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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_176/2023  
 
 
Arrêt du 29 août 2023  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux 
Hänni, Juge présidant, Donzallaz et Hartmann. 
Greffier : M. de Chambrier. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Fabrice Coluccia, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Office cantonal de l'inspection et des relations du travail du canton de Genève, 
rue David-Dufour 5, 1205 Genève. 
 
Objet 
Usages professionnels du gros oeuvre; sanctions, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de 
la République et canton de Genève, Chambre administrative, 2ème section, du 3 février 2023 (ATA/113/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 9 juillet 2021, B.________ SA a fusionné avec la société C.________ SA pour être désormais dénommée A.________ SA (ci-après: la société, l'intéressée ou la recourante), en reprenant les actifs et les passifs de C.________ SA. L'intéressée sise dans le canton de Genève, a pour but l'importation, l'exportation de matériel et de produits pour piscines privées et publiques, la construction de piscines, jacuzzis, ensembles sportifs et travaux s'y rapportant.  
 
A.b. C.________ SA était au bénéfice d'une garantie financière octroyée par la Fondation d'aide aux entreprises à Genève. A.________ SA bénéficiait également de la garantie financière de ladite fondation octroyée dès le 10 juillet 2017, ce qui a été confirmé par celle-ci le 24 août 2021.  
En raison de son statut de bénéficiaire d'une garantie financière de la Fondation d'aide aux entreprises, l'entreprise était tenue de respecter les conditions minimales de travail (art. 3 let. d de la loi cantonale du 1er décembre 2005 sur l'aide aux entreprises [LAE; RS/GE I 1 37]) et de prestations sociales en usage dans son secteur d'activité et devait à cet effet signer un engagement auprès de l'Office cantonal de l'inspection et des relations du travail de la République et canton de Genève (ci-après : l'Office cantonal). C.________ SA a signé un tel engagement le 29 mai 2017. 
À la suite d'un contrôle, l'Office cantonal a considéré que C.________ SA ne respectait pas les usages de la métallurgie du bâtiment, les usages du gros oeuvre et ceux du nettoyage. 
Par décision du 19 juin 2019, l'Office cantonal a sanctionné le non-respect des usages et refusé de délivrer à l'entreprise l'attestation visée à l'art. 25 de la loi cantonale du 12 mars 2004 sur l'inspection et les relations du travail [LIRT; RS/GE J 1 05] pour une durée de deux ans. La société a contesté l'application des usages. Cette décision a été confirmée sur recours le 11 février 2020 par la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) (arrêt ATA/159/2020), puis par le Tribunal fédéral le 10 novembre 2020 (arrêt 2C_251/2020). 
 
 
B.  
Par décision du 16 juin 2022, l'Office cantonal a refusé de délivrer à A.________ SA l'attestation visée à l'art. 25 LIRT pour une durée de deux ans, l'a exclue de tous les marchés publics pour une période de deux ans et lui a infligé une amende administrative de 30'000 fr., en application de l'art. 45 al. 1 LIRT, faute d'avoir respecté les usages et les prestations sociales des domaines où elle déployait ses activités. L'Office cantonal retenait une violation des usages de la métallurgie du bâtiment, du gros oeuvre et du nettoyage. Concernant les usages du gros oeuvre, l'Office cantonal constatait les infractions suivantes: non-respect du paiement des frais d'exécution de la convention collective de travail, non-respect du paiement de la pause, non-respect de la durée annuelle du travail, non-respect de la compensation et du paiement des heures supplémentaires, non-respect du droit aux vacances et non-respect de l'indemnisation des frais lors de déplacements, indemnités repas et kilomètres. L'Office cantonal reprochait en outre à la société d'avoir violé son obligation de collaborer, en ne fournissant que partiellement les documents demandés, malgré quatre relances des 12 juillet, 14 septembre, 21 novembre 2021 et 28 mars 2022. 
La société a recouru contre cette décision auprès de la Cour de justice, en faisant valoir une violation de son droit d'être entendue, en lien avec le principe et la quotité de l'amende, et en contestant être soumise aux usages du gros oeuvre. Elle ajoutait qu'elle n'avait pas réussi à s'affilier aux conventions collectives de travail correspondantes ou aux organismes chargés d'appliquer les dispositions relatives à la retraite anticipée. 
Par arrêt du 3 février 2023, la Cour de justice a rejeté le recours formé par la société contre la décision précitée du 16 juin 2022. 
 
C.  
Indiquant formé un "recours de droit public", A.________ SA demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, principalement, de réformer l'arrêt attaqué en ce sens que la décision de sanction administrative rendue le 16 juin 2022 par l'Office cantonal est annulée. Subsidiairement, elle requiert l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause à l'Office cantonal pour nouvelle décision au sens des considérants. Plus subsidiairement, la recourante demande l'annulation de cet arrêt et le renvoi de la cause à la Cour de justice pour nouvelle décision au sens des considérants. 
La Cour de justice persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. L'Office cantonal conclut au rejet du recours. La recourante réplique et persiste dans les conclusions de son recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
L'arrêt attaqué constitue une décision finale (art. 90 LTF) rendue dans une cause de droit public par une autorité judiciaire supérieure de dernière instance cantonale (art. 82 let. a et 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) qui ne tombe sous le coup d'aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF. La voie du recours en matière de droit public est donc en principe ouverte en vertu des art. 82 ss LTF. La désignation erronée du recours, intitulé "recours de droit public", sera sans conséquences pour la recourante (cf. ATF 138 I 367 consid. 1.1). Au surplus, déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites (art. 42 LTF), par la recourante qui a la qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF), le présent recours est recevable. 
 
2.  
Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral contrôle librement le respect du droit fédéral, qui comprend les droits de nature constitutionnelle (art. 95 let. a), ainsi que des droits constitutionnels cantonaux (art. 95 let. c; art. 106 al. 1 LTF). Sauf dans les cas cités expressément à l'art. 95 LTF, un tel recours ne peut toutefois pas être formé pour violation du droit cantonal en tant que tel. Il est néanmoins possible de faire valoir que l'application du droit cantonal consacre une violation du droit fédéral, en particulier qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou contraire à un autre droit constitutionnel (ATF 145 I 108 consid. 4.4.1 et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral n'examine toutefois le moyen tiré de la violation de droits fondamentaux, ainsi que celle de dispositions de droit cantonal notamment, que si ce grief a été invoqué et motivé de manière précise par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF; cf. ATF 142 V 577 consid. 3.2). 
 
3.  
La recourante se plaint de la violation de son droit d'être entendue, soulevant ainsi un grief de nature formelle qu'il convient d'examiner en premier lieu dans la mesure où il est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision attaquée indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (ATF 141 V 495 consid. 2.2 et les arrêts cités). La recourante reproche à la Cour de justice de ne pas s'être prononcée sur le champ d'application des usages gros oeuvre, mentionné à l'art. 2 desdits usages. 
 
3.1. La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu de l'art. 29 al. 2 Cst. l'obligation pour l'autorité de motiver sa décision, afin que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 146 II 335 consid. 5.1; 143 III 65 consid. 5.2; 142 I 135 consid. 2.1; 138 I 232 consid. 5.1). Pour satisfaire à cette exigence, il suffit que l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision. Elle n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, peuvent être tenus pour pertinents (ATF 146 II 335 consid. 5.1; 142 II 154 consid. 4.2; 138 I 232 consid. 5.1 et les références).  
 
3.2.  
 
3.2.1. En l'occurrence, contrairement à ce que soutient la recourante, la Cour de justice se penche sur la question du champ d'application des usages gros oeuvre dans l'arrêt attaqué. Elle retient sur ce point que seule l'activité effective est pertinente et constate que des travaux de coffrage et de terrassement ont été réalisés par l'entreprise, en se basant sur les déclarations d'employés de celle-ci, ainsi que sur les constatations effectuées par la Commission paritaire genevoise du gros oeuvre. La Cour de justice indique également que la recourante avait reconnu en décembre 2021 que les usages gros oeuvre lui étaient applicables. Elle ajoute que, selon la liste du personnel fournie par la recourante, entre juin 2019 et juin 2021, le pourcentage du personnel actif de façon prépondérante dans le domaine du gros oeuvre était supérieur au seuil de 25% retenu par la Commission paritaire genevoise du gros oeuvre pour retenir une activité "prépondérante".  
La motivation de l'arrêt attaqué permettait ainsi à la recourante de comprendre pour quelles raisons la Cour de justice avait estimé que les usages gros oeuvre lui étaient applicables et pour quels motifs, elle a rejeté son recours. Elle a ainsi pu contester cet arrêt en connaissance de cause. 
 
3.2.2. La recourante reproche également à l'Office cantonal de ne pas avoir examiné l'impossibilité de respecter certains usages sans s'affilier aux conventions collectives de travail correspondantes, ainsi que l'impact de cette impossibilité sur le montant de l'amende et de ne pas avoir déterminé avec précision le champ d'application des usages gros oeuvre.  
En raison de l'effet dévolutif du recours à la Cour de justice (cf. ATF 136 II 539 consid. 1.2), la recourante ne peut pas s'en prendre à la décision rendue par l'Office cantonal et donc, dans ce cadre, se plaindre d'une violation de son droit d'être entendue. La critique susmentionnée ne peut dès lors être examinée. En revanche, la recourante peut contester l'arrêt attaqué, en reprochant à la Cour de justice d'avoir rejeté le grief d'une telle violation invoquée devant elle. 
A cet égard, la recourante fait valoir que la violation de son droit d'être entendue en lien avec un défaut de motivation de l'amende de 30'000 fr. par l'Office cantonal n'était pas réparable devant la Cour de justice. Or, dans l'arrêt attaqué, la Cour de justice ne conclut pas à une violation du droit d'être entendu sur ce point, ni ne constate une réparation de celle-ci devant elle. Au contraire, la Cour de justice estime que la décision de l'Office cantonal du 16 juin 2022 était suffisamment motivée concernant le fondement et la quotité de la sanction. La recourante n'explique pas en quoi l'argumentation de la Cour de justice serait erronée sur ce point. Par conséquent, faute de motivation suffisante, ce grief ne peut être qu'écarté (art. 42 et 106 al. 2 LTF). 
 
3.3. Le grief de violation du droit d'être entendu doit partant être rejeté.  
 
4.  
L'objet du litige porte sur les sanctions prononcées à l'encontre de la recourante par l'Office cantonal (refus de délivrer l'attestation visée à l'art. 25 LIRT, exclusion de tous les marchés publics et amende d'un montant de 30'000 fr.) pour non-respect des usages et des prestations sociales des domaines où elle déployait ses activités. 
 
5.  
La recourante dénonce une application arbitraire du droit cantonal, en particulier des art. 3 LAE, 2 des usages du gros oeuvre et 26A al. 2 LIRT. 
 
5.1. Comme déjà mentionné, le Tribunal fédéral ne revoit l'interprétation et l'application du droit cantonal que sous l'angle de l'arbitraire (cf. supra consid. 2). Il ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci se révèle insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, ou si elle a été adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. Il ne suffit pas que la motivation de la décision critiquée soit insoutenable; encore faut-il que celle-ci se révèle arbitraire dans son résultat. En outre, il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution que celle adoptée par l'autorité intimée serait concevable, voire préférable (ATF 148 I 145 consid. 6.1; 145 II 32 consid. 5.1).  
 
5.2. En l'occurrence, la recourante conteste uniquement l'application des usages du gros oeuvre, sans remettre en question le non-respect des autres usages de la métallurgie du bâtiment et du nettoyage. Elle n'explique pas en quoi la non-application de ces premiers usages aurait une influence sur les mesures prises par l'Office cantonal dans sa décision du 16 juin 2022, confirmée par l'autorité précédente. A cet égard, la Cour de justice retient dans l'arrêt attaqué que les violations des usages de la métallurgie du bâtiment et ceux du nettoyage par la recourante justifient en soi le prononcé d'une sanction administrative. Dans son mémoire de réponse, l'Office cantonal relève également que "les travailleurs qui ne seraient pas visés par les [usages du gros oeuvre] le seraient à l'évidence par les [usages de la métallurgie du bâtiment] en regard des activités déployées de montage de locaux techniques et du champ d'application des [usages de la métallurgie du bâtiment], si bien que la décision du 16 juin 2022 resterait justifiée tant en regard du principe que de la quotité de la sanction". Aussi bien dans son recours que dans sa réplique, la recourante reste muette sur ce point. Elle n'explique ainsi pas en quoi la décision attaquée serait arbitraire dans son résultat. Le recours ne satisfait ainsi pas aux exigences de motivation accrues de l'art. 106 al. 2 LTF.  
Fort de ce constat, il n'y a pas lieu d'examiner les griefs d'arbitraire dans l'établissement des faits invoqués par la recourante. En effet, ceux-ci ne portent que sur la problématique de l'application des usages du gros oeuvre et la recourante n'explique pas pour quel motif les faits dont elle conteste l'établissement auraient une influence sur l'issue du litige. 
 
5.3. Au surplus, la recourante n'établit pas en quoi l'autorité précédente aurait appliqué le droit cantonal de façon insoutenable concernant l'art. 26A LIRT. Cette disposition prévoit en effet en son al. 1 que les entreprises en infraction aux usages font l'objet des mesures et sanctions prévues aux art. 44A et 45. Selon l'art. 26A al. 2 LIRT, l'art. 45 al. 1 let. a LIRT est applicable lorsqu'une entreprise conteste les usages que l'office entend lui appliquer. L'art. 45 al. 1 let. a LIRT indique que l'office peut prononcer une décision de refus de délivrance de l'attestation visée à l'art. 25 à l'entreprise qui ne respecte pas notamment les conditions minimales de travail et de prestations sociales en usage. La recourante n'explique pas en quoi l'art. 26A LIRT imposerait de procéder préalablement par une procédure de constat comme elle le soutient. La lettre des dispositions invoquées ne va pas dans ce sens.  
 
5.4. Par ailleurs, comme déjà mentionné, la Cour de justice a retenu que les usages du gros oeuvre étaient applicables à la recourante notamment après avoir relevé qu'une partie du personnel de celle-ci réalisait des travaux de terrassement et après s'être référée au seuil que la Commission paritaire genevoise du gros oeuvre aurait fixé, concernant le pourcentage du personnel actif dans ce domaine, pour retenir une activité "prépondérante". La recourante n'explique pas en quoi les considérations de la Cour de justice sur ce point résulteraient d'une application arbitraire du droit cantonal. L'argument de la recourante, selon lequel elle serait la seule spécialiste en installation et en construction de piscines de Suisse à devoir respecter la convention collective de travail du gros oeuvre, ne permet pas de conclure au caractère insoutenable de l'argumentation de la Cour de justice.  
On relèvera également que la recourante ne conteste pas sous l'angle de l'arbitraire les constatations de faits de l'autorité précédente concernant les activités décrites par plusieurs de ses employés et le seuil retenu par la Commission paritaire genevoise du gros oeuvre. Elle ne s'en prend pas non plus sous cet angle aux constations de ladite commission ni aux pourcentages retenus concernant le personnel actif dans le domaine concerné. 
Enfin, la Cour de justice explique de façon convaincante pour quels motifs les conclusions de son arrêt du 11 février 2020 en matière d'usages du gros oeuvre concernant la recourante ne pouvaient plus être suivies dans le présent cas (évolution de la situation, avec l'engagement depuis lors de plusieurs employés actifs dans le gros oeuvre). 
La recourante ne fait ainsi pas la démonstration du caractère insoutenable de la motivation de l'arrêt querellé. 
 
6.  
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours. Succombant, la recourante supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, à l'Office cantonal de l'inspection et des relations du travail du canton de Genève, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 2ème section, et au Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche DEFR. 
 
 
Lausanne, le 29 août 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Juge présidant : J. Hänni 
 
Le Greffier : A. de Chambrier