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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_915/2022  
 
 
Arrêt du 3 août 2023  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz et Ryter. 
Greffière : Mme Jolidon. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Marc Bellon, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Département de la sécurité, de la population et de la santé du canton de Genève (DSPS), rue de l'Hôtel-de-Ville 14, 1204 Genève. 
 
Objet 
Médecin; procédure disciplinaire; interdiction de 
pratiquer pour douze mois, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de 
la République et canton de Genève, Chambre administrative, du 4 octobre 2022 (ATA/987/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________ est spécialiste en médecine interne générale. Depuis le 29 mai 2002, il pratique dans son propre cabinet, à U.________. Il a pour patiente B.________, née en 1977. 
En février 2017, le médecin-conseil de l'assurance-maladie de base de B.________ a dénoncé A.________ qui avait facturé des prestations pour 227 "journées" en 2015 et 246 "journées" en 2016; les honoraires du médecin se montaient à 212'250 fr., depuis le mois de septembre 2013, dont 50'479 fr. de frais d'urgence; la pratique de A.________ était abusive et, compte tenu du "manque de discernement" de B.________, le médecin-conseil prenait l'initiative de dénoncer A.________. 
La Commission de surveillance des professions de la santé de la République et canton de Genève (ci-après: la Commission de surveillance) a ouvert une procédure, en date du 29 mars 2017, à l'encontre de A.________, puis a confié l'instruction à une sous-commission. La patiente ayant refusé de délier son médecin du secret professionnel, la Commission du secret professionnel de la République et canton de Genève (ci-après: la Commission du secret professionnel) a partiellement levé ce secret le 10 avril 2018 et autorisé l'intéressé à transmettre à la Commission de surveillance les éléments pertinents et nécessaires relatifs à la prise en charge de la patiente. Après de nombreux échanges avec la Commission de surveillance entre mars 2017 et avril 2019, A.________ a contesté avoir manqué à ses devoirs professionnels et s'est expliqué par courriers des 19 et 31 mai 2017 et 5 septembre 2018; il s'est encore longuement déterminé le 15 mai 2019, exposant en détail la situation médicale de B.________ et sa relation avec celle-ci. La Commission de surveillance a demandé en vain au médecin, à plusieurs reprises, de lui transmettre le dossier médical de la patiente. Elle a adopté, en séance plénière du 28 avril 2021, les conclusions de la sous-commission qui avait terminé l'instruction de la cause, et a adressé un préavis du 3 mai 2021 au Département de la sécurité, de la population et de la santé de la République et canton de Genève (actuellement: le Département de la santé et des mobilités; ci-après: le Département de la santé). 
 
 
B.  
Le Département de la santé a, par arrêté du 9 juillet 2021, interdit à A.________ de pratiquer sous sa propre responsabilité pour une durée de douze mois. Celui-ci avait manqué de diligence et de conscience professionnelle dans le suivi médical de sa patiente, "entretenu une distance thérapeutique inadéquate" avec B.________, de même qu'il avait eu des gestes thérapeutiques inappropriés et pratiqué une "hospitalisation à domicile", chez lui, qui n'avait pas lieu d'être; le médecin avait également donné systématiquement suite aux innombrables demandes de consultations et d'actes médicaux formulées par la patiente. 
Par arrêt du 4 octobre 2022, la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) a rejeté le recours de l'intéressé à l'encontre de l'arrêté du 9 juillet 2021 du Département de la santé. 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt du 4 octobre 2022 de la Cour de justice, l'arrêté du 9 juillet 2021 du Département de la santé et le préavis du 3 mai 2021 de la Commission de surveillance, d'ordonner le renvoi de la cause à cette commission pour reprise de l'instruction et d'ordonner qu'il puisse exercer son droit d'être entendu auprès de celle-ci en relation avec la production du dossier médical complet de sa patiente. 
Le Département de la santé conclut, sous suite de frais et dépens, au rejet du recours. La Cour de justice s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. 
Par ordonnance du 15 décembre 2022, la Présidente de la IIe Cour de droit public a admis la requête d'effet suspensif. 
Le 16 janvier 2023, A.________ a persisté dans ses conclusions, par le biais de son avocat, et, parallèlement, a lui-même déposé une réplique. 
 
 
Considérant en droit :  
 
 
1.  
 
1.1. Le recours en matière de droit public, déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et en la forme prévue (art. 42 LTF) à l'encontre d'un arrêt final (art. 90 LTF) rendu, dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF), par un tribunal cantonal de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF), par l'intéressé qui a la qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF), est recevable.  
 
1.2. Toutefois, la conclusion tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 juillet 2021 du Département de la santé respectivement du préavis du 3 mai 2021 de la Commission de surveillance est irrecevable: en raison de l'effet dévolutif complet du recours auprès de la Cour de justice (art. 67 et 69 de la loi genevoise du 12 septembre 1985 sur la procédure administrative [LPA/GE; RS/GE E 5 10]), l'arrêt de cette autorité judiciaire se substitue aux prononcés antérieurs (ATF 136 II 539 consid. 1.2).  
 
1.3. Dans sa réplique du 16 janvier 2023, le recourant remet en cause, de façon implicite, la violation de ses devoirs professionnels. A supposer que l'on puisse considérer qu'il présente là un moyen relatif à l'art. 40 de la loi fédérale du 23 juin 2006 sur les professions médicales universitaires (loi sur les professions médicales, LPMéd; RS 811.11), il est rappelé qu'il n'est pas entré en matière sur un grief invoqué pour la première fois non pas dans le recours, mais uniquement dans la réplique, c'est-à-dire au-delà du délai de recours, alors qu'il pouvait être soulevé dans cet acte (cf. ATF 147 I 16 consid. 3.4.3; 143 II 283 consid. 1.2.3).  
 
2.  
Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF), sous réserve des exigences de motivation figurant à l'art. 106 al. 2 LTF. Aux termes de cette disposition, le Tribunal fédéral n'examine la violation de droits fondamentaux ainsi que celle de dispositions de droit cantonal que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant. Il y procède en se fondant sur les faits constatés par l'autorité précédente (cf. art. 105 al. 1 LTF), à moins que ces faits n'aient été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (cf. art. 105 al. 2 LTF). 
 
 
3.  
L'objet du litige porte, au fond, sur la violation de ses devoirs professionnels par le recourant (cf. art. 40 de la loi fédérale du 23 juin 2006 sur les professions médicales universitaires [loi sur les professions médicales, LPMéd; RS 811.11]) et sur la sanction prononcée, à savoir une interdiction de pratiquer (et non un retrait de l'autorisation de pratiquer [cf. art. 38 LPMéd]) pour une durée de douze mois (cf. art. 43 al. 1 let. d LPMéd). Il s'agit donc d'une procédure disciplinaire. Le recourant présente uniquement des griefs formels liés au droit d'être entendu. 
 
4.  
L'intéressé se plaint de différentes violations de son droit d'être entendu. 
 
4.1. En l'espèce, le recourant n'invoquant pas la violation d'une disposition cantonale relative au droit d'être entendu, les griefs soulevés doivent être examinés exclusivement à la lumière des principes déduits directement de l'art. 29 al. 2 Cst. Le droit d'être entendu garanti par cette disposition comprend notamment le droit pour la partie intéressée de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision touchant sa situation juridique ne soit prise, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1; 145 I 73 consid. 7.2.2.1).  
 
4.2. Le recourant estime qu'en ne renvoyant pas la cause à la Commission de surveillance, afin qu'il puisse faire valoir ses arguments devant cette autorité, la Cour de justice a violé son droit d'être entendu (art. 29 Cst.). Il souligne l'importance du préavis de la Commission de surveillance, dès lors que le Département de la santé l'a repris intégralement dans son arrêté du 9 juillet 2021 et que la Cour de justice s'impose une certaine retenue s'agissant d'éléments d'ordre technique. Selon lui, il aurait dû avoir connaissance des reproches retenus à son encontre par ladite commission et être entendu sur la teneur du préavis du 3 mai 2021 avant que ledit département ne statue.  
Par le biais de ses sous-commissions, la Commission de surveillance instruit les causes et émet un préavis à l'intention du Département de la santé, lorsqu'elle constate, au terme de l'instruction, qu'un professionnel de la santé a commis une violation de ses obligations susceptible de justifier une interdiction temporaire ou définitive de pratiquer (cf. art. 7 al. 1 let. a et 19 de la loi genevoise du 7 avril 2006 sur la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients [LComPS/GE; RS/GE K 3 03]). Il ressort de l'arrêt attaqué que, durant l'instruction de la cause, le recourant a été informé de la dénonciation et invité, à de nombreuses reprises, à faire part de ses observations en lien avec les faits qui lui étaient reprochés, ce à quoi il a procédé en date des 19 et 31 mai 2017, ainsi que du 5 septembre 2018. Le 15 mai 2019, il a fourni de longues explications sur le statut médical de sa patiente et des détails sur sa prise en charge de celle-ci. L'intéressé a également consulté le dossier devant la Commission de surveillance à plusieurs reprises. Il a ainsi été entendu avant que le préavis à l'intention du Département de la santé ne soit établi. Partant, c'est à bon droit que les juges précédents ont retenu que le droit d'être entendu du recourant n'avait pas été violé. 
 
4.3. Le recourant se plaint du fait qu'il n'a pas eu accès au préavis du 3 mai 2021 de la Commission de surveillance, avant que ce document ne soit transmis au Département de la santé.  
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le droit de consulter le dossier ne s'étend en principe pas aux préavis établis par une autorité d'instruction à l'intention de l'autorité décisionnelle, sous réserve d'une réglementation spéciale contraire (cf. ATF 131 II 13 consid. 4.2; 117 Ia 90 consid. 5b; arrêt 1C_325/2018 du 15 mars 2019 consid. 5.2). Ce genre de document n'a en effet pas de conséquence juridique directe sur la situation de la personne intéressée et est considéré comme un acte interne à l'administration, destiné à faciliter la tâche de l'organe de décision, qui doit se former une opinion sur l'affaire à traiter (cf. ATF 129 II 497 consid. 2.2; 125 II 473 consid. 4a; arrêt 2C_804/2022 du 20 juin 2023 consid. 7.1). 
En outre, le Tribunal fédéral a déjà jugé que les préavis de la Commission de surveillance, qui comportent les conclusions de l'instruction relative aux faits et à la sanction envisagée, répondent à la définition de l'acte interne à l'administration (cf. arrêts 2C_804/2022 du 20 juin 2023 consid. 7.3; 2C_32/2017 du 22 décembre 2017 consid. 2.4; 2C_66/2013 du 7 mai 2013 consid. 3.2.2) et n'a pas à être transmis aux parties. Au demeurant, le préavis du 3 mai 2021 de ladite commission a été produit devant la Cour de justice. La Cour de justice n'a donc pas violé le droit d'être entendu du recourant, sur ce point. 
 
4.4. L'intéressé souligne qu'il avait engagé une procédure pénale à l'encontre de la demande de la production de l'intégralité du dossier médical de la patiente formulée par la Commission de surveillance, compte tenu du fait que le secret médical n'avait été levé que partiellement. Il estime que les juges précédents ont également violé son droit d'être entendu en tant qu'ils n'ont pas retenu que la Commission de surveillance devait suspendre la procédure en matière disciplinaire, en attendant l'issue de la procédure pénale. Il était en droit d'exiger que cette commission possède tous les éléments du dossier pour se prononcer.  
Le 10 avril 2018, la Commission du secret professionnel a partiellement levé le secret professionnel du recourant, l'autorisant à transmettre à la commission "les seuls éléments de sa prise en charge de Mme B.________ pertinents et nécessaires à sa défense (...) tout en précisant que les informations concernant des tiers ne sont ni pertinentes ni nécessaires". La Commission de surveillance a, à de réitérées reprises, requis le dossier de la patiente, sans que l'intéressé n'obtempère. Le 25 avril 2019, elle a rappelé qu'elle ne sollicitait que les extraits pertinents du dossier et que si d'autres personnes y étaient mentionnées, il suffisait d'en caviarder le nom. Le recourant ne peut donc s'en prendre qu'à lui-même si ladite commission a émis son préavis uniquement sur la base de la dénonciation de l'assurance-maladie et sur les faits qu'il a décrits dans ses différentes déterminations. Sa critique est d'ailleurs toute générale et il ne précise pas quels éléments pertinents figurent au dossier mais n'auraient pas été retenus par la Commission de surveillance. Dès lors que la commission ad hoc avait partiellement levé son secret professionnel, le recourant pouvait transmettre le dossier de la patiente à la Commission de surveillance, en caviardant au besoin les passages dénués de pertinence ou concernant d'éventuels tiers. Il ne se justifiait pas d'attendre l'issue de la procédure pénale engagée contre la directrice de cette autorité pour tentative de contrainte et abus d'autorité. Quoi qu'il en soit, la suspension de la cause, que l'intéressé souhaitait, relevait du droit cantonal de procédure et le recourant ne mentionne aucune disposition applicable à ce sujet pas plus qu'il se plaint d'une application arbitraire du droit cantonal par les juges précédents (cf. supra consid. 2). Le grief relatif au droit d'être entendu est mal fondé, à cet égard. 
 
5.  
Le recours ne contient aucun grief sur le fond présenté de manière suffisante au regard de l'obligation de motiver imposée par l'art. 42 al. 2 LTF, de sorte que le Tribunal fédéral n'a pas à revoir ces aspects même d'office, étant précisé qu'on ne décerne aucune violation du droit manifeste (cf. ATF 140 III 115 consid. 2; 140 III 86 consid. 2; 133 III 545 consid. 2.2). 
 
6.  
Au regard de ce qui précède, le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Département de la sécurité, de la population et de la santé (DSPS) et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative. 
 
 
Lausanne, le 3 août 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente: F. Aubry Girardin 
 
La Greffière: E. Jolidon