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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_1234/2022  
 
 
Arrêt du 20 janvier 2023  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, 
Juge présidant, Muschietti et Koch. 
Greffière : Mme Kistler Vianin. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
recourante, 
 
contre  
 
Ministère public de la République 
et canton de Neuchâtel, 
passage de la Bonne-Fontaine 41, 
2300 La Chaux-de-Fonds, 
intimé. 
 
Objet 
Ordonnance de non-entrée en matière 
(discrimination raciale, abus d'autorité), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal 
de la République et canton de Neuchâtel, 
Autorité de recours en matière pénale, 
du 12 septembre 2022 (ARMP.2021.153/sk). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par ordonnance du 2 décembre 2021, le Procureur général du canton de Neuchâtel a refusé d'entrer en matière sur la plainte pénale du 9 septembre 2020 déposée par A.________, en tant que la plainte était dirigée contre la procureure neuchâteloise B.________. 
 
B.  
Par arrêt du 12 septembre 2022, l'Autorité de recours en matière pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois a rejeté le recours formé par A.________ contre l'ordonnance du 2 décembre 2021 de non-entrée en matière. En outre, elle a invité le Ministère public neuchâtelois à transmettre aux autorités fribourgeoises une copie de la plainte du 9 septembre 2020 et de ses annexes, comme objet de leur compétence s'agissant de la plainte déposée contre deux procureurs de ce canton. 
En résumé, elle a retenu les faits suivants: 
 
B.a. A.________ et C.________ sont les parents de D.________, née en 2015. Ils se sont séparés en 2015 déjà. Depuis lors, un important conflit oppose les parents, en particulier quant à la garde de l'enfant et aux relations personnelles, diverses procédures civiles et pénales ayant été ouvertes de part et d'autre.  
 
B.b. Le 14 juillet 2018, A.________ a déposé une plainte pénale contre C.________ pour violation d'une obligation d'entretien (art. 217 al. 1 CP). A la suite de cette plainte, le Ministère public du canton de Neuchâtel a ouvert une instruction contre C.________. Ce dernier ayant également déposé une plainte pénale contre A.________ pour violation du devoir d'assistance ou d'éducation (art. 219 CP), ainsi que pour enlèvement de mineur (art. 220 CP), l'instruction a été, le 19 novembre 2018, étendue contre la précitée. Différentes décisions ont été prises par les autorités d'instruction pénale et judiciaires neuchâteloises au cours de cette procédure.  
 
B.c. A.________ a adressé le 9 septembre 2020 une plainte pénale au ministère public. Cette plainte visait nommément la procureure neuchâteloise B.________ et les procureurs fribourgeois E.________ et F.________ (étant précisé que la seconde était actuellement à la retraite), ainsi que "toute personne dont l'enquête pourrait révéler une responsabilité dans les faits dénoncés".  
La plaignante mentionnait notamment que la procureure B.________ refusait de respecter ses droits et ceux de l'enfant, notamment le versement de la pension par le père, prétextant le fait qu'elle n'avait pas vu la mère, alors que ce n'était pas relevant. Selon la plaignante, aucune audition de la mère ne se justifiait. La procureure se fondait sur des documents dont elle savait qu'ils avaient été annulés par les autorités, à savoir l'expertise du Dr G.________ et les décisions de la juge H.________ (APEA). D'après la plaignante, la procureure s'était contentée de la classer parmi les malades mentaux et se croyait ainsi en droit de ne pas respecter ses droits procéduraux. Elle n'avait pour but que de la localiser, vraisemblablement pour l'interner de force et lui arracher sa fille (car la cause serait en état d'être jugée, la plaignante ayant déjà apporté la preuve qu'elle était innocente et que le père ne versait pas les pensions qu'il devait). L'arrêt rendu le 13 mars 2020 par l'Autorité de recours en matière pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois montrait qu'il était question d'envisager des mesures contre la plaignante, en se fondant sur le rapport du Dr G.________. 
Dans un chapitre intitulé "récusation", la plaignante demandait que sa plainte soit traitée par des magistrats n'ayant pas participé aux actes dénoncés et "n'ayant aucun lien hiérarchique avec la procureure B.________"; cette plainte devait donc être transmise à un procureur extraordinaire extérieur aux cantons de Neuchâtel et de Fribourg, afin de lui garantir une procédure équitable. La plaignante réservait ses prétentions civiles. 
 
B.d. Le 2 décembre 2021, le Procureur général neuchâtelois a décidé la non-entrée en matière sur la plainte du 9 septembre 2020, en tant que celle-ci était dirigée contre la procureure B.________. Il a considéré que la plainte était tellement évidemment mal fondée qu'il ne lui appartenait pas de demander au Conseil de la magistrature de désigner un procureur suppléant pour en connaître et qu'il pouvait en conséquence statuer lui-même. Il n'y avait pas lieu, pour le surplus, de transmettre d'office la plainte dirigée contre les deux procureurs fribourgeois aux autorités fribourgeoises, compte tenu de l'absence totale de chances de succès de cette plainte; si la plaignante estimait devoir agir contre les deux procureurs fribourgeois visés, le soin lui était laissé de s'adresser aux autorités du canton concerné (arrêt attaqué p. 16 s.).  
 
B.e. Le 19 décembre 2021, A.________ a recouru contre l'ordonnance du 2 décembre 2021 de non-entrée en matière auprès de l'Autorité de recours en matière pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois. Elle a sollicité la récusation des juges I.________, J.________ et K.________, membres de cette autorité. Le 6 janvier 2022, celle-ci a transmis la demande de récusation à la Cour pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois, qui l'a rejetée par arrêt du 17 février 2022. A.________ a recouru devant le Tribunal fédéral, qui a, par arrêt du 10 août 2022 (1B_167/2022), partiellement admis le recours, annulé l'arrêt de la Cour pénale neuchâteloise et ordonné la récusation des juges I.________ et J.________, pour la procédure de recours contre l'ordonnance du 2 décembre 2021 de non-entrée en matière. A la suite de l'arrêt du 10 août 2022 du Tribunal fédéral, la cause a été traitée, au sein de l'autorité de recours en matière pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois, par d'autres juges que ceux dont la récusation avait été prononcée.  
 
C.  
Contre l'arrêt cantonal du 12 septembre 2022, A.________ forme un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué. Elle sollicite la récusation du Procureur général L.________ ainsi que de l'ensemble des procureurs du Ministère public neuchâtelois et la désignation d'un procureur extraordinaire hors canton, auquel la cause serait transmise pour qu'il entreprenne une enquête et statue dans le sens des considérants. Elle requiert en outre que la cause ne soit pas scindée en un dossier neuchâtelois et un autre fribourgeois mais traitée dans son intégralité par le même procureur. Enfin, elle demande l'assistance judiciaire. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Constituent de telles prétentions celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être déduites ordinairement devant les tribunaux civils. Il s'agit principalement des prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 4). En vertu de l'art. 42 al. 1 LTF, il incombe au recourant d'alléguer les faits qu'il considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir à moins que l'on puisse le déduire directement et sans ambiguïté compte tenu notamment de la nature de l'infraction alléguée (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 4 et les arrêts cités).  
 
1.2. En l'espèce, la recourante n'explique pas quelles éventuelles prétentions civiles elle pourrait formuler à l'encontre de la procureure neuchâteloise. Cela se conçoit d'autant moins que, selon la loi neuchâteloise du 29 septembre 2020 sur la responsabilité des collectivités publiques et de leurs agents (loi sur la responsabilité, LResp; RSN 150.10), la collectivité publique répond du dommage causé sans droit à un tiers par ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, sans égard à la faute de ces derniers (art. 5 al. 1 LResp). Le lésé n'a aucune action contre l'agent responsable (art. 9 LResp). Par collectivité publique, la loi sur la responsabilité vise notamment les autorités judiciaires (art. 1 al. 2 LResp) et, en particulier, le ministère public (art. 49 ss de la loi d'organisation judiciaire neuchâteloise du 27 janvier 2010, OJN; RSN 161.1). Le canton de Neuchâtel ayant ainsi fait usage de la faculté réservée à l'art. 61 al. 1 CO, la recourante, qui n'expose pas en quoi ce régime de responsabilité ne serait pas applicable en l'espèce, ne disposerait, le cas échéant, que d'une prétention de droit public à faire valoir non pas contre l'auteur présumé contre lequel elle a dirigé sa plainte, mais contre l'État. Selon la jurisprudence constante, de telles prétentions ne peuvent pas être invoquées dans le procès pénal par voie d'adhésion et ne constituent dès lors pas des prétentions civiles au sens de l'art. 81 LTF (ATF 146 IV 76 consid. 3 p. 82 ss et les références citées). La recourante n'a donc pas la qualité pour recourir en matière pénale sous cet angle, pas plus qu'au regard de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 6 LTF, faute d'invoquer expressément la violation de son droit de porter plainte.  
 
2.  
Indépendamment de ce qui précède, la qualité pour recourir en matière pénale au Tribunal fédéral doit être reconnue à la partie qui invoque des griefs purement formels, entièrement séparés du fond, équivalant à un déni de justice formel (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 5; 136 IV 29 consid. 1.9 p. 40 et les références citées). 
Dans ce cadre, la recourante reproche à la cour cantonale d'avoir rejeté sa demande de récusation visant les magistrats "ayant un lien hiérarchique avec la procureure B.________", ainsi que d'avoir violé le principe de l'unité de la procédure en invitant le Ministère public neuchâtelois à transmettre une copie de la plainte du 9 septembre 2020 s'agissant des deux procureurs de ce canton. 
 
2.1. La recourante se plaint d'une violation des règles sur la récusation, consistant en particulier dans le fait que le Procureur général neuchâtelois a statué alors qu'il se trouvait dans un lien hiérarchique direct avec l'une des personnes visées par la plainte, à savoir la procureure B.________. L'art. 59 al. 1 let. b CPP prévoit que, si un motif de récusation au sens de l'art. 56 let. a ou f CPP est invoqué, le litige est tranché sans administration supplémentaire de preuves et définitivement par l'autorité de recours, lorsque le ministère public, les autorités pénales compétentes en matière de contraventions et les tribunaux de première instance sont concernés. La jurisprudence admet toutefois que la personne dont la récusation est requise peut statuer elle-même sur la demande de récusation lorsque celle-ci est manifestement abusive, infondée et quérulente et qu'elle vise à paralyser le fonctionnement de la justice, alors même que cette décision incomberait, selon la loi de procédure applicable, à une autre autorité (ATF 129 III 445 consid. 4.2.2 p. 464 s.; arrêts 8F_15/2018 du 14 janvier 2019 consid. 5; 6B_1318/2017 du 9 février 2018 consid. 3). En l'occurrence, le Procureur général a considéré que la plainte pénale pour discrimination raciale (cf. arrêt attaqué p. 29 ss) et pour abus d'autorité (cf. arrêt attaqué p. 32 s.) était manifestement mal fondée, voire abusive. La recourante, qui n'est pas habilitée à recourir sur le fond ( supra consid. 1.2), ne saurait remettre en cause les motifs de fond avancés par le Procureur général, ce qu'elle ne fait du reste pas valablement au regard des art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF. Il s'ensuit qu'on ne peut qu'admettre que la demande de récusation liée à cette plainte était aussi abusive, de sorte qu'on ne saurait reprocher au Procureur général d'avoir écarté lui-même la demande de récusation et d'avoir rendu une ordonnance de non-entrée en matière. Les griefs soulevés par la recourante sont infondés.  
 
2.2. La plainte pénale visait également nommément F.________ et E.________, deux procureurs fribourgeois. La cour cantonale a invité le Procureur général neuchâtelois à transmettre aux autorités fribourgeoises une copie de la plainte du 9 septembre 2020 comme objet de leur compétence s'agissant de ces deux procureurs. La recourante fait valoir que cette décision violerait l'art. 29 CPP, qui prévoit que les infractions sont poursuivies et jugées conjointement lorsqu'il y a plusieurs coauteurs ou participation. Contrairement à ce que soutient la recourante, les procureurs fribourgeois, à supposer que ceux-ci se soient rendus coupables de discrimination raciale, ne sauraient être qualifiés de coauteurs de la procureure neuchateloise, dans la mesure où ils traitaient d'autres procédures pénales et ne sauraient donc avoir agi de concert avec cette dernière. En conséquence, la cour cantonale n'a pas violé l'art. 29 CPP en ordonnant la transmission de la plainte aux autorités fribourgeoises s'agissant des deux procureurs fribourgeois. Les griefs soulevés sont ainsi infondés.  
 
3.  
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
Comme il était dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF) et la recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera toutefois fixé en tenant compte de sa situation financière qui n'apparaît pas favorable. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Autorité de recours en matière pénale. 
 
 
Lausanne, le 20 janvier 2023 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Denys 
 
La Greffière : Kistler Vianin