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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_353/2022  
 
 
Arrêt du 22 août 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix et Merz. 
Greffier : M. Alvarez. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Marc R. Bercovitz, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Commune de Courrendlin, 
route de Châtillon 15, 2830 Courrendlin, 
représentée par Me Alain Steullet, avocat, 
intimée, 
 
Juge administrative du Tribunal de première instance de la République et canton du Jura, Le Château, 2900 Porrentruy. 
 
Objet 
Ordre d'enlever un dépôt d'objets, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour administrative du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura du 11 avril 2022 (ADM 74 / 2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________ est propriétaire de la parcelle n o 1692 de la Commune de Courrendlin, sur laquelle est implanté un entrepôt. Ce bien-fonds est classé dans le secteur ABc (activités industrielles et artisanales) selon le plan de zone communal et le règlement communal sur les constructions approuvé sur le plan cantonal le 30 janvier 2014 (ci-après: RCC). La parcelle se situe au sein du site industriel de Choindez inscrit à l'Inventaire fédéral des sites construits d'importance nationale à protéger en Suisse (ci-après: ISOS). La parcelle n o 1692 y figure avec un objectif de sauvegarde C (sauvegarde du caractère); les parcelles alentours y sont répertoriées avec un objectif de sauvegarde A (sauvegarde de la substance). Le site de Choindez est également inscrit au répertoire des biens culturels (ci-après: RBC) figurant à l'annexe I du RCC.  
Par décision du 9 mai 2019, la Commune de Courrendlin a notamment ordonné à A.________ d'évacuer, dans un délai échéant le 15 juin 2019, les objets inutilisables déposés aux abords du bâtiment sis sur la parcelle no 1692 et à évacuer ou stocker à l'intérieur du bâtiment le solde des objets qu'il entendait conserver. Après s'être en vain opposé à cette décision, A.________ a recouru auprès de la Juge administrative du Tribunal de première instance de la République et canton du Jura, qui a rejeté le recours, par jugement du 6 avril 2021. Le prénommé a recouru auprès de la Cour administrative du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura. Par arrêt du 11 avril 2022, la cour cantonale a rejeté le recours. L'entreposage d'objets usagés et anciens le long de la façade du bâtiment sis sur la parcelle n o 1692, qui figurait non seulement à l'ISOS, mais également au RBC, contrevenait à la réglementation communale. Une violation de la liberté économique du prénommé n'était enfin pas démontrée, le recourant n'ayant fourni aucun élément qui permettrait de conclure à une activité commerciale régulière.  
 
B.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt cantonal du 11 avril 2022. Il requiert également l'octroi de l'effet suspensif, accordé par ordonnance du 28 juin 2022. 
Le Tribunal cantonal conclut au rejet du recours et à la confirmation de son arrêt. La commune intimée demande également le rejet. Le recourant réplique et persiste dans ses conclusions. Aux termes d'un ultime échange d'écritures, les parties confirment leurs positions respectives. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Dirigé contre une décision rendue en dernière instance cantonale dans le domaine du droit public de la construction et rédigé dans une langue officielle (art. 42 al. 1 LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public conformément aux art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Le recourant, qui a pris part à la procédure devant le Tribunal cantonal, est particulièrement touché par l'arrêt attaqué qui confirme l'ordre d'évacuer les objets entreposés à l'extérieur, sur sa parcelle n o 1692; il peut ainsi se prévaloir d'un intérêt digne de protection à son annulation. Il jouit des lors de la qualité pour agir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. En l'espèce, le recourant a rédigé ses mémoires en allemand, il n'y a toutefois pas lieu de déroger à la règle que l'arrêt est rendu dans la langue de la décision attaquée, soit en français (cf. art. 54 al. 1 LTF).  
 
2.  
En réplique, le recourant ne se contente pas de se déterminer sur les arguments soulevés par la commune intimée dans sa réponse au recours; il fait en effet valoir des arguments nouveaux. Or, le droit de réplique déduit des art. 6 CEDH et 29 al. 2 Cst. n'a pas vocation à permettre à la partie recourante de présenter ainsi au Tribunal fédéral des arguments nouveaux ou des griefs qui auraient déjà pu figurer dans l'acte de recours (cf. ATF 143 II 283 consid. 1.2.3; 135 I 19 consid. 2.1); le recourant ne saurait, par ce biais, remédier à une motivation défaillante ou encore compléter les motifs de son recours, spécialement lorsque sont invoqués, comme en l'espèce, des griefs constitutionnels, soumis au principe d'invocation de l'art. 106 al. 2 LTF (appréciation arbitraire des preuves, application arbitraire du droit cantonal/communal). Admettre le contraire aurait pour conséquence de prolonger le délai légal de recours, ce que prohibe expressément l'art. 47 al. 1 LTF, et de créer des inégalités de traitement. 
Dans cette mesure, le Tribunal fédéral ne tiendra pas compte des explications et éléments nouveaux présentés au-delà du délai de recours, ceux-ci étant irrecevables. 
 
3.  
En début de mémoire, le recourant livre son propre état de fait. Une telle argumentation, dans la mesure où elle s'écarte des constatations de l'instance précédente ou les complète, sans qu'il soit indiqué que celles-ci seraient manifestement inexactes ou arbitraires, est irrecevable (cf. ATF 136 II 101 consid. 3; 135 II 313 consid. 5.2.2; arrêt 1C_559/2020 du 18 mai 2021 consid. 2). 
 
4.  
Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 5 de la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage du 1er juillet 1966 (LPN; RS 451) et des art. 162 et 163 RCC. 
 
4.1. Conformément à l'art. 5 al. 1 LPN, qui donne mandat au Conseil fédéral en ce sens, l'ordonnance du 13 novembre 2019 concernant l'Inventaire fédéral des sites construits à protéger en Suisse (OISOS; RS 451.12) recense les sites construits d'importance nationale. Il ressort de l'arrêt attaqué que le site de Choindez est recensé à l'ISOS comme "site industriel dans les gorges de la Birse. Cadre impressionnant de parois boisées et de rochers. Tissu composé d'usines et de maisons d'habitation". Cette inscription démontre qu'en tant qu'objet d'importance nationale, il mérite spécialement d'être conservé intact ou en tout cas d'être ménagé le plus possible (art. 6 al. 1 LPN). A teneur de l'art. 6 al. 2 LPN, lorsqu'il s'agit de l'accomplissement d'une tâche de la Confédération, la règle suivant laquelle un objet doit être conservé intact dans les conditions fixées par l'inventaire ne souffre d'exception que si des intérêts équivalents ou supérieurs, d'importance nationale également, s'opposent à cette conservation. La LPN n'impose toutefois pas directement aux cantons de protéger les sites d'importance nationale inscrit à l'ISOS (cf. arrêt 1C_283/2021 du 21 juillet 2022 consid. 3.1.2-3.1.3 et les arrêts cités). Sa mise en oeuvre concrète est laissée au droit cantonal: en tant qu'acte assimilé à des conceptions et à des plans sectoriels au sens de l'art. 13 de la loi fédérale du 22 juin 1979 sur l'aménagement du territoire (LAT; RS 700), les cantons doivent dans leur planification directrice tenir compte de l'ISOS, dont les objectifs de protection se retrouvent ensuite dans les plans d'affectation (cf. art. 9 al. 2 LAT; ATF 135 II 209 consid. 2.1; arrêt 1C_700/2013 du 11 mars 2014 consid. 2.2; ARE et al., Recommandation pour la prise en considération des inventaires fédéraux au sens de l'art. 5 LPN dans les plans directeurs et les plans d'affectation, ch. 5, p. 9 s.).  
 
4.2. En l'espèce, le recourant ne prétend à juste titre pas que l'ordre d'évacuation des objets encombrants présents sur sa parcelle relèverait de l'exécution d'une tâche de la Confédération. Son grief de violation de la LPN - singulièrement de son art. 5 - ne revêt ainsi pas de portée propre: la protection du site étant assurée par le droit cantonal, respectivement communal (RCC et son annexe I-RCB), son grief se confond avec sa critique en lien avec l'application des art. 162 et 163 RCC. Il est vrai toutefois que les objectifs de protection de l'ISOS doivent aussi être pris en considération dans ce cas de figure, en tant que manifestation d'un intérêt fédéral; l'inventaire n'est alors pas directement contraignant (cf. arrêt 1C_452/2016 du 7 juin 2017 consid. 3.3; THIERRY LARGEY, La protection du patrimoine bâti, in RDAF 2012 p. 281 ss, n. 4.2 p. 293 ss), si bien que la question litigieuse relève en l'espèce de la seule application du droit communal.  
 
4.2.1. Aux termes de l'art.16 RCC, les bâtiments mentionnés au RBC et les bâtiments reportés au plan de zones sont protégés pour leur valeur historique et artistique (al. 1). Le but de protection vise à préserver l'intégrité de l'objet et de ses abords ainsi que la manière dont il est perçu dans son environnement (al. 2). Le village de Choindez répertorié au RBC (08.04) est décrit ainsi: dans un évasement de la cluse de la Birse, site industriel développé dans la seconde moitié du XlX ème siècle, autour du Haut-Fourneau construit en 1846 par la société Von Roll pour traiter le minerai de la Vallée de Delémont. Fabriques, bureaux, hôtel, villas, maisons locatives de style historisant (fin XIX ème - début XX ème siècle). Aux termes de l'art. 162 al. 2 1 ère phrase RCC, les secteurs ABb et ABc sont destinés aux activités Industrielles et artisanales. Les commerces et les stations-services sont autorisés. Selon l'art. 163 al. 1 RCC, toutes les utilisations du sol non mentionnées à l'article précédent ainsi que les installations, activités et ouvrages incompatibles avec le caractère de la zone sont interdits. Sont en particulier interdits les dépôts de véhicules usagers (art. 163 al. 2 let. a RCC). Enfin, l'art. 23 du règlement communal de sécurité locale prévoit que les alentours des propriétés et des bâtiments doivent être maintenus en ordre (al. 1). Tout dépôt non usuel de vieilles voitures, de machines ou autre est interdit (al. 3).  
Le recours en matière de droit public ne peut cependant être formé pour violation du droit cantonal en tant que tel. Il est en revanche toujours possible de faire valoir que la mauvaise application du droit cantonal constitue une violation du droit fédéral, en particulier qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou contraire à un droit fondamental (ATF 141 I 36 consid. 1.3 p. 41). Il appartient toutefois à la partie recourante d'invoquer de tels griefs et de les motiver d'une manière suffisante, sous peine d'irrecevabilité (cf. 106 al. 2 LTF; ATF 141 I 36 consid. 1.3 et les références citées). 
 
4.2.2. Or, en l'espèce, si le recourant invoque certes une violation des art. 162 et 163 RCC, il ne se prévaut cependant pas de l'interdiction de l'arbitraire en lien avec ce grief. Il se plaint certes d'arbitraire en fin de mémoire. Toutefois, on ne perçoit pas d'emblée le lien entre cette argumentation et les art. 162 et 163 RCC ni avec l'art. 23 du règlement de sécurité - appliqué par la cour cantonale -, que le recourant ne mentionne au demeurant pas. A le comprendre, l'entreposage d'objets à l'extérieur, sur sa parcelle, ne s'apparenterait pas à une "décharge" ("Deponie"), dès lors que la cour cantonale a retenu une rotation des objets déposés au gré de leur vente: il serait ainsi arbitraire de leur appliquer les interdictions figurant dans les dispositions communales. Cette affirmation entre cependant en contradiction avec les doutes émis par la cour cantonale quant à l'absence de valeur marchande de ces objets anciens et usagés. Elle est par ailleurs strictement appellatoire et ne démontre pas qu'il serait arbitraire d'avoir ordonné leur évacuation en application du RCC, du RCB et du règlement de sécurité, spécialement au regard de l'intérêt du milieu bâti du site de Choindez inscrit à l'ISOS. On ne discerne de surcroît pas non plus, dans le contexte d'un site construit d'importance nationale, que l'évacuation d'objets anciens et usagés relèverait d'une appréciation subjective de la commune visant à remédier à un "désordre subjectif" ("Subjektive Unordnung"). Le recourant se limite en définitive à opposer sa propre interprétation et lecture des art. 162 et 163 RCC à l'appréciation de l'instance précédente, sans toutefois réellement la discuter, ni a fortiori en démontrer le caractère arbitraire.  
 
4.3. Insuffisamment motivé, le grief est irrecevable.  
 
5.  
Enfin le recourant soutient que l'ordre d'évacuer violerait la liberté économique ancrée à l'art. 27 Cst. Ce grief constitutionnel est également soumis aux exigences accrues de motivation rappelées au consid. 4.2.1 ci-dessus (cf. art. 106 al. 2 LTF). 
 
5.1. La cour cantonale, faisant siennes les constatations et l'appréciation de la Juge administrative du Tribunal administratif de première instance, a retenu que le recourant était une personne physique qui avait pour passe-temps d'acheter et de vendre des objets usagés ou anciens. Il ne tenait à cet égard pas de comptabilité. Il n'avait au surplus apporté aucun élément permettant de conclure à l'existence d'une activité commerciale. Il était en outre difficile, à teneur du dossier, d'imaginer que les objets déposés à l'extérieur avaient une quelconque valeur marchande. Par conséquent, faute d'intérêt économique du recourant, la question de savoir si les conditions de l'art. 36 Cst. (base légale, intérêt public et proportionnalité) étaient réalisées devenait sans objet.  
 
5.2. Le recourant ne conteste aucunement les constatations cantonales, dont rien ne commande partant de s'écarter (cf. ATF 145 V 188 consid. 2). Il ne soutient pas non plus qu'il procéderait d'une appréciation arbitraire des preuves d'avoir nié l'existence d'une activité commerciale et admis celle d'un passe-temps. Dans ces conditions, la cour cantonale pouvait nier tout intérêt économique du recourant (s'agissant de l'absence de protection d'une activité de loisir, cf. JACQUES DUBEY, Droits fondamentaux, volume II: Libertés, garanties de l'Etat de droit, droits sociaux et politiques, 2018, n. 2801). Quoi qu'il en soit, une mesure découlant, comme en l'espèce, d'un plan d'affectation est en principe compatible avec l'art. 27 Cst. lorsqu'elle met en oeuvre les principes de l'aménagement du territoire, conformément au mandat constitutionnel de l'art. 75 Cst., et qu'elle ne vide pas de son contenu la liberté économique (cf. arrêts 1C_124/2019 du 7 août 2019 consid. 4; 1C_124/2018 du 4 juin 2019 consid. 6; 1P.501/2005 du 24 janvier 2006 consid. 2). Or, le recourant ne prétend pas qu'une telle hypothèse serait réalisée en l'espèce, pas plus qu'il n'a précédemment démontré l'arbitraire dans l'application du plan d'affectation et de son règlement.  
En définitive, faute de répondre aux exigences de motivation du recours fédéral, le grief est irrecevable. 
 
6.  
Sur le vu de ce qui précède, insuffisamment motivé, le recours doit être déclaré irrecevable, aux frais du recourant (art. 66 al. 1 LTF). La commune intimée, qui agit dans le cadre de ses attributions officielles, n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Les frais de justice, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Il n'est pas alloué de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, à la Juge administrative du Tribunal de première instance de la République et canton du Jura ainsi qu'à la Cour administrative du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura. 
 
 
Lausanne, le 22 août 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
Le Greffier : Alvarez