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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_1237/2023  
 
 
Arrêt du 13 mars 2024  
 
Ire Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, Denys et von Felten. 
Greffière : Mme Kistler Vianin. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Ludovic Tirelli, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public central du canton de Vaud, 
avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD, 
intimé. 
 
Objet 
Fixation de la peine; arbitraire, 
 
recours contre le jugement de la Cour d'appel 
pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud, du 22 septembre 2023 (n° 307 PE18.008347-BUF/SOS). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 4 mai 2021, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de l'Est vaudois a, notamment, condamné A.________, pour gestion déloyale des intérêts publics (art. 314 CP), à une peine privative de liberté de douze mois, avec sursis pendant deux ans, ainsi qu'à une peine pécuniaire de 40 jours-amende à 100 fr. le jour, avec sursis durant deux ans, la peine pécuniaire étant complémentaire à celle prononcée le 26 mars 2021 par le Ministère public de l'arrondissement de l'Est vaudois. 
 
B.  
 
B.a. Par jugement du 9 décembre 2021, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a partiellement admis les appels déposés par A.________ et le Ministère public central du canton de Vaud. Elle a confirmé la condamnation de A.________ pour gestion déloyale des intérêts publics et a prononcé une peine privative de liberté de douze mois, avec sursis pendant deux ans, ainsi qu'une peine pécuniaire de 40 jours-amende, avec sursis pendant deux ans, réduisant le montant du jour-amende à 30 francs.  
Par arrêt du 22 mars 2023 (6B_398/2022), la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral a partiellement admis le recours formé par A.________ contre le jugement cantonal du 9 décembre 2021, a annulé celui-ci et a renvoyé la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. En bref, le Tribunal fédéral a estimé que le principe d'accusation avait été violé en ce qui concernait l'exécution des travaux de rénovation confiée au bureau B.________ en ce sens que l'acte d'accusation ne faisait pas référence à une augmentation du tarif horaire pour lesdits travaux (consid. 7.2). 
 
B.b. A la suite de l'arrêt de renvoi du Tribunal fédéral, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a rendu le 22 septembre 2023 un nouveau jugement. Par ce dernier jugement, elle a partiellement admis les appels de A.________ et du Ministère public central du canton de Vaud et a condamné A.________ pour gestion déloyale des intérêts publics à une peine privative de liberté de onze mois, avec sursis durant deux ans, ainsi qu'à une peine pécuniaire de 40 jours-amende à 30 fr. le jour, également avec sursis durant deux ans, la peine pécuniaire étant complémentaire à celle prononcée le 26 mars 2021 par le Ministère public de l'arrondissement de l'Est vaudois.  
 
C.  
Contre ce dernier jugement cantonal, A.________ dépose un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Il conclut, principalement, à la réforme du jugement attaqué en ce sens qu'il est condamné à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis durant deux ans, cette peine étant complémentaire à celle prononcée le 26 mars 2021. A titre subsidiaire, il requiert l'annulation du jugement attaqué et le renvoi de la cause à la cour cantonale pour fixation de la peine et nouvelle décision dans le sens des considérants. En outre, il sollicite l'assistance judiciaire. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recourant conteste la sévérité de la peine qui lui a été infligée. 
 
1.1. Aux termes de l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).  
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 p. 147; 141 IV 61 consid. 6.1.1 p. 66 s.). 
Le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans la fixation de la peine. Le Tribunal fédéral n'intervient que lorsque l'autorité cantonale a fixé une peine en dehors du cadre légal, si elle s'est fondée sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, si des éléments d'appréciation importants n'ont pas été pris en compte ou, enfin, si la peine prononcée est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 144 IV 313 consid. 1.2; 136 IV 55 consid. 5.6). L'exercice de ce contrôle suppose que le juge exprime, dans sa décision, les éléments essentiels relatifs à l'acte ou à l'auteur qu'il prend en compte, de manière à ce que l'on puisse constater que tous les aspects pertinents ont été pris en considération et comment ils ont été appréciés, que ce soit dans un sens aggravant ou atténuant (art. 50 CP; ATF 144 IV 313 consid. 1.2). Le juge peut passer sous silence les éléments qui, sans abus du pouvoir d'appréciation, lui apparaissent non pertinents ou d'une importance mineure. La motivation doit justifier la peine prononcée, en permettant de suivre le raisonnement adopté. Un recours ne saurait toutefois être admis simplement pour améliorer ou compléter un considérant lorsque la décision rendue apparaît conforme au droit (ATF 144 IV 313 consid. 1.2; 136 IV 55 consid. 5.6). 
 
1.2.  
 
1.2.1. Dans son arrêt du 9 décembre 2021, la cour cantonale s'est ralliée à l'appréciation des juges de première instance. Ainsi, le tribunal correctionnel avait retenu que la culpabilité du recourant était relativement lourde. Il avait insisté sur la durée des agissements punissables, qui s'étaient étendus de 2013 à 2018 et qui n'avaient été interrompus que par l'intervention de tiers. Il avait relevé également le préjudice de plusieurs dizaines de milliers de francs et l'important dégât d'image causé à la Fondation C.________. Il avait constaté que la prise de conscience avait été quasi inexistante, même le conflit d'intérêt étant contesté, et les regrets autocentrés. A décharge, il avait tenu compte de l'intense activité déployée en faveur de la Fondation C.________ et des personnes qu'elle assistait, de l'aveuglément et du manque de diligence des autres membres du Conseil de fondation, qui avaient laissé le recourant tout contrôler ainsi que de l'atteinte à la réputation résultant d'un traitement médiatique acharné et d'un lynchage sur les réseaux sociaux.  
La cour cantonale a considéré que la libération du recourant pour une partie des faits relatifs à l'externalisation de la gestion des ressources humaines s'agissant de la facturation, par D.________ Sàrl, des prestations qu'il avait effectuées personnellement, ne modifiait pas fondamentalement sa culpabilité. Elle a ajouté, à titre de facteurs aggravants, que la fonction de conseiller municipal du recourant, auprès d'une importante commune vaudoise au service des citoyens, lui assurait une confiance accrue et impliquait un devoir particulier de correction et d'exemplarité. Elle a également considéré que le mode opératoire utilisé dénotait de la rouerie et de la manipulation. A décharge, elle a toutefois observé que le recourant avait souffert du traitement médiatique et public qui lui avait été réservé et qu'il était à cet égard toujours profondément atteint dans sa santé psychique. Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, la cour cantonale a confirmé la peine privative de liberté de douze mois et la peine pécuniaire de 40 jours-amende prononcées par le tribunal de première instance, sous réserve du montant du jour-amende, qu'elle a fixé à 30 francs. 
 
1.2.2. Dans son jugement du 22 septembre 2023, la cour cantonale a repris l'appréciation qu'elle avait faite dans son précédent jugement. Toutefois, dans la mesure où, à la suite de l'arrêt de renvoi du Tribunal fédéral, elle a libéré le recourant pour le supplément horaire de 50 fr. qu'il s'était accordé pour les honoraires de surveillance des travaux de rénovation des locaux de la rue de U.________, pour un montant de 2'150 fr., elle a considéré qu'il convenait de prononcer une peine privative de liberté de onze mois au lieu de douze. Elle a maintenu, pour le surplus, la peine pécuniaire de 40 jours-amende à 30 fr. le jour.  
 
1.3. Le recourant reproche à la cour cantonale de ne pas avoir tenu compte de certains éléments pertinents lors de la fixation de la peine.  
 
1.3.1. Le recourant fait valoir qu'il a fait preuve d'une parfaite collaboration lors de la procédure. Selon la jurisprudence, le juge peut atténuer la peine en raison de l'aveu ou de la bonne coopération de l'auteur de l'infraction avec les autorités policières ou judiciaires notamment si cette coopération a permis d'élucider des faits qui, à ce défaut, seraient restés obscurs (ATF 121 IV 202, consid. 2d/aa p. 204; 118 IV 342 consid. 2d p. 349; arrêt 6S.21/2002 du 17 avril 2002 consid. 2c). Savoir si la collaboration du prévenu a été bonne relève toutefois de l'établissement des faits, qui lie la cour de céans (art. 105 al. 1 LTF), à moins que le recourant n'en démontre l'arbitraire (art. 97 al. 1 LTF). En l'espèce, le recourant affirme que sa collaboration a été exemplaire à tous les stades de la procédure et relève qu'il a produit un nombre considérable de documents afin de clarifier les faits; il se réfère notamment à une pièce 171, comportant les procès-verbaux du Conseil de fondation auxquels toutes les autorités se seraient ensuite référées. Par cette argumentation, le recourant se borne toutefois à présenter sa propre version des faits, sans pour autant établir que la cour cantonale serait tombée dans l'arbitraire en ne retenant pas que la collaboration du recourant avait été bonne. De nature appellatoire, cette argumentation est irrecevable.  
 
1.3.2. Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir retenu que son mode opératoire dénotait de la rouerie et de la manipulation. Il conteste cette affirmation, relevant qu'il a déployé une intense activité en faveur de la Fondation C.________, qui a profité aux démunis. La cour cantonale a expliqué les raisons qui l'avaient amenée à qualifier le comportement du recourant de rouerie et de manipulation, exposant que "le prévenu a su se rendre indispensable, identifier et utiliser les faiblesses humaines de ceux qui auraient pu lui faire barrage, ainsi que déjouer les contrôles pour atteindre ses objectifs personnels de gains dans une entreprise de "business social", tout en veillant à ériger des protections contre les risques de réactions" (arrêt attaqué p. 12 s.). La cour de céans ne voit pas en quoi la cour cantonale aurait versé dans l'arbitraire en qualifiant un tel comportement de rouerie et de manipulation. La cour cantonale n'a pas au demeurant méconnu l'aveuglement et le manque de diligence des autres membres du Conseil de fondation, qui avaient laissé le recourant tout contrôler. Les critiques du recourant sont infondées.  
 
1.3.3. Le recourant fait valoir que sa peine apparaît excessivement sévère eu égard au dommage causé. Selon lui en effet, le "dommage économique serait avant tout comptable, donc théorique, puisqu'il a été établi par des calculs effectués a posteriori sur ce que D.________ Sàrl aurait dû payer ou prendre en charge". Le recourant qualifie de modeste la réduction de peine opérée par la cour cantonale à la suite de l'arrêt de renvoi du Tribunal fédéral, cette réduction de peine modeste étant due selon lui uniquement en raison du fait que le montant "pénal" de 2'150 fr. était minime par rapport au montant pour lequel il devait répondre. La cour cantonale s'est référée à un préjudice pénal de 108'566 francs (arrêt attaqué p. 11; dans son précédent jugement, elle faisait référence à une portée patrimoniale se situant à un peu plus de 110'000 fr.). Par cette référence, la cour cantonale a voulu insister sur la gravité des faits reprochés au recourant, les montants en jeu démontrant notamment l'intensité de la volonté délictueuse du recourant. L'appréciation de la cour cantonale n'est pas en ce sens critiquable. Le grief du recourant doit être rejeté.  
 
1.3.4. Le recourant reproche à la cour cantonale de ne pas avoir tenu compte de la durée particulièrement longue de la procédure, ouverte en mai 2018, près de six ans s'étant écoulés depuis le début de la procédure. Les conditions prévues à l'art. 48a let. e CP qui permet d'atténuer la peine en raison de l'écoulement du temps depuis l'infraction ne sont toutefois pas réalisées en l'espèce; en effet, l'infraction a été commise en 2016 et les deux tiers du délai de prescription de l'action pénale (en l'espèce de quinze ans) ne sont pas écoulés (cf. ATF 140 IV 145 consid. 3.1; 132 IV 1 consid. 6.1 et 6.2). Le recourant ne fait pas valoir au demeurant que les autorités pénales auraient violé le principe de la célérité au motif qu'elles auraient fait preuve de lenteur ou d'inactivité (art. 5 CPP et art. 29 al. 1 Cst.). Le grief soulevé par le recourant est donc infondé.  
 
1.3.5. Enfin, le recourant fait grief à la cour cantonale de ne pas avoir pris en compte sa situation personnelle, en particulier au niveau de sa santé mentale et l'impact que la longue procédure pénale a eu sur lui. Ce grief est aussi infondé. En effet, la cour cantonale n'a pas méconnu cet élément, puisqu'elle a constaté à décharge que le recourant était "toujours profondément atteint dans sa santé psychique" (arrêt attaqué p. 13).  
 
1.4. En définitive, la peine a été fixée sur la base de critères pertinents et on n'en discerne pas qui auraient été omis ou pris en considération à tort. Les éléments à prendre en compte ont par ailleurs abouti au prononcé d'une peine qui ne peut être qualifiée d'excessive. La sanction infligée ne viole donc pas l'art. 47 CP. En outre, dûment motivée, elle respecte les exigences en la matière, telles que résultant de l'art. 50 CP.  
 
2.  
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
Comme il était dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF) et le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera toutefois fixé en tenant compte de sa situation financière qui n'apparaît pas favorable. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 13 mars 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
La Greffière : Kistler Vianin