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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_441/2023  
 
 
Arrêt du 21 décembre 2023  
 
IVe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président, 
Viscione et Métral. 
Greffier : M. Ourny. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par M e Michael Lavergnat, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Office cantonal de l'emploi du canton de Genève, Service juridique, rue des Gares 16, 1201 Genève, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-chômage (remise de l'obligation de restituer; bonne foi), 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 12 juin 2023 (A/3818/2022 ATAS/424/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 16 mars 2020, A.________ SA, qui a pour but social "toutes activités de commerce de tous produits via internet", a déposé auprès de l'Office cantonal de l'emploi (OCE) du canton de Genève un préavis de réduction de l'horaire de travail (RHT) du 20 mars au 20 juin 2020, pour 20 de ses 25 employés, en estimant la perte de travail à 75 %.  
Par décision du 18 mars 2020, l'OCE a fait partiellement opposition au paiement de l'indemnité en cas de RHT, en considérant que ladite indemnité pouvait être octroyée du 20 mars au 19 juin 2020. Les 25 mars, 30 avril et 3 juin 2020, la société a transmis les décomptes signés et datés et a requis les indemnités en cas de RHT. Celles-ci ont été versées pour les mois de mars (73'661 fr. 40), avril (29'922 fr. 80) et mai 2020 (17'939 fr. 55). 
 
A.b. Par décision du 30 mars 2022, le Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO) a demandé à A.________ SA de rembourser à la Caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après: la caisse de chômage) un montant de 121'523 fr. 75 pour les indemnités versées à tort entre mars et mai 2020. En l'absence d'un système de contrôle du temps de travail fiable ou d'autres documents pouvant justifier que les indemnités avaient été perçues à bon droit, en d'autres termes que la perte de travail était effectivement due à des facteurs d'ordre économique, il était impossible de procéder à une telle vérification, de sorte que le droit à l'indemnité en cas de RHT devait être nié. Cette décision n'a pas fait l'objet d'une opposition.  
 
A.c. Le 30 mai 2022, la société a demandé à la caisse de chômage la remise de son obligation de restituer, en invoquant sa bonne foi et le fait qu'un remboursement l'exposerait à une situation de surendettement.  
Par décision du 20 juillet 2022, confirmée sur opposition le 25 octobre 2022, l'OCE a refusé la remise de la somme de 121'523 fr. 75, motif pris que la société ne pouvait pas se prévaloir de sa bonne foi au moment de la perception des indemnités. Celle-ci savait - avant même de percevoir ces indemnités - qu'elle ne possédait pas de système de contrôle du temps de travail, alors que cette obligation ressortait de nombreux documents qu'elle avait signés. Son comportement était constitutif d'une négligence grave excluant la bonne foi. 
 
B.  
Saisie d'un recours contre la décision sur opposition, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève l'a rejeté par arrêt du 12 juin 2023. 
 
C.  
A.________ SA interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant principalement à sa réforme dans le sens de l'annulation de la décision sur opposition du 25 octobre 2022 et de l'admission de sa demande de remise de l'obligation de restituer. A titre subsidiaire, elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
L'intimé conclut au rejet du recours. La juridiction cantonale et le SECO ont renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable. 
 
2.  
 
2.1. Le litige porte sur les conditions de la remise de l'obligation de restituer les indemnités en cas de RHT indues, plus particulièrement sur le point de savoir si la recourante remplit la condition de la bonne foi.  
 
2.2. Le Tribunal fédéral, qui est un juge du droit, fonde son raisonnement juridique sur les faits retenus par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 148 V 366 consid. 3.3; 145 V 188 consid. 2) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (cf. art. 105 al. 2 LTF). Si le recourant entend s'écarter des constatations de fait de l'autorité précédente, il doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées et la correction du vice susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF); à défaut, un état de fait divergent de celui de la décision attaquée ne peut pas être pris en compte (ATF 148 V 366 consid. 3.3; 145 V 188 consid. 2; 135 II 313 consid. 5.2.2).  
 
3.  
 
3.1. Les travailleurs dont la durée normale du travail est réduite ou l'activité suspendue ont droit à l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail lorsqu'ils remplissent les conditions décrites à l'art. 31 al. 1 let. a à d LACI (RS 837.0). Selon l'art. 31 al. 3 let. a LACI, n'ont notamment pas droit à l'indemnité les travailleurs dont la réduction de l'horaire de travail ne peut pas être déterminée ou dont l'horaire de travail n'est pas suffisamment contrôlable. Aux termes de l'art. 46b OACI (RS 837.02), la perte de travail n'est suffisamment contrôlable que si le temps de travail est contrôlé par l'entreprise (al. 1); l'employeur conserve les documents relatifs au contrôle du temps de travail pendant cinq ans (al. 2).  
 
3.2.  
 
3.2.1. Aux termes de l'art. 25 al. 1 LPGA, les prestations indûment touchées doivent être restituées (première phrase); la restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile (seconde phrase). Ces deux conditions matérielles sont cumulatives et leur réalisation est nécessaire pour que la remise de l'obligation de restituer soit accordée (ATF 126 V 48 consid. 3c; arrêt 8C_207/2023 du 7 septembre 2023 consid. 3.3 et l'arrêt cité).  
 
3.2.2. Selon la jurisprudence, l'ignorance, par le bénéficiaire des prestations, du fait qu'il n'avait pas droit aux prestations ne suffit pas pour admettre sa bonne foi. Il faut bien plutôt que le requérant ne se soit rendu coupable, non seulement d'aucune intention malicieuse, mais aussi d'aucune négligence grave. Il s'ensuit que la bonne foi, en tant que condition de la remise, est exclue d'emblée lorsque les faits qui conduisent à l'obligation de restituer - comme par exemple une violation du devoir d'annoncer ou de renseigner - sont imputables à un comportement dolosif ou à une négligence grave. On parlera de négligence grave lorsque l'ayant droit ne se conforme pas à ce qui peut raisonnablement être exigé d'une personne capable de discernement dans une situation identique et dans les mêmes circonstances (ATF 110 V 176 consid. 3d; arrêt 8C_34/2022 du 4 août 2022 consid. 4.2). En revanche, le bénéficiaire peut invoquer sa bonne foi lorsque l'acte ou l'omission fautifs ne constituent qu'une violation légère de l'obligation d'annoncer ou de renseigner (ATF 138 V 218 consid. 4; 112 V 97 consid. 2c; arrêt 8C_34/2022 consid. 4.2 précité).  
Les comportements excluant la bonne foi ne sont pas limités aux violations du devoir d'annoncer ou de renseigner; peuvent entrer en ligne de compte également d'autres comportements, notamment l'omission de se renseigner auprès de l'administration (arrêt 9C_318/2021 du 21 septembre 2021 consid. 3.1). La mesure de l'attention nécessaire qui peut être exigée doit être jugée selon des critères objectifs, où l'on ne peut occulter ce qui est possible et raisonnable dans la subjectivité de la personne concernée (faculté de jugement, état de santé, niveau de formation etc.; ATF 138 V 218 consid. 4). L'examen de l'attention exigible d'un ayant droit qui invoque sa bonne foi relève du droit et le Tribunal fédéral revoit librement ce point (ATF 122 V 221 consid. 3; 102 V 245 consid. b; arrêt 8C_557/2021 du 17 février 2022 consid. 4). 
 
4.  
Les juges cantonaux ont retenu que la recourante ne contestait pas que l'obligation de disposer d'un système d'enregistrement du temps de travail ressortait des formulaires qu'elle avait signés et renvoyés à l'intimé en vue d'obtenir des indemnités en cas de RHT. Si elle ne devait pas avoir compris son obligation, il lui appartenait de prendre contact avec l'intimé ou une autre autorité à même de la renseigner. A tout le moins aurait-elle dû s'assurer que le système "fondé sur la confiance" qu'elle appliquait était admis pour retenir les heures à indemniser. Le fait qu'elle avait indiqué avoir voulu, en vain, installer durant le confinement un système informatique de contrôle du temps de travail démontrait qu'elle était consciente de son obligation et de son manquement. A cela s'ajoutait qu'elle ne pouvait pas se prévaloir du départ en 2017 de deux de ses administrateurs pour justifier la méconnaissance de ses obligations, dès lors que l'administrateur actuel avait depuis lors eu le temps de mettre en conformité le système de contrôle du temps de travail. Les manquements de la recourante ne relevaient donc pas d'une omission légère et c'était avec raison que l'intimé avait estimé que la condition de la bonne foi n'était pas réalisée. Les conditions de la remise de l'obligation de restituer étant cumulatives, il n'était pas nécessaire d'examiner le critère - réfuté par l'intimé - de la situation économique. En tout état de cause, la recourante ne démontrait pas qu'elle se retrouverait dans une situation économique difficile en cas de refus de la remise. 
 
5.  
 
5.1. La recourante, qui se plaint d'une violation de l'art. 25 LPGA, reproche aux premiers juges de ne pas s'être livrés à une analyse concrète du cas d'espèce. Ceux-ci n'auraient en effet pas pris en compte l'existence d'une pandémie et d'une crise sanitaire sans précédent, et des difficultés auxquelles la société aurait été confrontée de ce fait (stress des collaborateurs frontaliers, fermeture de la frontière franco-suisse, peur des collaborateurs pour leur vie, mise en place de mesures sanitaires, retards de livraison dus à la paralysie des transports et du commerce mondial). Aux premiers jours de la crise sanitaire, les standards de l'administration auraient été saturés et les lignes d'informations pas encore en service, de sorte que la recourante n'aurait pas pu se renseigner auprès de l'intimé. Celle-ci aurait ainsi dû faire face à un cas de force majeure expliquant et justifiant ses manquements. Dans ce contexte inédit, il n'aurait pas pu être attendu d'elle qu'elle connût dans les moindres détails la règlementation applicable aux indemnités en cas de RHT, les instructions reçues n'ayant de surcroît pas été d'une clarté limpide. Il aurait été envisageable, pour un non-spécialiste, de considérer qu'une déclaration sur l'honneur ou un horaire basé sur la confiance - sur lequel la recourante se serait rabattue après avoir essayé sans succès d'installer un système d'enregistrement du temps de travail - étaient suffisants. La recourante aurait été submergée par de nombreux problèmes à gérer et tâches administratives. Dans ces conditions, seule une négligence légère pourrait être retenue. En considérant au contraire que la société s'était rendu coupable d'une négligence grave, l'autorité précédente aurait excédé son pouvoir d'appréciation. Par ailleurs, on ne saurait faire grief à la recourante de ne pas avoir renoncé à demander des prestations auxquelles elle n'avait pas droit; compte tenu des circonstances, il ne pourrait pas lui être reproché d'avoir cherché à conserver les emplois de ses collaborateurs, plutôt que d'avoir licencié tout le personnel au motif que le système d'enregistrement n'avait pas pu être implanté à cause de la crise sanitaire. La recourante soutient encore avoir démontré qu'elle se trouverait dans une situation économique difficile en cas de refus de la remise de l'obligation de restituer, l'intimé ayant du reste renoncé à se prononcer sur cette seconde condition.  
 
5.2. Selon les faits constatés par les juges cantonaux - qui lient le Tribunal fédéral (cf. consid. 2.2 supra) - la recourante n'a mis en place aucun système de contrôle du temps de travail de ses collaborateurs pour lesquels elle a requis des indemnités en cas de RHT. Elle ne le conteste pas. Il est également constant que son attention a été attirée à maintes reprises sur son obligation d'effectuer un contrôle du temps de travail. Le préavis de RHT, la décision de l'intimé du 18 mars 2020 ainsi que les décomptes de mars à mai 2020 mentionnaient clairement que la recourante devait instaurer un tel contrôle (au moyen par exemple de cartes de timbrage ou de rapports sur les heures) portant sur les heures de travail fournies quotidiennement, les heures perdues pour des raisons économiques et tout autre type d'absence. Ces informations détaillées ne pouvaient pas laisser penser à un employeur consciencieux qu'il pouvait être renoncé à l'introduction d'un système permettant d'attester les heures effectives de travail quotidiennes. La recourante admet d'ailleurs avoir cherché à installer un tel système. En tant qu'elle soutient que l'administration aurait été saturée au début de la crise sanitaire, à tel point qu'il n'aurait pas été possible de se renseigner auprès de l'intimé, elle s'écarte des faits retenus dans l'arrêt entrepris, sans expliquer, conformément aux exigences de motivation posées par la loi, en quoi les constatations des premiers juges seraient manifestement inexactes ou incomplètes (cf. consid. 2.2 supra). Au demeurant, rien n'indique qu'à cette période, le site internet et/ou les lignes téléphoniques de l'intimé aient été surchargés au point que la recourante n'aurait pas pu obtenir des renseignements.  
Ainsi, malgré la crise sanitaire et les difficultés qui y étaient liées, la recourante a été dûment informée de ses obligations de contrôle du temps de travail. Il lui était en outre loisible de requérir de plus amples informations auprès de l'intimé, notamment au moment où elle aurait pris conscience des entraves liées à la mise en place d'un système de contrôle. On ajoutera qu'il n'était pas exigé qu'elle aménageât un système complexe et/ou coûteux. Les heures de travail ne doivent en effet pas nécessairement être enregistrées mécaniquement ou électroniquement; une présentation suffisamment détaillée et un relevé quotidien en temps réel des heures de travail au moment où elles sont effectivement accomplies suffisent (arrêt 8C_699/2022 du 15 juin 2023 consid. 5.1.2 et les arrêts cités). On ne voit pas que les difficultés engendrées par la crise sanitaire aient pu faire obstacle à un simple relevé quotidien des heures de travail. Au vu de tout ce qui précède, c'est à bon droit que la cour cantonale a considéré que la recourante avait commis une négligence grave excluant sa bonne foi, de sorte que sa demande de remise devait être rejetée, sans qu'il soit nécessaire de trancher le point de savoir si la restitution des indemnités l'exposait à une situation économique difficile. Peu importe également de savoir si l'intimé s'est prononcé ou non sur cette seconde condition. L'arrêt attaqué échappe ainsi à la critique et le recours doit être rejeté. 
 
6.  
La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève et au Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO). 
 
 
Lucerne, le 21 décembre 2023 
 
Au nom de la IVe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
Le Greffier : Ourny