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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
7B_191/2023  
 
 
Arrêt du 14 mars 2024  
 
IIe Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Abrecht, Président, 
Hurni et Hofmann. 
Greffière : Mme Schwab Eggs. 
 
Participants à la procédure 
1. A.________, 
2. B.________ SA, 
3. C.________ SA, 
tous les trois représentés par Me Dario Barbosa, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
Ministère public de l'arrondissement de l'Est vaudois, p.a. Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD. 
 
Objet 
Procédure pénale; séquestre, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 24 avril 2023 (317 - PE23.002113-MYO). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________ est administrateur unique avec signature individuelle des sociétés B.________ SA et C.________ SA.  
 
A.b. Au début de l'année 2020, C.________ SA a vendu un terrain constitué en PPE à D.________, E.________, F.________, G.________, H.________, I.________, J.________ et K.________. La construction de villas, dont les prénommés sont devenus propriétaires, a été effectuée en entreprise générale par B.________ SA.  
Les clauses III.13 et V des contrat de vente des parts de PPE prévoient expressément que C.________ SA garantit qu'elle a satisfait et satisfera à toutes les obligations susceptibles d'être garanties par des hypothèques légales. La société s'y engage également à payer en totalité les architectes, ingénieurs, entrepreneurs, maîtres d'état, fournisseurs et autres artisans, ainsi qu'à engager toute procédure nécessaire à la levée d'hypothèque légale éventuellement inscrite en faveur d'artisans ou d'entrepreneurs; il est précisé que la société avait alors déjà reçu une procuration spécifique dans cette perspective. 
Selon le chiffre 8 du contrat d'entreprise générale conclu avec l'entrepreneur B.________ SA, le prix de l'ouvrage, y compris celui du terrain, est payable par acomptes échelonnés en fonction de l'avancement des travaux; aucune clause ne prévoit que tel ou tel acompte sera affecté au paiement de tel ouvrage ou de tel entrepreneur. Le chiffre 12 du contrat prévoit que l'entrepreneur général garantit qu'aucun droit de gage au sens des art. 837 ss CC ne sera créé par les maîtres d'état et que, si, pour une raison quelconque, cela ne devait pas être le cas, l'entrepreneur fournira immédiatement des sûretés pour éviter l'inscription du gage définitif, sous réserve que le maître d'ouvrage ait de son côté exécuté les obligations de paiement prévues. L'entrepreneur ne s'est toutefois pas engagé à affecter les acomptes reçus uniquement au paiement des maîtres d'état, intervenants divers et sous-traitants. 
 
A.c. A partir du 30 septembre 2022, des hypothèques légales ont été inscrites à titre superprovisoire pour un montant total de 968'753 fr. 02 sur les villas décrites ci-dessus, sans que des sûretés soient fournies.  
 
A.d. Les 19 décembre 2022 et 30 janvier 2023, les acheteurs du terrain (cf. let. A.b supra) ont déposé plainte pour abus de confiance, gestion déloyale, calomnie et délit manqué de contrainte contre A.________ et B.________ SA ainsi que, pour certains, contre C.________ SA.  
Les plaignants ont requis le séquestre de l'ensemble des comptes bancaires des sociétés en cause ainsi que de A.________ à hauteur de montant total des hypothèques légales inscrites et grevant les immeubles des plaignants (cf. let. A.c supra).  
 
A.e. Il ressort de courriers adressés par des maîtres d'état à certains maîtres d'ouvrage que A.________ avait refusé de payer le solde de divers travaux, les invitant à le "mettre aux poursuites" et ne retirant plus les plis recommandés qui lui étaient adressés.  
 
A.f. Par ordonnance du 7 février 2023, le Ministère public de l'arrondissement de l'Est vaudois (ci-après: le Ministère public) a ouvert une instruction pénale contre A.________. Il le soupçonnait d'avoir, à partir du mois de février 2020, dans le cadre de la construction des villas en cause, agissant par le biais des sociétés C.________ SA et B.________ SA, détourné à leur destination, à tout le moins en partie, les montants versés par les acquéreurs qui étaient destinés, contractuellement ou par actes concluants, au paiement des sous-traitants. Ce comportement avait provoqué l'inscription d'hypothèques légales grevant les biens des plaignants. Par ailleurs, A.________ aurait, dans ce même contexte, au cours de l'année 2022, fait adresser des commandements de payer portant sur des montants indus, respectivement contestés, à tout le moins à quatre plaignants.  
 
B.  
 
B.a. Par ordonnance du 7 février 2023, le Ministère public a ordonné le séquestre, en mains de la Banque cantonale de Fribourg, du compte courant n° www et du compte miroir n° xxx au nom de B.________ SA, du compte courant n° yyy au nom de A.________, ainsi que du compte courant n° zzz au nom de C.________ SA. Les valeurs patrimoniales concernées, d'un montant total estimé à 540'600 fr., devaient être séquestrées aux fins de garantir l'exécution d'une créance compensatrice.  
 
B.b. Par arrêt du 24 avril 2023, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: la Chambre des recours) a rejeté le recours formé par A.________, B.________ SA et C.________ SA contre l'ordonnance de séquestre du 7 février 2023, qu'il a confirmée, et a mis les frais judiciaires à la charge des recourants, solidairement entre eux.  
 
C.  
A.________, B.________ SA et C.________ SA forment un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 24 avril 2023, en concluant à sa réforme en ce sens qu'aucun séquestre ne soit ordonné sur les comptes courant n° www et miroir n° xxx dont est titulaire B.________ SA, ni sur le compte courant n° yyy au nom de A.________, ni sur le compte courant n° zzz dont est titulaire C.________ SA. A titre subsidiaire, ils concluent à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
La Chambre des recours a renoncé à se déterminer et s'est référée aux considérants de son arrêt. Le Ministère public ne s'est pas déterminé dans le délai imparti à cet effet. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 149 IV 9 consid. 2; 146 IV 185 consid. 2). 
 
1.1. L'arrêt attaqué, qui confirme le maintien du séquestre sur des comptes bancaires, est un prononcé rendu en matière pénale au sens de l'art. 78 al. 1 LTF.  
Le séquestre pénal étant une décision à caractère incident, le recours n'est recevable que si l'acte attaqué est susceptible de causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF; ATF 140 IV 57 consid. 2.3). En matière de séquestre, un tel préjudice est généralement reconnu au détenteur qui se trouve privé temporairement de la libre disposition de l'objet et/ou des valeurs saisis (ATF 128 I 129 consid. 1; arrêt 1B_123/2022 du 9 août 2022 consid. 1); tel est le cas en l'occurrence dès lors que les recourants sont les titulaires des relations bancaires séquestrées. Pour ce même motif, ils disposent d'un intérêt juridique à obtenir l'annulation ou la modification de l'arrêt entrepris (cf. art. 81 al. 1 let. a et b LTF; ATF 133 IV 278 consid. 1.3; arrêt 1B_623/2022 du 1er juin 2023 consid. 2). 
Pour le surplus, les autres conditions de recevabilité - dont le dépôt en temps utile des recours (cf. art. 100 al. 1 LTF) - étant réalisées, il y a lieu d'entrer en matière sur le recours. 
 
1.2. Dans le cadre d'un recours en matière pénale, le Tribunal fédéral contrôle uniquement l'application correcte par l'autorité cantonale du droit fédéral en vigueur au moment où celle-ci a statué (cf. art. 453 al. 1 CPP; ATF 145 IV 137 consid. 2.6 ss; 129 IV 49 consid. 5.3). L'arrêt attaqué ayant été rendu le 24 avril 2023, il n'y a donc pas lieu en l'espèce de prendre en compte les modifications du Code de procédure pénale entrées en vigueur au 1er janvier 2024 (RO 2023 468; arrêts 7B_1008/2023 du 12 janvier 2024 consid. 2.2; 7B_997/2023 du 4 janvier 2024 consid. 1.2).  
 
2.  
 
2.1. Se référant à l'art. 71 al. 3 aCP (dans sa teneur eu vigueur jusqu'au 31 décembre 2023; RO 2006 3459; FF 1999 1787), ainsi qu'aux art. 197 et 263 CPP, les recourants reprochent en substance à la cour cantonale d'avoir admis l'existence de soupçons suffisants à leur endroit et d'avoir confirmé les séquestres de leurs comptes bancaires. A l'appui de leur thèse, ils invoquent en particulier que les faits auraient été établis de manière manifestement inexacte.  
 
2.2. A teneur de l'art. 197 al. 1 CPP, les mesures de contrainte ne peuvent être prises qu'aux conditions suivantes: elles sont prévues par la loi (let. a); des soupçons suffisants laissent présumer une infraction (let. b); les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères (let. c); elles apparaissent justifiées au regard de la gravité de l'infraction (let. d). Les mesures de contrainte qui portent atteinte aux droits fondamentaux des personnes qui n'ont pas le statut de prévenu sont appliquées avec une retenue particulière (art. 197 al. 2 CPP).  
 
2.3.  
 
2.3.1. Jusqu'au 31 décembre 2023, le Code de procédure pénale ne prévoyait pas expressément, ainsi qu'il le faisait pour le séquestre en vue de la confiscation (cf. art. 263 al. 1 let. d CPP), de disposition permettant le séquestre en vue de garantir une créance compensatrice; depuis le 1 er janvier 2024, pour des raisons de clarté, la mesure de séquestre dans un tel cas de figure - qui était jusqu'alors prévue dans le Code pénal (cf. art. 71 al. 3, 1re phrase, aCP) - a été reprise dans une teneur identique par le nouvel art. 263 al. 1 let. e CPP; la disposition figurant dans le Code pénal a pour sa part été abrogée (cf. Message du 28 août 2019 concernant la modification du Code de procédure pénale, in FF 2019 6351, spéc. p. 6406).  
Selon l'art. 263 al. 1 CPP, dans sa nouvelle teneur, non applicable ici (cf. consid. 1.2 supra), des objets et des valeurs patrimoniales appartenant au prévenu ou à des tiers peuvent être mis sous séquestre, lorsqu'il est probable qu'ils seront utilisés comme moyens de preuves (let. a), qu'ils seront utilisés pour garantir le paiement des frais de procédure, des peines pécuniaires, des amendes et des indemnités (let. b), qu'ils devront être restitués au lésé (let. c), qu'ils devront être confisqués (let. d) ou qu'ils seront utilisés pour couvrir les créances compensatrices de l'Etat selon l'art. 71 CP (let. e).  
 
2.3.2. Un séquestre est une mesure fondée sur la vraisemblance (ATF 143 IV 357 consid. 1.2.3 et les arrêts cités); elle porte sur des objets dont on peut admettre, prima facie, qu'ils pourront être confisqués en application du droit pénal fédéral. Tant que l'instruction n'est pas achevée et que subsiste une probabilité de confiscation, de créance compensatrice ou d'une allocation au lésé, la mesure conservatoire doit être maintenue (ATF 141 IV 360 consid. 3.2; 140 IV 57 consid. 4.1.1); l'intégralité des fonds doit demeurer à disposition de la justice aussi longtemps qu'il existe un doute sur la part de ceux-ci qui pourrait provenir d'une activité criminelle (arrêts 7B_185/2023 du 26 juillet 2023 consid. 2.1; 1B_398/2022 du 13 décembre 2022 consid. 5.3). Un séquestre ne peut donc être levé que dans l'hypothèse où il est d'emblée manifeste et indubitable que les conditions matérielles d'une confiscation ne sont pas réalisées et ne pourront pas l'être (ATF 140 IV 133 consid. 4.2.1; 139 IV 250 consid. 2.1; arrêt 1B_527/2022 du 21 avril 2023 consid. 2.1). Cependant, les probabilités d'une confiscation, respectivement du prononcé d'une créance compensatrice, doivent se renforcer au cours de l'instruction (ATF 122 IV 91 consid. 4; arrêt 1B_398/2022 du 13 décembre 2022 consid. 5.3). L'autorité doit pouvoir statuer rapidement (cf. art. 263 al. 2 CPP), ce qui exclut qu'elle résolve des questions juridiques complexes ou qu'elle attende d'être renseignée de manière exacte et complète sur les faits avant d'agir (ATF 141 IV 360 consid. 3.2; arrêt 7B_185/2023 précité consid. 2.1).  
Un séquestre peut apparaître disproportionné lorsque la procédure dans laquelle il s'inscrit s'éternise sans motifs suffisants (ATF 132 I 229 consid. 11.6). Cela s'examine notamment au vu du stade de l'enquête, de la complexité de l'affaire, du nombre de parties, des éléments d'extranéité et des mesures d'instruction en cours (arrêts 7B_17/2022 du 18 juillet 2023 consid. 2.1.2; 1B_117/2022 du 18 mai 2022 consid. 4.1 et les arrêts cités). Il faut en outre que la quotité de cette mesure reste en rapport avec le produit de l'infraction poursuivie (ATF 130 II 329 consid. 6; arrêt 7B_17/2022 précité consid. 2.1.2). 
 
2.3.3. Aux termes de l'art. 70 CP, le juge prononce la confiscation des valeurs patrimoniales qui sont le résultat d'une infraction ou qui étaient destinées à décider ou à récompenser l'auteur d'une infraction, si elles ne doivent pas être restituées au lésé en rétablissement de ses droits (al. 1); la confiscation n'est pas prononcée lorsqu'un tiers a acquis les valeurs dans l'ignorance des faits qui l'auraient justifiée, et cela dans la mesure où il a fourni une contre-prestation adéquate ou si la confiscation se révèle d'une rigueur excessive (al. 2).  
Le but poursuivi au travers de l'art. 70 CP est d'empêcher qu'un comportement punissable procure un gain à l'auteur ou à des tiers, conformément à l'adage selon lequel "le crime ne doit pas payer". La confiscation suppose une infraction, des valeurs patrimoniales, ainsi qu'un lien de causalité tel que l'obtention des secondes apparaisse comme la conséquence directe et immédiate de la première. L'infraction doit être la cause essentielle, respectivement adéquate, de l'obtention des valeurs patrimoniales et celles-ci doivent typiquement provenir de l'infraction en cause (ATF 144 IV 1 consid. 4.2.1 et les références citées; 141 IV 155 consid. 4.1). 
Selon la jurisprudence, les règles sur la confiscation doivent être appliquées de manière restrictive lorsque des tiers non enrichis sont concernés (arrêts 7B_17/2022 du 18 juillet 2023 consid. 2.1.3; 6B_1017/2022 du 7 juin 2023 consid. 7.1.2; 1B_343/2019 du 23 janvier 2020 consid. 4.1). L'esprit et le but de la confiscation excluent en effet que la mesure puisse porter préjudice à des valeurs acquises de bonne foi dans le cadre d'un acte juridique conforme à la loi (ATF 115 IV 175 consid. 2b/bb; arrêt 7B_17/2022 précité consid. 2.1.3). Les conditions posées à l'art. 70 al. 2 CP - soit d'une part la bonne foi du tiers et d'autre part la contre-prestation adéquate ou la rigueur excessive d'une éventuelle confiscation ultérieure - sont cumulatives (arrêts 7B_17/2022 du 18 juillet 2023 consid. 2.1.3; 1B_623/2022 du 1 er juin 2023 consid. 3.2.2).  
 
2.3.4. En vertu de l'art. 71 al. 1 CP, lorsque les valeurs patrimoniales à confisquer ne sont plus disponibles, le juge ordonne leur remplacement par une créance compensatrice de l'État d'un montant équivalent; elle ne peut être prononcée contre un tiers que dans la mesure où les conditions prévues à l'art. 70 al. 2 CP ne sont pas réalisées.  
Le but de cette mesure est d'éviter que celui qui a disposé des objets ou valeurs à confisquer soit privilégié par rapport à celui qui les a conservés; elle ne joue qu'un rôle de substitution de la confiscation en nature et ne doit donc, par rapport à celle-ci, engendrer ni avantage ni inconvénient. En raison de son caractère subsidiaire, la créance compensatrice ne peut être ordonnée que si, dans l'hypothèse où les valeurs patrimoniales auraient été disponibles, la confiscation eût été prononcée: elle est alors soumise aux mêmes conditions que cette mesure. Néanmoins, un lien de connexité entre les valeurs saisies et l'infraction commise n'est pas requis (ATF 141 IV 360 consid. 3.2; 140 IV 57 consid. 4.1.2 et les références citées). 
 
2.4. L'art. 158 CP vise celui qui, en vertu de la loi, d'un mandat officiel ou d'un acte juridique, est tenu de gérer les intérêts pécuniaires d'autrui ou de veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs, aura porté atteinte à ces intérêts ou aura permis qu'ils soient lésés (ch. 1 al. 1). La peine est aggravée si l'auteur a agi dans le dessein de se procurer à lui-même ou à un tiers un enrichissement illégitime (ch. 1 al. 3).  
 
2.5. Le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir, pour l'essentiel, de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 148 IV 409 consid. 2.2 et les arrêts cités). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 143 IV 500 consid. 1.1; arrêt 7B_266/2023 du 6 décembre 2023 consid. 2.2).  
Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 148 IV 356 consid. 2.1). 
 
2.6. La cour cantonale a souligné en préambule que si une instruction avait bien été ouverte contre le recourant A.________, aucun chef de prévention ne lui avait encore été signifié formellement, l'enquête en étant à ses prémices. A ce stade précoce de l'enquête, une simple probabilité que les infractions avaient été commises suffisait à fonder la mesure de séquestre litigieuse.  
Ce raisonnement, d'ailleurs non contesté, peut être confirmé. On rappelle à cet égard qu'il n'appartient pas au juge du séquestre, qui statue sous l'angle de la vraisemblance, d'établir avec certitude la provenance délictueuse des fonds séquestrés ni de qualifier de manière définitive l'infraction en cause. Il suffit qu'il soit vraisemblable que les fonds en question soient le produit d'une activité criminelle (cf. arrêt 1B_143/2022 du 30 août 2022 consid. 4.3 et les arrêts cités; pour le surplus, cf. consid. 2.3.2 supra).  
 
2.6.1. S'agissant du soupçon de culpabilité de gestion déloyale, la cour cantonale a retenu que des acomptes semblaient avoir été versés par les plaignants aux sociétés recourantes; en outre, des sous-traitants et maîtres d'état paraissaient ne pas avoir été payés par l'entreprise générale dont le recourant A.________ était administrateur unique. Ces comportements avaient justifié l'inscription d'hypothèques légales provisoires sur les biens des plaignants. Par conséquent, il n'était à ce stade pas exclu que tout ou partie du montant global des acomptes ait été affecté à d'autres fins que la gestion scrupuleuse des intérêts des sociétés gérées par le prénommé. Dans ce contexte, les intérêts des plaignants pourraient justifier une créance compensatrice.  
Les recourants affirment de manière lapidaire que la motivation cantonale serait "relativement sommaire". Le raisonnement querellé est certes concis, il décrit cependant les éléments permettant de comprendre les comportements pris en considération par l'autorité cantonale à ce stade de l'enquête pour déterminer la vraisemblance des soupçons (cf. sur la violation du droit d'être entendu, entre autres, arrêt 7B_715/2023 du 13 novembre 2023 consid. 3.1). Pour autant que les recourants aient bien invoqué une violation de leur droit d'être entendus, on n'en décèle aucune. 
Les recourants soutiennent que la recourante 2 aurait sous-traité la réalisation de la totalité des travaux de construction à une entreprise tierce et que les acomptes des plaignants auraient été versés à cette dernière. Ce faisant, ils basent leur argumentation sur des faits qu'ils invoquent librement, dans une démarche strictement appellatoire, partant irrecevable. Autrement dit, ils ne parviennent pas à démontrer, ni même ne tentent de démontrer, que la cour cantonale aurait établi les faits de manière arbitraire. Au demeurant, contrairement à ce qu'ils affirment, on comprend à la lecture de l'arrêt querellé qu'à tout le moins une partie des travaux semble avoir été effectuée par des sous-traitants (cf. arrêt cantonal, let. A.c et consid. 2.4, 3 e §), de sorte que l'intervention de tiers n'a pas été ignorée par l'autorité précédente. Au surplus, l'intervention du sous-traitant invoquée par les recourants n'a, à ce stade, pas d'incidence sur l'issue du présent litige.  
Quoi qu'il en soit, l'arrêt querellé a retenu, sous l'angle de la vraisemblance, le versement d'acomptes aux sociétés recourantes, l'absence de paiement de maîtres d'état ayant entraîné l'inscription d'hypothèques légales sur les biens des plaignants. Ces éléments ont été pris en considération à un stade précoce de l'enquête, le séquestre ayant été prononcé alors qu'aucun chef de prévention n'avait encore été signifié. A cet égard, la cour cantonale était fondée à souligner, comme elle l'a fait à plusieurs reprises, que l'enquête ne faisait que débuter et qu'il n'était pas possible, à ce stade, d'écarter certains agissements. Dans ces circonstances, il n'est pas exclu que les comportements décrits ci-dessus réalisent les conditions de l'infraction de gestion déloyale des intérêts des sociétés recourantes. Il n'est pas non plus exclu que ces comportements aient entraîné directement ou indirectement un avantage économique illicite déterminable de façon comptable en prenant la forme d'une augmentation de l'actif, d'une diminution du passif, d'une non-diminution de l'actif ou d'une non-augmentation du passif (cf. ATF 144 IV 1 consid. 4.2.2) du patrimoine du recourant 1. Ainsi, au moment du prononcé de son arrêt, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en considérant, au degré de la vraisemblance, que des soupçons suffisants de gestion déloyale des intérêts des sociétés recourantes permettaient à ce stade très précoce de prononcer le séquestre du compte bancaire du recourant 1. 
La cour cantonale a considéré que les plaignants semblaient disposer d'intérêts justifiant l'allocation d'une créance compensatrice en leur faveur. Il paraît cependant douteux que ceux-ci soient lésés par le comportement en cause. Cette question peut cependant demeurer indécise à ce stade. Il appartiendra, le cas échéant, au juge du fond de déterminer le sort des valeurs patrimoniales en jeu (cf. art. 70 al. 1 in fine CP).  
 
2.6.2. Les recourants font ensuite grief à la cour cantonale d'avoir admis l'existence d'un soupçon de contrainte (art. 181 CP) contre les recourants 1 et 2.  
La cour cantonale a retenu que la recourante 2, agissant par le recourant 1, avait envoyé des commandements de payer à quatre plaignants qui les avaient jugés injustifiés. L'autorité précédente a considéré qu'il était à ce stade difficile d'évaluer dans quelle mesure ce comportement ressortissait de la pure tentative d'intimidation au sens de l'art. 181 CP ou résultait seulement d'une divergence d'interprétation du contrat d'entreprise relevant exclusivement du droit civil; les recourants justifiaient en effet la facturation des travaux objets de l'envoi des commandements de payer litigieux notamment par des exigences subséquentes des CFF quant à l'aménagement des parcelles. La cour cantonale a cependant estimé qu'à ce stade embryonnaire de l'instruction, la question pouvait demeurer indécise, dès lors que la simple probabilité de la commission de l'infraction apparaissait suffisante. 
En l'espèce, il ne ressort pas de l'arrêt cantonal que les recourants concernés auraient retiré un quelconque gain de cette infraction. Celle-ci est au surplus envisagée au stade de la tentative, de sorte qu'on ne voit pas dans le cas d'espèce que les intéressés pourraient en avoir retiré un avantage patrimonial. La cour cantonale a dès lors violé le droit fédéral en confirmant le prononcé d'un séquestre sur la base de cette infraction, la question de l'existence d'un soupçon de réalisation de l'infraction pouvant demeurer indécise. 
 
2.6.3. Les recourants soutiennent également qu'aucun soupçon de culpabilité pénale n'existerait contre la recourante 3.  
La cour cantonale a retenu que la recourante 3 avait vendu les terrains, encaissé leur prix et assuré la promotion des lots, mais ne semblait pas réellement suspectée d'avoir agi de façon répréhensible, apparaissant à ce stade seulement comme la récipiendaire de certains acomptes versés. Il n'était dès lors pas exclu, sous l'angle de l'art. 70 al. 2 CP, que l'éventuelle bonne foi de la recourante 3 puisse justifier le refus du prononcé d'une créance compensatrice portant sur ses avoirs. La cour cantonale a cependant une nouvelle fois considéré que cet examen était largement prématuré à ce stade précoce de l'instruction. 
Ce raisonnement ne prête pas le flanc à la critique. Les recourants se contentent sur ce point de se prévaloir de l'absence de soupçons contre la recourante 3. Il ne font cependant pas valoir que la cour cantonale aurait appliqué de manière erronée l'art. 70 al. 2 CP ou, en d'autres termes, qu'elle aurait dû renoncer au séquestre sur la base de cette disposition. Faute de motivation suffisante, ce grief se révèle irrecevable (cf. art. 42 al. 2 LTF). En outre, le fait que le comportement de cette société ne soit pas remis en cause par certains propriétaires n'est pas déterminant dans le cas d'espèce. En tout état, l'instruction pénale a été ouverte le 7 février 2023 et le séquestre en cause prononcé le même jour. La cour cantonale n'a par conséquent pas violé le droit fédéral en confirmant le séquestre dans la mesure où l'instruction en était, comme on l'a déjà vu, à ses balbutiements. 
Dans cette mesure, les arguments développés par les recourants en lien avec l'établissement des faits - notamment l'absence de conclusion de contrats d'entreprise entre la recourante 3 et les plaignants - peuvent être écartés. Quoi qu'il en soit, la cour cantonale ne s'est pas fondée sur la conclusion de tels contrats pour confirmer les séquestres destinés à garantir le prononcé d'une éventuelle créance compensatrice. A raison, dans la mesure où la jurisprudence en la matière ne requiert pas de lien de connexité entre les valeurs patrimoniales concernées et les faits faisant l'objet de l'instruction pénale (cf. 2.3.4 supra).  
 
2.7. Les recourants font encore valoir que le séquestre des comptes privés du recourant A.________ serait disproportionné; il ne pourrait en effet plus disposer de ses avoirs pour subvenir à ses charges courantes et à celles de sa famille.  
Sur ce point, les recourants ne développent aucune argumentation conforme à leurs obligations en matière de motivation (cf. les art. 42, 97 et 106 al. 2 LTF), se contentant de simples affirmations qui ne résultent pas de l'état de fait de l'arrêt querellé. Le grief se révèle dès lors irrecevable. 
Quoi qu'il en soit, la cour cantonale a, dans un raisonnement pertinent, considéré qu'il était non seulement utile, mais également nécessaire, à ce stade de l'enquête, que les fonds litigieux demeurent à disposition de la justice; le but poursuivi ne pouvait pas être assuré par une mesure moins sévère, de sorte que le principe de la proportionnalité était respecté. Les recourants reprochaient certes au Ministère public de n'avoir pas examiné une éventuelle atteinte à leur minimum vital; force était cependant de constater qu'ils n'en tiraient aucun argument et ne faisaient pas formellement valoir une telle atteinte. S'ils entendaient faire constater le non-respect de leurs conditions minimales d'existence, il leur appartiendrait de démontrer leur situation financière et de requérir, le cas échéant, une levée partielle du séquestre. 
 
2.8. Les recourants semblent enfin se plaindre d'une violation du principe de la célérité. Ils soutiennent sur ce point qu'alors que les plaintes pénales ont été déposées les 19 décembre 2022 et 30 janvier 2023, le Ministère public n'aurait procédé à aucune mesure d'instruction, à l'exception des séquestres litigieux.  
En l'espèce, quoi que soutiennent les recourants, le Ministère public a ouvert une instruction pénale sans tarder et a prononcé les séquestres en cause par ordonnances du 7 février 2023. En outre, l'arrêt querellé a été rendu le 24 avril 2023, soit moins de trois mois après l'ouverture de la procédure. L'enquête en étant à ses débuts, on ne saurait à cet égard considérer qu'au jour du prononcé de l'arrêt querellé, la procédure se serait éternisée sans motifs suffisants (cf. consid. 2.3.2 supra). Le grief doit dès lors être rejeté.  
 
2.9. En définitive, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en confirmant, sur la base des éléments à sa disposition à un stade précoce de la procédure, les séquestres ordonnés par le Ministère public sur les comptes bancaires du recourant 1 et de la recourante 3. Cela étant, afin de respecter le principe de la proportionnalité, il incombera au Ministère public de vérifier le caractère proportionné des séquestres au gré de l'avancement de l'enquête et, le cas échéant, de lever partiellement ou totalement cette mesure.  
S'agissant de la recourante 2, la cour cantonale a maintenu le séquestre sur ses comptes au motif de soupçons suffisants laissant présumer la réalisation d'une tentative de contrainte; cependant, aucun avantage économique n'étant résulté de ce comportement, l'autorité précédente a violé le droit fédéral en confirmant le séquestre des comptes de la recourante 2 sur cette seule base (cf. consid. 2.6.2 supra). Il convient par conséquent d'annuler l'arrêt attaqué et de renvoyer la cause à l'autorité précédente pour qu'elle rende une nouvelle décision concernant les séquestres des comptes de la recourante 2. Dans l'attente d'un nouvel arrêt, la mesure de séquestre litigieuse doit être maintenue.  
 
3.  
Il s'ensuit que le recours doit être partiellement admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale afin qu'elle statue à nouveau dans le sens des considérants; ce faisant, elle se déterminera également sur les frais et indemnités de la procédure cantonale. L'arrêt doit être confirmé pour le surplus. 
La recourante 2, qui obtient gain de cause, a droit à des dépens, à la charge du canton de Vaud (art. 68 al. 2 LTF). Des frais judiciaires, réduits, sont mis à la charge des recourants 1 et 3, qui succombent, solidairement entre eux (art. 66 al. 1, 4 et 5 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est partiellement admis. L'arrêt attaqué est annulé en tant qu'il confirme le séquestre des comptes de la recourante B.________ SA et la cause est renvoyée à la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud pour nouvelle décision dans le sens des considérants, la mesure de séquestre litigieuse étant maintenue dans l'intervalle. Pour le surplus, le recours est rejeté. 
 
2.  
Une indemnité de dépens de 2'000 fr. est allouée à la recourante B.________ SA à la charge du canton de Vaud. 
 
3.  
Les frais judiciaires, fixés à 2'000 fr., sont mis à la charge des recourants A.________ et C.________ SA, solidairement entre eux. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux recourants, au Ministère public de l'arrondissement de l'Est vaudois, à la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud et, pour information, aux avocats des parties plaignantes. 
 
 
Lausanne, le 14 mars 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Abrecht 
 
La Greffière : Schwab Eggs