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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_212/2023  
 
 
Arrêt du 15 novembre 2023  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, Stadelmann et Moser-Szeless. 
Greffier : M. Berthoud. 
 
Participants à la procédure 
Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève, rue des Gares 12, 1201 Genève, 
recourant, 
 
contre  
 
A.________, 
représentée par Me Raphaël Roux, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
Assurance-invalidité, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 13 février 2023 (A/3163/2021 - ATAS/92/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________, née en 1966, mère de trois enfants nés en 1993, 1997 et 2003, s'est établie en Suisse en octobre 1994. Elle a exercé des activités dans le secteur du nettoyage à des taux irréguliers pour le compte de différents employeurs de 1995 à 2016. 
Le 26 septembre 2017, la prénommée a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité. Dans un questionnaire du 13 août 2020, elle a indiqué que son taux d'activité serait de 100% dans le domaine du nettoyage sans atteinte à la santé. Elle a précisé qu'elle avait dû diminuer son temps de travail dès 2003 en raison de son état de santé et n'avait plus pu postuler à des emplois à temps complet dans son champ d'activité. Sur le plan médical, la doctoresse B.________, médecin au Service médical régional de l'assurance-invalidité, a retenu une capacité de travail de 50% dès février 2018, compte tenu de diverses limitations fonctionnelles, en fonction des rapports médicaux recueillis au cours de l'instruction (avis des 3 juin 2019 et 14 février 2021). Une enquête ménagère a mis en évidence des empêchements dans les travaux ménagers à hauteur de 25,2%, le taux étant toutefois nul une fois pondéré en tenant compte de l'exigibilité de l'aide des proches de l'assurée (rapport d'enquête du 5 mai 2021). 
Par décision du 9 août 2021, appliquant la méthode mixte d'évaluation de l'invalidité en fonction du statut de personne active à 50%, l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève a nié le droit de l'assurée à une rente d'invalidité; le taux d'invalidité global de 25% (25% dans la sphère professionnelle, et 0% dans les travaux ménagers) n'ouvrait pas droit à une rente. 
 
B.  
A.________ a déféré cette décision à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales. Par arrêt du 13 février 2023, la juridiction cantonale a annulé la décision de l'office AI du 9 août 2021 et reconnu à l'assurée le droit à une demi-rente d'invalidité dès le 1er mai 2018. En bref, elle a déterminé le taux d'invalidité à 58%, en application de la méthode générale de la comparaison des revenus, considérant que l'assurée aurait exercé une activité lucrative à plein temps sans atteinte à la santé. 
 
C.  
L'office AI interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt dont il requiert l'annulation, en concluant à la confirmation de sa décision du 9 août 2021. 
L'intimée conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il fonde par ailleurs son raisonnement sur les faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). La partie recourante qui entend s'écarter des faits constatés doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut être pris en considération. 
 
2.  
 
2.1. Compte tenu des motifs et conclusions du recours, le litige porte sur le droit de l'intimée à une demi-rente d'invalidité à partir du 1er mai 2018, tel que reconnu par la juridiction cantonale et contesté par le recourant. Il a trait singulièrement au statut de l'intimée - assurée exerçant une activité lucrative à temps complet ou à temps partiel (cf. ATF 137 V 334 consid. 3.1) -, soit à la question de savoir à quel taux d'activité l'intimée exercerait une activité lucrative sans atteinte à la santé. De cet élément se déduit la méthode d'évaluation de l'invalidité à appliquer, soit en l'espèce la méthode ordinaire (comparaison des revenus selon l'art. 28a al. 1 LAI en relation avec l'art. 16 LPGA) appliquée par la juridiction cantonale ou la méthode mixte d'évaluation au sens de l'art. 28a al. 3 LAI (en relation avec l'art. 16 LPGA) dont se prévaut le recourant. On précisera que sont applicables les dispositions en vigueur jusqu'au 31 décembre 2021, soit avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2022, de la modification de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité du 19 juin 2020 (Développement continu de l'AI; RO 2021 705), eu égard à la date de la décision administrative litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et les références).  
 
2.2. Selon la jurisprudence, pour déterminer la méthode d'évaluation de l'invalidité applicable au cas particulier, il faut non pas, malgré la teneur de l'art. 8 al. 3 LPGA, chercher à savoir dans quelle mesure l'exercice d'une activité lucrative aurait été exigible de la part de l'assuré, mais se demander ce que l'assuré aurait fait si l'atteinte à la santé n'était pas survenue. Cette question doit être tranchée sur la base de l'évolution de la situation jusqu'au prononcé de la décision administrative litigieuse, encore que, pour admettre l'éventualité de l'exercice d'une activité lucrative partielle ou complète, il faut que la force probatoire reconnue habituellement en droit des assurances sociales atteigne le degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 141 V 15 consid. 3.1 et les références).  
 
2.3. Par ailleurs, pour résoudre la question litigieuse, il faut se référer à l'ensemble des circonstances personnelles, familiales, sociales, financières et professionnelles du cas d'espèce (ATF 130 V 393 consid. 3.3; 125 V 146 consid. 2c et les références). Cette évaluation tiendra également compte de la volonté hypothétique de l'assurée, qui comme fait interne ne peut être l'objet d'une administration directe de la preuve et doit être déduite d'indices extérieurs (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 693/06 du 20 décembre 2006 consid. 4.1), établis au degré de la vraisemblance prépondérante tel que requis en droit des assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b).  
 
2.4. Le point de savoir à quel taux d'activité la personne assurée travaillerait sans atteinte à la santé est une question de fait, dans la mesure où il s'agit d'une appréciation concrète des circonstances et non pas de l'application de conséquences générales tirées exclusivement de l'expérience générale de la vie. Les constatations y relatives de la juridiction cantonale lient donc le Tribunal fédéral, pour autant qu'elles ne soient ni manifestement inexactes, ni ne reposent sur une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (consid. 1 supra; ATF 133 V 504 consid. 3.2; cf. aussi ATF 132 V 393 consid. 3.3). L'appréciation des preuves est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, en contradiction avec le dossier ou contraire au sens de la justice et de l'équité ou encore lorsque le tribunal ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'il se trompe manifestement sur son sens ou sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, il en tire des conclusions insoutenables (ATF 134 V 53 consid. 4.3; 129 I 8 consid. 2.1).  
 
3.  
 
3.1. En ce qui concerne le statut de l'intimée, la juridiction cantonale a retenu que cette dernière n'avait jamais varié dans ses déclarations sur sa volonté d'exercer une activité sans atteinte à la santé. C'est ainsi qu'elle avait indiqué, dans l'enquête ménagère, qu'elle aurait cherché une activité à plein temps sans atteinte à la santé, pour des motifs financiers. Pour les premiers juges, il n'y avait pas de motif de remettre en cause ces déclarations constantes. Si l'intimée n'avait jamais travaillé à temps complet, l'absence d'une activité exercée à 100% avant le dépôt de la demande de prestations ne pouvait lui être opposée. De plus, il existait des indices corroborant sa volonté de travailler à plein temps en l'absence d'invalidité, notamment le dossier de l'office de l'emploi révélant des démarches pour obtenir un tel emploi.  
 
3.2. Le recourant reproche à l'instance précédente d'avoir établi les faits de manière manifestement erronée et apprécié les preuves de façon arbitraire en reconnaissant à l'intimée un statut de personne active à 100%. Il soutient qu'à la lumière du dossier médical, une incapacité de travail déterminante n'est pas rendue vraisemblable avant novembre 2017. S'il existe certes des certificats d'incapacités temporaires d'arrêts de travail ne se prolongeant pas au-delà de quelques jours en 2004, 2006 et 2009, une incapacité durable n'avait pas été attestée par le docteur C.________, spécialiste en rhumatologie, médecine physique et réhabilitation, dans son certificat du 7 juin 2004. Cela n'a été le cas qu'à partir du dépôt de la demande de prestations, en 2017. Selon le recourant, les premiers juges se sont substitués aux médecins pour admettre de manière arbitraire que les atteintes à la santé avaient empêché l'intimée de travailler à plein temps. Les éléments retenus par la juridiction cantonale ne seraient ainsi pas suffisants pour corroborer, au degré de la vraisemblance prépondérante, la volonté de l'assurée d'exercer une activité à temps plein.  
 
3.3. L'intimée rappelle en particulier qu'elle n'a jamais varié dans ses déclarations quant à sa volonté de travailler à plein temps, si son état de santé l'avait permis. Elle relève que son intention ressortait aussi d'éléments que l'instance précédente n'avait pas expressément retenus, notamment d'une postulation du 30 juin 2004 à D.________, ainsi que du dossier de l'office cantonal de l'emploi où aucune recherche d'emploi à temps partiel n'est mentionnée. Pour l'intimée, l'instance précédente a apprécié les preuves de manière complète en établissant son statut; le nombre d'indices extérieurs corroborant ses déclarations permettent d'établir sa volonté.  
 
4.  
 
4.1. Selon les constatations de la juridiction cantonale, c'est en raison de son état de santé que l'intimée n'avait jamais travaillé à plein temps avant le dépôt de la demande de prestations (en septembre 2017). Toutefois, comme le fait valoir à juste titre l'office recourant, ces constatations ne reposent pas sur une appréciation complète des pièces au dossier, dans la mesure où les premières attestations médicales relatives à des incapacités de travail durables n'ont été établies qu'à partir de l'année pendant laquelle la demande de prestations a été présentée (en 2017). Précédemment, les avis médicaux ne portaient que sur des arrêts de travail temporaires ne se prolongeant pas au-delà de quelques jours en 2004, 2006 et 2009 (cf. p. ex. les certificats du docteur C.________, du 26 mai 2004 ou du Département de chirurgie de l'Hôpital E.________ du 7 janvier 2009). En particulier, l'attestation du docteur C.________ du 7 juin 2004, sur laquelle s'est fondée la juridiction cantonale, fait état d'une affection médicale en raison de laquelle le médecin déconseillait le port de charges lourdes ou les positions contraignantes, sans qu'il ne conclût cependant à une réduction de la capacité de travail de sa patiente. De même, la doctoresse F.________, Cheffe de clinique au Service de rhumatologie de l'Hôpital E.________, a indiqué que, selon la description de l'assurée, les douleurs apparues depuis environ 20 ans s'étaient aggravées en 2014; elle a préconisé une évaluation des capacités fonctionnelles de l'assurée, sans se prononcer sur la capacité de travail (rapport du 3 juillet 2016).  
En d'autres termes, en se référant aux "renseignements médicaux recueillis" qui corroboreraient un empêchement de l'intimée d'exercer une activité à plein temps "avant le dépôt de la demande de prestations", la juridiction cantonale a omis de prendre en considération qu'aucune pièce médicale ne permet de retenir que l'intimée n'aurait pas été apte à travailler à plein temps depuis son arrivée en Suisse en 1994 jusqu'en 2017. A cet égard, l'attestation médicale du 22 janvier 2016 qu'invoque l'assurée ne comprend aucune date relative à l'incapacité de travailler "dans les nettoyages [travaux lourds]" et à son éventuelle durée. En retenant implicitement que l'intimée n'était pas apte à travailler à plein temps en raison de son état de santé à l'époque où elle travaillait à temps partiel (soit de 1995 à 2016), l'instance précédente a procédé à des constatations de fait ne reposant sur aucun avis médical. 
Comme le met par ailleurs en évidence le recourant, s'il est vrai que le dossier de l'assurance-chômage de l'intimée, qui remonte aux années 2008 et 2009, comprend quelques recherches de travail à 100% - en plus d'une large majorité de recherches sans indication du taux d'activité -, cet élément ne constitue pas un indice extérieur suffisant pour confirmer que l'assurée aurait souhaité exercer une activité à plein temps, alors qu'elle a travaillé à temps partiel avant puis après la période de chômage. 
 
4.2. Dans ces circonstances, la juridiction cantonale a retenu de manière manifestement inexacte que l'intimée avait renoncé à travailler à plein temps en raison de son état de santé (avant l'année 2017). Pareilles constatations, qui relèvent d'une appréciation insoutenable des preuves, ne lient pas le Tribunal fédéral (cf. art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF). En l'absence de périodes d'incapacités de travail durables dûment établies ou rendues vraisemblables par un avis médical avant l'année 2017, il convient au contraire d'admettre que l'intimée disposait jadis d'une capacité de travail entière lorsqu'elle travaillait à temps partiel, nonobstant les problèmes de santé qu'elle éprouvait déjà en 2004 et en raison desquels le port de charges lourdes ou les positions contraignantes (activités inadaptées) étaient déconseillées (attestation du docteur C.________ du 7 juin 2004). En conséquence, il apparaît que l'intimée avait choisi de renoncer à mettre entièrement en valeur sa capacité de travail pour des motifs étrangers à son état de santé.  
Comme d'autres éléments (circonstances personnelles, familiales, sociales, financières et professionnelles) qui auraient pu corroborer la volonté exprimée par l'assurée de travailler à plein temps sans la survenance de l'invalidité n'ont pas été invoqués ni établis, les seules déclarations de l'intimée ne suffisent pas pour lui reconnaître un statut de personne exerçant une activité à plein temps. Au demeurant, au cours de l'enquête ménagère, l'intimée a d'abord indiqué que sans atteinte à la santé, elle aurait recherché une activité à temps partiel, avant d'ajouter qu'elle aurait même travaillé à 100%, de sorte qu'elle paraît spontanément avoir opté plutôt pour le maintien (hypothétique) d'une activité à temps partiel. La décision du recourant d'évaluer l'invalidité en fonction de la méthode mixte (art. 28a al. 3 LAI) est conforme au droit. 
 
4.3. Pour le surplus, la répartition des activités lucrative et ménagère (50% chacune) opérée par le recourant n'est pas contestée par l'intimée et n'apparaît pas arbitraire. En outre, l'intimée ne remet pas en cause les taux d'invalidité respectifs (25% et 0%), en tant que tels, pris en compte dans le cadre de l'application de la méthode mixte. Il s'ensuit que l'arrêt attaqué doit être annulé et la décision administrative du 9 août 2021 doit être confirmée.  
 
5.  
Vu l'issue du litige, l'intimée doit en principe supporter les frais de la procédure fédérale (art. 66 al. 1 LTF). L'assistance judiciaire lui a cependant été accordée par ordonnance du 23 mai 2023. 
Le dossier sera renvoyé à la Cour de justice genevoise pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure antérieure (art. 68 al. 5 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis et l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, du 13 février 2023, est annulé et la décision de l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève du 9 août 2021 est confirmée. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimée. Ils sont toutefois supportés provisoirement par la Caisse du Tribunal fédéral. 
 
3.  
Une indemnité de 2'800 fr., supportée par la Caisse du Tribunal fédéral, est allouée à M e Raphaël Roux à titre d'honoraires. 
 
4.  
Le dossier est renvoyé à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 15 novembre 2023 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Berthoud