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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_638/2023, 4A_640/2023  
 
 
Arrêt du 24 avril 2024  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Jametti, Présidente, Hohl et Rüedi. 
Greffière : Mme Raetz. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Frédéric Hainard, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
4A_638/2023 
 
B.________, 
représentée par Me Elodie Guillet, avocate, 
intimée, 
 
4A_640/2023 
 
C.________, 
représenté par Me Elodie Guillet, avocate, 
intimé. 
Objet 
mainlevée définitive avec exequatur à titre incident d'un jugement étranger selon la CL (art. 81 al. 3 LP); caractère exécutoire du jugement contre des codébiteurs, 
 
recours contre les arrêts rendus le 21 septembre 2023 par la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel (ARMC.2023.50; ARMC.2023.49). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Par jugement du 5 janvier 2015, le Tribunal de... (Portugal) a condamné C.________ et B.________ (ci-après: les débiteurs ou les défendeurs ou les intimés) à payer à A.________ (ci-après: le créancier ou le requérant ou le recourant), le montant de 39'113 euros avec intérêts au taux légal de 4 % à compter de la date de sa signification et jusqu'au paiement intégral. Le tribunal a considéré comme prouvé que le contrat de prêt du 17 février 2014 passé entre les emprunteurs et le prêteur était nul, faute d'avoir revêtu la forme prescrite, et que ceux-là devaient donc restituer l'argent prêté à celui-ci.  
 
A.b. Dans une première étape, en 2019, le créancier a intenté deux poursuites séparées contre ses deux débiteurs, domiciliés dans le canton de Neuchâtel, qui se sont vu notifier chacun, respectivement les 9 et 12 avril 2019, un commandement de payer pour le montant de 44'330 fr. 67 avec intérêts, indiquant comme cause de l'obligation le contrat de prêt du 17 février 2014. Les débiteurs ont fait opposition aux commandements de payer.  
La requête de mainlevée du créancier poursuivant a été rejetée par le Tribunal civil des Montagnes et du Val-de-Ruz par décision du 4 novembre 2019. Le Tribunal a considéré que le certificat produit par le poursuivant ne satisfaisait pas aux exigences des art. 53 et 57 al. 1 et 4 CL, que la traduction du jugement portugais était incomplète et que la date de celui-ci n'était pas claire, de sorte que les éléments étaient trop incertains pour une reconnaissance en Suisse. Par arrêt du 22 janvier 2020, l'Autorité de recours en matière civile du Tribunal cantonal neuchâtelois a annulé cette décision; statuant à nouveau, elle a refusé la mainlevée définitive, considérant que le poursuivant ne contestait pas que les pièces produites ne permettaient pas le prononcé d'une mainlevée définitive, mais elle a accordé la mainlevée provisoire, au motif que le contrat du 17 février 2014 devait être considéré comme une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 LP. Les débiteurs ont ouvert action en libération de dette. 
 
B.  
Dans une seconde étape, en 2023, le créancier a introduit deux nouvelles poursuites séparées contre ses deux débiteurs, qui se sont vu notifier chacun, respectivement les 10 et 11 janvier 2023, un commandement de payer pour le montant de 38'692 fr. 42 avec intérêts à 4 % dès le 17 février 2014, indiquant comme cause de l'obligation le jugement du 5 janvier 2015 du Tribunal de... (Portugal), qui condamne les débiteurs à lui payer le montant de 39'113 euros. Ceux-ci y ont fait opposition. 
Les requêtes de mainlevée définitive déposées par le créancier à l'encontre des oppositions formées par les deux poursuivis ont été admises par deux décisions du 28 juin 2023 du Tribunal civil des Montagnes et du Val-de-Ruz: le tribunal a accordé la mainlevée définitive, considérant que les pièces produites par le poursuivant remplissaient les conditions d'un exequatur, que les poursuivis n'avaient prouvé aucun motif de refus de la reconnaissance et qu'ils n'avaient établi aucun moyen libératoire au sens de l'art. 81 LP
Par deux arrêts du 21 septembre 2023, dont le contenu est identique, l'Autorité de recours en matière civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel a admis les recours des poursuivis, a annulé les décisions du 28 juin 2023 et a rejeté les requêtes de mainlevée définitive du créancier poursuivant. Elle a tout d'abord laissé ouvertes les questions relatives aux motifs de refus de la reconnaissance (compétence du tribunal portugais, validité de la notification de l'acte introductif d'instance aux défendeurs). Elle a ensuite rejeté les requêtes de mainlevée définitive, considérant que la question de savoir si le droit portugais connaissait le mécanisme de la solidarité, ce qui était possible, relevait d'un examen qui échappait au champ d'investigation du juge de la mainlevée, que celui-ci devait se limiter à constater que le jugement du 5 janvier 2015 ne permettait pas d'admettre que chaque défendeur était tenu pour la totalité ou de déterminer quelle part de la dette devait lui être attribuée, et qu'il ne pouvait donc accorder la mainlevée définitive contre les poursuivis sur la base de ce jugement. 
 
C.  
Contre chacun de ces arrêts, qui lui ont été notifiés le 28 septembre 2023, le créancier poursuivant a interjeté un recours en matière civile et, subsidiairement, un recours constitutionnel au Tribunal fédéral. Il conclut principalement à leur annulation et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelles décisions dans le sens des considérants; subsidiairement, il conclut à leur annulation et à leur réforme en ce sens que chacune de ses requêtes de mainlevée soit admise. 
Il n'a pas été requis de réponses. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Chaque recours ayant été interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) par le créancier poursuivant, qui a succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF), contre une décision finale (art. 90 LTF), rendue sur recours (art. 319 ss en relation avec l'art. 309 let. b ch. 3 CPC) par le tribunal supérieur du canton de Neuchâtel (art. 75 LTF), en matière de mainlevée définitive avec exequatur à titre incident d'un jugement étranger auquel la Convention de Lugano est applicable (art. 72 al. 2 let. a LTF), dont la valeur litigieuse dépasse 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), les recours en matière civile sont recevables au regard de ces dispositions. Il s'ensuit que les recours constitutionnels subsidiaires sont irrecevables. 
Bien que la poursuite contre des codébiteurs doive faire l'objet de réquisitions de poursuite et commandements de payer séparés (art. 70 al. 2 LP), que les requêtes de mainlevée aient été formées et que les décisions et arrêts aient été rendus séparément, il y a lieu de trancher les deux recours dans un seul et même arrêt, dès lors que la question litigieuse concerne le point de savoir si les débiteurs sont solidaires et que les arrêts cantonaux et les recours au Tribunal fédéral ont un contenu identique. 
 
2.  
Le recours en matière civile contre une décision statuant sur la mainlevée définitive et, de manière incidente, sur l'exequatur d'une décision étrangère, peut être formé pour violation du droit fédéral, y compris les droits constitutionnels (art. 95 let. a LTF), l'art. 98 LTF n'étant pas applicable (ATF 133 III 399 consid. 1.5). 
Le Tribunal fédéral n'est pas lié par l'argumentation juridique développée par les parties ou par l'autorité précédente; il peut admettre le recours, comme il peut le rejeter en procédant à une substitution de motifs (ATF 135 III 397 consid. 1.4). 
 
3.  
Dans les rapports entre la Suisse et, notamment, les États membres de l'Union européenne, la Convention de Lugano révisée du 30 octobre 2007, entrée en vigueur pour la Suisse le 1er janvier 2011 et pour l'Union européenne le 1er janvier 2010 (CL ou Convention de Lugano; RS 0.275.12) est applicable, puisque le Portugal est membre de l'Union européenne et que l'action judiciaire a été intentée au Portugal en 2014 (art. 63 par. 1 CL; ATF 140 III 115 consid. 3; arrêt 5A_162/2012 du 12 juillet 2012 consid. 5.1). 
Le créancier au bénéfice d'une décision étrangère portant condamnation à payer une somme d'argent ou à constituer des sûretés (art. 38 al. 1 LP) rendue dans un État lié à la Suisse par la Convention de Lugano doit, pour pouvoir en obtenir l'exécution en Suisse, disposer d'une déclaration de force exécutoire de celle-ci (i.e. une décision d'exequatur), laquelle confère à la décision étrangère la qualité de titre exécutoire en Suisse. 
Pour obtenir une telle décision d'exequatur, le créancier dispose de deux possibilités. 
La première consiste à introduire une procédure d'exequatur indépendante et unilatérale selon les art. 38 ss CL devant le tribunal cantonal de l'exécution (art. 39 par. 1 CL et Annexe II), qui déclarera exécutoire en Suisse le jugement étranger dans une procédure non contradictoire, sans entendre préalablement le débiteur (art. 41 CL); après avoir obtenu l'exequatur dans cette procédure indépendante et unilatérale, le créancier demandera l'exécution proprement dite de la décision par la voie de la poursuite (art. 67 ss LP) (ATF 143 III 404 consid. 5.2.1). 
La seconde possibilité consiste à introduire d'abord une poursuite (art. 67 ss LP; réquisition de poursuite et commandement de payer) et, en cas d'opposition du débiteur, à requérir la mainlevée définitive de l'opposition, procédure au cours de laquelle le juge de la mainlevée se prononcera à titre incident sur le caractère exécutoire de la décision étrangère (décision d'exequatur prononcée à titre incident; art. 33 par. 1 CL et art. 81 al. 3 LP); s'il la déclare exécutoire, ce magistrat lèvera alors l'opposition au commandement de payer (ATF 143 III 404 consid. 5.2.1). 
L'exequatur, que ce soit en procédure indépendante ou à titre incident dans la procédure de mainlevée, est soumis aux conditions matérielles de la Convention de Lugano. 
 
4.  
Lorsque la déclaration de force exécutoire (i.e. l'exequatur) d'une décision étrangère est requise à titre incident dans la procédure de mainlevée définitive (art. 81 al. 3 LP), le juge de la mainlevée doit examiner si les conditions matérielles de la Convention de Lugano sont remplies, notamment s'il existe une décision étrangère (art. 32 CL) qui est exécutoire (art. 38 par. 1 CL) (ATF 143 III 404 consid. 5.2.1; 135 III 670 consid. 1.3.2; arrêt 5A_162/2012 du 12 juillet 2012 consid. 6.1). Est réservé le cas où la décision étrangère a déjà fait l'objet d'une procédure d'exequatur indépendante, puisque la décision qui y a été rendue est revêtue de l'autorité de la chose jugée et qu'elle lie donc le juge de la mainlevée (art. 81 al. 3 in fine LP).  
Il ne faut pas confondre la déclaration de force exécutoire d'une décision étrangère ( i.e. l'exequatur; Vollstreckbarkeit) (cf. consid. 4.1 ci-dessous) avec l'exécution forcée ( i.e. la mainlevée définitive; Vollstreckung) de celle-ci (cf. consid. 4.2 ci-dessous).  
 
4.1. Même si la déclaration de force exécutoire est prononcée à titre incident dans une procédure de mainlevée, soumise formellement aux règles de la LP, il n'en demeure pas moins que les conditions matérielles de cette déclaration, notamment l'existence d'une décision (art. 32 CL) et son caractère exécutoire (art. 38 par. 1 CL) sont régies par la Convention de Lugano, et sont donc les mêmes que dans une procédure d'exequatur indépendante.  
 
4.1.1. La notion de décision découle de l'art. 32 CL. Elle doit être interprétée de façon autonome. Il s'agit d'un acte émanant d'un organe juridictionnel appartenant à un État contractant et statuant de sa propre autonomie sur des points litigieux entre les parties (arrêt 5A_162/2012 précité consid. 6.2.1; arrêt de la CJCE du 2 juin 1994, C-414/92, Solo Kleinmotoren contre Boch, Rec. 1994 I 2237 n° 17).  
 
4.1.2. Pour que l'exequatur soit prononcé, il suffit que la décision soit exécutoire dans l'État d'origine (art. 38 par. 1 CL: " qui y sont exécutoires "). Le caractère exécutoire de la décision se détermine donc selon les règles de l'État d'origine (ATF 143 III 404 consid. 5.2.2; 135 III 670 consid. 3.1.3; 126 III 156 consid. 2a; arrêt 5A_162/2012 précité consid. 6.2.3). Il peut découler de la décision elle-même, d'une attestation (ou certificat) postérieure à cette décision ou directement de la loi de cet État (ATF 135 III 670 consid. 3.1.3; 127 III 186 consid. 4a; arrêt 5A_162/2012 précité consid. 6.2.3).  
Le pouvoir d'examen du juge de la mainlevée est plus étendu lorsqu'il examine le caractère exécutoire d'une décision étrangère que lorsqu'il examine un titre de mainlevée définitive au sens de l'art. 80 al. 1-2 LP. L'effet utile de la Convention de Lugano exige en effet que tout manque de clarté ou dérogation à des conceptions nationales ne conduise pas le juge à refuser l'exequatur. Ainsi, le juge de la mainlevée qui doit se prononcer à titre incident sur l'exequatur peut devoir interpréter et concrétiser le dispositif de la décision étrangère afin que celle-ci produise les mêmes effets qu'un titre exécutoire rendu par une juridiction suisse. Ce n'est que si, même en l'interprétant, le juge ne parvient pas à concrétiser suffisamment la décision étrangère pour que celle-ci puisse être exécutée que le juge de la mainlevée doit refuser l'exequatur (arrêt 5A_162/2012 précité consid. 6.2.3 et les références). Ainsi, le juge peut devoir interpréter la décision étrangère dont le dispositif ne porte pas condamnation du débiteur à payer une somme d'argent, pour déterminer si, selon le droit étranger, elle emporte bien concrètement condamnation du débiteur à payer une somme d'argent (arrêts 4A_547/2022 du 16 janvier 2024 consid. 5.3 et les nombreuses références; 5A_162/2012 précité consid. 6.3). En revanche, il ne saurait modifier le contenu de la décision (art. 36 CL). 
La procédure de mainlevée devant se dérouler avec une certaine célérité (art. 84 al. 2 LP), il n'incombe pas au juge de la mainlevée qui doit procéder à cette interprétation de rechercher d'office le contenu du droit étranger, l'art. 16 al. 1 1ère phr. LDIP n'étant pas applicable; il appartient au contraire au créancier poursuivant de l'établir, dans la mesure où l'on peut raisonnablement l'exiger de lui, et ce même s'il n'y a pas été invité par le juge; s'il ne le fait pas, le juge n'a pas à appliquer le droit suisse, mais doit refuser l'exequatur et, par conséquent, rejeter la requête de mainlevée (ATF 145 III 213 consid. 6.1.2; 140 III 456 consid. 2.4). 
 
4.1.3. En ce qui concerne les motifs de reconnaissance de la décision étrangère, il y a lieu de relever que, lorsque la Convention de Lugano est applicable, la reconnaissance de cette décision intervient automatiquement, sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure (art. 33 par. 1 CL). Les motifs de refus de la reconnaissance doivent être invoqués et prouvés par le débiteur poursuivi qui s'oppose à l'exequatur. Ces motifs sont exhaustivement énumérés aux art. 34 et 35 CL (ATF 143 III 404 consid. 5.2.3; arrêts 5A_46/2021 du 20 janvier 2022 consid. 4.1; 5A_248/2015 du 6 avril 2016 consid. 3.1 non publié aux ATF 142 III 420).  
 
4.1.4. En ce qui concerne la procédure à suivre, l'art. 84 al. 2 LP et les règles de la procédure contradictoire de mainlevée (art. 251 let. a et 253-254 CPC) sont applicables. En choisissant cette possibilité, le créancier renonce à l'application des dispositions de procédure des art. 39 ss CL et aux avantages procéduraux qu'elles lui procurent (par ex. de l'art. 41 CL, soit l'effet de surprise qui en découle). Les exceptions des art. 34 et 35 CL s'appliquent et sont examinées en procédure contradictoire déjà en première instance, alors que, lorsque l'exequatur est requis dans une procédure indépendante, les motifs de refus de la reconnaissance ne sont pas examinés par le juge de première instance (art. 41 CL), mais uniquement par l'autorité saisie d'un recours (art. 43 CL).  
Conformément à l'art. 309 let. b ch. 3 en relation avec l'art. 321 al. 2 CPC, le recours limité au droit (art. 319 ss CPC) est recevable contre la décision en matière de mainlevée de première instance et doit être interjeté dans le délai de 10 jours (contrairement au recours contre la décision d'exequatur prononcée en procédure indépendante, qui doit être interjeté dans le délai d'un mois en vertu de l'art. 43 par. 5 CL). Le recours n'a pas d'effet suspensif et le créancier peut requérir la saisie (définitive) à l'expiration du délai de paiement de l'art. 88 LP (Message du Conseil fédéral du 18 février 2009 relatif à l'arrêté fédéral portant approbation et mise en oeuvre de la Convention de Lugano révisée concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, FF 2009 1497 ss, n. 2.7.1.3 p. 1527). L'art. 327a CPC, qui concerne seulement la procédure de recours au sens de l'art. 43 CL, n'est pas applicable en tant que tel (Message précité, n. 4.2 ad art. 327a CPC p. 1542; arrêts 5A_939/2016 du 24 août 2017 consid. 3.1.2; 5A_387/2016 du 7 septembre 2016 consid. 3; DANIEL STAEHELIN, in Basler Kommentar, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, 3e éd. 2021, n. 68a, en particulier n. 68aa et 68ah ad art. 80 LP). 
 
4.1.5. Lorsqu'il statue sur l'exequatur à titre incident, le juge de la mainlevée le fait dans les motifs de son jugement; il n'a pas à se prononcer sur cette question dans le dispositif de celui-ci, même si le poursuivant a pris des conclusions formelles à ce sujet (ATF 143 III 404 consid. 5.2.1 et les arrêts cités). La reconnaissance et l'exequatur de la décision étrangère prononcés à titre incident ne font pas partie du dispositif et ne revêtent donc pas l'autorité de la chose jugée (même arrêt).  
 
4.2. Lorsqu'il admet l'exequatur de la décision étrangère à titre incident parce que les conditions matérielles de la Convention de Lugano sont remplies, le juge de la mainlevée n'a plus qu'à vérifier la mise en oeuvre de l'exécution proprement dite ( eigentliche Vollstreckung) de la décision, laquelle fait suite à la déclaration de force exécutoire de celle-ci (i.e. l'exequatur) (ATF 143 III 404 consid. 5.2.1). En effet, l'exécution relève, lorsqu'il s'agit de créances en argent ou de sûretés (art. 38 al. 1 LP), de la LP (arrêt 5A_948/2014 du 1er avril 2015 consid. 3.3 et les références). Le juge de la mainlevée vérifiera d'office, comme en droit interne, si les trois identités sont réunies: s'il y a identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans la décision étrangère, l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné et l'identité entre la prétention déduite en poursuite et la décision étrangère. De son côté, le débiteur poursuivi peut faire valoir les exceptions prévues à l'art. 81 al. 1 LP, soit prouver par titre que la dette a été éteinte ou qu'il a obtenu un sursis postérieurement au jugement ou se prévaloir de la prescription (subséquente; sur la distinction entre question de droit matériel et question de droit des poursuites dans le cas spécial de la prescription d'un acte de défaut de biens de l'art. 149a al. 1 LP, cf. ATF 144 III 360 consid. 3).  
 
5.  
En l'espèce, la Cour de céans peut se dispenser d'examiner les relations entre les premières décisions de mainlevée et les présentes décisions, dès lors que les parties ne soulèvent aucun grief à cet égard et que les premières décisions refusant la mainlevée définitive prononcées à titre incident ne sont pas revêtues de l'autorité de la chose jugée. De même, faute de grief, il n'y a pas lieu d'examiner si les formalités des art. 53-54 CL devaient être respectées. 
La question litigieuse soumise au Tribunal fédéral concerne le caractère exécutoire du jugement portugais, plus précisément la question de savoir si le jugement portugais condamne, solidairement ou non, les défendeurs à payer au demandeur le montant de 39'113 euros avec intérêts et si l'exequatur peut être admis à l'encontre de chacun des poursuivis pour le montant total. 
 
5.1. La cour cantonale n'a pas statué sur les motifs de refus de la reconnaissance invoqués par les poursuivis. Elle a considéré que le jugement portugais, qui condamne les deux défendeurs à rembourser le montant de 39'113 euros au créancier, ne détermine pas - sur la base d'un engagement des codébiteurs ou d'une disposition légale - s'ils en sont solidairement débiteurs ou seulement pour une part et qu'il n'appartient pas au juge de la mainlevée de trancher cette question de droit matériel. Cette conception, qui serait correcte en droit interne au regard de l'art. 80 al. 1-2 LP, soit pour l'exécution de jugements rendus en Suisse (cf. arrêts 5A_747/2019 du 24 novembre 2020 consid. 3; 5A_555/2018 du 17 octobre 2018 consid. 3.3; 5D_117/2017 du 23 janvier 2018 consid. 2.1.2), ne peut être suivie lorsque le juge de la mainlevée doit statuer à titre incident sur l'exequatur d'un jugement étranger soumis à la Convention de Lugano.  
 
5.2. Il ne résulte ni du dispositif du jugement portugais, ni de ses motifs que les défendeurs condamnés seraient des débiteurs solidaires. Cette question devait être éclaircie en application du droit de l'État d'origine, soit le droit portugais.  
Or, il n'incombait pas au juge de la mainlevée, ni de première instance, ni de recours, de rechercher d'office si, en droit portugais, les débiteurs d'un contrat de prêt sont solidaires. Même si le poursuivant, assisté d'un avocat, n'a pas été invité par le juge de la mainlevée à apporter la preuve de ce droit sur cette question, il devait en être conscient puisqu'elle avait été soulevée par les poursuivis, comme le tribunal civil l'avait mentionné dans sa décision (question des "débiteurs solidaires" invoquée par les poursuivis), tout en l'écartant pour un motif qui ne peut être suivi. 
De surcroît, dans leurs recours cantonaux, les poursuivis invoquaient que "le jugement qui désigne plusieurs débiteurs, sans préciser (cas échéant dans les motifs du jugement) s'il s'agit de débiteurs partiels ou solidaires, ne permet pas la mainlevée définitive contre l'un des codébiteurs, ni pour le montant total ni pour une part de la dette" et "qu'en l'espèce, le jugement ne mentionne nulle part s'il s'agit de débiteurs partiels ou solidaires". Dans ses réponses aux recours cantonaux, le poursuivant n'a prêté aucune attention à cette objection, se limitant à affirmer que le juge de la mainlevée n'a ni à revoir, ni à interpréter, ni à compléter le titre de mainlevée. Il y a là de sa part une confusion entre l'exequatur et l'exécution proprement dite. 
Enfin, dans ses recours au Tribunal fédéral, le poursuivant se limite à affirmer que, puisque les défendeurs ont signé le contrat de prêt alors qu'ils étaient mariés, ils en sont solidairement responsables, mais il ne démontre que tel serait le cas ni selon le jugement portugais, ni selon le droit matériel portugais relatif à un prêt accordé à des époux. Le recourant paraît d'ailleurs confondre mainlevée définitive et mainlevée provisoire lorsqu'il invoque tour à tour le jugement portugais du 5 janvier 2015 et le contrat de prêt du 17 février 2014 pour conclure que les conditions de l'art. 82 LP sont remplies, alors même que sa requête tend à obtenir la mainlevée définitive. 
 
5.3. Il s'ensuit que l'exequatur doit être refusé par substitution de motifs et partant que la mainlevée définitive doit être rejetée.  
 
6.  
Les recours en matière civile doivent donc être rejetés dans la faible mesure où ils sont recevables. Les frais judiciaires seront mis à la charge du recourant (art. 66 al. 1 LTF). Les intimés n'ayant pas été invités à répondre au recours, il ne sera pas alloué de dépens. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Les causes 4A_638/2023 et 4A_640/2023 sont jointes. 
 
2.  
Les recours constitutionnels subsidiaires sont irrecevables. 
 
3.  
Les recours en matière civile sont rejetés dans la mesure où ils sont recevables. 
 
4.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
5.  
Il n'est pas alloué de dépens. 
 
6.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel. 
 
 
Lausanne, le 24 avril 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
La Greffière : Raetz