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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_500/2023  
 
 
Arrêt du 24 janvier 2024  
 
IVe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Wirthlin, Président, 
Maillard et Métral. 
Greffier : M. Ourny. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Paolo Ghidoni, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Caisse de compensation de l'Etat de Fribourg, impasse de la Colline 1, 1762 Givisiez, 
intimée. 
 
Objet 
Prestation complémentaire à l'AVS/AI (calcul), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Fribourg du 14 juin 2023 (608 2022 161 - 608 2022 162). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________ (ci-après aussi: l'assuré), né en 1949, touche des prestations complémentaires de la Caisse de compensation du canton de Fribourg (ci-après: la caisse) depuis novembre 2014, soit le mois qui a suivi celui où il a atteint l'âge de la retraite. Par décision du 28 février 2022, l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Fribourg (ci-après: l'office AI) a rejeté la demande de prestations de B.________, épouse de l'assuré, née en 1986. L'office AI s'est notamment fondé sur les conclusions d'une expertise psychiatrique conduite par le docteur C.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie. Dans son rapport du 16 décembre 2021, celui-ci avait conclu à une pleine capacité de travail dans l'activité habituelle de ménagère, ainsi que dans l'activité adaptée de femme de ménage pour des particuliers. Un exemplaire de la décision de l'office AI a été transmis à la caisse. 
Par décision du 27 mai 2022, confirmée sur opposition le 23 septembre 2022, la caisse a procédé à un nouveau calcul du montant des prestations complémentaires, qui tenait compte d'un revenu hypothétique - correspondant à une activité à 50 % - de l'épouse de l'assuré. Ce nouveau calcul causait une diminution du montant mensuel des prestations complémentaires de 2'301 fr. à 1'335 fr. à compter du 1 er décembre 2022.  
 
B.  
Saisie d'un recours contre la décision sur opposition, la II e Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Fribourg l'a rejeté par arrêt du 14 juin 2023. Par arrêt séparé du même jour, cette même cour a rejeté un recours formé par B.________ contre la décision de l'office AI du 28 février 2022.  
 
C.  
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre l'arrêt du 14 juin 2023 en matière de prestations complémentaires, en concluant à sa réforme en ce sens que le montant des prestations complémentaires ne soit soumis à aucune réduction. Représentée par le même mandataire, B.________ a également recouru contre l'arrêt du 14 juin 2023 en matière d'assurance-invalidité (cause 8C_501/2023). A.________ sollicite la jonction des deux procédures. Il requiert par ailleurs le bénéfice de l'assistance judiciaire. 
L'intimée conclut au rejet du recours. La cour cantonale et l'Office fédéral des assurances sociales ont renoncé à se déterminer. Le recourant a répliqué. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable.  
 
1.2. Le recourant sollicite la jonction de la présente procédure avec la cause 8C_501/2023. Bien que ces affaires soient étroitement liées et aient en commun certains faits, elles n'opposent pas les mêmes parties et portent sur des questions juridiques différentes. Il ne se justifie donc pas de faire droit à cette requête. Le Tribunal fédéral se prononcera toutefois par arrêt séparé du même jour dans la cause 8C_501/2023.  
 
2.  
 
2.1. Le litige porte sur le calcul du montant des prestations complémentaires allouées au recourant à partir du 1 er décembre 2022.  
 
2.2. Le Tribunal fédéral, qui est un juge du droit, fonde son raisonnement juridique sur les faits retenus par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 148 V 366 consid. 3.3; 145 V 188 consid. 2) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (cf. art. 105 al. 2 LTF). Si le recourant entend s'écarter des constatations de fait de l'autorité précédente, il doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées et la correction du vice susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF); à défaut, un état de fait divergent de celui de la décision attaquée ne peut pas être pris en compte (ATF 148 V 366 consid. 3.3; 145 V 188 consid. 2; 135 II 313 consid. 5.2.2).  
 
2.3. Les constatations de l'autorité cantonale de recours sur l'atteinte à la santé, la capacité de travail de la personne assurée et l'exigibilité - pour autant qu'elles ne soient pas fondées sur l'expérience générale de la vie - relèvent du fait et peuvent donc être contrôlées par le Tribunal fédéral uniquement sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF 142 V 178 consid. 2.4; 137 V 210 consid. 3.4.2.3; 132 V 393 consid. 3.2). L'appréciation des preuves est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, en contradiction avec le dossier, ou lorsque l'autorité ne tient pas compte, sans raison sérieuse, d'un élément propre à modifier la décision, se trompe sur le sens et la portée de celui-ci ou, se fondant sur les éléments recueillis, en tire des conclusions insoutenables (ATF 147 V 35 consid. 4.2; 143 IV 500 consid. 1.1; 140 III 264 consid. 2.3).  
 
3.  
Selon l'art. 99 al. 1 LTF, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. En l'occurrence, le recourant expose que son épouse est hospitalisée depuis le 1 er juillet 2023 au Centre de soins hospitaliers D.________. Il produit à ce titre une attestation dudit centre du 11 août 2023, faisant état d'une sortie prévue le 14 août 2023. En vertu de la disposition précitée, ces faits et ce moyen de preuve nouveaux ne peuvent pas être pris en considération.  
 
4.  
 
4.1. L'arrêt entrepris expose les dispositions légales relatives au droit à des prestations complémentaires (art. 4 ss LPC [RS 831.30]) et au calcul du montant de la prestation complémentaire annuelle (art. 9 ss LPC). Il suffit d'y renvoyer.  
 
4.2. Selon la jurisprudence, le point de savoir si l'on peut exiger du conjoint d'un bénéficiaire de prestations complémentaires qu'il exerce une activité lucrative doit être examiné à l'aune des critères posés en droit de la famille, plus particulièrement de l'art. 163 CC. Les critères décisifs auront notamment trait à l'âge de la personne concernée, à son état de santé, à ses connaissances linguistiques, à sa formation professionnelle, à l'activité exercée jusqu'ici, au marché de l'emploi, et le cas échéant, au temps plus ou moins long pendant lequel elle aura été éloignée de la vie professionnelle (ATF 142 V 12 consid. 3.2; 134 V 53 consid. 4.1). On est en droit d'attendre du parent se consacrant à la prise en charge de l'enfant qu'il recommence à travailler, en principe, à 50 % dès l'entrée du plus jeune enfant à l'école obligatoire, à 80 % à partir du moment où celui-ci débute le degré secondaire, et à 100 % dès qu'il atteint l'âge de 16 ans révolus (ATF 144 III 481 consid. 4.7.6).  
 
5.  
La juridiction cantonale a retenu que le recourant n'était pas parvenu à rendre vraisemblable que son épouse était incapable d'exercer une activité lucrative pour des motifs de santé. Dans son attestation du 30 mars 2022, la doctoresse E.________, médecin traitante de l'épouse, avait fait état d'un trouble dépressif récurrent ainsi que d'un trouble mixte de la personnalité à traits dépendants et émotionnellement labile, avec présence d'hallucinations acoustico-verbales et visuelles; ces troubles entraînaient une incapacité totale de travail au vu de leur gravité et de leur chronicité. Cette médecin n'avait toutefois pas attesté ladite incapacité de manière argumentée. Elle avait en effet admis que le trouble dépressif était en rémission et avait décrit au docteur C.________, quelques mois auparavant, que le trouble mixte de la personnalité était stabilisé. La situation avait du reste fait l'objet d'un examen approfondi de la part de cet expert, lequel avait explicitement admis la possibilité pour l'épouse d'accomplir une activité simple, comme celle de femme de ménage, tout en relevant la présence de facteurs étrangers à l'invalidité limitant les chances de réinsertion. 
Toujours selon la juridiction cantonale, l'intéressée, âgée de 36 ans au moment de la décision de l'intimée, ne parlait presque pas le français, malgré sa présence en Suisse depuis plus de dix ans, ne disposait d'aucune formation et n'avait jamais travaillé en Suisse. Elle pourvoyait en outre à l'éducation de ses deux enfants, nés en 2011 et 2014. Si ces éléments étaient de nature à compliquer la recherche d'une activité lucrative, ils n'empêchaient toutefois pas une mise à profit de la capacité de gain dans une activité ne requérant pas de qualifications particulières. Il lui incombait, cas échéant, de prouver pour le futur, par des recherches d'emploi concrètes et sur la durée, qu'une mise en valeur n'était pas possible sur le marché du travail. En l'état, elle n'avait pas démontré de réelle volonté de travailler; il ne figurait au dossier que trois réponses négatives à des offres spontanées effectuées en mai 2018. Sa présence auprès du recourant, afin de lui prodiguer des soins, n'était pas de nature à entraver l'exercice d'une activité à mi-temps; les éléments au dossier ne permettaient pas de déduire qu'une présence continue était nécessaire, mais plaidaient au contraire en faveur d'une aide ponctuelle, compatible avec l'exercice d'une activité à temps partiel. Il en allait de même de l'éducation des enfants, en âge scolaire et dont la surveillance pouvait au besoin être assurée temporairement par le recourant. Pour le reste, le montant du revenu hypothétique de l'épouse, par 18'096 fr., fixé par l'intimée devait être confirmé. Un délai de six mois avait par ailleurs été prévu pour permettre à la femme du recourant d'entreprendre des démarches en vue de trouver un emploi, ce qui était largement suffisant. 
 
6.  
 
6.1. Se plaignant d'une violation de l'art. 163 CC, le recourant reproche aux juges cantonaux de ne pas avoir déterminé la part d'activité que son épouse devrait consacrer à son activité ménagère, et celle relative à une activité lucrative. Or, en application de la jurisprudence (cf. ATF 147 III 308), une activité lucrative maximale de 50 % serait exigible. Dès lors que le recourant aurait besoin de l'aide de sa femme dans les activités quotidiennes, il n'y aurait "pas lieu de modifier la clé de répartition". En "procédant de façon correcte", la part de l'activité lucrative que l'on peut théoriquement attendre de l'épouse serait de 50 %. Le recourant expose en outre que celle-ci n'aurait aucune connaissance du français et aucune formation ni expérience professionnelles. Par ailleurs, l'arrêt attaqué n'examinerait pas si l'aide fournie par sa femme serait de nature à éviter le placement du recourant dans un home. En ce qui concerne l'état de santé de l'épouse, l'instance précédente se serait écartée de manière arbitraire de la réalité en retenant qu'une activité lucrative était exigible. Le docteur C.________ aurait conclu que l'intéressée avait peu de perspectives et d'espoir de trouver un emploi, si ce n'était comme femme de ménage, cette éventualité étant signalée "en passant", alors que l'expertise était focalisée sur sa capacité à tenir son ménage. L'expert n'aurait pas démontré comment elle pourrait comprendre les instructions d'un employeur. Ses difficultés à gérer ses émotions et les conflits (pleurs, cris) ne sauraient être tolérées dans le monde du travail. En l'absence d'expérience, de potentiel de réadaptation professionnelle et de compréhension de la culture du travail en Suisse, elle ne pourrait pas se mettre subitement à travailler. Ces entraves seraient insurmontables. Enfin, plusieurs médecins auraient fait état d'une incapacité totale de travail.  
 
6.2. Contrairement à ce que soutient le recourant, les premiers juges ont bien précisé la part d'activité que son épouse est censée consacrer à une activité lucrative, à savoir un pourcentage de 50 % dans l'activité de femme de ménage. En outre, l'expertise du docteur C.________ ne portait pas uniquement sur la capacité de celle-ci dans ses activités ménagères, mais plus largement sur sa capacité de travail dans toute activité - y compris lucrative - correspondant à ses aptitudes. Comme relevé par la cour cantonale, l'expert a diagnostiqué un trouble dépressif récurrent en rémission partielle ou léger, sans répercussion sur la capacité de travail, ainsi que des traits de personnalité état limite et immatures. Il a indiqué que le trouble dépressif n'était pas lié à des conflits intrapsychiques, mais était intervenu dans le contexte de tensions conjugales et surtout de difficultés économiques; l'évolution, sous traitement médical bien conduit, semblait favorable, ce constat étant validé par l'enquête ménagère et les avis d'autres médecins. En ce qui concerne le trouble de la personnalité, l'expert a admis qu'il était difficile de savoir s'il s'agissait d'un trouble de la personnalité ou de traits de la personnalité, compte tenu de l'inadaptation socio-culturelle massive. En conclusion, le docteur C.________ a estimé que l'épouse du recourant n'était pas limitée dans son activité habituelle de femme au foyer, l'activité de femme de ménage pour des particuliers étant par ailleurs tout à fait adaptée; elle pouvait donc travailler à plein temps dans toute activité adaptée à ses compétences et sa motivation, la recherche d'emploi étant toutefois limitée par l'inadaptation socio-culturelle ainsi que l'absence de maîtrise du français et de qualifications. L'expert a donc conclu que l'intéressée disposait d'une pleine capacité de travail dans l'activité de femme de ménage, malgré ses affections psychiques et quand bien même la recherche d'emploi était limitée par l'inadaptation socio-culturelle ainsi que l'absence de maîtrise du français et de qualifications. Les avis médicaux dont se prévaut le recourant se bornent à constater sans autres détails une incapacité de travail dans "l'économie libre" ou sur le "marché libre du travail", sans se prononcer spécifiquement sur l'activité de femme de ménage. Ils ne sont donc pas susceptibles d'infirmer les conclusions motivées et convaincantes du docteur C.________.  
Par ailleurs, le recourant ne remet pas en cause l'appréciation du docteur C.________, selon laquelle sa femme n'est pas limitée dans son activité habituelle de femme au foyer. Or les tâches d'une femme de ménage se rapprochent de celles d'une ménagère. Elles ne nécessitent pas de formation particulière et le bon usage du français n'est pas primordial à leur accomplissement, étant entendu qu'une aide extérieure peut être fournie pour rechercher et trouver un emploi. L'épouse du recourant est du reste encore jeune et l'intimée lui a accordé un délai de six mois pour mettre en valeur sa capacité de travail. Ses enfants sont tous deux scolarisés, ce qui devrait lui permettre d'assumer un emploi à mi-temps et de s'occuper d'eux et de son ménage, quel que soit le degré de l'aide apportée par le recourant à ce niveau-là. A ce propos, ce dernier n'a fourni aucun élément concret donnant à penser qu'il aurait besoin d'un soutien à domicile à plein temps de son épouse pour éviter un placement dans un EMS, celle-ci ayant du reste fait savoir à l'expert que son mari n'était "pas spécialement limité", en dehors de "quelques difficultés respiratoires", et qu'il ne l'aidait pas "pour des raisons culturelles". Les griefs du recourant s'avèrent ainsi mal fondés. 
 
7.  
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. Vu l'issue de la procédure, les frais judiciaires doivent être mis à la charge du recourant (art. 66 al. 1 LTF). Celui-ci a cependant sollicité l'assistance judiciaire pour l'instance fédérale. Dès lors que les conditions de son octroi sont réalisées en l'espèce (art. 64 al. 1 et 2 LTF), l'assistance judiciaire requise sera accordée. L'attention du recourant est attirée sur le fait qu'il devra rembourser la caisse du Tribunal fédéral s'il devient en mesure de le faire ultérieurement (art. 64 al. 4 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
La requête d'assistance judiciaire est admise pour la procédure devant le Tribunal fédéral et Maître Paolo Ghidoni est désigné comme avocat d'office du recourant. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du recourant. Ils sont toutefois supportés provisoirement par la Caisse du Tribunal fédéral. 
 
4.  
Une indemnité de 2'800.- fr. est allouée à l'avocat du recourant à titre d'honoraires à payer par la Caisse du Tribunal fédéral. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la II e Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Fribourg et à l'Office fédéral des assurances sociales.  
 
 
Lucerne, le 24 janvier 2024 
 
Au nom de la IVe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
Le Greffier : Ourny