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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_242/2021  
 
 
Arrêt du 19 août 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix, Haag, Müller et Pont Veuthey, Juge suppléante. 
Greffière : Mme Sidi-Ali. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________, 
B.A.________, 
tous les deux représentés par Me Marc-Olivier Buffat, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
C.C.________, 
D.C.________, 
E.________, 
F.________, 
G.________, 
tous représentés par Me Laurent Pfeiffer, avocat, 
Helvetia Nostra, 
case postale 1651, 1820 Montreux 1, 
représentée par Me Pierre Chiffelle, avocat, 
intimés, 
 
Municipalité d'Ormont-Dessus, 
rue de la Gare 1, 1865 Les Diablerets, 
représentée par Me Jacques Haldy, avocat. 
 
Objet 
permis de construire, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud, du 17 mars 2021 (AC.2019.0244). 
 
 
Faits :  
 
A.  
La société H.________ Sàrl est propriétaire de la parcelle n° 2050 de la commune d'Ormont-Dessus, qu'elle a acquise le 27 avril 2018. Ce bien-fonds, d'une superficie de 1'998 m², est colloqué en zone du village des Diablerets selon le Plan des zones d'Ormont-Dessus du 10 septembre 1982 et le règlement communal sur le plan d'extension et la police des constructions du 1er novembre 1995, modifié en 2001. Ormont-Dessus figure dans la liste des communes comptant plus de 20 % de résidences secondaires établie par l'Office fédéral du développement territorial. 
A.A.________ et B.A.________ exploitent ensemble la société H.________ Sàrl, inscrite au registre du commerce depuis le 16 novembre 2016 et ayant pour but l'exécution de toutes opérations immobilières. Ils sont en outre à la tête de plusieurs autres sociétés actives dans le domaine de la construction. Ils habitent dans la commune depuis plusieurs années, chacun dans une maison dont il est propriétaire. 
Le 2 février 2017, A.A.________ et B.A.________, ainsi que la propriétaire de l'époque dont H.________ Sàrl a depuis acquis la parcelle n° 2050, ont déposé une demande de permis pour la construction, sur ce bien-fonds, de deux chalets composés de huit logements (trois appartements de 2,5 pièces, un de 3,5 pièces, trois de 4,5 pièces et un de 5,5 pièces). Le projet comprend également la démolition de la grange existante et la construction de 16 places de parc non couvertes. Mis à l'enquête publique du 18 mars au 16 avril 2017, le projet a suscité 22 oppositions, dont celles de C.C.________ et D.C.________, de E.________, de F.________ et G.________, tous propriétaires ou occupants de la propriété par étages sise sur la parcelle n° 2304 de la commune qui jouxte la parcelle n° 2050, ainsi que d'Helvetia Nostra. 
 
B.  
 
B.a. Le 12 juin 2017, la Municipalité d'Ormont-Dessus a requis l'inscription au registre foncier de la mention "résidence principale" pour les appartements à construire. La venderesse et les constructeurs se sont engagés par écrit à déposer leurs papiers dans la commune au plus tard 60 jours après la fin des travaux, mais dans tous les cas avant l'obtention du permis d'habiter, ainsi qu'à élire domicile et à séjourner durablement dans le logement construit -, respectivement à informer les futurs acquéreurs de ces conditions et s'assurer qu'elles soient respectées (art. 105 al. 2 LTF).  
Le même jour, la Municipalité a octroyé le permis de construire requis. 
Par décisions du 23 juin 2017, la Municipalité a levé les oppositions. 
Statuant sur recours des opposants précités, la Cour de droit administratif du Tribunal cantonal vaudois (CDAP) a confirmé ces décisions par arrêt du 26 avril 2018, considérant en substance que les habitations prévues répondent à un besoin avéré de logements abordables en résidence principale aux Diablerets. 
Cet arrêt a été annulé le 6 août 2019 par le Tribunal fédéral (arrêt 1C_257/2018) et la cause renvoyée à la CDAP pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Le Tribunal fédéral a en effet constaté qu'il y avait eu au cours des cinq années précédentes un important nombre de permis de construire délivrés sans que cela n'ait eu pour effet de faire augmenter la population résidente, aspect qui devait alors être intégré à la réflexion relative au besoin en résidences principales. 
 
B.b. Par arrêt du 17 mars 2021, après avoir repris l'instruction de la cause et notamment versé au dossier le rapport d'expertise de la société i Consulting intitulé "Résultats d'un examen plus approfondi de l'offre et la demande de logements en résidence principale aux Diablerets", la cour cantonale a admis le recours des opposants et annulé les décisions de la Municipalité d'Ormont-Dessus levant leurs opposition et délivrant le permis de construire.  
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.A.________ et B.A.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt cantonal du 17 mars 2021 et de renvoyer la cause à la CDAP pour nouvelle instruction et nouveau jugement dans le sens des considérants. Subsidiairement, ils concluent à la réforme de l'arrêt cantonal en ce sens que les recours des opposants sont rejetés et la décision d'octroi du permis de construire confirmée. 
La Commune se détermine et conclut à l'admission du recours. Les voisins opposants d'une part et Helvetia Nostra d'autre part, concluent au rejet du recours. Consulté, l'Office fédéral du développement territorial (ARE) renonce à déposer des observations. Les parties se déterminent dans de nouveaux échanges et confirment leurs conclusions respectives. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Les recourants ont pris part à la procédure de recours devant le Tribunal cantonal; ils sont particulièrement touchés par l'arrêt attaqué, qui annule le permis de construire que leur avait octroyé la commune, et ont un intérêt digne de protection à l'annulation ou la modification de cet arrêt. Ils ont dès lors qualité pour agir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF
Les autres conditions de recevabilité sont réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
Les recourants se plaignent d'un état de fait lacunaire au motif que l'arrêt attaqué ne mentionnerait pas l'offre et les caractéristiques des logements proposés par rapport à la "typologie" des éventuels futurs occupants. Il manquerait également l'indication qu'ils ont requis des mesures d'instruction, ce au cours de la procédure ayant donné lieu au premier arrêt cantonal déjà, et qu'ils ont, au cours de la seconde procédure cantonale, proposé de fournir tout pièce utile s'agissant de devis permettant la réalisation du projet. 
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recours ne peut critiquer la constatation de faits que si ceux-ci ont été établis en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte - en particulier en violation de l'interdiction constitutionnelle de l'arbitraire - et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause. Il y a arbitraire (art. 9 Cst.) dans l'appréciation des preuves si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables. Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. Les faits et les critiques invoqués de manière appellatoire sont irrecevables (ATF 145 I 26 consid. 1.3; 141 IV 369 consid. 6.3).  
 
2.2. En l'occurrence, le degré de détail souhaité par les recourants dans l'établissement des faits relatifs aux types de logements projetés et de futurs occupants n'est pas décisif pour le sort de la cause. L'arrêt attaqué confirme qu'il est constant que les logements, par leur nature et leur localisation, se prêteraient à de la résidence principale, ce qui, ainsi qu'on le verra ci-dessous, sous réserve du mode de commercialisation prévu (consid. 4.2), est suffisant.  
Quant aux mesures d'instruction requises et aux offres de production de pièces, leurs réquisitions figurent dans l'état de fait de l'arrêt attaqué et l'on ne voit pas en quoi le fait - omis - que les recourants les auraient présentées déjà lors de la première procédure devant la cour cantonale serait d'importance. S'agissant plus spécifiquement de l'offre, non expressément mentionnée dans l'arrêt attaqué, de présenter toute pièce utile permettant de démontrer la faisabilité financière du projet, elle concerne un aspect du litige qui n'est en réalité pas décisif (cf. consid. 3.2 et 3.4). 
Enfin, la teneur des déterminations de l'ARE auprès du Tribunal fédéral dans la cause 1C_257/2018 pouvait ne pas apparaître déterminante aux yeux de la cour cantonale, dès lors que l'avis de l'office n'avait précisément pas été suivi par la cour de céans dans l'arrêt du 6 août 2019. 
Aussi l'établissement des faits n'est-il pas lacunaire sur ces questions. 
 
3.  
Les recourants dénoncent une violation de leur droit d'être entendus du fait qu'en dépit de leur requête en ce sens, la cour cantonale n'a pas procédé à l'audition de témoins ni fait d'inspection locale. 
 
3.1. Le droit d'être entendu garanti à l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit de faire administrer les preuves, pour autant que celles-ci soient requises dans les formes prévues par le droit cantonal et qu'elles apparaissent utiles à l'établissement des faits pertinents (ATF 139 II 489 consid. 3.3; 129 II 497 consid. 2.2). Cette garantie constitutionnelle n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, l'autorité a la certitude que celles-ci ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références).  
 
3.2. Les considérants de l'arrêt attaqué relatifs à la faisabilité du projet dans le strict respect des prix de mise sur le marché (que ce soit en vente ou en location) annoncés relèvent d'une argumentation superfétatoire; les éléments de preuve requis en lien avec ces aspects n'avaient par conséquent pas à faire l'objet d'une instruction plus poussée.  
S'agissant de l'inspection locale, on ne voit pas ce qui la justifiait, la nature du quartier dans lequel devrait s'implanter le projet n'étant pas décisive. En effet, comme on l'a déjà relevé ci-dessus, tant la cour cantonale que, déjà en la cause 1C_257/2018, le Tribunal fédéral, ont reconnu que l'emplacement des logements litigieux convenait à de la résidence principale. Les recourants n'exposent pas quels éléments supplémentaires une visite des lieux aurait permis d'établir. 
Pour ce qui est de l'audition de témoins, elle n'était pas nécessaire compte tenu de ce qui suit (consid. 4). 
Le droit d'être entendus des recourants a ainsi été respecté quand bien même il n'a pas été donné suite à leurs offres de preuves. 
 
4. Dans des griefs qu'il se justifie, vu leur teneur, de traiter en une seule fois, les recourants se plaignent d'une violation des art. 6, 7 et 14 de la loi fédérale du 20 mars 2015 sur les résidences secondaires (LRD; RS 702), du principe de la bonne foi et de la garantie de la propriété, plus particulièrement sous l'angle du principe de la proportionnalité.  
 
4.1. L'art. 6 al. 1 LRS prévoit qu'aucune nouvelle résidence secondaire ne peut être autorisée dans les communes dont la proportion de résidences secondaires est supérieure à 20 %. L'art. 7 al. 1 LRS précise que, dans ces communes, de nouveaux logements ne peuvent être autorisés qu'à la condition d'être utilisés comme résidence principale ou comme logement assimilé à une résidence principale (let. a) ou comme logement affecté à l'hébergement touristique (let. b).  
Face à une une telle restriction, on ne peut exclure que certains constructeurs soient tentés de contourner la réglementation en déclarant faussement qu'ils entendent utiliser leur construction en tant que résidence principale ou l'affecter en résidence touristique mise à disposition du public. Un abus de droit manifeste ne saurait toutefois être admis que s'il apparaît d'emblée que le projet ne pourra pas être utilisé comme annoncé, notamment en raison de l'insuffisance de la demande de résidences principales dans la commune en question pour le type d'objets concernés, et/ou en présence d'autres indices concrets (ATF 144 II 49 consid. 2.2; 142 II 206 consid. 2.2; arrêt 1C_149/2020 du 8 décembre 2020 consid. 4.1). En droit public, le principe de la bonne foi est explicitement consacré par l'art. 5 al. 3 Cst., en vertu duquel les organes de l'Etat et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. Il y a fraude à la loi - forme particulière d'abus de droit - lorsqu'un justiciable évite l'application d'une norme imposant ou interdisant un certain résultat par le biais d'une autre norme permettant d'aboutir à ce résultat de manière apparemment conforme au droit (ATF 144 II 49 consid. 2.2; 142 II 206 consid. 2.3.). La norme éludée doit alors être appliquée nonobstant la construction juridique destinée à la contourner (ATF 144 II 49 consid. 2.2; 142 II 206 consid. 2.3; ATF 134 I 65 consid. 5.1). Pour être sanctionné, un abus de droit doit apparaître manifeste. L'autorité qui entend faire appliquer la norme éludée doit établir l'existence d'une fraude à la loi, ou du moins démontrer l'existence de soupçons sérieux dans ce sens. Cette appréciation doit se faire au cas par cas, en fonction des circonstances d'espèce (ATF 144 II 49 consid. 2.2; 142 II 206 consid. 2.5 et la jurisprudence citée). 
Dans le contexte de l'art. 75b Cst. et de ses dispositions d'application, il n'y a pas lieu d'assouplir la répartition du fardeau de la preuve dans ce domaine en exigeant systématiquement du constructeur qu'il prouve d'emblée le respect de l'affectation prévue. Toutefois, il appartient à l'autorité chargée de la délivrance des permis de construire de s'assurer que les conditions posées pourront être respectées (ATF 144 II 49 consid. 2.2; 142 II 206 consid. 4.3). Il s'agit de vérifier si, en prétendant vouloir construire une résidence principale (but en soi admissible au regard de la norme constitutionnelle) selon la définition des art. 2 al. 2 et 3 LRS, l'intéressé n'a pas pour objectif de contourner l'interdiction découlant de l'art. 75b Cst. et de l'art. 6 LRS en réalisant, à terme, une résidence secondaire. Il en va de même s'il envisage d'emblée, toujours en prétendant vouloir construire une résidence principale, de faire usage de l'art. 14 LRS qui permet de suspendre cette affectation lorsqu'il n'existe pas de demande pour un tel logement à un prix raisonnable (ATF 144 II 49 consid. 2.2; 142 II 206 consid. 2.4; arrêt 1C_73/2018 du 7 janvier 2019 consid. 2.2). Dans ce cadre, le Tribunal fédéral recherche s'il existe des indices concrets mettant d'emblée en doute la volonté ou la possibilité d'utiliser l'immeuble comme résidence principale. Ces indices peuvent, selon les circonstances, concerner la situation de l'immeuble (zone de construction, accessibilité toute l'année, éloignement des lieux de travail), sa conception même (dans l'optique d'une occupation à l'année), éventuellement son prix, les circonstances tenant à la personne qui entend y habiter, lorsque celle-ci est connue (résidence actuelle, lieu de travail, déclarations d'intention de l'intéressé lui-même). 
Lorsque le ou les futurs occupants ne sont pas connus (logements destinés à la vente ou à la location), le critère principal est celui de la demande de résidences principales dans le même secteur (ATF 145 II 99 consid. 3.1; 144 II 49 consid. 2.2; 142 II 206 consid. 2.4). Dans les cas où la demande est manifestement insuffisante, une autorisation de construire ne peut être délivrée que si des assurances sérieuses et concrètes ont été données quant à l'occupation par des habitants à l'année (ATF 145 II 99 consid. 3.1 144 II 49 consid. 2.4). Selon la jurisprudence, cela vaut même si le maître d'ouvrage a sincèrement l'intention de commercialiser le projet de construction comme résidence principale: si cette intention n'est pas réaliste, il faut partir du principe que la réglementation légale est contournée. Dans ce cas, l'objection selon laquelle le maître d'ouvrage assume le risque financier n'est pas non plus pertinente (145 II 99 consid. 3.1; arrêts 1C_285/2019 du 28 janvier 2020 consid. 2.2; 1C_263/2016 du 21 février 2017 consid. 5.3 in fine).  
 
4.2. L'abus de droit (délibéré ou non) a ainsi été reconnu dans le cas d'un chalet de six appartements à Gryon destinés à la vente dont la taille n'était pas celle pour laquelle il était avéré qu'il y avait une demande (arrêt 1C_448/2018 du 24 juin 2019 consid. 3), dans le cas d'un projet de douze logements à Saanen initialement conçus à des fins de résidences secondaires et non modifié, d'appartements luxueux mais de très petite taille, ce qui a été jugé absurde pour des personnes aisées s'installant en résidence principale, situé à dix minutes à pied des transports publics les plus proches, dans une commune où la population stagne et connaît un important nombre de logements vacants, y compris dans le secteur haut de gamme (ATF 145 II 99), et pour un projet de huit appartements de 4 pièces à Rossinière, commune où la population avait constamment baissé au cours des six années précédentes, alors qu'un projet d'une telle ampleur n'avait jamais été réalisé sur le territoire communal, et qu'il était prévu dans un secteur de la commune sis hors du périmètre de centre local désigné dans le plan directeur cantonal (arrêt 1C_263/2016 du 21 février 2017 consid. 5.3).  
Dans le cas publié aux ATF 142 II 206, le Tribunal fédéral n'a pas annulé les autorisations de construire mais a renvoyé la cause pour complément d'instruction, s'agissant d'un projet de quarante-cinq nouveaux logements (dont trente directement en cause dans l'arrêt en question) mis quasi simultanément sur le marché dans la station d'Ovronnaz, alors que le dossier ne contenait aucune indication sur la demande en résidences principales dans ce secteur. Parmi les affaires jugées depuis cet arrêt, l'abus de droit n'a pas été reconnu dans le cas d'un projet de sept appartements destinés à la location à Villars-sur-Ollon, pour lesquels d'éventuels futurs occupants ont manifesté leur intérêt, dans une localité dont la population a, excepté une année, régulièrement augmenté au cours des années précédentes, ce en dépit d'un important nombre de logements en résidence principale autorisés mais non encore construits dans la même localité et dont l'occupation effective demeurait incertaine; le Tribunal fédéral a toutefois précisé que le cas était à la limite de ce qui pouvait être admis sans reconnaître un abus de droit (arrêt 1C_309/2019 du 8 mai 2020). L'abus de droit n'a pas été retenu non plus pour un projet de six appartements à Crans-Montana, localité dans laquelle la population a régulièrement augmenté au cours des dernières années, dans un secteur du territoire communal où la proportion de résidences secondaires était de 76 % et où tous les nouveaux logements autorisés en résidence principale uniquement étaient occupés conformément à cette affectation (arrêt 1C_73/2018 du 7 janvier 2019 consid. 4). De même, a été admis un projet à Zermatt de quinze nouveaux appartements, se prêtant, par leur configuration et leur localisation, à de la résidence principale, (dont deux sans restriction d'utilisation au vu de la démolition des deux logements préexistants sur la parcelle), dix appartements faisant déjà l'objet d'un contrat de bail avec une entreprise d'hôtelière et de restauration de la station qui compte y loger son personnel - elle emploie plus de 120 personnes; il y aurait selon la commune pénurie durable de logements en résidence principale, le nombre de personnes actives dans la commune aurait augmenté de 45 % en dix ans et l'entreprise qui a pris ces dix logements à bail loue effectivement déjà des logements pour ses employés (arrêt 1C_285/2019 du 28 janvier 2020). 
 
4.3.  
 
4.3.1. Il n'est pas contesté que les logements prévus, par leur typologie et leur emplacement, se prêtent à de l'habitation en résidence principale (cf. arrêt 1C_257/2018 du 6 août 2019 consid. 3.2). Pour le reste, les futurs occupants n'étant pas connus, il y a lieu d'examiner la situation du marché des résidences principales dans le même secteur.  
 
4.3.2. Dans l'arrêt 1C_257/2018 du 6 août 2019, le Tribunal fédéral constatait qu'entre 2012 et 2016, soit en cinq ans, la population communale avait augmenté de douze habitants, alors que des permis de construire avaient été délivrés pour quarante-cinq nouveaux logements en résidence principale. La cause était renvoyée à l'instance judiciaire cantonale pour que de tels chiffres soient intégrés à la réflexion relative au besoin en résidences principales dans la localité, dès lors qu'ils mettaient sérieusement en doute un tel besoin.  
La cour cantonale a examiné si la mise sur le marché des logements litigieux à des conditions financières avantageuses comme allégué par les promoteurs était réaliste. Elle a toutefois retenu à titre de motivation principale qu'indépendamment de leur prix, il n'y avait aucune demande portant sur des logements en résidence principale du type de ceux projetés qui ne puisse être satisfaite actuellement. Elle a en effet jugé qu'une plus ample instruction n'avait pas permis d'expliquer la faible augmentation de la population par le fait - allégué par la constructrice - qu'en dépit des nouvelles résidences principales réalisées, il y aurait une offre insuffisante de logements à prix raisonnable pour la population locale. Elle a considéré que l'exclusivité de prix avantageux proposés par la constructrice à la vente ou la location des appartements à construire ne permettait pas de déterminer s'il existait une demande effective pour de tels logements à l'échelle locale. 
Les recourants allèguent pour l'essentiel que les logements projetés se distinguent des nombreux logements non occupés disponibles par leur prix raisonnable et leur caractère neuf. Il est certes légitime de considérer que, la construction de résidences secondaires étant désormais impossible sur le territoire communal, les logements érigés avant la restriction et pouvant par conséquent être licitement utilisés comme résidences secondaires feraient désormais l'objet d'une plus grande demande si bien que leurs prix seraient devenus plus élevés que la moyenne du marché. Toutefois, les nombreux permis de construire délivrés au cours des dernières années concernent des logements frappés d'une obligation d'utilisation en résidence principale également, de sorte que ce qui précède ne permet pas de lever les doutes exprimés dans l'arrêt 1C_257/2018. Par ailleurs, comme l'ont relevé les premiers juges, le fait que rapport qualité/prix des logements litigieux serait raisonnable par rapport aux autres logements disponibles sur le territoire communal ne permet pas encore d'établir qu'il y a véritablement une demande et que de nouveaux habitants cherchent à s'y installer. S'agissant enfin du caractère neuf des logements que souhaiteraient occuper de nouveaux habitants, la cour cantonale relevait en outre qu'une telle logique risquerait de permettre de contourner le but des dispositions légales limitant la construction de nouvelles résidences secondaires, les immeubles plus anciens et moins attractifs restant inoccupés. 
Quoi qu'il en soit, ainsi qu'on l'a rappelé ci-dessus, il s'agit en l'espèce de vérifier s'il existe de sérieux soupçons d'un abus de droit à prétendre affecter les logements projetés à de la résidence principale, dans un contexte où la population n'a que faiblement augmenté au cours des dernières années alors que de nombreux permis de construire ont été délivré. 
 
4.3.3. Les constructeurs ont fourni un rapport montrant une absence stable de variation nette de la population de 2008 à 2018 (i Consulting, p. 5), ce qui confirme les doutes soulevés par le Tribunal fédéral. Dans ce rapport également, des tableaux transcrivent d'une part l'évolution, de 2008 à 2018, du nombre de logements vacants par mode de commercialisation (vente ou location) et d'autre part l'évolution du nombre de logements vacants selon qu'ils sont neufs ou anciens, le tout selon la taille des logements en pièces (i Consulting, p. 6-7). La cour cantonale a notamment constaté, à la lecture de ces tableaux, qu'il existait quelques logements vacants de 2 et 3 pièces à louer et très peu, voire aucun logement de 4 et 5 pièces à louer (arrêt attaqué, consid. 5b/bb p. 18). Dans son analyse - décisive - des conclusions du rapport i Consulting et des chiffres qu'il expose, la cour cantonale s'est toutefois concentrée, conformément au grief des recourants, sur les informations liées au caractère neuf ou ancien des logements vacants, sans tirer aucune conclusion sur la faible disponibilité de logements en location. Les constructeurs ont également produit des statistiques officielles du canton de Vaud relatives aux logements vacants par district et par commune pour les années 2014 à 2020. Celles-ci confirment la tendance à un taux de vacance nettement plus faible pour les objet en location que pour les objets en vente dans la commune d'Ormont-Dessus. Ceci est d'autant plus vrai si l'on tient compte, comme l'on fait valoir les recourants sur la base des explications données par l'autorité administrative cantonale en charge de ces statistiques (pièce 66 du dossier cantonal), de ce que les taux de logements vacants en location incluraient les logements disponibles en location temporaire uniquement, à des fins de villégiature. La cour cantonale, qui s'est également référée à ces statistiques, n'a toutefois pas pris en considération la distinction entre les chiffres des logements vacants en location de ceux en vente. Dans de telles circonstances, vu les faits ressortant de la procédure et de l'arrêt attaqué, la cour cantonale ne pouvait, sans faire abstraction d'éléments essentiels du dossier, arriver à la conclusion "qu'il n'y a[vait] aucune demande qui ne puisse être satisfaite actuellement". En effet, il apparaît désormais vraisemblable qu'il n'y a pas d'excédent de logements disponibles à la location de durée indéterminée dans la commune.  
Comme cela ressort de ce qui précède (consid. 4.1), il n'est pas question ici de demander aux constructeurs qu'ils apportent la preuve irréfutable que leurs logements ont trouvé preneur en résidence principale. Ce serait excéder les exigences de la jurisprudence en matière d'abus de droit. Il ne s'agit ainsi pas de procéder à un renversement complet du fardeau de la preuve, en imposant sans nuance au maître de l'ouvrage d'apporter la démonstration qu'il n'agit pas de manière abusive ni de conclure à l'abus de droit dès que celui-ci ne parvient pas à prouver de manière irréfutable l'absence de risque de contournement de la loi. Dans cette mesure, les doutes émis par le Tribunal fédéral dans l'arrêt 1C_257/2018 relevaient la nécessité de s'assurer qu'il n'était pas exclu d'emblée que les nouveaux logements puissent être occupés en résidence principale, en raison d'un excédent considérable de biens offerts sur le marché depuis quelques années. Cela signifie a contrario qu'il est suffisant de rendre vraisemblable que de tels logements pourront trouver preneur en résidence principale, ce en dépit de la faible tendance à l'augmentation de la population et des nombreux permis de construire délivrés au cours des dernières années. En l'occurrence, l'instruction complémentaire a permis de clarifier la situation en ce sens que l'excédent de logements sur le marché concerne essentiellement les logements à la vente. A l'inverse, les chiffres présentés par les constructeurs ne font pas état d'une disponibilité excessive de logements en location à durée indéterminée pour de la résidence principale. Dans un tel contexte, s'en tenir au taux de vacance global reviendrait à exclure tout projet de logements collectifs destinés au marché locatif, alors qu'une telle offre pourrait précisément, conformément au but du législateur, favoriser le développement d'une vie à l'année dans ce genre de localités. Partant, il n'est pas d'emblée exclu que de nouveaux logements destinés à de la location longue durée trouvent preneurs, de simples doutes ne suffisant pas à retenir un abus de droit. 
Le projet est au demeurant prévu en accord avec les règles de police des constructions propres à la zone constructible en question, dont il n'est pas allégué qu'elle devrait être déclassée. 
 
4.3.4. Les recourants ont fait savoir de manière constante qu'ils étaient disposés à mettre les logements prévus en location, ce qu'il n'y a pas de raison de mettre en doute, étant précisé qu'il est de leur intérêt avant tout de trouver preneurs pour ces logements dans un délai raisonnable. En outre, comme on l'a rappelé ci-dessus, ces logements se prêtent, par leur typologie et leur emplacement (proximité de la gare et des commerces) à de la résidence principale. Enfin, leur nombre (huit appartements) reste raisonnable (au contraire par exemple des quarante-cinq logements projetés dans la station touristique d'Ovronnaz de l'ATF 142 II 206), de sorte qu'une demande ordinaire, comparable à celle de localités sans vocation touristique, devrait pouvoir absorber cette offre.  
La vraisemblance requise a dès lors été apportée à satisfaction de droit. 
 
5.  
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être admis et le permis de construire délivré. Les intimés, qui succombent, s'acquitteront des frais de justice (art. 66 al. 1 LTF) et verseront des dépens aux recourants (art. 68 al. 1 LTF), mais non à la commune, qui a agi dans l'exercice de ses attributions officielles (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis. L'arrêt attaqué est réformé en ce sens que les décisions du 23 juin 2017 par lesquelles la Municipalité d'Ormont-Dessus a levé les oppositions et délivré le permis de construire est confirmée. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge des intimés, solidairement entre eux. 
 
3.  
Une indemnité de dépens de 4'000 fr. est accordée aux recourants, à la charge des intimés, solidairement entre eux. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et de la Municipalité d'Ormont-Dessus, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, et à l'Office fédéral du développement territorial. 
 
 
Lausanne, le 19 août 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Sidi-Ali