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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1B_637/2022  
 
 
Arrêt du 26 janvier 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux 
Müller, Juge présidant, Chaix et Kölz. 
Greffière : Mme Arn. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Philippe Currat, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de l'Etat de Fribourg, 
place Notre-Dame 4, 1701 Fribourg. 
 
Objet 
Procédure pénale; mesures de substitution à la détention provisoire, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg du 11 novembre 2022 (502 2022 250). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 11 juillet 2021, A.________ a été arrêté, puis placé en détention provisoire jusqu'au 9 septembre 2021, par décision du 14 juillet 2021 du Tribunal des mesures de contrainte du canton de Fribourg (Tmc). Le prénommé est prévenu de crime contre la loi fédérale sur les stupéfiants du 3 octobre 1951 (LStup; RS 812.121), lésions corporelles simples, agression, dommages à la propriété, escroquerie, contrainte et opposition aux actes de l'autorité. Il est en particulier soupçonné de s'adonner à un trafic important de marijuana et de haschisch. 
Le prénommé a été condamné, le 10 décembre 2020, par le Tribunal des mineurs de la République et canton de Genève à une peine de 11 mois pour vol, violation de domicile, brigandage muni d'une arme, brigandage (commis à réitérées reprises), séquestration, dommages à la propriété, induction de la justice en erreur, délit contre la loi fédérale sur les armes et délits contre les stupéfiants. 
La détention provisoire de A.________ a été prolongée une première fois jusqu'au 9 décembre 2021, puis une seconde fois jusqu'au 9 janvier 2022 (décision du Tmc du 20 décembre 2021). 
 
B.  
A.________ a été libéré le 5 janvier 2022 moyennant le prononcé de mesures de substitution avalisées par le Tmc la veille et ordonnées jusqu'au 5 juillet 2022. Ces mesures - destinées à pallier le risque de récidive - étaient les suivantes: (1) obligation pour le prévenu de maintenir son domicile chez ses parents et de n'en changer qu'après avis préalable du Service de probation et d'insertion du canton de Genève (ci-après: SPI); (2) obligation de poursuivre son suivi thérapeutique dans le prolongement du traitement ambulatoire ordonné par le Tribunal des mineurs du canton de Genève le 10 décembre 2020; (3) obligation de reprendre une formation, un apprentissage ou un travail et de le conserver dans la mesure du possible; (4) obligation de suivre les entretiens réguliers qui lui seront fixés par le SPI, auquel il appartenait de vérifier le contrôle du respect par le prévenu de ses obligations, d'en rapporter régulièrement au ministère public du canton de Fribourg (ci-après: le ministère public) et au Tmc, ainsi que de les informer de tout manquement; (5) enfin, interdiction de contacter, directement ou par l'intermédiaire de tiers, les personnes impliquées dans les faits de la cause. 
Ces mesures de substitution ont été prolongées par le Tmc le 12 juillet 2022 jusqu'au 5 octobre 2022, en raison du risque de réitération. 
 
C.  
Précédemment, le 3 janvier 2022, A.________ a recouru auprès de la Chambre pénale du Tribunal cantonal (ci-après: le Tribunal cantonal ou la cour cantonale) contre la décision du Tmc du 20 décembre 2021 prolongeant sa détention provisoire jusqu'au 9 janvier 2022; il concluait, outre à sa libération immédiate, à ce que l'illicéité de sa détention à compter du 18 décembre 2021 soit constatée et qu'une indemnisation lui soit allouée. Toujours le 3 janvier 2022, le prénommé a déposé un recours pour déni de justice, en concluant à ce qu'il soit constaté que le Tmc n'avait pas statué sur sa demande de mise en liberté du 21 décembre 2021 dans le délai légal. 
Par arrêt du 19 janvier 2022, la cour cantonale a rejeté le recours du 3 janvier 2022 contre la décision du 20 décembre 2021, dans la mesure où il conservait encore un objet; elle a en revanche partiellement admis le recours pour déni de justice, constatant que le ministère public n'avait pas transmis la demande de libération du 21 décembre 2021 de A.________ au Tmc dans le délai de trois jours de l'art. 228 al. 2 CPP
Le 21 janvier 2022, le prévenu a formé recours contre cet arrêt cantonal auprès du Tribunal fédéral (cause 1B_79/2022), qui l'a rejeté par arrêt du même jour que le présent prononcé. 
 
D.  
Le 30 septembre 2022, le ministère public a sollicité du Tmc la prolongation des mesures de substitution pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 5 janvier 2023. A.________ s'y est opposé le 10 octobre 2022, invoquant une violation du principe de célérité par le ministère public et relevant que les motifs invoqués par ce dernier ne pouvaient pas justifier une prolongation d'une mesure de contrainte. 
Par ordonnance du 17 octobre 2022, le Tmc a prolongé les mesures de substitution jusqu'au 5 janvier 2023, en raison du risque de réitération. Cette ordonnance a été confirmée, sur recours du prévenu, par arrêt du 11 novembre 2022 du Tribunal cantonal. 
 
E.  
Par acte du 14 décembre 2022, A.________ forme un recours en matière pénale, par lequel il demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt précité et, subsidiairement, de renvoyer la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision au sens des considérants. Il sollicite par ailleurs l'assistance judiciaire. 
Le ministère public et la cour cantonale indiquent ne pas avoir d'observations à formuler sur le recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est ouvert contre une décision relative aux mesures de substitution à la détention provisoire au sens de l'art. 237 CPP. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF, le recourant a qualité pour recourir contre l'arrêt entrepris qui confirme les mesures de substitution ordonnées à son encontre. Les autres conditions de recevabilité sont réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le recours. 
 
2.  
Le recourant soutient que la demande de prolongation de la détention formée le 30 septembre 2022 par le ministère public ne serait pas motivée et que le Tmc ne pourrait pas combler cette lacune de ladite demande de prolongation. Il invoque à cet égard une violation de son droit d'être entendu en tant qu'il n'a pas pu se prononcer le 10 octobre 2022 sur l'existence d'un risque mentionné à l'art. 221 CPP dès lors que la demande de prolongation n'était pas motivée. L'arrêt cantonal devrait par conséquent être annulé. 
 
2.1. Tel qu'il est garanti à l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1; 135 II 286 consid. 5.1; 129 II 497 consid. 2.2 et les arrêts cités).  
 
2.2. La critique du recourant est vaine. Comme relevé par l'instance précédente, si le ministère public n'a pas expressément précisé dans sa demande du 30 septembre 2022 que le maintien des mesures de substitution prononcées visait à palier le risque de récidive, une telle conclusion pouvait sans équivoque être déduite du fait que ces mesures avaient initialement été ordonnées exclusivement dans ce but, qu'elles avaient été prolongées dans ce but (cf. décision du Tmc du 12 juillet 2022) et que le ministère public en demandait à nouveau la prolongation. Le ministère public faisait en outre référence au rapport du 26 septembre 2022 du SPI du canton de Genève, qui devait l'informer régulièrement du contrôle des mesures de substitution ordonnées afin de palier le danger de récidive.  
Quoi qu'il en soit, le recourant se méprend lorsqu'il affirme que le Tmc aurait outrepassé ses compétences en avalisant la demande de prolongation du ministère public en raison du risque de récidive, qu'il ne conteste au demeurant pas. Le recourant méconnaît en effet que le Tmc, tout comme la cour cantonale, sont libres de retenir un autre motif de détention que celui ou ceux invoqués par le ministère public (cf. DANIEL LOGOS, in Jeanneret/Kuhn/Perrier Depeursinge [éd.], Commentaire romand CPP, 2 e éd. 2019, n° 11 ad art. 226 CPP; Moreillon/Parein-Reymond, Petit commentaire, Code de procédure pénale suisse, 2e éd. 2016, n° 8 ad art. 226 CPP; FREI/ZUBERBÜHLER ELSÄSSER, in Donatsch/Lieber/Summers/Wohlers [éd.], Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung, 3e éd. 2020, n° 8 ad art. 226 CPP; MARC FORSTER, in Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2e éd. 2014, n° 4 ad art. 226 CPP; cf. également arrêts 1B_202/2018 du 15 mai 2018 consid. 2.1 et 1B_460/2013 du 22 janvier 2014 consid. 3.1). Par ailleurs, une éventuelle violation du droit d'être entendu du recourant aurait dans tous les cas été réparée devant la cour cantonale qui dispose d'un plein pouvoir de cognition (cf. art. 393 al. 2 CPP). Les griefs tirés d'une violation du droit d'être entendu et de l'art. 221 CPP doivent être écartés.  
 
3.  
Le recourant fait ensuite grief à l'instance précédente de ne pas avoir retenu une violation du principe de célérité par le ministère public. Il fait pour l'essentiel grief à ce dernier d'avoir suspendu de fait l'instruction de la cause, au motif que le dossier se trouvait auprès du Tribunal fédéral. Le recourant ajoute que les derniers actes d'instruction seraient une audition datant du 6 décembre 2021 et un avis de prochaine clôture d'instruction du 7 décembre 2021 concernant certains faits qui lui seraient reprochés. Le recourant se fonde ici sur deux éléments de fait (audition du 6 décembre 2021 et avis du 7 décembre 2021), non constatés par l'arrêt cantonal. Il n'invoque toutefois pas ni ne démontre l'arbitraire de l'omission de ces faits, faisant ainsi fi des exigences de motivation en matière d'arbitraire dans l'établissement des faits (art. 106 al. 2 LTF; cf. ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266 et les arrêts cités). Il n'en sera dès lors pas tenu compte. 
 
3.1. Concrétisant le principe de célérité consacré à l'art. 29 al. 1 Cst., l'art. 5 CPP impose aux autorités pénales d'engager les procédures pénales sans délai et de les mener à terme sans retard injustifié (al. 1), la procédure devant être conduite en priorité lorsqu'un prévenu est placé en détention (al. 2). L'incarcération peut être considérée comme disproportionnée en cas de retard injustifié dans le cours de la procédure pénale. Selon la jurisprudence, il doit toutefois s'agir d'un manquement particulièrement grave, faisant au surplus apparaître que l'autorité de poursuite n'est plus en mesure de conduire la procédure à chef dans un délai raisonnable (ATF 140 IV 74 consid. 3.2; 128 I 149 consid. 2.2.1). Cette jurisprudence peut en principe être transposée aux mesures de substitution, en tenant compte du fait que lesdites mesures supposent une atteinte moindre aux droits fondamentaux que la détention provisoire et qu'une plus grande retenue est ainsi exigée au moment de lever les mesures de substitution. Moins ces mesures constituent une entrave pour le prévenu, plus la violation du principe de célérité doit être grave pour que leur levée se justifie (ATF 140 IV 74 consid. 3.2).  
Le caractère raisonnable de la durée d'une procédure pénale s'apprécie selon les circonstances particulières de la cause, eu égard en particulier à la complexité de l'affaire, au comportement du requérant et à celui des autorités compétentes, ainsi qu'à l'enjeu du litige pour l'intéressé (ATF 133 I 270 consid. 3.4.2). 
 
3.2. En l'espèce, la cour cantonale a constaté que, quand bien même un manque de diligence pourrait être reproché au ministère public, la violation du principe de célérité n'atteindrait pas la gravité suffisante pour justifier à elle seule la levée des mesures de substitution, que le recourant qualifie lui-même de particulièrement peu incisives. Au demeurant, la cour cantonale a retenu que la cause n'était effectivement pas dépourvue d'une certaine complexité et que le fait que le dossier se trouvait au Tribunal fédéral retardait sans doute quelque peu son traitement, même si l'instruction n'était pas formellement suspendue. La cour cantonale a estimé que, dans ces conditions, la décision du ministère public de différer la mise sur pied d'une audition finale n'était pas inadmissible.  
 
3.3. Le recourant conteste l'appréciation de l'instance précédente. Il fait pour l'essentiel grief au ministère public d'avoir suspendu de fait l'instruction de la cause, au motif que le dossier se trouvait auprès du Tribunal fédéral. Certes, le recours en matière pénale déposé auprès du Tribunal fédéral le 14 février 2022 par le recourant n'entraîne pas une suspension de l'instruction pénale par le ministère public, comme le souligne à juste titre le recourant. Cela étant, comme relevé par l'instance précédente, quand bien même un manque de diligence pourrait être reproché sur ce point au ministère public, la violation du principe de célérité n'atteindrait pas en l'espèce la gravité suffisante pour remettre en cause la légalité des mesures de substitution ordonnées, mesures que le recourant a d'ailleurs lui-même qualifiées de "particulièrement peu incisives". On ne saurait en particulier considérer que le ministère public ne serait pas capable de conduire la procédure à chef dans un délai raisonnable. Cela semble d'autant moins être le cas que le recourant n'a pas allégué avoir invité le ministère public à accélérer l'instruction de la cause depuis sa libération avec des mesures de substitution le 5 janvier 2022, ni a fortiori invoqué de déni de justice sur ce point. Le ministère public a par ailleurs souligné qu'il fixerait une dernière audition du recourant en début d'année 2023.  
Dans ce contexte, il sied encore de relever, avec l'instance précédente, que la cause présente une certaine complexité. Le recourant ne cherche d'ailleurs pas concrètement à démontrer le contraire. Sur ce point, il ressort du dossier, en particulier des ordonnances du Tmc des 20 décembre 2021 et 17 octobre 2022, que l'instruction à l'encontre du recourant vise plusieurs infractions (crime contre la LStup, lésions corporelles simples, agression, dommages à la propriété, escroquerie, contrainte et opposition aux actes de l'autorité), dont en particulier un important trafic de stupéfiants (portant sur de nombreux kilogrammes de haschich et de marijuana) avec importation de drogue depuis l'étranger et impliquant une bande avec une organisation échelonnée; selon les faits reprochés au recourant, celui-ci aurait, non seulement agi lui-même, mais aurait aussi été à la tête d'une équipe de revendeurs; il aurait par ailleurs utilisé plusieurs comptes "Snapchat" pour son activité et aurait disposé de plusieurs appartements pour stocker et revendre sa marchandise. 
Ainsi, compte tenu de ce qui précède et de l'ampleur des faits reprochés au recourant, on ne distingue pas, à ce stade, de violation grave du principe de célérité. Eu égard à l'art. 5 al. 2 CPP, le ministère public ne manquera toutefois pas d'accorder une attention particulière à ce principe et veillera à organiser au plus vite l'audition du recourant, ainsi que la suite de la procédure. 
 
3.4. Sur le vu des considérations précédentes, la cour cantonale pouvait, sans violer le droit fédéral, confirmer les mesures de substitution ordonnées par le Tmc.  
 
4.  
Il s'ensuit que le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
Le recourant a demandé l'octroi de l'assistance judiciaire (art. 64 al. 1 LTF). Son recours n'était pas d'emblée dénué de chances de succès et cette requête doit être admise. Il y a lieu de désigner Me Philippe Currat en tant qu'avocat d'office du recourant et de lui allouer une indemnité à titre d'honoraires, laquelle sera supportée par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires, ni alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
La requête d'assistance judiciaire est admise. Me Philippe Currat est désigné comme avocat d'office du recourant et une indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. 
 
3.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public de l'Etat de Fribourg et à la Chambre pénale du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg. 
 
 
Lausanne, le 26 janvier 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Müller 
 
La Greffière : Arn