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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
7B_190/2023  
 
 
Arrêt du 14 décembre 2023  
 
IIe Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Abrecht, Président, 
Hurni et Kölz, 
Greffier : M. Tinguely. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de l'Etat de Fribourg, case postale 1638, 1701 Fribourg, 
intimé. 
 
Objet 
Procédure pénale; récusation, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg du 18 avril 2023 
(502 2023 64). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 3 octobre 2022, le Ministère public de l'État de Fribourg, agissant par la Procureure B.________, a ouvert une instruction pénale contre A.________ pour escroquerie (art. 146 CP).  
 
A.b. Le 14 octobre 2022, sur mandats de la Procureure, la police a procédé à une perquisition des locaux commerciaux de la permanence en conseils juridiques C.________ Sàrl, dirigée par A.________. Des documents ont notamment été séquestrés.  
 
B.  
 
B.a. Par courrier adressé le 8 février 2023 au Conseil de la magistrature de l'État de Fribourg, A.________ a déposé une plainte pénale pour abus d'autorité (art. 312 CP) contre la Procureure B.________, contre les agents de police ayant agi le 14 octobre 2022 ainsi que contre inconnus.  
Il reprochait en substance à la Procureure d'avoir été "instrumentalisée par l'Ordre des avocats fribourgeois", estimant que les soupçons d'escroquerie le visant étaient "fantaisiste[s] et aisément reconnaissable[s] comme tel[s]". La procédure pénale initiée contre lui constituerait un "alibi judiciaire" pour l'empêcher de poursuivre son activité professionnelle en matière de conseils juridiques, "apparemment gênante pour le landerneau juridique fribourgeois". 
A.________ a par ailleurs demandé que sa plainte pénale soit traitée par un Procureur extraordinaire "extérieur au canton de Fribourg". 
 
B.b. Le 20 février 2023, le Conseil de la magistrature a remis la plainte pénale au Ministère public de l'État de Fribourg comme objet de sa compétence.  
Le 21 mars 2023, le Ministère public, agissant par le Procureur général D.________, a transmis à son tour la plainte pénale à la Chambre pénale du Tribunal cantonal fribourgeois pour qu'elle statue sur la demande de récusation qu'elle contenait (cf. art. 59 al. 1 let. b CPP); il a estimé pour sa part que la demande était irrecevable, car non motivée. 
 
B.c. Par arrêt du 18 avril 2023, la Chambre pénale du Tribunal cantonal fribourgeois a rejeté la demande de récusation.  
 
C.  
A.________ forme un recours en matière pénale et un recours constitutionnel subsidiaire au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 18 avril 2023. En substance, il conclut, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens que la demande de récusation de l'ensemble des Procureurs du Ministère public fribourgeois soit admise et que sa plainte pénale soit transmise à un Procureur extraordinaire. 
Le Ministère public, agissant par la Procureure ad hoc E.________, conclut au rejet du recours, dans la mesure de sa recevabilité. La Chambre pénale de recours renonce à présenter des observations.  
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral vérifie d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et examine librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 146 IV 185 consid. 2). 
 
1.1. La décision attaquée - rendue par une autorité statuant en tant qu'instance cantonale unique (cf. art 80 al. 2 LTF) - constitue une décision incidente notifiée séparément. Elle porte sur une demande de récusation déposée dans le cadre d'une procédure pénale. Elle peut donc en principe faire l'objet d'un recours immédiat en matière pénale au Tribunal fédéral (cf. art. 78 ss et 92 LTF).  
Le recours constitutionnel subsidiaire, formé simultanément par le recourant, n'entre ainsi pas en considération (cf. art. 113 LTF) et est dès lors irrecevable. 
 
1.2. Pour le surplus, le recours a été interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF), de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière.  
 
2.  
 
2.1. Invoquant une violation de son droit d'être entendu (art. 29 al. 1 et 2 Cst.; art. 6 CEDH), le recourant se plaint, à bien le comprendre, de ne pas avoir disposé d'un temps suffisant pour préparer ses déterminations à la Chambre pénale de recours après que cette dernière lui avait transmis les observations du Procureur général sur sa demande de récusation. Ainsi, alors que la Chambre pénale de recours l'avait invité, par avis du 29 mars 2023, à se déterminer sur les observations du Procureur général d'ici au mardi 11 avril 2023, il explique avoir retiré cet avis à la poste en date du jeudi 6 avril 2023 - soit dans le délai de garde de 7 jours -, de sorte qu'il n'avait disposé que d'un seul jour ouvrable pour déposer ses déterminations, les 7 à 10 avril 2023  
- comprenant le Vendredi saint et le Lundi de Pâques - n'ayant pas été des jours ouvrables au regard de l'art. 90 al. 2 CPP
 
2.2. Ce faisant, le recourant s'abstient de toute critique topique quant à l'argumentation de la cour cantonale, laquelle a pourtant dénié toute violation du droit d'être entendu dans ce contexte, rappelant à cet égard, d'une part, que la procédure pénale ne connaissait pas de féries judiciaires (cf. art. 89 al. 2 CPP) et, d'autre part, qu'il aurait été loisible au recourant de requérir une prolongation de délai s'il entendait disposer de plus de temps (cf. art. 92 CPP), ce qu'il n'avait pas fait (cf. arrêt attaqué, consid. 2 p. 3).  
Au demeurant, lors même que le recourant a effectivement déposé des déterminations le 11 avril 2023, sur trois pages (cf. dossier cantonal, P. 14 s.), il n'explique nullement en quoi il aurait été concrètement empêché d'exposer de manière complète ses développements, ni ne détaille, le cas échéant, les arguments qu'il n'aurait pas été en mesure de présenter quant aux observations du Procureur général du 21 mars 2023, lesquelles tenaient en l'occurrence sur une seule page (cf. dossier cantonal, P. 1). En tant que par ailleurs le recourant soutient ne pas avoir été en mesure de prendre contact avec des "mandataires juridiques professionnels" dès lors que ceux-ci seraient soit absents soit surchargés durant la période pascale, il ne prétend pas avoir eu recours aux services d'un tel mandataire dans la suite de la procédure, si ce n'est à ceux de la société F.________s SA (cf. la note d'honoraires du 26 mai 2023 produite en annexe du mémoire de recours en matière pénale, signée de la seule main du recourant), dont il est l'administrateur unique. 
Le grief doit dès lors être rejeté dans la faible mesure de sa recevabilité. 
 
3.  
 
3.1. Dans les parties "En faits" et "Établissement inexact des faits" de son mémoire de recours, le recourant revient longuement, notamment, sur les dénonciations de G.________ (pour H.________ SA) et de I.________ ayant donné lieu à l'ouverture d'une instruction pénale contre lui - lesquelles dénonciations auraient été adressées en premier lieu à la Commission du barreau de l'État de Fribourg, puis transmises au Ministère public -, sur la manière dont la police aurait mené la perquisition du 14 octobre 2022 ainsi que, d'une façon générale, sur le bien-fondé des soupçons le visant, soutenant n'avoir pour sa part commis aucune infraction pénale. Il entend en particulier faire valoir qu'il ne serait plus le gérant de C.________ Sàrl, depuis septembre 2020.  
 
3.2. Outre que le recourant se limite à présenter librement les faits dont il entend se prévaloir, d'une manière irrecevable dans le recours en matière pénale (cf. parmi d'autres: ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1), il perd de vue que le litige ne porte pas sur le bien-fondé des soupçons ayant conduit à l'ouverture d'une instruction pénale contre lui, ni sur celui des reproches qu'il formule, dans sa plainte du 8 février 2023, à l'égard de la Procureure B.________. Il n'y a dès lors pas lieu d'examiner plus avant les développements du recourant à ces égards, lesquels sont exorbitants à l'objet du litige (cf. art. 80 al. 1 LTF).  
 
4.  
La décision attaquée se rapporte en effet uniquement à la demande de récusation assortie à la plainte pénale du recourant du 8 février 2023, soit en particulier au point de savoir si, au regard de l'art. 56 let. f CPP, les Procureurs du Ministère public fribourgeois sont tenus de se récuser, dans leur ensemble, dès lors que cette plainte pénale vise leur collègue B.________. 
 
4.1.  
 
4.1.1. A teneur de l'art. 56 let. f CPP, toute personne exerçant une fonction au sein d'une autorité pénale est tenue de se récuser lorsque d'autres motifs, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil juridique, sont de nature à la rendre suspecte de prévention. Cette disposition a la portée d'une clause générale recouvrant tous les motifs de récusation non expressément prévus à l'art. 56 let. a à e CPP.  
L'art. 56 let. f CPP correspond à la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 Cst. et 6 CEDH (ATF 148 IV 137 consid. 2.2; 143 IV 69 consid. 3.2). Il concrétise aussi les droits déduits de l'art. 29 al. 1 Cst. garantissant l'équité du procès et assure au justiciable cette protection lorsque d'autres autorités ou organes que des tribunaux sont concernés (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.2; arrêt 1B_407/2022 du 20 décembre 2022 consid. 5.1). Il n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du magistrat est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 148 IV 137 consid. 2.2; 143 IV 69 consid. 3.2). L'impartialité subjective d'un magistrat se présume jusqu'à preuve du contraire (ATF 136 III 605 consid. 3.2.1; arrêts 7B_189/2023 du 16 octobre 2023 consid. 2.2.1; 7B_156/2023 du 31 juillet 2023 consid. 2.1.1). 
 
4.1.2. Selon l'art. 61 let. a CPP, le ministère public est l'autorité investie de la direction de la procédure jusqu'à la mise en accusation. A ce titre, il doit veiller au bon déroulement et à la légalité de la procédure (art. 62 al. 1 CPP). Durant l'instruction, il doit établir, d'office et avec un soin égal, les faits à charge et à décharge (art. 6 CPP); il doit statuer sur les réquisitions de preuves et peut rendre des décisions quant à la suite de la procédure (classement ou mise en accusation), voire rendre une ordonnance pénale pour laquelle il assume une fonction juridictionnelle. Dans ce cadre, le ministère public est tenu à une certaine impartialité même s'il peut être amené, provisoirement du moins, à adopter une attitude plus orientée à l'égard du prévenu ou à faire état de ses convictions à un moment donné de l'enquête. Tout en disposant, dans le cadre de ses investigations, d'une certaine liberté, le magistrat reste tenu à un devoir de réserve. Il doit s'abstenir de tout procédé déloyal, instruire tant à charge qu'à décharge et ne point avantager une partie au détriment d'une autre (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.2; 138 IV 142 consid. 2.2.1; arrêt 7B_189/2023 du 16 octobre 2023 consid. 2.2.2).  
 
4.2. Alors que le recourant avait invoqué l'appartenance de la Procureure B.________ au Ministère public fribourgeois pour justifier la récusation du Procureur général D.________, à qui le traitement de sa plainte pénale serait confié, la cour cantonale, faisant référence à la jurisprudence (cf. arrêt 6B_851/2018 du 7 décembre 2018 consid. 4.2.2), a estimé que ce seul élément ne conduisait pas à suspecter d'emblée le magistrat précité de prévention, ni à craindre une attitude partiale de sa part. Le recourant n'avait en particulier invoqué aucune circonstance permettant d'admettre l'existence d'un lien d'amitié étroit entre le Procureur général et la Procureure visée par la plainte pénale, ni de motif objectif permettant de suspecter le Procureur général d'une quelconque dépendance envers la police ou les avocats (cf. arrêt attaqué, consid. 3.2.1 p. 4).  
 
4.3. Cette approche doit être confirmée, étant rappelé que, de jurisprudence constante, les seuls liens professionnels ou collégiaux entre deux personnes ne suffisent pas, en l'absence d'autres indices de partialité, à fonder une obligation de récusation (ATF 139 I 121 consid. 5.3; 133 I 1 consid. 6.4; arrêts 1B_420/2020 du 28 octobre 2020 consid. 3.1; 1B_587/2019 du 21 janvier 2020 consid. 3.2).  
En tant que le recourant soutient que le Procureur général aurait un intérêt personnel dans l'affaire, dès lors que c'était lui qui avait réceptionné de la Commission du barreau les dénonciations pénales visant le recourant, qu'il avait ensuite attribuées à la Procureure B.________, sur laquelle il exerce un pouvoir hiérarchique, il ne revient pas sur le raisonnement de la cour cantonale. Celle-ci a rappelé que le procureur - à qui le dossier est attribué par le procureur général - conduit la procédure préliminaire de manière indépendante, sous réserve des directives générales et du règlement du Ministère public (cf. art. 67 al. 2 de la loi fribourgeoise sur la justice [LJ; RSF 130.1]; art. 6 al. 1 du règlement du Ministère public fribourgeois relatif à son organisation et à son fonctionnement [RSF 132.11]). Or en l'occurrence c'était bien en toute indépendance, et non sur ordre du Procureur général, que la Procureure B.________ avait choisi d'ouvrir une instruction pénale contre le recourant (cf. arrêt attaqué, consid. 3.2.2 p. 5). 
Dans la mesure où le recourant soutient encore qu'il serait déraisonnable d'imaginer le Procureur général engager les mesures de contrainte nécessaires et utiles en l'espèce - telles que "la perquisition du bureau professionnel et du domicile privé [de la Procureure B.________]" ou encore "[s]a fouille personnelle [et celle] de ses appareils électroniques professionnels et privés" -, puis de "poursuivre une collaboration professionnelle avec la collaboratrice dans le futur", il ne parvient pas à démontrer que de telles mesures s'imposeraient d'emblée, ni que, le cas échéant, il lui serait impossible de contester le refus de leur prononcé dans le cadre des voies de droit prévues par le CPP. 
Les autres développements avancés par le recourant sont sans consistance ou tombent à faux. Il en va en particulier de ceux tirés d'une violation de l'art. 7 CPP, qui se rapportent à l'ouverture le 3 octobre 2022 d'une instruction pénale contre lui (cf. consid. 3.2 supra). 
 
4.4. Au regard de ce qui précède, il apparaît que la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en rejetant la demande de récusation présentée par le recourant.  
 
5.  
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (cf. art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre pénale du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg. 
 
 
Lausanne, le 14 décembre 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Abrecht 
 
Le Greffier : Tinguely