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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
7B_10/2021  
 
 
Arrêt du 26 juillet 2023  
 
IIe Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Abrecht, Président, 
Kölz et Hofmann. 
Greffier : M. Fragnière. 
 
Participants à la procédure 
1. A.________, 
2. B.________, 
toutes les deux représentées par Mes Benjamin Borsodi et Michaël Jakubowski, avocats, 
recourantes, 
 
contre  
 
1. Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
2. C.________, représenté par Me Alexander Troller, avocat, 
3. D.________, représenté par Me Jean-Cédric Michel, avocat, 
4. E.________, représenté par Me Reza Vafadar, avocat, 
intimés. 
 
Objet 
Ordonnance de classement (gestion déloyale, blanchiment d'argent, etc.); principe de la bonne foi, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 2 novembre 2021 (P/2183/2016 ACPR/737/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 2 février 2016, A.________, société d'investissement ayant son siège à U.________, a saisi le Ministère public de la République et canton de Genève d'une plainte pénale pour gestion déloyale  
(art. 158 CP) et pour blanchiment d'argent (art. 305bis CP) contre C.________, E.________ et D.________. 
La plaignante a en substance exposé qu'ensuite d'un accord conclu en 2011 avec une société tierce, par lequel A.________ s'engageait à verser 17'200'000 USD à cette dernière, E.________ avait reçu 12'800'000 USD sur son compte auprès de la banque F.________ SA à Genève et D.________ 4'400'000 USD sur son compte auprès du même établissement. Cela étant, C.________, qui était alors CEO de A.________, E.________ et D.________ auraient su, au vu des circonstances, que les paiements dont il était question ne reposaient sur aucun fondement économique et que, partant, ils constituaient des malversations (ci-après: le premier volet). 
 
A.b. Les 7 décembre 2016 et 8 avril 2019, A.________ et B.________, société d'investissement ayant son siège en V.________, ont déposé des plaintes pénales complémentaires contre C.________ pour gestion déloyale des intérêts publics (art. 314 CP), pour corruption d'agents publics étrangers (art. 322septies CP) et pour blanchiment d'argent (art. 305bis CP).  
Les plaignantes ont en substance indiqué que, fin 2011 ou début 2012, C.________ aurait accepté une rétrocession illicite de 500'050 USD, versée sur son compte auprès de la banque G.________ SA, à Genève, en contrepartie d'un contrat fictif de courtage relatif à la vente de l'hôtel H.________ (ci-après: le second volet). 
 
B.  
Par ordonnance du 29 avril 2021, le ministère public a classé les procédures qu'il avait ouvertes ensuite des plaintes de A.________ et de B.________, ainsi que d'une dénonciation du Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (MROS) en lien avec les infractions évoquées ci-avant. 
Le recours formé par A.________ et B.________ contre cette ordonnance a été rejeté par arrêt rendu le 2 novembre 2021 par la Chambre pénale de recours de la Cour de justice genevoise. 
 
C.  
A.________ et B.________ forment un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 2 novembre 2021. Elles concluent, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens qu'il soit enjoint au ministère public de poursuivre l'instruction de la procédure pénale et qu'en tous les cas, le séquestre pénal portant sur les différents comptes bancaires soit maintenu. À titre subsidiaire, elles concluent à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles.  
En vertu de l'art. 42 al. 1 LTF, il incombe à la partie recourante d'alléguer les faits qu'elle considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir et d'expliquer dans son mémoire au Tribunal fédéral quelles prétentions civiles elle entend faire valoir contre la ou les parties intimées. Comme il n'appartient pas à la partie plaignante de se substituer au ministère public ou d'assouvir une soif de vengeance, la jurisprudence entend se montrer restrictive et stricte, de sorte que le Tribunal fédéral n'entre en matière que s'il ressort de façon suffisamment précise de la motivation du recours que les conditions précitées sont réalisées, à moins que l'on puisse le déduire directement et sans ambiguïté compte tenu notamment de la nature de l'infraction alléguée (ATF 141 IV 1 consid. 1.1). 
 
1.1.1. La notion d'influence du jugement pénal sur les prétentions civiles est stricte. La victime ne peut pas s'opposer à une décision parce qu'elle ne facilite pas son action sur le plan civil. Elle ne peut en particulier pas exiger des autorités qu'elles conduisent jusqu'à leur terme des poursuites pénales inopportunes uniquement pour la placer dans une position aussi favorable que possible pour faire valoir ses prétentions civiles. Dès lors que la décision attaquée ne contient rien qui puisse lui être opposé sur le plan civil, il y a lieu d'admettre que la sentence n'a pas d'effet sur le jugement de ses prétentions civiles (ATF 127 IV 185 consid. 1a; 120 IV 38 consid. 2c).  
Une action civile par adhésion à la procédure pénale présuppose, afin d'éviter des jugements contradictoires, que les prétentions civiles ne fassent pas l'objet d'une autre litispendance ou d'une décision entrée en force (ATF 145 IV 351 consid 4.3). En pareille situation, il appartient à la partie recourante de démontrer que la procédure civile, pendante ou ayant abouti à une décision entrée en force, ne fait pas obstacle à l'action civile par adhésion à la procédure pénale (arrêts 6B_1244/2021 du 12 avril 2022 consid. 1.3.3; 6B_266/2021 du 21 octobre 2021 consid. 2.1). Un devoir de motivation accrue s'impose également lorsque les prétentions civiles font l'objet d'une procédure arbitrale pendante en Suisse ou à l'étranger, respectivement d'une convention d'arbitrage (cf. art. 61 CPC et 7 LDIP). 
 
1.1.2. Dans le cas où la partie plaignante impute à plusieurs personnes des infractions distinctes, il lui incombe de préciser en quoi consiste le dommage en relation avec chaque infraction alléguée et son auteur (arrêt 6B_516/2022 du 2 novembre 2022 consid. 1.1 et la réf. citée). Lorsque le recours émane de plusieurs parties plaignantes qui procèdent ensemble, elles doivent chacune exposer de manière détaillée et individuellement quel est le dommage prétendument subi et quel en est le montant (arrêts 6B_516/2022 précité consid. 1.1; 6B_21/2022 du 24 mars 2022; 6B_103/2021 du 26 avril 2021 consid. 1.1; 6B_1026/2019 du 3 octobre 2019 consid. 2.1).  
 
1.2. En l'espèce, la cour cantonale a constaté que les faits en cause et les prétentions civiles y relatives faisaient ou avaient fait l'objet de litispendances à l'étranger, dont certaines avaient abouti à une sentence arbitrale ou à un jugement pénal. Ainsi, en ce qui concernait le premier volet, les recourantes étaient opposées aux intimés 3 et 4 dans une procédure arbitrale internationale pendante à Stockholm, fondée sur une convention d'arbitrage du 6 décembre 2017. Dans ce cadre, les recourantes leur réclamaient une somme de 17'200'000 USD pour la réparation de leur dommage. Les prétentions civiles en lien avec ce premier volet avaient par ailleurs fait l'objet du jugement rendu par défaut le 26 avril 2017 par la Cour pénale I.________, par lequel l'intimé 3 avait été condamné à restituer 4'400'000 USD à la recourante 1, tandis que l'intimé 4 avait été astreint à lui rembourser 12'800'000 USD. S'agissant du second volet, une sentence avait également été rendue par un juge unique à Londres le 22 mai 2020, dans le cadre d'une procédure arbitrale opposant la recourante 1 à un tiers (cf. arrêt attaqué, ad "En fait" let. B.I.e, B.I.f et B.I.g p. 3 s.).  
Aussi, l'autorité précédente a relevé que les intérêts des recourantes étaient largement préservés et pourraient l'être également par des séquestres civils, de sorte que ces dernières ne justifiaient pas d'un intérêt prépondérant à obtenir un jugement pénal en Suisse (cf. arrêt attaqué, consid. 4.2 p. 16). 
 
1.3. Les recourantes font valoir que les infractions commises par les intimés leur auraient causé un dommage total de 17'700'050 USD. Dans le cadre du premier volet, le stratagème mis en oeuvre aurait conduit à l'appropriation illicite d'une somme de 17'200'000 USD de fonds publics appartenant à la recourante 1, transférés sur des comptes détenus en Suisse par les prévenus avant d'être "ventilés" vers l'étranger. Dans le cadre du second volet, l'intimé 2 aurait accepté une rétrocession illicite d'un montant de 500'050 USD versé sur son compte en Suisse en contrepartie de la conclusion, pour le compte de la recourante 1, d'un contrat fictif de courtage en faveur d'un tiers.  
À ces égards, les recourantes précisent que les procédures étrangères ne permettraient pas de préserver leurs prétentions civiles, dans la mesure où elles ne viseraient pas l'ensemble des prévenus dans leur volet respectif. La procédure arbitrale pendante à Stockholm ne concernerait en effet que le premier volet et l'intimé 2 n'y serait pas partie, tandis que la procédure arbitrale pendante à Londres aurait pour objet le second volet et qu'aucun des recourants n'y serait partie. Enfin, le jugement pénal de la Cour pénale I.________, rendu par défaut, serait annulable sur simple opposition. 
 
1.4.  
 
1.4.1. Par leur argumentation, les recourantes se bornent à soutenir que le classement de la procédure pénale en Suisse rendrait plus difficile le recouvrement de leurs prétentions civiles, dans la mesure où il "empêcherait l'identification d'avoirs confiscables" et compromettrait "fortement la réparation de leur dommage". Ce faisant, elles échouent à démontrer que la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de leurs prétentions civiles, et non uniquement sur le recouvrement de celles-ci, étant relevé qu'on ne voit pas en quoi les motifs d'opportunité et de proportionnalité ayant fondé le classement pourraient leur être opposés sur le plan civil.  
L'argumentation des recourantes dénote en définitive que les démarches entreprises sur le plan pénal visent uniquement à faciliter leurs actions sur le plan civil, ce qui n'est pas admissible (cf. consid. 1.1.1 supra; cf. également arrêts 6B_413/2022 du 5 octobre 2022 consid. 2.3.1; 6B_987/2020 du 4 mars 2021 consid. 1.1; 6B_741/2020 du 11 novembre 2020 consid. 2.1).  
 
1.4.2. Pour le surplus, les recourantes échouent à établir, à satisfaction de droit, que les différentes procédures étrangères ne font pas obstacle à une action civile par adhésion à la procédure pénale suisse (cf. consid. 1.1.1 supra).  
Le fait que le jugement du 26 avril 2017 de la Cour pénale I.________ ait été rendu par défaut n'implique ainsi pas forcément, comme le soutiennent les recourantes, qu'il soit annulable en tout temps "sur simple opposition" et, partant, que le principe ne bis in idem soit inapplicable. En outre, les recourantes ne précisent pas qu'elles auraient été empêchées de faire valoir certaines prétentions civiles dans la procédure arbitrale en Suède. Elles n'indiquent finalement pas avoir essayé d'attraire l'intimé 2 aux procédures arbitrales pendantes à Londres et à Stockholm, ni que ce dernier leur aurait causé un dommage dans le cadre du premier volet.  
 
1.4.3. Au reste, les recourantes ne proposent aucun développement susceptible de démontrer quel est le dommage subi par chacune d'elles, individuellement, dans les deux volets litigieux (cf. consid. 1.1.2 supra).  
 
1.5. Les recourantes échouent dès lors à démontrer leur qualité pour recourir sur le fond selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF.  
 
2.  
L'hypothèse visée à l'art. 81 al. 1 let. b ch. 6 LTF n'entre pas en considération, les recourantes ne soulevant aucun grief quant à leur droit de porter plainte. 
 
3.  
Indépendamment des conditions posées par l'art. 81 al. 1 LTF, la partie plaignante est habilitée à se plaindre d'une violation de ses droits de partie équivalant à un déni de justice formel, sans toutefois pouvoir faire valoir par ce biais, même indirectement, des moyens qui ne peuvent pas être séparés du fond (ATF 141 IV 1 consid. 1.1). 
 
3.1. Invoquant une violation du principe de la bonne foi (art. 3 al. 2 let. a et b CPP, 5 al. 3 et 9 Cst.), les recourantes reprochent en substance au ministère public d'avoir décidé de classer la procédure, alors que le premier magistrat en charge du dossier aurait manifesté à plusieurs reprises son intention de poursuivre l'instruction.  
Ce faisant, les recourantes ne se plaignent pas d'une violation de leurs droits de partie équivalant à un déni de justice formel, mais visent à remettre en cause l'ordonnance de classement du 29 avril 2021 de manière à obtenir ce qu'elles réclament au fond, soit la poursuite de l'instruction. Leur grief est dès lors irrecevable. 
 
3.2. Les recourantes ne formulent au surplus aucun autre moyen susceptible de constituer une violation de leurs droits de partie équivalent à un déni de justice formel, à tout le moins pas par une motivation conforme en la matière (cf. art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF).  
 
4.  
Vu ce qui précède, le recours doit être déclaré irrecevable. Les recourantes, qui succombent, supporteront les frais judiciaires solidairement entre elles (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge des recourantes, solidairement entre elles. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours. 
 
 
Lausanne, le 26 juillet 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Abrecht 
 
Le Greffier : Fragnière