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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_1033/2022  
 
 
Arrêt du 22 mars 2023  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Denys, Juge présidant, van de Graaf et Koch. 
Greffière: Mme Thalmann. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Caroline Renold, avocate, 
recourante, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
intimé. 
 
Objet 
Ordonnance de non-entrée en matière, prescription, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 6 juillet 2022 (ACPR/473/2022 P/251/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 30 décembre 2021, A.________ a déposé plainte contre le Dr B.________ et contre les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après: HUG) pour la "stérilisation forcée" qu'elle aurait subie. 
Le 20 juillet 2007, elle avait été prise en charge par ce médecin, travaillant alors aux HUG, pour une intervention chirurgicale en lien avec des saignements menstruels excessifs. En 2015, elle avait eu accès à son dossier médical et découvert avoir subi à cette occasion une "résection de l'endomètre", ce dont elle n'aurait pas été informée, ni avant l'opération, ni après. Cette procédure aurait ainsi été effectuée sans son consentement. Le formulaire topique qu'elle avait signé en amont était en français - langue qu'elle comprenait mal - et ne comportait aucune référence à la possibilité de subir une intervention susceptible de la rendre stérile, alors qu'elle avait expressément fait part de son envie de maternité lors des discussions préopératoires. Par la suite, son gynécologue lui aurait affirmé que les chances d'une grossesse étaient fortement compromises en raison de cette intervention, ce qui était corroboré par plusieurs articles trouvés sur internet et par le Dr C.________, professeur aux États-Unis et "inventeur de la procédure de résection endométriale". 
 
B.  
Par ordonnance du 16 mars 2022, le Ministère public du canton de Genève a renoncé à entrer en matière sur la plainte de A.________. 
 
C.  
Par arrêt du 6 juillet 2022, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté le recours formé par A.________ et l'a condamnée aux frais de la procédure de recours, arrêtés à 1'000 francs. 
Elle a considéré, en substance, qu'il n'y avait pas de place pour la commission d'une infraction dans la mesure où, d'une part, A.________ avait pleinement été informée de l'opération à venir et y avait consenti et, d'autre part, il n'existait pas d'indice suffisant pour établir un lien entre l'intervention chirurgicale et l'infertilité qu'elle alléguait. 
 
D.  
Par acte daté du 7 septembre 2022, A.________ forme un recours en matière pénale contre l'arrêt du 6 juillet 2022. Elle conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à son annulation et au renvoi de la cause au ministère public pour qu'il procède à l'instruction de sa plainte pénale, notamment à la mise en prévention de B.________, son audition et sa confrontation avec elle. Subsidiairement, elle conclut à être acheminée à prouver par toutes voies de droit les faits allégués dans le présent recours. Elle sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral contrôle d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis. 
 
1.1. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral, si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Constituent des prétentions civiles celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être déduites ordinairement devant les tribunaux civils. Il s'agit principalement des prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO (ATF 141 IV 1 consid. 1.1). En revanche, n'appartiennent pas à cette catégorie les prétentions fondées sur le droit public (ATF 146 IV 76 consid. 3.1; 125 IV 161 consid. 2b). De jurisprudence constante en effet, la partie plaignante n'a pas de prétention civile si, pour les actes reprochés au prévenu, une collectivité publique assume une responsabilité de droit public exclusive de toute action directe contre l'auteur (ATF 146 IV 76 consid. 3.1; 138 IV 86 consid. 3.1; 133 IV 228 consid. 2.3.3; arrêt 6B_1/2022 du 22 août 2022 consid. 1.1).  
En vertu de l'art. 42 al. 1 LTF, il incombe à la partie recourante d'alléguer les faits qu'elle considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir. Lorsque le recours est dirigé contre une décision de non-entrée en matière ou de classement de l'action pénale, la partie plaignante n'a pas nécessairement déjà pris des conclusions civiles. Quand bien même la partie plaignante aurait déjà déclaré des conclusions civiles (cf. art. 119 al. 2 let. b CPP), il n'en reste pas moins que le procureur qui refuse d'entrer en matière ou prononce un classement n'a pas à statuer sur l'aspect civil (cf. art. 320 al. 3 CPP). Dans tous les cas, il incombe par conséquent à la partie plaignante d'expliquer dans son mémoire au Tribunal fédéral quelles prétentions civiles elle entend faire valoir contre l'intimé. Comme il n'appartient pas à la partie plaignante de se substituer au ministère public ou d'assouvir une soif de vengeance, la jurisprudence entend se montrer restrictive et stricte, de sorte que le Tribunal fédéral n'entre en matière que s'il ressort de façon suffisamment précise de la motivation du recours que les conditions précitées sont réalisées, à moins que l'on puisse le déduire directement et sans ambiguïté compte tenu notamment de la nature de l'infraction alléguée (ATF 141 IV 1 consid. 1.1; arrêt 6B_1/2022 précité consid. 1.1). 
 
1.2. En l'espèce, les HUG forment un établissement de droit public doté de la personnalité juridique et responsable des actes commis par ses employés dans l'exercice de leurs activités (cf. art. 5 al. 1 et 2 de la loi genevoise sur les établissements publics médicaux [LEPM; RS/GE K 2 05]). Conformément aux art. 2 et 9 de la loi genevoise sur la responsabilité de l'État et des communes (LREC, RS/GE A 2 40), l'État de Genève répond donc seul d'un éventuel dommage, le lésé ne disposant d'aucune action directe contre le personnel soignant ou le personnel médical de cet établissement (ATF 146 IV 76 consid. 3.1).  
Il s'ensuit que la recourante n'a en principe pas qualité pour recourir en application de l'art. 81 LTF, à défaut de pouvoir élever des prétentions civiles contre un employé des HUG. 
 
1.3. La recourante invoque, subsidiairement, la non-conformité au droit supérieur de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 in fine LTF. Elle se plaint d'une violation du principe de l'égalité de traitement inscrit à l'art. 8 CEDH et d'une violation de l'art. 13 CEDH.  
Dans un arrêt publié récent, le Tribunal fédéral a considéré qu'au regard de la teneur actuelle de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF, il y avait lieu de s'en tenir à la jurisprudence constante selon laquelle la partie plaignante n'a pas de prétention civile si, pour les actes reprochés au prévenu, une collectivité publique assume une responsabilité de droit public exclusive de toute action directe contre l'auteur. Une telle situation est suffisamment spécifique pour justifier un traitement particulier (ATF 146 IV 76 consid. 3). Le Tribunal fédéral a considéré qu'il n'y avait pas de violation du principe de l'égalité de traitement. 
Il s'ensuit que le grief de la recourante doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
1.4. Invoquant l'art. 3 CEDH, la recourante se prévaut d'un droit de recours qui serait fondé directement sur cette disposition.  
 
1.4.1. La jurisprudence admet de faire abstraction de la condition des conclusions civiles si les actes dénoncés sont susceptibles de tomber sous le coup des dispositions prohibant les actes de torture et autres peines ou traitements cruels ou dégradants (cf. art. 3 CEDH, 10 al. 3 Cst., 7 Pacte ONU II et Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants conclue à New York le 10 décembre 1984 [Convention contre la torture; RS 0.105]; cf. ATF 138 IV 86 consid. 3.1.1; cf. arrêts 6B_1/2022 précité consid. 2.1; 6B_546/2021 du 11 avril 2022 consid. 1.3; 6B_1199/2020 du 23 septembre 2021 consid. 1.2). La jurisprudence reconnaît ainsi aux personnes qui se prétendent victimes de traitements prohibés au sens des art. 10 al. 3 Cst., 7 Pacte ONU II, 3 CEDH ou 13 par. 1 de la Convention contre la torture, d'une part, le droit de porter plainte et, d'autre part, un droit propre à obtenir une enquête prompte et impartiale devant aboutir, s'il y a lieu, à la condamnation pénale des responsables. La victime de tels traitements peut également bénéficier d'un droit de recours, en vertu des mêmes dispositions (ATF 138 IV 86 consid. 3.1.1 et les références citées; arrêts 6B_1/2022 précité consid. 2.1; 6B_1444/2021 du 17 mai 2022 consid. 1.3; 6B_546/2021 précité consid. 1.3; 6B_307/2019 du 13 novembre 2019 consid. 4.1 non publié aux ATF 146 IV 76).  
 
1.4.2. Pour tomber sous le coup de ces dispositions, un mauvais traitement doit en principe être intentionnel et atteindre un minimum de gravité. L'appréciation de ce minimum dépend de l'ensemble des données de la cause, notamment de la durée du traitement et de ses effets physiques ou mentaux, ainsi que, parfois, du sexe, de l'âge et de l'état de santé de la victime. Un traitement atteint le seuil requis et doit être qualifié de dégradant s'il est de nature à créer des sentiments de peur, d'angoisse et d'infériorité propres à humilier ou à avilir la victime, de façon à briser sa résistance physique ou morale ou à la conduire à agir contre sa volonté ou sa conscience. Il y a également traitement dégradant, au sens large, si l'humiliation ou l'avilissement a pour but non d'amener la victime à agir d'une certaine manière mais de la punir (cf. arrêts 6B_1444/2021 précité consid. 1.3; 6B_546/2021 précité consid. 1.3; 6B_1229/2021 du 17 janvier 2022 consid. 5; 6B_1199/2020 du 23 septembre 2021 consid. 1.4.1; 6B_307/2019 précité consid. 4.1).  
 
1.4.3. En l'espèce, il n'apparaît pas que le comportement en cause - à savoir des lésions corporelles apparemment commises tout au plus par négligence - remplit les conditions susmentionnées. Cette question peut cependant rester ouverte, dès lors qu'au vu de ce qui suit ( infra consid. 2), la recourante ne dispose plus d'un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée.  
 
2.  
Selon l'art. 81 al. 1 let. b LTF, a qualité pour recourir en matière pénale toute personne ayant un intérêt juridiquement protégé à l'annulation de la décision attaquée. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un intérêt juridiquement protégé à l'examen matériel de la décision cantonale de dernière instance disparaît lorsqu'il n'est plus possible de procéder à une modification sur le plan pénal, en l'absence de jugement mettant fin à la prescription de l'action pénale (arrêts 6B_1097/2022 du 7 mars 2023 consid. 3; 6B_967/2022 du 21 février 2023 consid. 1; 6B_479/2018 du 19 juillet 2019 consid 2.1; 6B_927/2015 du 2 mai 2016 consid. 1 avec référence). La survenance de la prescription de l'action pénale doit être prise en compte d'office à chaque stade de la procédure (ATF 139 IV 62 consid. 1; 129 IV 49 consid. 5.4; 116 IV 80 consid. 2a). C'est pourquoi, ainsi que pour des raisons d'économie de procédure, il convient d'examiner au préalable si la prescription de l'action publique est acquise pour les infractions reprochées et si une condamnation est d'emblée exclue pour cette raison. 
 
2.1. La recourante se plaint de lésions corporelles graves, lesquelles sont sanctionnées par une peine privative de liberté de six mois à dix ans selon l'art. 122 CP (et de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire selon le droit en vigueur au moment des faits) ou de lésions corporelles par négligence, lesquelles sont passibles d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire selon l'art. 125 CP (inchangé).  
 
2.2. Selon le droit applicable au moment des faits reprochés, soit le 20 juillet 2007, l'action pénale relative aux lésions corporelles graves se prescrivait par quinze ans (cf. art. 97 al. 1 let. b aCP) et celle relative aux lésions corporelles par négligence par sept ans (cf. art. 97 al. 1 let. c aCP).  
 
2.3. Il résulte de ce qui précède que l'art. 97 CP dans sa version actuelle n'est pas plus favorable à l'auteur que l'art. 97 aCP, dans la mesure où l'action pénale se prescrit par dix ans si la peine maximale encourue est une peine privative de liberté de trois ans, ce qui est le cas de l'infraction des lésions corporelles par négligence. En vertu du principe de la lex mitior (cf. art. 2 al. 2 et 389 CP; ATF 134 IV 82 consid. 6.2; arrêt 6B_476/2019 du 29 mai 2019 consid. 3.1.1), c'est donc l'ancien droit qui est applicable aux faits survenus le 20 juillet 2007. L'action pénale se prescrivait ainsi, s'agissant des lésions corporelles graves, par quinze ans et, s'agissant des lésions corporelles par négligence, par sept ans.  
 
2.4. Le point de départ du délai de prescription est régi par l'art. 98 CP, lequel est resté inchangé (cf. ATF 142 IV 276 consid. 5.1; arrêt 6B_476/2019 du 29 mai 2019 consid. 3.1.1). La prescription court du jour où l'auteur a exercé son activité coupable (let. a), du jour où le dernier acte a été commis, si cette activité s'est exercée à plusieurs reprises (let. b) ou du jour où les agissements coupables ont cessé, s'ils ont eu une certaine durée (let. c).  
 
2.5. En l'espèce, il ressort de l'arrêt attaqué que l'intervention chirurgicale litigieuse a eu lieu le 20 juillet 2007, date du début de la prescription pénale. Elle est au vu de ce qui précède atteinte à ce jour s'agissant des infractions en cause, étant précisé que la prescription de l'action pénale n'a pas été interrompue par l'ordonnance de non-entrée en matière du 16 mars 2022, qui n'est pas un "jugement de première instance" au sens de l'art. 97 al. 3 CP (inchangé; cf. arrêts 6B_1097/2022 précité consid. 3; 6B_967/2022 précité consid. 1; 6B_565/2019 du 12 juin 2019 consid. 3.2 et 6B_614/2015 du 14 mars 2016 consid. 2.2). Ainsi, en cas de renvoi de la cause à l'instance précédente, celle-ci ne pourrait que constater que la prescription est acquise.  
Il découle de ce qui précède que la recourante ne dispose pas d'un intérêt juridique actuel à la contestation de l'arrêt attaqué, une condamnation du Dr B.________ pour lésions corporelles graves ou lésions corporelles par négligence étant exclue en raison de la prescription de l'action pénale. Il n'y a par conséquent pas lieu d'entrer en matière sur le recours dans la mesure où la recourante demande l'annulation de la décision de l'instance précédente et le renvoi de la procédure à l'autorité de première instance. 
 
3.  
 
3.1. Indépendamment de l'absence de qualité pour recourir sur le fond, la partie recourante est aussi habilitée à se plaindre d'une violation de ses droits de partie équivalant à un déni de justice formel, sans toutefois pouvoir faire valoir par ce biais, même indirectement, des moyens qui ne peuvent être séparés du fond (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 et les références citées). L'intérêt juridiquement protégé au sens de l'art. 81 al. 1 let. b LTF résulte dans ce cas du droit de participer à la procédure (cf. arrêts 6B_1097/2022 précité consid. 3; 6B_967/2022 précité consid. 2).  
 
3.2. En tant que la recourante se plaint d'une violation de l'art. 8 CEDH, qui garantit le droit au respect de la vie privée et familiale, elle ne fait pas valoir de moyen qui peut être séparé du fond, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur ce point. Il en va de même en tant qu'elle invoque l'art. 13 CEDH et soutient qu'elle n'a eu aucun accès à un recours effectif alors que les preuves qu'elle a rapportées seraient "tout à fait convaincantes".  
 
3.3. L'hypothèse visée à l'art. 81 al. 1 let. b ch. 6 LTF n'entre pas en considération, dès lors que la recourante ne soulève aucun grief concernant spécifiquement son droit de porter plainte.  
 
4.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Il était d'emblée dénué de chances de succès si bien que l'assistance judiciaire doit être refusée (art. 64 al. 1 LTF). La recourante, qui succombe, supporte les frais judiciaires, qui seront fixés en tenant compte de sa situation financière qui n'apparaît pas favorable (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours. 
 
 
Lausanne, le 22 mars 2023 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Denys 
 
La Greffière : Thalmann