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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_643/2022  
 
 
Arrêt du 7 juin 2023  
 
IVe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président, 
Viscione et Abrecht. 
Greffière : Mme Elmiger-Necipoglu. 
 
Participants à la procédure 
Vaudoise Générale Compagnie d'Assurances SA, place de Milan, 1007 Lausanne, 
recourante, 
 
contre  
 
A.________, 
représenté par M e Pierre Seidler, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-accidents (indemnité pour atteinte à l'intégrité), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du 
canton de Vaud du 29 septembre 2022 
(AA 74/20 ap. TF - 122/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________, né en 1964, travaille depuis le 23 septembre 2002 pour l'entreprise B.________ SA, à U.________, dont il est le directeur. A ce titre, il est assuré obligatoirement contre le risque d'accident auprès de la Vaudoise Générale Compagnie d'Assurances SA (ci-après: la Vaudoise). Le 23 novembre 2011, alors qu'il roulait au volant de sa voiture, il est entré en collision avec un camion militaire venant en sens inverse. Polytraumatisé, il a notamment subi de nombreuses fractures du visage et des membres inférieurs. La Vaudoise a pris en charge le cas.  
 
A.b. Dans le cadre de l'instruction médicale, la Vaudoise a confié une expertise pluridisciplinaire au Centre d'Expertise Médicale (CEMed), qui a rendu son rapport le 5 février 2015. Par décision du 15 juillet 2016, confirmée sur opposition le 28 février 2017, la Vaudoise a mis un terme au versement des indemnités journalières au 30 juin 2014 et à la prise en charge des frais de traitement au 31 mars 2015, a reconnu le droit de l'assuré à une indemnité pour atteinte à l'intégrité fondée sur un taux de 40 % et a refusé le droit à une rente d'invalidité.  
Contre cette décision, l'assuré a interjeté recours auprès de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud, qui l'a admis par arrêt du 27 juin 2019 et a renvoyé la cause à la Vaudoise afin qu'elle procède à l'estimation et au versement de ses prestations, au sens des considérants. 
Par arrêt du 6 juillet 2020 (8C_554/2019), le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours formé par la Vaudoise contre l'arrêt du 27 juin 2019 et a renvoyé l'affaire à la juridiction cantonale pour qu'elle ordonne une expertise judiciaire. Ce renvoi était motivé par le fait qu'il existait des doutes concernant le bien-fondé du rapport d'expertise du CEMed, notamment par rapport à l'indemnité pour atteinte à l'intégrité (consid. 3.6). 
 
A.c. Après avoir ordonné une expertise judiciaire qui a été confiée à Hôpital C.________, la cour cantonale a rendu le 29 septembre 2022 un nouvel arrêt par lequel elle a partiellement admis le recours interjeté par l'assuré contre la décision sur opposition du 28 février 2017, reformant celle-ci en ce sens que la cause était renvoyée à la Vaudoise afin de procéder au calcul et au versement des prestations d'assureur-accidents, notamment d'une indemnité pour atteinte à l'intégrité globale de 60 %.  
 
B.  
La Vaudoise interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant principalement à sa réforme dans le sens de la confirmation de sa décision sur opposition du 28 février 2017. À titre subsidiaire, elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'instance précédente pour qu'elle statue à nouveau. 
L'intimé conclut au rejet pur et simple du recours. La cour cantonale se réfère à son arrêt, tandis que l'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office (art. 29 al. 1 LTF) et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 147 I 333 consid. 1; 146 IV 185 consid. 2; 144 II 184 consid. 1). 
 
1.1. Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) est recevable contre les décisions finales, soit celles qui mettent fin à la procédure (art. 90 LTF), et contre les décisions partielles visées à l'art. 91 LTF. Sous réserve des hypothèses visées à l'art. 92 LTF, il n'est recevable contre les décisions incidentes que si celles-ci peuvent causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF) ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let. b LTF).  
 
1.2. En règle générale, une décision de renvoi ne met pas fin à la procédure (ATF 133 V 477 consid. 4.2; arrêt 8C_819/2017 du 25 septembre 2018 consid. 1.2.1, non publié in ATF 144 V 354, mais in SVR 2019 UV n° 13 p. 51) et n'est pas non plus de nature à causer un préjudice irréparable aux parties, le seul allongement de la durée de la procédure ou le seul fait que son coût s'en trouve augmenté n'étant pas considéré comme constitutif d'un tel dommage (ATF 133 V 477 consid. 5.2.1 et 5.2.2). Néanmoins, si l'arrêt de renvoi ne laisse aucune latitude de jugement à l'autorité administrative appelée à statuer (à nouveau), il est assimilé à une décision finale et peut, de ce fait, faire l'objet d'un recours en matière de droit public (ATF 144 V 280 consid. 1.2).  
En l'espèce, l'arrêt attaqué s'analyse comme une décision de renvoi qui, en tant qu'elle oblige la Vaudoise à allouer une indemnité pour atteinte à l'intégrité sur la base d'un taux de 60 %, ne laisse aucune latitude de jugement à l'assureur-accidents appelé à statuer à nouveau et doit donc être assimilée à une décision finale. 
 
1.3. Pour le surplus, le recours est dirigé contre un arrêt rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable.  
 
2.  
 
2.1. Le litige porte sur le point de savoir si la cour cantonale a violé le droit fédéral en fixant le taux de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité à 60 %.  
 
2.2. Dans la procédure de recours concernant l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par l'autorité précédente (art. 97 al. 2 et 105 al. 3 LTF).  
 
3.  
 
3.1. Selon l'art. 24 al. 1 LAA, l'assuré qui souffre d'une atteinte importante et durable à son intégrité physique, mentale ou psychique par suite d'un accident a droit à une indemnité équitable pour atteinte à l'intégrité. Aux termes de l'art. 25 LAA, l'indemnité pour atteinte à l'intégrité est allouée sous forme de prestation en capital (al. 1, première phrase); elle ne doit pas excéder le montant maximum du gain annuel assuré à l'époque de l'accident et elle est échelonnée selon la gravité de l'atteinte à l'intégrité (al. 1, seconde phrase); le Conseil fédéral édicte des prescriptions détaillées sur le calcul de l'indemnité (al. 2).  
 
3.2. Aux termes de l'art. 36 al. 1 OLAA (RS 832.202), une atteinte à l'intégrité est réputée durable lorsqu'il est prévisible qu'elle subsistera avec au moins la même gravité pendant toute la vie; elle est réputée importante lorsque l'intégrité physique, mentale ou psychique subit, indépendamment de la diminution de la capacité de gain, une altération évidente ou grave. L'indemnité pour atteinte à l'intégrité est calculée selon les directives figurant à l'annexe 3 de l'OLAA (art. 36 al. 2 OLAA). Cette annexe comporte un barème - reconnu conforme à la loi et non exhaustif (ATF 124 V 29 consid. 1b, 209 consid. 4a/bb; arrêt 8C_580/2022 du 31 mars 2023 consid. 4.1.1 et l'arrêt cité) - des lésions fréquentes et caractéristiques, évaluées en pour cent. Pour les atteintes à l'intégrité spéciales ou qui ne figurent pas dans la liste, le barème est appliqué par analogie, compte tenu de la gravité de l'atteinte (ch. 1 al. 2 annexe 3 OLAA). En cas de concours de plusieurs atteintes à l'intégrité, dues à un ou plusieurs accidents, l'indemnité est fixée d'après l'ensemble du dommage (art. 36 al. 3, première phrase, OLAA). L'indemnité totale ne peut dépasser le montant maximum du gain annuel assuré (art. 36 al. 3, deuxième phrase, OLAA). Il sera équitablement tenu compte des aggravations prévisibles de l'atteinte à l'intégrité; une révision n'est possible qu'en cas exceptionnel, si l'aggravation est importante et n'était pas prévisible (art. 36 al. 4 OLAA).  
 
4.  
 
4.1. En l'espèce, la cour cantonale a d'abord constaté que le rapport du 11 juillet 2022 de l'expertise judiciaire qu'elle avait confiée à l'Hôpital C.________ ensuite de l'arrêt 8C_554/2019 du 6 juillet 2020 pouvait se voir conférer pleine valeur probante. Sur ces éléments, elle a constaté que l'indemnité pour atteinte à l'intégrité globale s'élevait, "comme déjà estimée par le CEMed", à un taux de 60 %, mais pour des motifs différents, à savoir: sur le plan orthopédique, un taux de 10 % pour chaque genou et de 15 % pour le coude gauche, soit un taux arithmétique total de 35 % (10 % + 10 % + 15 %) pour l'ensemble des atteintes à la santé sur cet axe; sur le plan ophtalmique, un taux de 10 % lié à la diplopie binoculaire au regard vers le haut, dès 15°, sur limitation de l'oeil gauche et de 5 % liée à la sécheresse oculaire, soit un taux arithmétique total de 15 % (10 % + 5 %) pour les deux affections oculaires; sur le plan esthétique, un taux de 10 % pour l'hypoglobie, l'affaissement de la pommette gauche ainsi que l'asymétrie de la fente palpébrale, "en l'absence de débat y relatif"; sur le plan ORL, un taux de 0 % en raison de l'absence de séquelles de cet ordre.  
 
4.2. La recourante fait grief aux premiers juges d'avoir établi les faits de manière inexacte d'une part en se fondant à tort sur des faits relevant de l'enquête pluridisciplinaire du CEMed et d'autre part en omettant des faits ressortant du rapport d'expertise judiciaire de l'Hôpital C.________, qui auraient dû les conduire à retenir un taux global d'atteinte à l'intégrité de 45 %.  
 
4.3. On rappellera d'abord que dans son arrêt du 6 juillet 2020, le Tribunal fédéral a considéré qu'il existait des indices concrets qui permettaient de douter du bien-fondé de l'expertise du CEMed, notamment en ce qui concernait l'évaluation de l'atteinte à l'intégrité. Les experts du CEMed avaient évalué chaque atteinte séparément (affections oculaires 5 %; dommages esthétiques 10 %; arthrose modérée genou droit 10 %; arthrose modérée genou gauche 10 %; arthrose avancée huméro-cubitale coude gauche mais pronosupination pas touchée 15 %; syndrome d'apnée obstructive du sommeil 5 %), sans tenir compte des aggravations prévisibles qui avaient été estimées par les experts à 25 % pour le coude et à 30 % pour chacun des genoux. En se fondant sur ces chiffres, le Tribunal fédéral a retenu que le taux total qui en résulterait serait de 115 % et dépasserait donc le seuil légal de 100 %, raison pour laquelle la cour cantonale ne pouvait pas se fonder sur les conclusions émanant des experts du CEMed (arrêt 8C_554/2019 du 6 juillet 2020 consid. 3.6 et 4).  
Malgré cette injonction, la cour cantonale a adressé aux experts judiciaires un questionnaire dans lequel elle indiquait les taux et les atteintes précédemment évalués par les experts du CEMed et leur demandait s'ils pouvaient confirmer ces taux. Cette manière de poser les questions conduit cependant à influencer les experts dans leurs réponses. Par ailleurs, les juges cantonaux semblent avoir déterminé le taux de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité en mélangeant les réponses données dans le rapport d'expertise du CEMed avec celles ressortant de l'expertise judiciaire, alors même que le rapport du CEMed avait été qualifié de non probant. Quoi qu'il en soit, la recourante a également adressé ses questions aux experts judiciaires, en formulant les questions de manière neutre et ouverte. Aussi, c'est sur cette base qu'il convient de déterminer l'indemnité pour atteinte à l'intégrité. 
 
4.4. L'indemnité pour atteinte à l'intégrité doit être évaluée sur la base des éléments suivants:  
 
4.4.1. Sur le plan orthopédique, le docteur D.________, spécialiste FMH en orthopédie, a indiqué que les atteintes des deux genoux et du coude gauche étaient graves et définitives; il a évalué le taux à 10 % pour chaque genou et à 15 % pour le coude gauche selon le tableau 5 de la CNA (atteinte à l'intégrité résultant d'arthroses), en précisant que le taux arithmétique était de 35 %, respectivement de 30 % après pondération.  
 
4.4.2. Sur le plan ophtalmologique, le docteur E.________, spécialiste FMH en neurologie, chef de clinique en neuro-ophtalmologie, et le Prof. F.________, spécialiste FMH en ophtalmologie, ont retenu une indemnité pour atteinte à l'intégrité globale de 15 %, se composant d'un taux de 10 % pour la diplopie binoculaire sur limitation de l'élévation de l'oeil gauche et d'un taux de 5 % pour la sécheresse oculaire, en précisant que cette dernière était probablement liée à une atteinte antérieure, qui avait très probablement été aggravée par l'accident.  
 
4.4.3. Sur le plan otorhinolaryngologique, le docteur G.________, spécialiste FMH en ORL, n'a pas retenu d'atteinte à l'intégrité.  
 
4.5. Au vu de ces appréciations médicales, il y a lieu de constater avec la recourante que sur le plan esthétique, aucune atteinte à l'intégrité n'a été retenue par les experts judiciaires et que sur le plan orthopédique, ceux-ci ont retenu un taux pondéré de 30 %. En additionnant ainsi les taux de 30 % (sur le plan orthopédique) et de 15 % (sur le plan ophtalmologique), le taux global de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité s'élève à 45 % (cf. arrêt U 23/87 du 6 avril 1989 consid. 3f, publié in RAMA 1989 U 78 p. 357). On rappellera aussi que selon l'art. 36 al. 3 OLAA, en cas de concours de plusieurs atteintes à l'intégrité, l'indemnité pour atteinte à l'intégrité est fixée d'après l'ensemble du dommage. En pratique, il est recommandé d'évaluer d'abord chaque dommage séparément et ensuite de procéder à une évaluation globale des atteintes (cf. THOMAS FREI, Die Integritätsentschädigung nach Art. 24 und 25 des Bundesgesetzes über die Unfallversicherung, thèse Fribourg 1998, p. 45). Même si en l'occurrence, une appréciation globale des atteintes à l'intégrité n'a pas été effectuée dans le cadre de l'évaluation consensuelle de l'expertise, le taux de 45 % qu'on obtient en additionnant les taux individuels apparaît néanmoins équitable, dès lors que les atteintes concernent différentes parties du corps, qui n'ont pas d'influence les unes sur les autres (cf. FREI, loc. cit.).  
 
4.6. Au vu de ce qui précède, l'intimé a droit à une indemnité pour atteinte à l'intégrité fondée sur un taux de 45 %. Le recours de la Vaudoise, laquelle avait alloué une indemnité pour atteinte à l'intégrité sur la base d'un taux de 40 %, doit donc être partiellement admis.  
 
5.  
Vu l'issue du litige, les frais judiciaires seront répartis entre les parties (art. 66 al. 1, 2e phrase, LTF). L'intimé, qui obtient partiellement gain de cause, a droit à des dépens réduits. La recourante n'a pas droit à une indemnité de dépens (art. 68 al. 3 LTF). La cause sera renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure précédente (art. 68 al. 5 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est partiellement admis. L'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, du 29 septembre 2022 est réformé en ce sens que l'intimé a droit à une indemnité pour atteinte à l'intégrité d'un taux de 45 %. Le recours est rejeté pour le surplus. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis pour 600 fr. à la charge de l'intimé et pour 200 fr. à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimé la somme de 700 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.  
La cause est renvoyée à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure antérieure. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud et à l'Office fédéral de la santé publique. 
 
 
Lucerne, le 7 juin 2023 
 
Au nom de la IVe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
La Greffière : Elmiger-Necipoglu