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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_532/2022  
 
Arrêt du 9 février 2024  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Chaix, Juge présidant, 
Haag et Müller. 
Greffier : M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
B.________, 
C.________ et D.C.________, 
E.________ et F.E.________, 
tous représentés par Me Claude Nicati, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
G.________ AG, représentée par Me Tarkan Göksu, avocat, 
intimée, 
 
Préfecture du district du Lac, rue du Château 1, case postale 226, 3280 Morat, 
Commune de Mont-Vully, 
 
Objet 
Permis de construire, 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de l'Etat 
de Fribourg, IIe Cour administrative, du 26 août 2022 
(602 2021 111 - 602 2021 112). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par décision du 22 juin 2021 (après annulation sur recours d'une précédente décision), le Préfet du district du Lac a autorisé la construction, par la société G.________ AG (ci-après: la constructrice) d'une habitation individuelle sur la parcelle n° 1845 de la H.________, à Lugnorre, située en zone de village I. L'opposition formée par A.________ et B.________, C.________ et D.C.________ (parcelle n° 1900) ainsi que E.________ et F.E.________ (parcelle n° 225) a été écartée par décision du même jour. La constructrice était notamment au bénéfice d'une convention lui permettant de construire à la limite du fonds agricole voisin (n° 226), en dérogation à la réglementation qui imposait une distance minimale de 4 mètres. 
 
B.  
Par arrêt du 26 août 2022, la II e Cour administrative du Tribunal cantonal du canton de Fribourg a rejeté le recours formé par les opposants, considérant notamment que l'immeuble devait s'implanter à 10 cm de la limite et que rien ne permettait d'admettre qu'une partie du bâtiment (avant-toit ou balcon) empiéterait sur le terrain agricole adjacent; celui-ci présentait une pente de 35 degrés et ne figurait pas dans l'inventaire des surfaces d'assolement (SDA); ses propriétaires avaient affirmé que les machines agricoles traditionnelles ne pouvaient pas y être utilisées. L'impact du projet sur la zone agricole était par conséquent insignifiant. 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ et B.________, C.________ et D.C.________ ainsi que E.________ et F.E.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 26 août 2022 ainsi que le permis de construire du 22 juin 2021, subsidiairement de renvoyer la cause à l'autorité intimée pour nouvelle décision au sens des considérants. Ils demandent l'effet suspensif, qui a été accordé par ordonnance du 28 octobre 2022. 
La cour cantonale renvoie à son arrêt et conclut au rejet du recours. La Préfecture du district du Lac a renoncé à déposer une réponse. Le Conseil communal de Mont-Vully se réfère aux décisions des instances précédentes. La constructrice G.________ AG conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable. 
Invité à présenter des observations, l'Office fédéral du développement territorial - ARE estime que l'impact du projet litigieux sur la zone agricole apparaît limité. Les recourants, puis l'intimée, se sont ensuite à nouveau déterminés. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public des constructions (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Les recourants ont pris part à la procédure de recours devant la cour cantonale. En tant que propriétaires et voisins de la parcelle n° 1845, ils sont particulièrement touchés par l'arrêt attaqué qui confirme le projet litigieux. Ils peuvent ainsi se prévaloir d'un intérêt personnel et digne de protection à l'annulation de l'arrêt entrepris. Partant, ils bénéficient de la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Il convient donc d'entrer en matière. 
 
2.  
S'agissant de l'établissement des faits, les recourants contestent la détermination du terrain de référence, tout en reconnaissant que ce point n'est plus litigieux à ce stade. Ils contestent par ailleurs l'absence d'impact de la construction en limite de la zone agricole mais il s'agit d'une question de droit, qui sera examinée ci-dessous (consid. 3). Ils relèvent que si la construction doit prendre place à 10 cm de la limite parcellaire, la toiture surplomberait cette limite, voire la dépasserait. La cour cantonale aurait en outre omis de tenir compte des pièces démontrant que la fauche de la parcelle adjacente avait été effectuée par des machines agricoles et non manuellement comme le prétendait l'intimée. 
 
2.1. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 148 I 160 consid. 3) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Le grief soulevé à cet égard doit être motivé conformément aux exigences des art. 42 al. 2 et - s'agissant d'arbitraire - 106 al. 2 LTF, ce qui exclut notamment toute argumentation de type appellatoire  
 
2.2. A l'appui de leur grief relatif à l'implantation du bâtiment, les recourants se contentent de se référer aux "plans déposés en annexe à la demande de permis de construire". Ils n'indiquent toutefois pas à quel plan ils se réfèrent précisément, alors qu'il ressort du plan cadastral du 12 décembre 2018 (auquel se réfère la convention dérogatoire), tout comme du plan de masse approuvé par la préfecture qu'il n'y a aucun dépassement. Dans ces conditions, les constatations de fait ressortant de l'arrêt cantonal ne sont nullement arbitraires et le grief doit être rejeté, pour autant que recevable.  
 
2.3. La cour cantonale n'a certes pas tenu compte des deux photographies produites le 25 octobre 2021 montrant un engin agricole sur la parcelle fauchée. S'agissant des possibilités d'exploitation agricole de la parcelle, la cour cantonale a retenu que celle-ci présentait une déclivité de 35 degrés, en particulier à proximité de la future construction; elle ne figurait pas à l'inventaire des SDA et était classée dans la catégorie (C) des surfaces à aptitudes réduites pour la culture des champs, soit celles qui sont peu aptes à un usage agricole. Les propriétaires avaient confirmé que les machines agricoles "traditionnelles" ne pouvaient pas être utilisées. La parcelle ne comportait que des prairies permanentes, superposées d'arbres aux alentours de la construction litigieuse. La cour cantonale s'est ainsi fondée sur un faisceau d'indices pour conclure que la parcelle agricole était difficilement exploitable. Les deux photographies produites par les recourants ne permettent notamment pas de définir le type d'engin, ni le contexte et l'auteur de l'intervention. Elles ne permettent pas clairement d'affirmer que la parcelle serait entièrement exploitable avec des machines agricoles "traditionnelles", et ne remettent pas en cause l'appréciation selon laquelle la parcelle est peu apte à un usage agricole. Le grief doit lui aussi être écarté.  
 
3.  
Dans deux griefs relatifs l'un à l'établissement des faits, l'autre à l'application du droit, les recourants contestent que l'impact du projet sur la zone agricole puisse être qualifié d'insignifiant. Le fait que la parcelle ne comporte que des prairies permanentes ne permettrait pas d'exclure une perte d'ensoleillement, dès lors que l'importance de la préservation des prairies est reconnue par le Conseil d'Etat fribourgeois. L'existence de SDA, de même que le type de culture, seraient aussi sans pertinence. Le bâtiment litigieux aurait une hauteur de façades de 6,24 m, respectivement 7,58 m et il ne saurait s'agir d'une petite construction au sens de la jurisprudence; l'instance précédente n'aurait pas suffisamment cherché à déterminer l'impact de bâtiment litigieux. Le principe général de l'interdiction de construire en zone agricole aurait été méconnu, et la convention dérogatoire serait dès lors illicite. 
 
3.1. Tant les recourants que la cour cantonale se fondent sur la jurisprudence développée dans l'ATF 145 I 156. Selon cet arrêt, l'examen de la conformité à la zone des bâtiments placés directement ou très près de la limite d'une zone autre que celle dans laquelle ils sont situés, exige aussi la prise en compte de leurs effets sur l'espace environnant. Si, d'après l'expérience générale de la vie, on ne doit s'attendre à aucun effet ou seulement à des effets insignifiants sur la zone voisine, il suffit que le projet soit conforme à la zone dans laquelle il se situe. Si, en revanche, les effets sur une zone voisine sont probables, le projet de construction doit respecter à la fois les règles de la zone de construction dans laquelle il est érigé et celles de la zone voisine (consid. 6.3). Les circonstances du cas d'espèce sont déterminantes pour savoir si et dans quelle mesure la constructibilité d'un terrain en zone à bâtir affecte simultanément les terrains agricoles voisins. Tel est le cas d'éléments de construction qui dépassent les limites de la zone, comme les avants-toits ou les balcons, les zones de circulation ou les jardins situés devant des bâtiments d'habitation. Il faut aussi tenir compte de l'impact de la construction sur l'utilisation agricole du fonds voisin, au vu du mode de culture et des conditions topographiques (consid. 6.4). La construction de grands bâtiments, tels que des habitations directement sur la limite avec la zone agricole ou très proches de celle-ci comporte dans la plupart des cas un impact sur les terres agricoles adjacentes. Les bâtiments qui empiètent sur la zone agricole ne sont pas admissibles à défaut de conformité à la zone, à moins qu'ils ne servent à des fins agricoles ou qu'une dérogation puisse être accordée (art. 24 ss LAT). Il peut en aller différemment pour les petits bâtiments tels que les bâtiments auxiliaires simples, les clôtures ou les portails (consid. 6.5).  
 
3.2. Comme cela est relevé ci-dessus, la cour cantonale a considéré sans arbitraire que la construction litigieuse n'empiétera pas sur la surface agricole voisine. Elle s'est par ailleurs fondée sur un faisceau d'indices faisant apparaître que la parcelle agricole jouxtant la construction est peu apte à un usage agricole en raison de sa pente prononcée, et qu'elle ne comporte que des prairies permanentes ainsi que des arbres aux alentours du futur bâtiment. L'atteinte à l'usage agricole tant actuel que futur apparaît ainsi insignifiant comme le retient la cour cantonale, appréciation partagée par l'Office fédéral du développent territorial. Le bâtiment projeté est de dimensions limitées et n'occupe qu'une faible portion du long flanc ouest de la parcelle n° 226. Les recourants craignent que les activités liées à l'entretien courant de l'immeuble puissent entraver l'utilisation agricole; il apparaît toutefois que les accès et les dégagements sont situés de l'autre côté de la parcelle n° 1845, de sorte que les risques évoqués par les recourants peuvent être écartés, tout comme le risque que le terrain agricole soit utilisé comme jardin d'agrément. Il appartiendra enfin au constructeur de prendre toutes les mesures propres à éviter des atteintes au sol durant la phase de construction.  
Sur le vu des circonstances concrètes, l'arrêt attaqué est ainsi conforme au droit fédéral. 
 
4.  
Il s'ensuit que le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge des recourants, de même que l'indemnité de dépens allouée à l'intimée G.________ AG, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 68 al. 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge des recourants. 
 
3.  
Une indemnité de dépens de 4'000 fr. est allouée à l'intimée G.________ AG, à la charge solidaire des recourants. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, à la Préfecture du district du Lac, à la Commune de Mont-Vully, au Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, II e Cour administrative, et à l'Office fédéral du développement territorial. 
 
 
Lausanne, le 9 février 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Chaix 
 
Le Greffier : Kurz