide des parents. 
Dans sa réponse, l'intimé a conclu à l'irrecevabilité des recours, subsidiairement à leur rejet. Il a produit différents communiqués de presse de l'Association Suisse d'Assurances ASA concernant le taux d'intérêt minimal LPP. Il a également déposé un document établi le 14 février 2019 par l'Office fédéral de la santé publique communiquant la baisse du taux d'intérêt technique à 1,5 % pour toutes les rentes de l'assurance-accidents obligatoire dès le 1er janvier 2020. 
La cour cantonale s'est référée à son arrêt. 
La recourante a déposé une réplique spontanée, suscitant une duplique de l'intimé. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le recours au Tribunal fédéral est en principe recevable contre les décisions finales (art. 90 LTF) ou partielles (art. 91 LTF).  
La décision finale est celle qui met un terme à l'instance. La décision partielle, contre laquelle un recours doit également être interjeté d'emblée, est celle qui statue sur un objet dont le sort est indépendant de celui qui reste en cause (art. 91 let. a LTF) ou met fin à la procédure à l'égard d'une partie des consorts (art. 91 let. b LTF). Si elle ne met pas totalement fin à la procédure devant l'instance inférieure, la décision partielle statue définitivement sur une ou plusieurs des conclusions en cause (cumul objectif ou subjectif d'actions). Il doit s'agir de prétentions distinctes, et non pas seulement de diverses questions de droit matériel se rapportant à la même prétention (ATF 135 III 212 consid. 1.2.1). L'indépendance au sens de l'art. 91 let. a LTF signifie, d'une part, que la partie des conclusions faisant l'objet de la décision en cause aurait pu, théoriquement, donner lieu à un procès séparé et, d'autre part, que la décision attaquée tranche définitivement une partie du litige, sans qu'il n'existe de risque de contradiction entre la décision finale sur les conclusions restant à juger et la décision partielle déjà entrée en force (ATF 146 III 254 consid. 2.1.1; 141 III 395 consid. 2.4; 135 III 212 consid. 1.2.2 et 1.2.3). 
Les décisions qui ne sont ni finales ni partielles d'après ces critères sont des décisions incidentes. Ces dernières, sous réserve des cas prévus à l'art. 92 LTF, ne doivent pas faire l'objet d'un recours immédiat, mais peuvent être attaquées, s'il y a lieu, avec la décision finale qu'elles précèdent (art. 93 al. 3 LTF). 
 
1.2. En l'occurrence, les conclusions soumises au Tribunal fédéral sont dirigées contre l'arrêt du 1er février 2022 de la cour cantonale, tandis que la motivation présentée tend aussi à invalider l'arrêt que cette autorité a rendu le 19 août 2020.  
Le plus récent arrêt de la cour cantonale est une décision finale susceptible de recours selon l'art. 90 LTF
Par arrêt du 19 août 2020, la cour cantonale a statué définitivement sur les prétentions du lésé en paiement d'une indemnité pour frais de surveillance et d'aide de ses parents. Cette indemnité d'un montant de 60'000 fr. a trait à l'aide et au travail qui ont été fournis par les parents, faute d'avoir pu trouver un répétiteur pour le lésé. Le renvoi décidé par la cour cantonale ne porte pas sur ce point, mais uniquement sur le calcul de la perte de gain. La décision prise définitivement sur l'indemnité précitée ne constitue pas une décision préalable nécessaire pour statuer sur la perte de gain. Le sort de cette indemnité est indépendant de celui qui reste en cause. Ainsi, s'agissant du paiement de cette indemnité, l'arrêt du 19 août 2020 est une décision partielle au sens de l'art. 91 let. a LTF. Elle n'a pas fait l'objet d'un recours au Tribunal fédéral dans le délai utile, de sorte qu'elle a acquis force de chose jugée. Elle ne peut donc plus être attaquée dans le présent recours. Les conclusions et les arguments soulevés par la recourante à ce sujet sont dès lors irrecevables. 
En revanche, en tant qu'il renvoie la cause à la Cour civile afin qu'elle procède à un nouveau calcul de la perte de gain, l'arrêt du 19 août 2020 est une décision incidente. Elle peut être attaquée avec la décision finale du 1er février 2022, puisqu'elle a une influence évidente sur le contenu de celle-ci (art. 93 al. 3 LTF). Dès lors, l'intimé ne saurait soutenir que l'application d'un taux de capitalisation de 2 % pour le calcul de la perte de gain serait " une chose jugée ", faute de recours immédiat au Tribunal fédéral sur ce point. Par ailleurs, il importe peu que la recourante n'ait pas pris de conclusions formelles en lien avec la décision incidente (cf. art. 42 al. 1 LTF), dès lors que celle-ci fait l'objet de griefs suffisamment motivés en droit (arrêt 4A_553/2020 du 16 février 2021 consid. 1). 
 
1.3. Les décisions attaquées ont été rendues en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) dans le cadre d'une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 30'000 fr. fixé à l'art. 74 al. 1 let. b LTF. Partant, seul le recours en matière civile est ouvert, à l'exclusion du recours constitutionnel subsidiaire, lequel s'avère irrecevable (art. 113 LTF).  
 
1.4. Pour le surplus, les autres conditions de recevabilité du recours en matière civile sont réalisées sur le principe, notamment celles afférentes au délai de recours (art. 100 al. 1 LTF).  
 
2.  
 
2.1. Le recours peut être formé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Eu égard, toutefois, à l'exigence de motivation qu'impose l'art. 42 al. 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), il n'examine que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes (ATF 140 III 115 consid. 2).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). " Manifestement inexactes " signifie ici " arbitraires " (ATF 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
 
2.3. Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF). Cette exception vise les faits qui sont rendus pertinents pour la première fois par la décision attaquée; peuvent notamment être introduits des faits nouveaux concernant le déroulement de la procédure devant l'instance précédente, afin d'en contester la régularité (par exemple une violation du droit d'être entendu lors de mesures probatoires) ou encore des faits postérieurs à l'arrêt attaqué permettant d'établir la recevabilité du recours (ATF 139 III 120 consid. 3.1.2; 136 III 123 consid. 4.4.3; arrêt 4A_434/2021 du 18 janvier 2022 consid. 2.2 et les références). En revanche, le recourant - ou l'intimé - ne saurait introduire des faits ou moyens de preuve qu'il a négligé de soumettre aux autorités cantonales (ATF 136 III 123 consid. 4.4.3).  
 
2.4. Les différentes pièces produites par l'intimé, et les faits qu'elles attestent, ne ressortent pas de l'état de fait de l'arrêt attaqué, alors que le Tribunal fédéral doit se fonder sur la base des faits constatés par l'instance précédente. De plus, ils ne relèvent manifestement pas de l'exception prévue à l'art. 99 al. 1 LTF. Quoi qu'il en soit, ces éléments ne sont pas déterminants pour l'issue du litige (cf. consid. 6 infra).  
 
3.  
L'intimé soutient que les recours interjetés par la recourante sont irrecevables car ils omettent de contester le " point principal " de l'arrêt du 1er février 2022, lequel prononçait aux considérants 4.2 et 4.3 " l'irrecevabilité de l'appel ", dans une motivation alternative. 
 
3.1. Sous le considérant 4, la cour cantonale a analysé le premier grief de l'assurance, laquelle soutenait que la répartition des complications médicales subies par le lésé - selon la proportion de 40 % due à l'état antérieur et 60 % due à l'accident de 2002 - n'avait pas été appliquée à la répartition du dommage. L'assurance faisait valoir que les indemnités allouées à titre de perte de gain passée et future, à titre de perte de rentes vieillesse futures et à titre de frais de surveillance et d'aide devaient être supprimées. A titre subsidiaire, l'assurance soutenait que l'autorité intimée n'aurait dû mettre à sa charge qu'une proportion de 60 % calculée sur les indemnités en question. Les juges cantonaux ont relevé que dans les parties de son mémoire traitant de ces postes, l'assurance n'avait pas chiffré les montants en question. Ils ont ajouté qu'elle n'avait pris aucune conclusion subsidiaire tendant au versement d'une indemnité en perte de gain passée ou future en faveur du lésé, ni de conclusion en relation avec une indemnité pour perte de rentes vieillesse futures, ni concernant une indemnité pour des frais de surveillance et d'aide. L'assurance avait uniquement conclu à être condamnée au versement d'une indemnité en tort moral de 25'000 fr. Ainsi, selon les juges cantonaux, faute pour l'assurance d'avoir pris des conclusions formelles à ce titre, il n'y avait pas lieu d'entrer en matière sur les parties de son mémoire d'appel traitant de ce grief subsidiaire. A supposer recevable, le moyen devait quoi qu'il en soit être rejeté car la proportion en cause n'avait pas vocation à s'appliquer sur le montant des indemnités à allouer. Ensuite, dans les considérants 5 et suivants, les juges cantonaux ont traité des autres griefs de l'assurance.  
 
3.2. Ainsi, il ressort des explications de la cour cantonale, de même que de la structure de son arrêt, qu'elle a jugé irrecevable le moyen de l'assurance selon lequel seule la proportion de 60 % des indemnités précitées devait être mise à sa charge. Contrairement à ce que soutient l'intimé, la cour cantonale n'a pas déclaré l'entier de l'appel irrecevable, mais uniquement ce moyen-ci. Dans le présent recours, la recourante ne formule plus d'arguments en lien avec la réduction précédemment alléguée. Dès lors, on ne saurait lui reprocher de ne pas avoir discuté le raisonnement des juges cantonaux à cet égard.  
 
4.  
Devant le Tribunal fédéral, seule demeure litigieuse - et recevable (cf. consid. 1.2 supra) - la question du taux de capitalisation de 2 % fixé par la cour cantonale pour le calcul de la perte de gain future et de la perte sur rentes vieillesse futures.  
 
5.  
Tout d'abord, la recourante reproche à l'instance précédente d'avoir établi les faits de manière manifestement inexacte sur plusieurs points en lien avec ce taux. Il n'y a toutefois pas lieu d'analyser ce grief, au vu de l'issue du litige (cf. consid. 6 infra). Il en va de même s'agissant de la prétendue violation de son droit d'être entendue (art. 29 al. 2 Cst. et 6 par. 1 CEDH). Pour la même raison, n'a pas non plus à être discutée une prétendue " violation des art. 55 et 150 CPC ", dans la mesure où les juges cantonaux auraient pris en compte un taux de capitalisation de 2 % invoqué tardivement par le lésé selon le droit de procédure civile vaudoise alors applicable.  
 
6.  
La recourante se prévaut encore d'une violation des art. 62 LCR et 46 CO. Elle soutient que la cour cantonale a appliqué, dans le cadre du calcul du dommage futur, un taux de capitalisation de 2 % au lieu du taux de 3,5 % retenu par la jurisprudence constante. 
 
6.1. Dans l'ATF 125 III 312, le Tribunal fédéral a confirmé le taux de capitalisation de 3,5 % appliqué depuis 1946. Depuis lors, il a employé ce taux à plusieurs reprises (cf. les arrêts cités dans l'arrêt 4A_254/2017 du 9 avril 2018 consid. 3.1; cf. également arrêt 4A_437/2017 du 14 juin 2018 consid. 6.2.1). Plus récemment, le Tribunal fédéral a appliqué le taux de capitalisation de 3,5 % pour le calcul de la perte de soutien à la suite d'un décès; il s'agissait alors d'estimer les rendements de la fortune dans le passé, de 2006 à 2020 (arrêt 4A_389/2020 du 18 mai 2021 consid. 10.8.3.2 non publié in ATF 147 III 402).  
 
6.2. Selon une jurisprudence constante, un changement de jurisprudence ne peut notamment se justifier que lorsqu'il apparaît que les circonstances ou les conceptions juridiques ont évolué ou qu'une autre pratique respecterait mieux la volonté du législateur. Les motifs du changement doivent être objectifs et d'autant plus sérieux que la jurisprudence est ancienne, afin de ne pas porter atteinte sans raison à la sécurité du droit (ATF 147 III 14 consid. 8.2; ATF 144 III 175 consid. 2). En l'occurrence, il faut tenir compte du fait que le besoin de sécurité du droit est particulièrement important dans le domaine du calcul du dommage (ATF 125 III 312 consid. 7).  
 
6.3. La question du taux de capitalisation n'appelle pas exclusivement un débat juridique, mais doit être résolue en fonction des circonstances économiques déterminantes (ATF 125 III 312 consid. 4; arrêt 4A_599/2018 du 26 septembre 2019 consid. 3.4). Dans sa jurisprudence, le Tribunal fédéral s'est opposé à un examen " au cas par cas ", eu égard à la prévisibilité et à la sécurité du droit (arrêts 4A_254/2017 précité consid. 3.3; 4A_260/2014 du 8 septembre 2014 consid. 7 ss). La question de savoir quand les conditions d'un changement de pratique seraient réunies, à savoir qu'il existe des indices suffisamment sûrs qu'un rendement réel de 3,5 % sur les indemnités en capital n'est pas réalisable dans un avenir prévisible et qu'il est possible d'affirmer avec suffisamment de certitude que le taux d'intérêt de capitalisation en vigueur depuis 1946 n'est plus compatible avec le principe de la réparation intégrale du dommage (ATF 125 III 312 consid. 7) ne peut être résolue que sur la base d'une appréciation de l'ensemble des circonstances (arrêt 4A_254/2017 précité consid. 3.3).  
Il appartient à celui qui se prévaut d'un taux différent de celui de 3,5 % appliqué jusqu'alors de présenter des allégations relatives aux circonstances économiques déterminantes (cf. arrêts précités 4A_599/2018 consid. 3.4; 4A_260/2014 consid. 7.2). 
 
6.4. En l'occurrence, en première instance, dans son mémoire de droit II, le lésé a invoqué l'application d'un taux de capitalisation de 2 % au lieu du taux traditionnel de 3,5 %. Outre quelques avis doctrinaux plaidant pour une baisse de ce taux de capitalisation, le lésé a mentionné ce qui suit: " ces dernières années même les banques et les assurances n'obtiennent guère mieux que 1 % à 2 % pour des placements sûrs; en tout cas en 2019, un placement à 2 % doit être considéré comme excellent (fait notoire) par comparaison avec le taux minimal de rémunération des avoirs LPP de 1 %, et surtout avec les taux durablement négatifs imposés même aux caisses de pensions ". Dans son jugement du 20 septembre 2019, la Cour civile a appliqué un taux de 3,5 %. Le lésé a interjeté appel, en se prévalant du taux de 2 % qu'il avait requis dans son mémoire de droit II. En réponse à cet appel, l'assurance a fait valoir que le lésé n'avait présenté aucune allégation en lien avec les circonstances économiques déterminantes.  
Contrairement à ce que soutient le lésé, l'assurance n'avait pas à former un appel joint sur la question du taux de capitalisation, dès lors que dans son jugement du 20 septembre 2019, la Cour civile avait retenu le taux de 3,5 % admis par l'assurance. On doit constater, à l'instar de cette dernière, que le lésé n'a pas satisfait à son devoir d'allégation. En particulier, il n'a pas démontré que l'adaptation du taux à 2 % invoquée n'est pas une conséquence de la situation économique actuelle ou passée, mais qu'il s'agit d'une modification durable, qui tend à s'inscrire sur le long terme (cf. arrêt précité 4A_260/2014 consid. 7, spéc. consid. 7.2). Il ne suffit pas de mentionner des " taux durablement négatifs ". Par ailleurs, au considérant 7 de ce dernier arrêt, le Tribunal fédéral a déjà relevé que l'invocation de la baisse actuelle ou passée du taux d'intérêt minimal LPP ou du rendement des placements, notamment, n'était pas suffisante. Pour le surplus, dans sa réponse au présent recours, le lésé ne détaille pas non plus adéquatement en quoi il aurait, en temps utile, soit devant l'autorité de première instance, satisfait à son devoir d'allégation. 
Les explications de la cour cantonale justifiant de retenir le taux de 2 % sont très brèves. Elle se limite à faire référence à " l'ouverture opérée par le Tribunal fédéral " dans son arrêt 4A_254/2017 précité, pour en déduire que le taux de capitalisation de 2 % " requis et motivé par le lésé en première instance " devait s'appliquer. Comme le relève la recourante, les juges cantonaux n'ont pas motivé plus amplement les raisons pour lesquelles ils ont admis de modifier le taux de capitalisation de 3,5 % appliqué jusqu'alors, ni indiqué pourquoi il se justifiait de fixer ce taux à 2 %. Ils n'ont pas analysé les circonstances économiques déterminantes. L'arrêt du Tribunal fédéral précité n'a notamment pas affirmé que le taux devait être d'emblée modifié et fixé à 2 %, sans aucun examen. 
En somme, le lésé n'a pas suffisamment démontré l'existence de motifs importants justifiant un changement de jurisprudence. La cour cantonale n'était pas fondée à retenir, sur la base des allégations insuffisantes du lésé, un taux de 2 %. Elle aurait dû confirmer le taux de 3,5 % appliqué par l'autorité de première instance. 
La cour cantonale, faisant suite à l'argument de l'assurance, a retenu qu'il y avait lieu de fixer la date de bascule entre la perte de gain passée et future le 19 janvier 2021. Il convenait donc de tenir compte d'un montant du dommage lié à la perte de gain passée jusqu'au 31 janvier 2021, et dès le 1er février 2021 pour celui lié à la perte de gain future ainsi qu'à la perte de rentes vieillesse futures (arrêt du 1er février 2022 de la cour cantonale, consid. 8, spéc. 8.3). Ce point est admis par la recourante dans son mémoire de recours. Il convient donc de renvoyer la cause à l'instance précédente, afin qu'elle fixe le montant du dommage lié à la perte de gain future dès le 1er février 2022 et à la perte de rentes vieillesse futures, en tenant compte d'un taux de capitalisation de 3,5 %. Même si le calcul de la recourante ne comprend pas d'intérêts pour ces deux postes, elle ne justifie pas les raisons pour lesquelles elle s'écarte à cet égard de la solution retenue par les juges précédents. Faute de motivation topique, il n'y a pas lieu d'examiner ce point et il conviendra d'appliquer un taux d'intérêt moratoire de 5 % à ces sommes, tel que retenu précédemment. Par ailleurs, il appartiendra à la cour cantonale de statuer sur les frais et dépens des instances cantonales. 
 
7.  
En définitive, le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable. Le recours en matière civile, quant à lui, doit être admis, dans la mesure où il est recevable. L'arrêt attaqué est annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale afin qu'elle rende une nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Dès lors que la recourante obtient gain de cause uniquement sur sa conclusion subsidiaire de renvoi, il se justifie de répartir les frais judiciaires, par estimation, à raison de 1/4 à sa charge et de 3/4 à la charge de l'intimé (art. 66 al. 1 LTF). L'émolument judiciaire, arrêté à 5'500 fr., est imputé à hauteur de 1'375 fr. à la recourante et de 4'125 fr. à l'intimé. La charge des dépens, évaluée à 6'500 fr. tant pour la recourante que pour l'intimé, doit être répartie dans la même proportion (art. 68 al. 1 LTF). L'intimé doit verser 4'875 fr. et recevoir 1'625 francs. Après compensation, le solde à sa charge s'élève à 3'250 francs. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable. 
 
2.  
Le recours en matière civile est admis, dans la mesure où il est recevable. L'arrêt attaqué est annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale afin qu'elle rende une nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'500 fr., sont mis pour 1'375 fr. à la charge de la recourante et pour 4'125 fr. à la charge de l'intimé. 
 
4.  
L'intimé versera à la recourante une indemnité de 3'250 fr. à titre de dépens. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 13 septembre 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Hohl 
 
La Greffière : Raetz