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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_1098/2023  
 
 
Arrêt du 18 avril 2024  
 
Ire Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux 
Denys, Juge présidant, Muschietti et van de Graaf. 
Greffière : Mme Rettby. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Nathanaël Pétermann, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD, 
intimé. 
 
Objet 
Infraction à la Loi fédérale sur la protection 
des animaux (LPA); droit d'être entendu, 
 
recours contre le jugement de la Cour d'appel pénale 
du Tribunal cantonal du canton de Vaud, du 9 mai 2023 (n° 169 PE21.0018647-//EBR). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 28 novembre 2022, le Tribunal de police de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a reconnu A.________ coupable d'infraction à la Loi fédérale sur la protection des animaux (art. 26 al. 2 LPA; RS 455), l'a condamné, outre aux frais de la procédure, à une peine pécuniaire de 50 jours-amende, à 40 fr. le jour, assortie du sursis et d'un délai d'épreuve de 2 ans, ainsi qu'à une amende de 400 fr. (peine privative de liberté de substitution de 4 jours). 
 
B.  
Statuant le 9 mai 2023, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté l'appel formé par A.________ contre le jugement précité. 
Cette condamnation repose, en bref, sur les faits suivants. 
 
B.a. Depuis les années 2018-2019, A.________, vétérinaire, était en charge du suivi du cheval "B.________", propriété de C.________. Le 13 janvier 2020, une autre vétérinaire, la Dresse D.________, a été contactée en urgence par C.________ pour radiographier un autre de ses chevaux. À cette occasion, en quittant les écuries de l'exploitation à V.________, la vétérinaire a aperçu "B.________" et a rendu la propriétaire attentive à une suspicion de syndrome de Cushing (trouble endocrinien affectant les chevaux généralement au-delà de quinze ans, lié au développement excessif d'une partie de la glande hypophysaire située à la base du cerveau). Informé de ce qui précède, A.________ n'a pas entrepris les investigations nécessaires pour confirmer ou infirmer les soupçons de sa consoeur et s'est obstiné à utiliser une approche homéopathique pour poser un diagnostic médical (fourbure légère) et établir un protocole de traitement pour "B.________". Son approche contrastait fortement avec la procédure recommandée par la médecine conventionnelle, consistant en un traitement spécifique, à savoir le "pergolide". Au mois de juin 2020, A.________ a sollicité l'assistance d'un second confrère, le Dr E.________, pour effectuer des radiographies afin d'évaluer l'état des membres antérieurs de "B.________" ensuite du diagnostic de fourbure posé en mai 2020. Ce troisième vétérinaire a décidé d'effectuer une prise de sang afin d'exclure ou de confirmer le syndrome de Cushing et son analyse a confirmé la pathologie. || a préconisé une prise en charge médicale urgente selon la médecine traditionnelle, recommandant à A.________ de prendre en considération le bien-être de l'animal dans le choix d'une éventuelle thérapie future. Celui-ci n'a pas donné suite à ces conclusions et a poursuivi son propre protocole. Fin septembre 2020, le cheval déchargeait complètement son membre postérieur gauche (signe de forte douleur). Lors de la consultation réalisée par une quatrième vétérinaire - A.________ n'étant pas atteignable le jour en question -, la Dresse F.________ a décrit un cheval en forte souffrance, avec des signes de douleur aux quatre membres et une difficulté à se déplacer. Le test effectué a confirmé le diagnostic de syndrome de Cushing. Vu le pronostic très défavorable, "B.________" a été euthanasié le lendemain, soit le 1 er octobre 2020. Le 25 octobre 2021, le vétérinaire cantonal a dénoncé A.________.  
 
B.b. A.________ est né en 1963 à U.________ (Italie). En Suisse depuis 1992, il a effectué ses études de médecine vétérinaire en Italie et les a complétées par un doctorat en Suisse dans le canton de Berne durant trois ans auprès de la clinique équine. Il est vétérinaire diplômé. Il travaille à plein temps et exploite, sous la forme d'une entreprise individuelle, le Cabinet vétérinaire "H.________" situé à W.________. || y exerce seul en tant que vétérinaire et a une employée qui est assistante en médecine vétérinaire. Il a déclaré un bénéfice annuel d'environ 45'000 fr. et des charges mensuelles comprenant les intérêts hypothécaires de son bien immobilier par 1'050 fr. ainsi que son assurance-maladie et celle de sa fille - qui a terminé des études de droit et vit encore chez lui - par 1'500 francs. Son casier judiciaire suisse est vierge.  
 
C.  
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement du 9 mai 2023. Il conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme, en ce sens qu'il est acquitté et qu'une indemnité fondée sur l'art. 429 CPP lui est allouée pour ses frais de défense en première instance et en appel. Subsidiairement, il conclut à l'annulation du jugement entrepris et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle instruction et décision dans le sens des considérants. Il sollicite en outre l'octroi de l'effet suspensif. 
 
D.  
Par ordonnance du 2 octobre 2023, la Présidente de la Ire Cour de droit pénal a rejeté la requête d'effet suspensif présentée. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Invoquant les art. 29 Cst., art. 6 CEDH, art. 107 CPP, art. 147 CPP et 182 ss CPP, le recourant dénonce une violation du droit d'être entendu et du droit à la preuve à divers égards. 
 
1.1. Le droit d'être entendu, garanti à l'art. 29 al. 2 Cst. (cf. aussi art. 3 al. 2 let. c CPP et 107 CPP), comprend notamment le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir accès au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 146 IV 218 consid. 3.1.1; 142 II 218 consid. 2.3; 140 I 285 con sid. 6.3.1; a rrêt 6B_1246/2022 du 11 octobre 2023 consid. 3.1).  
L'art. 6 par. 3 let. d CEDH garantit à tout accusé le droit d'interroger ou de faire interroger les témoins à charge et d'obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge. Cette disposition exclut qu'un jugement pénal soit fondé sur les déclarations de témoins sans qu'une occasion appropriée et suffisante soit au moins une fois offerte au prévenu de mettre ces témoins en doute et d'interroger les témoins, à quelque stade de la procédure que ce soit (ATF 148 I 295 consid. 2.1 et les références citées; 140 IV 172 consid. 1.3; 133 I 33 consid. 3.1; 131 I 476 consid. 2.2). Il s'agit de l'un des aspects du droit à un procès équitable institué à l'art. 6 par. 1 CEDH. En tant qu'elle concrétise le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), cette exigence est également garantie par l'art. 32 al. 2 Cst. (ATF 148 I 295 consid. 2.1; 144 II 427 consid. 3.1.2; 131 I 476 consid. 2.2). Ce droit est absolu lorsque la déposition du témoin en cause est d'une importance décisive, notamment lorsqu'il est le seul témoin ou que sa déposition constitue une preuve essentielle (ATF 131 I 476 consid. 2.2; arrêt 6B_893/2023 du 26 février 2024 consid. 5.2.1). 
Conformément à l'art. 147 al. 1 CPP, les parties ont le droit d'assister à l'administration des preuves par le ministère public et les tribunaux et de poser des questions aux comparants. La présence des défenseurs lors des interrogatoires de police est régie par l'art. 159 CPP. Selon l'art. 147 al. 4 CPP, les preuves administrées en violation de l'art. 147 CPP ne sont pas exploitables à la charge de la partie qui n'était pas présente. 
 
1.2.  
 
1.2.1. La cour cantonale a constaté, à l'instar du premier juge, que le droit d'être entendu du recourant avait été respecté tant par le vétérinaire cantonal que par le ministère public. Le vétérinaire cantonal lui avait demandé l'entier du dossier médical du cheval et diverses informations, de sorte que le recourant avait eu l'occasion de s'exprimer avant que le vétérinaire cantonal ne dénonçât son comportement aux autorités pénales. Quant à l'instruction menée par le ministère public, le recourant avait eu l'occasion de s'expliquer à plusieurs reprises et avait produit l'entier de son dossier le 16 janvier 2022.  
La cour cantonale a constaté que le premier juge avait fondé sa conviction sur les avis convergents du Tierspital de Zurich, du vétérinaire cantonal et des vétérinaires D.________ et E.________, dont aucun élément ne permettait de mettre en doute les compétences. Le dossier était complet sur cet aspect technique et rien ne justifiait de mettre en oeuvre une expertise. Les conditions de l'art. 389 al. 3 CPP n'étaient pas réalisées. 
La cour cantonale a relevé que le recourant s'était prévalu en appel d'une violation des art. 147 al. 1 CPP et 182 ss CPP au motif que "les dénonciateurs" n'avaient pas été entendus par le tribunal de première instance, lequel ne pouvait pas prendre leurs déclarations écrites pour "argent comptant". La cour cantonale a relevé que les professionnels impliqués avaient livré leurs avis par écrit (pièces 4/1, 4/2 et 4/3 du dossier cantonal [cf. infra]). Le recourant ne démontrait pas en quoi il y aurait matière à les interroger plus avant. Il ne donnait aucun indice qui pouvait faire apparaître un doute sur le contenu de "l'expertise" zurichoise, ni sur la dénonciation du vétérinaire cantonal ou encore sur les positions des deux autres vétérinaires qui étaient intervenus. La cour cantonale ne voyait pas ce qui imposerait la "retenue" sou haitée par le recourant.  
 
1.2.2. Il ressort du jugement de première instance, auquel le jugement cantonal renvoie, les éléments suivants.  
Le Dr G.________, vétérinaire cantonal, a conclu son rapport de dénonciation du 25 octobre 2021 en indiquant notamment que le protocole appliqué par le recourant, soit un traitement homéopathique en lieu et place d'un traitement par un médicament appelé "pergolide", avait augmenté la durée et l'intensité des douleurs de l'animal et engagé son pronostic vital. Selon lui, ces faits constituaient une négligence, voire une maltraitance importante envers l'animal (pièce 4/1 du dossier cantonal). 
Selon le rapport du Tierspital de Zurich du 25 mai 2021, le traitement effectué par le recourant avait été jugé non approprié, puisqu'il n'avait pas administré au cheval le traitement recommandé pour le syndrome de Cushing qu'il présentait ("pergolide"); un test urinaire n'était pas adéquat pour écarter ce syndrome. Le traitement de la fourbure avec des bandages, une élévation des talons et un appui furcal n'avait pas été entrepris alors que cette maladie était douloureuse (pièce 4/2 du dossier cantonal). 
Le Dr E.________ a écrit un courriel au recourant à une date indéterminée durant l'été 2020, dans lequel il lui indiquait en particulier que le syndrome de Cushing était "vraiment important" et qu'il fallait qu'il prenne en considération le bien-être du cheval également dans le choix de son éventuelle thérapie future, pour autant qu'une thérapie pût encore être mise en place. Le Dr E.________ mentionnait qu'il y avait urgence et que l'homéopathie et la phytothérapie n'étaient que des médecines complémentaires, pas alternatives à la médecine traditionnelle. La seule réponse donnée par le recourant à ce courriel avait été d'indiquer au Dr E.________ que le test urinaire qu'il avait effectué sur le cheval laissait entendre que le soupçon de Cushing n'était pas fondé (pièce 4/3 du dossier cantonal). 
Selon le courrier de la Dresse D.________ du 5 octobre 2020, qui était intervenue auprès du cheval au mois de janvier 2020 et avait effectué des radiographies à la demande de la Dresse F.________ au mois de septembre 2020, le cheval avait souffert de négligence et du déni des pathologies existantes. Elle indiquait que le recourant n'avait pris aucune mesure quant à la gestion de la douleur, du parage et/ou du ferrage orthopédique, de la nutrition et de la mise en place du traitement du syndrome de Cushing. La Dresse D.________ avait contacté le recourant au mois de janvier 2020 pour lui dire qu'elle suspectait un syndrome de Cushing, mais il n'avait pas mesuré l'ampleur des dégâts (pièce 4/3 du dossier cantonal). 
 
1.3. Le recourant dénonce une violation de son droit d'être entendu dans la mesure où il aurait été privé de la possibilité de "mettre en doute" les "témoignages écrits" et de poser des questions aux "témoins" à charge et à l'auteur du rapport non-contradictoire du Tierspital. En retenant pour probants des "témoignages écrits" et en refusant de les retrancher du dossier, alors que le recourant n'avait pas eu l'occasion de participer aux auditions puisqu'elles n'avaient pas eu lieu, la cour cantonale aurait violé les art. 107 CPP et 147 CPP.  
Il ressort du jugement entrepris que le recourant a requis en appel la confrontation à ses "dénonciateurs". Or, la cour cantonale n'a entendu aucun des "professionnels impliqués" ayant livré leurs avis par écrit (cf. pièces 4/1, 4/2 et 4/3 du dossier cantonal, auxquelles la cour cantonale fait référence), au motif que le recourant n'aurait pas démontré en quoi il y avait "matière à les interroger plus avant". En refusant d'offrir au moins une fois au recourant une occasion appropriée et suffisante de mettre les témoins en doute et de les interroger, alors que leurs avis, donnés par écrit, ont été d'une importance essentielle dans la condamnation du recourant, la cour cantonale a violé son droit d'être entendu et son droit à la confrontation ( supra, consid. 1.1).  
Partant, le grief est admis. 
Il s'ensuit que la décision entreprise doit être annulée. Cela rend sans objet les autres griefs soulevés par le recourant. 
 
2.  
Le recours doit être admis, le jugement attaqué annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision. 
Au regard de la nature procédurale du vice examiné, et dans la mesure où le Tribunal fédéral n'a pas traité la cause sur le fond, ne préjugeant ainsi pas de l'issue de celle-ci, il peut être procédé au renvoi sans ordonner préalablement un échange d'écritures (cf. ATF 133 IV 293 consid. 3.4.2 p. 295 s.; arrêt 6B_1101/2023 du 18 mars 2024 consid. 2). 
 
3.  
Le recourant, qui obtient gain de cause, ne supporte pas de frais (art. 66 al. 1 LTF) et peut prétendre à des dépens, à la charge du canton de Vaud (art. 68 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis, le jugement attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouveau jugement. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Le canton de Vaud versera au recourant une indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 18 avril 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Denys 
 
La Greffière : Rettby