Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
Grössere Schrift
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_361/2022  
 
 
Arrêt du 25 avril 2023  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Jametti, Présidente, Kiss et May Canellas. 
Greffière : Mme Godat Zimmermann. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Mathias Eusebio, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________ AG, 
représentée par Me Daniel Santini, avocat, 
intimée, 
 
C.________ GmbH, 
représentée par Me Christoph Grether, avocat, 
 
Objet 
contrat d'entreprise; garantie de l'entrepreneur, 
 
recours contre la décision rendue le 20 juin 2022 
par la Cour suprême du canton de Berne, Tribunal 
de commerce (HG 17 194). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. B.________ AG (la demanderesse) est une société anonyme lucernoise dont le but social est la vente, la conception et la construction d'installation dans le domaine du biogaz et des technologies environnementales, ainsi que les prestations de tous les services et le commerce des produits accessoires dans le domaine du biogaz et de la technique environnementale.  
A.________ SA (la défenderesse) est une société anonyme jurassienne dont le but social est la planification, la construction, l'exploitation et l'entretien de centrales de biogaz pour la production de courant électrique et de chaleur. 
 
A.b. Le 24 février 2012, les parties ont signé un contrat intitulé " Werkvertrag (...) zur Erstellung einer Biogasanlage in U.________ " aux termes duquel la défenderesse a chargé la demanderesse de planifier, fabriquer et monter une installation de biogaz. La défenderesse s'est engagée de son côté à payer le prix forfaitaire de 1'930'140 fr. (HT), soit 2'084'551 fr. 20 (TTC).  
Le ch. 2.1 du contrat énumère les documents qui font partie intégrante de la relation contractuelle et s'appliquent dans l'ordre de priorité suivant: le présent contrat (let. a); son annexe du 24 février 2012 (let. b); les offres 20111110.2 ( Biogasanlage) et 20111117.2 ( Technik Vorgrube) de l'entrepreneur du 29 novembre 2011 (let. c); la norme SIA 118 (let. d) (complément d'office sur la base du dossier).  
Au titre des garanties de l'entrepreneur, le ch. 8.2 let. b du contrat prévoit ce qui suit : " Der Auftragnehmer leistet der Bauherrschaft Garantie: (let. b) « für die einwandfreie Ausführung aller Arbeiten und Lieferungen gemäss diesem Vertrag » , (let. c) « für die Funktion, Leistung und Qualität des Werkes entsprechend den in den Vertragsunterlagen beschriebenen Vorgaben (...) » et (let. d) « für eine einwandfreie Beschaffenheit und insbesondere die richtige Wahl der eingesetzten Materialien und Werkstoffe » ".  
L'avis des défauts devait être donné, s'agissant de défauts cachés, dans un délai de trente jours (ch. 8.3.3 du contrat). La garantie pour de tels défauts s'étendait sur cinq ans dès la réception mécanique de l'ouvrage (" mechanical completion ") (ch. 8.3.3, 2ème § du contrat).  
 
A.c. La demanderesse a livré à la défenderesse l'ouvrage convenu en février 2013. L'installation a été inaugurée et mise en exploitation.  
Un protocole d'acceptation provisoire a été dressé le 21 août 2013, mais n'a pas été signé. 
Les 27 et 30 août 2013, les parties se sont entendues pour fixer le début de la garantie (" Beginn der Garantiezeit der Gesamtanlage [...] ") au 21 août 2013.  
 
A.d. Le prix de l'ouvrage devait être payé en cinq tranches, la dernière échéant " nach erfolgreichem Probebetrieb und Erreichung einer Biogasproduktion von mindestens 50% der vorgesehenen Leistung während 48 Stunden, sowie nach Vorliegen der bereinigten und genehmigten Dokumentation " (ch. 4.1 du contrat).  
La défenderesse s'est acquittée des quatre premières tranches. La cinquième, représentant 203'103 fr. 70, est demeurée impayée. 
 
A.e. En juin 2016, puis les 8 et 12 septembre 2016, la défenderesse a avisé la demanderesse de défauts de l'installation dont elle la tenait pour responsable, à savoir des trous de corrosion apparus dans l'acier inox de la virole supérieure du digesteur.  
La demanderesse a refusé d'intervenir. 
 
B.  
Le 5 décembre 2017, B.________ AG a saisi le Tribunal de commerce du canton de Berne - compétent en vertu d'une clause d'élection de for (ch. 14.5 du contrat) - d'une demande tendant au paiement par A.________ SA du solde du prix de l'ouvrage, soit 203'103 fr. 70, plus intérêts moratoires à 5 % dès le 1 er décembre 2013. En outre, la demanderesse a dénoncé l'instance (art. 78 CPC) à sa sous-traitante C.________ GmbH (ci-après: C.________ ou la dénoncée) - qui déclarera vouloir intervenir en sa faveur - ainsi qu'à une autre entreprise qui, elle, renoncera à intervenir.  
Dans sa réponse, la défenderesse a opposé en compensation à la créance en paiement du solde du prix de vente les frais de réfection qu'elle a supportés pour pallier au défaut de l'ouvrage ainsi que la perte d'exploitation subie durant la réfection. 
 
Une expertise a été confiée à D.________, ing. dipl. EPF, lequel a délivré son rapport le 3 juillet 2020 et un rapport complémentaire le 28 septembre 2021. Il a ensuite été procédé à l'audition de plusieurs témoins et de l'expert. 
Par décision du 20 juin 2022, le Tribunal de commerce a condamné la défenderesse à verser à la demanderesse la somme de 203'103 fr. 70 avec intérêts à 5 % dès le 12 décembre 2013. Il a rejeté la demande pour le surplus, c'est-à-dire pour les intérêts moratoires relatifs à la période du 1 er au 11 décembre 2013. Ses motifs seront exposés dans les considérants en droit du présent arrêt.  
 
C.  
A.________ SA forme un recours en matière civile, concluant au rejet intégral de la demande. 
Le Tribunal de commerce s'est déterminé au sujet de quelques aspects du recours, en renvoyant pour le surplus à sa décision. 
B.________ AG propose le rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. Quant à C.________, elle conclut à l'irrecevabilité du recours, respectivement à son rejet. 
La recourante a encore déposé, le 16 mars 2023, une requête de restitution de l'effet suspensif. Le 27 mars, respectivement le 19 avril 2023, la dénoncée et l'intimée ont toutes deux proposé son rejet. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Après avoir été attraite devant le Tribunal de commerce bernois par une demande rédigée en allemand, la défenderesse a obtenu que la suite de la procédure fût conduite en français, la demanderesse et la dénoncée demeurant libres de s'exprimer en allemand. Le présent arrêt est donc libellé en français (art. 54 al. 1 LTF).  
 
1.2. Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont réalisées sur le principe, notamment celle afférente au délai de recours (art. 100 al. 1 LTF). Le Tribunal de commerce ayant statué en instance cantonale unique, sa décision peut être déférée directement au Tribunal fédéral, quelle que soit la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b et art. 75 al. 2 let. a et b LTF en lien avec l'art. 6 al. 1 CPC). Demeure réservée à ce stade la recevabilité des griefs en eux-mêmes.  
 
2.  
 
2.1. Le recours en matière civile peut être exercé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris le droit constitutionnel (ATF 136 I 241 consid. 2.1; 136 II 304 consid. 2.4). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments soulevés dans le recours, ni par la motivation retenue par l'autorité précédente (ATF 137 II 313 consid. 1.4; 135 III 397 consid. 1.4). Cependant, compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes. Il n'est pas tenu de traiter, comme une autorité de première instance le ferait, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 142 III 364 consid. 2.4; 140 III 86 consid. 2, 115 consid. 2; 137 III 580 consid. 1.3). Par exception à la règle selon laquelle il applique le droit d'office, le Tribunal fédéral n'examine la violation d'un droit constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 144 II 313 consid. 5.1; 142 II 369 consid. 2.1; 142 III 364 consid. 2.4; 139 I 229 consid. 2.2).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). "Manifestement inexactes" signifie ici "arbitraires" (ATF 143 I 310 consid. 2.2; 141 IV 249 consid. 1.3.1; 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception au sens de l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées. Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes, en conformité avec les règles de procédure, les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF). 
 
3.  
Il est constant que les parties ont été liées par un contrat d'entreprise (art. 363 ss CO) portant sur la planification, la fabrication et le montage d'une installation de biogaz. Selon les faits constatés dans la décision attaquée, cette installation a été livrée à la défenderesse. 
Le litige porte sur le paiement de la cinquième et dernière tranche du prix de l'ouvrage. Le Tribunal de commerce retient que ce solde était exigible. La défenderesse ne le remet pas en cause. Cela étant, elle se prévaut de la garantie pour les défauts de l'ouvrage (art. 169 et 171 de la norme SIA 118 (1979/1991), avec renvoi aux art. 368 et 97 ss CO pour ce qui est du dommage consécutif à un défaut). Elle oppose en compensation à la créance de la demanderesse les frais de réfection qu'elle a supportés ainsi que la perte d'exploitation subie durant la réfection. 
 
3.1. Après avoir constaté que l'avis des défauts avait été donné en temps utile, s'agissant d'un défaut caché, le Tribunal de commerce a considéré que l'ouvrage n'était en définitive pas affecté d'un quelconque défaut. La défenderesse avait d'ailleurs allégué un seul défaut dans les formes prescrites, à savoir l'existence de trous liés à la corrosion dans le digesteur de la centrale de biogaz qui, d'après elle, seraient dus au choix, pour la fabrication de la virole supérieure du digesteur (partie gazeuse), d'un matériau inapproprié.  
A cet égard, le Tribunal de commerce relève tout d'abord que, selon l'art. 166 al. 2 de la norme SIA 118 (1979/1991) applicable en vertu du ch. 2.1 du contrat, le défaut consiste en l'absence soit d'une qualité promise ou autrement convenue, soit d'une qualité que le maître était de bonne foi en droit d'attendre même sans convention spéciale. Il se livre ensuite aux considérations suivantes sur l'origine possible d'un éventuel défaut : 
a) S'agissant de la conception de l'ouvrage: selon l'expertise judiciaire, la sélection du matériau pour la zone gazeuse (haut du digesteur) correspondait à l'état de la technique jusqu'en 2010 mais, par la suite, la technique a évolué "pour le choix de l'acier duplex 1.4462, matériau avec lequel l'attaque corrosive serait plus lente". Lorsque l'usine a été mise en soumission, le compromis à trouver entre un matériau, d'une part, suffisamment résistant aux attaques chimiques et, d'autre part, présentant une limite de charge mécanique suffisante (deux exigences antinomiques) n'a pas été précisé. Le choix s'est porté sur l'acier 1.4571, ce qui permettait de supposer, compte tenu des valeurs indiquées, que cet acier serait resté stable pendant environ dix ans. 
La décision entreprise indique que la défenderesse n'a pas allégué en procédure les éléments qui permettraient de retenir un défaut dans la conception de l'ouvrage (" sur la question du choix du matériau [pour la partie gazeuse du digesteur], il n'a pas été allégué que l'installation livrée ne correspondrait pas à l'accord contractuel "). Selon les constatations souveraines du Tribunal de commerce, la défenderesse n'a pas non plus allégué que la demanderesse aurait dû attirer son attention sur la possibilité d'une exécution de la virole supérieure du digesteur dans un acier différent (potentiellement plus cher). 
Partant, le Tribunal de commerce exclut l'existence d'un défaut de conception de l'ouvrage. 
b) L'autorité précédente se prononce également sur l'hypothèse d'un défaut lié à la fabrication (exécution) de l'ouvrage. L'expert judiciaire s'étant déclaré incapable de déterminer quel matériau avait effectivement été utilisé (l'anneau supérieur du digesteur ayant été remplacé par la défenderesse en 2017 et aucun échantillon n'ayant été mis de côté pour analyse), les juges cantonaux ont estimé que la défenderesse avait échoué à apporter la preuve d'un défaut de fabrication, le fardeau reposant sur elle en vertu de l'art. 179 al. 5 de la norme SIA 118. 
c) Le Tribunal de commerce aborde finalement l'hypothèse selon laquelle la corrosion serait liée à l'exploitation de l'installation par la défenderesse. Certes, celle-ci n'a pas utilisé de chlorure ferrique (destiné à lier le soufre), qui aurait été une cause possible de la corrosion. Il était toutefois possible qu'elle n'ait pas ajusté correctement l'oxygène qui devait obligatoirement être insufflé dans l'installation afin de désulfurer le biogaz (pour simplifier, transformation de sulfure d'hydrogène H2S en soufre élémentaire S), de sorte que des concentrations trop élevées d'acide sulfurique (H2SO4) se soient formées, causant une corrosion massive des matériaux en béton et en métal. 
Partant, la défenderesse ne pouvait déduire de droit à la garantie en raison d'un défaut de l'ouvrage. 
 
3.2. La recourante se plaint de "violation du droit fédéral (art. 368 CO) et d'arbitraire". Se référant au rapport d'expertise judiciaire, elle rappelle que l'acier 1.4571 (inox 316 Ti) que la demanderesse a utilisé correspondait à l'état de la technique en 2010, mais que, par la suite, la technique a évolué pour le choix de l'acier duplex 1.4462 avec lequel l'attaque corrosive aurait été plus lente. L'acier 1.4571 aurait dû rester stable durant dix ans selon l'expert. Or, il s'était corrodé moins de trois ans après la mise en service de l'installation. La défenderesse aurait ensuite remplacé la virole corrodée par une virole en acier duplex 1.4462 (AISI 318 LN) et ce matériau-là serait resté stable malgré les huit ans écoulés depuis lors. De l'avis de la recourante, " il appartenait à l'évidence à (la demanderesse) en 2012 de (lui) proposer l'acier le plus résistant, qui n'était à l'évidence plus l'acier 1.4571 (inox 316), qui se corrode plus (trop) rapidement. (Son) représentant, agriculteur, ne pouvait évidemment pas le savoir." Pour elle, les juges cantonaux ont versé dans l'arbitraire en retenant que "le choix du matériau pour la partie gazeuse du digesteur (...) apparaît comme se situant à la limite de la bonne conception de l'ouvrage, sans que cette limite ne soit franchie et qu'un défaut de conception de l'ouvrage doive être retenu".  
 
4.  
La notion de défaut déduite de l'art. 368 CO correspond à celle définie à l'art. 166 de la norme SIA 118 (1997/1991), intégrée au contrat par les parties (arrêts 4A_227/2014 du 24 novembre 2014 consid. 3.1.1; 4A_109/2014 du 21 mai 2014 consid. 3.3.1). La notion est la même que dans le contrat de vente (ATF 100 II 32 consid. 2). 
L'ouvrage livré est entaché d'un défaut lorsqu'il n'est pas conforme à ce qui avait été contractuellement prévu. Le défaut peut résider dans l'absence d'une qualité convenue expressément ou tacitement par les parties, ou dans l'absence d'une qualité à laquelle le maître pouvait s'attendre selon les règles de la bonne foi (ATF 114 II 239 consid. 5a/aa). 
Pour déterminer si une qualité a été convenue, il y a lieu d'appliquer les principes généraux concernant l'interprétation des contrats, sans se limiter à ce qui a été expressément spécifié par les parties, pour rechercher ce à quoi l'entrepreneur s'est obligé dans le cas particulier. 
La qualité légitimement attendue porte, d'une part, sur la matière utilisée, qui ne doit pas être de qualité inférieure à la moyenne (art. 71 al. 2 CO) et, d'autre part, sur les propriétés nécessaires ou usuelles pour l'usage convenu (arrêt 4A_428/2007 du 2 décembre 2008 consid. 3.1; FRANÇOIS CHAIX, in Commentaire romand, Code des obligations I, 3 e éd. 2021, n° 5 ad art. 368 CO; PETER GAUCH, Der Werkvertrag, 6 e éd. 2019, n. 1361 ss p. 657 ss). L'ouvrage doit répondre aux exigences techniques et à la destination que le maître lui réserve (ATF 71 II 242; arrêt C.211/1987 du 27 juin 1988 consid. 3). Si celui-ci entend affecter l'ouvrage à une destination sortant de l'ordinaire, il doit en aviser l'entrepreneur (arrêt C.211/1987 du 27 juin 1988 consid. 3). En revanche, il n'a pas cette obligation lorsque l'utilisation prévue est usuelle; l'ouvrage doit alors correspondre, au minimum, aux règles de l'art reconnues ou à un standard équivalent (arrêt 4A_428/2007 du 2 décembre 2008 consid. 3.1). Le maître peut, par exemple, s'attendre à ce qu'aucune trace d'humidité n'apparaisse sur le plafond et sur les murs d'un local de douche ou sur des façades traitées (GAUCH, op. cit., n. 1422 p. 679). De même, il peut légitimement espérer que l'étanchéité nouvelle de cuves destinées à l'encavement du moût résistera plus que quelques mois (arrêt 4C.347/2005 du 13 février 2006 consid. 2).  
 
5.  
En l'espèce, les parties s'accordent sur le fait que la girole supérieure du digesteur a été réalisée en acier 1.4571 (inox 316 Ti). La décision attaquée est dépourvue de constatation s'agissant du point de savoir ce dont les parties étaient précisément convenues et le dossier de la cause ne recèle pas, a priori, les offres de l'entrepreneur du 29 novembre 2011 qui auraient éventuellement pu le révéler. Le Tribunal de commerce relève que la recourante n'a pas allégué les éléments qui permettraient de retenir que la pièce a été réalisée dans un matériau autre que celui qui avait été convenu. La recourante ne lui reproche pas d'avoir versé dans l'arbitraire sur ce point. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'autorité précédente a exclu un défaut consistant dans l'absence d'une qualité convenue.  
Il reste à examiner dans quelle mesure l'installation est dépourvue d'une qualité que la recourante pouvait attendre de bonne foi. A cet égard, l'expert judiciaire a indiqué que "sur la base des valeurs indiquées dans les tableaux (8), (12), on peut supposer que cet acier (i.e. l'acier 1.4571) restera stable pendant une durée d'environ dix ans et le choix correspond donc à l'état de la technique vers 2010" (cf. rapport d'expertise de juillet 2020 p. 13). Sur ce fondement, il était légitime de retenir que le choix de cet acier correspondait à l'état de la technique au moment de la signature du contrat, le 24 février 2012. Certes, l'expert relève également, à la suite de ce qui précède: "A partir de 2010, des dommages dus à la corrosion de la plaque d'enveloppe en acier inoxydable dans la zone de transition gaz-liquide de plusieurs usines de biogaz agricoles, similaire au modèle de conception de l'usine de U.________, ont été signalés en Allemagne. (...) Pour la plupart d'entre elles, on peut supposer qu'une désulfuration biologique avec un excès d'air en est la cause. ". Cependant, il incrimine non pas un mauvais choix de l'acier, mais un problème de réglage de l'insufflation d'oxygène dans l'installation. A quoi s'ajoute le fait qu'au moment de la signature du contrat, la demanderesse n'avait pas nécessairement connaissance de ces problèmes survenus en Allemagne et des solutions qui auraient été apportées. La recourante n'a formulé aucune allégation en procédure qui permettrait de retenir le contraire. Quant au recours à l'acier duplex 14462, l'expert a encore relevé les points suivants : "A vec le choix de ce matériau lors de la construction de l'usine, la probabilité d'une attaque par piqûre de l'acide sulfurique biogène serait plus faible qu'avec le choix du matériau choisi 1.4571, même si une attaque ne peut tout de même pas être exclue. Cependant, l'attaque se déroulerait plus lentement, de sorte qu'on peut supposer que la centrale resterait opérationnelle plus longtemps. Le point faible de l'installation est déplacé des plaques en acier à la visserie et aux fixations qui, pour des raisons de résistance mécanique, seront toujours en acier 1.4571. " (cf. rapport d'expertise précité p. 13 in fine). La girole aurait donc eu une durée de vie plus importante si elle avait été réalisée en acier 14462. Pour autant, cela ne signifie pas qu'elle présentait un défaut, du moment que l'acier 1.4571 devait rester stable dix ans durant. En d'autres termes, si un matériau présente de meilleures propriétés qu'un autre, le fait qu'il n'ait pas été choisi ne représente pas forcément un défaut au sens juridique du terme. Tout dépend des propriétés de celui qui a été sélectionné. Et celles-ci apparaissaient suffisantes en la circonstance, la recourante n'ayant pas allégué s'être entendue avec l'intimée pour que la girole résiste à la corrosion durant quinze ou vingt ans, par exemple.  
Certes, alors que l'acier choisi aurait dû rester stable pendant dix ans, l'anneau supérieur du digesteur était corrodé trois ans à peine après sa mise en service, comme la recourante le souligne. Il s'agit là d'un indice en faveur de la version de la défenderesse, mais cet élément ne suffit pas pour admettre que le Tribunal de commerce aurait nié de manière arbitraire l'existence d'un défaut. En effet, comme l'autorité précédente l'a évoqué, il est fort possible que ce soit un mauvais réglage de l'oxygène insufflé dans l'installation qui soit en cause dans cette corrosion prématurée. 
A lire le recours, l'intimée aurait dû proposer un acier plus résistant. Le Tribunal de commerce a constaté toutefois que la recourante n'avait rien allégué à ce sujet en procédure; de même, dans son recours au Tribunal fédéral, elle demeure muette sur cet aspect crucial. 
En conclusion, c'est à bon droit que l'autorité cantonale a jugé que la défenderesse n'était titulaire d'aucune créance contre la demanderesse, laquelle viendrait en compensation de la créance en paiement du solde du prix de l'ouvrage. 
La recourante ne critique pas les autres aspects de la décision attaquée, de sorte que le Tribunal fédéral n'a pas à les revoir. 
Partant, le recours ne peut être que rejeté. 
 
6.  
La cour de céans s'étant ainsi prononcée sur le fond, la requête de restitution de l'effet suspensif formulée par la recourante devient sans objet. 
 
La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et versera des dépens à l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
La dénoncée a conclu, sous suite des frais et dépens, à l'irrecevabilité, respectivement au rejet du recours et obtient ainsi gain de cause à l'instar de l'intimée. L'art. 68 LTF ne prévoit pas l'octroi de dépens à un participant accessoire. En vertu du renvoi de l'art. 71 LTF, il faut donc, comme sous l'empire de l'OJ, appliquer l'art. 69 al. 2 PCF, dont il résulte que la question est laissée à la libre appréciation du Tribunal fédéral (ATF 130 III 571 consid. 6 et les arrêts cités; arrêts 4A_295/2022 du 16 décembre 2022 consid. 9.2; 4A_499/2019 du 25 mars 2020 consid. 6; 4A_679/2012 du 1 er mai 2013 consid. 3). Selon la jurisprudence, il n'est en principe pas alloué de dépens à un participant accessoire qui, comme en l'espèce, a été introduit dans la procédure par la partie victorieuse dont il n'a fait qu'appuyer les conclusions; des motifs d'équité sont réservés (ATF 131 III 571 consid. 6; arrêts précités 4A_295/2022 consid. 9.2; 4A_679/2012 consid. 3). Dans le cas présent, de tels motifs ne sont pas discernables et la dénoncée, qui se borne à réclamer des dépens, n'en invoque pas. Il ne lui sera dès lors pas alloué d'indemnité à ce titre.  
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 6'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 7'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à C.________ GmbH et à la Cour suprême du canton de Berne, Tribunal de commerce. 
 
 
Lausanne, le 25 avril 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
La Greffière : Godat Zimmermann