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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_744/2021  
 
 
Arrêt du 14 juillet 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaixet Weber, Juge suppléant. 
Greffière : Mme Tornay Schaller. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Lionel Zeiter, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Secrétariat d'Etat aux migrations, 
Quellenweg 6, 3003 Berne. 
 
Objet 
Annulation de la naturalisation facilitée, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour VI du Tribunal administratif fédéral, du 30 octobre 2021 (F-1292/2020). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________, ressortissante marocaine née en 1980, a obtenu, en juillet 2006, du Service de la population du canton de Vaud (SPOP) une autorisation de séjour temporaire pour études échéant le 31 octobre 2006, après s'être inscrite auprès de la Haute école d'ingénieurs et de gestion du canton de Vaud (HEIG-VD). Cette autorisation de séjour a été prolongée jusqu'au 31 octobre 2008. Par courrier du 7 avril 2008, l'HEIG-VD a informé le SPOP que l'intéressée avait abandonné ses études dès le 18 mars 2008. Par décision du 8 juillet 2009, le SPOP a refusé à l'intéressée toute prolongation de séjour. Par arrêt du 23 décembre 2009, le Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté le recours formé contre cette décision. 
Le 22 mars 2010, A.________ a contracté mariage avec B.________, ressortissant suisse né en 1965. 
 
B.  
Le 15 octobre 2014, A.________ a introduit une demande de naturalisation facilitée. Dans le cadre de cette demande, elle a certifié, le 30 juillet 2015, vivre à la même adresse que son époux, non séparée, sous la forme d'une communauté conjugale effective et stable, et n'avoir aucune intention de se séparer ou de divorcer. 
 
Par décision du 19 août 2015, entrée en force le 20 septembre 2015, l'intéressée a été mise au bénéfice d'une naturalisation facilitée. 
 
C.  
Le 15 février 2016, A.________ s'est officiellement séparée de son époux. 
 
En mai 2016, les époux ont contacté une médiatrice familiale pour qu'elle leur prépare leur procédure de divorce. 
 
Le 6 janvier 2017, l'intéressée a introduit une requête commune de divorce qui a abouti le 12 juin 2017. 
 
Le 26 septembre 2017, elle s'est remariée au Liban avec un ressortissant de ce pays avec lequel elle a eu un enfant né en 2018. 
Après avoir donné l'occasion à A.________ ainsi qu'à son ex-époux de se déterminer sur les circonstances de leur mariage et de leur divorce, le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) a, par décision du 31 janvier 2020, prononcé l'annulation de la naturalisation facilitée accordée à la prénommée et à son fils. 
 
D.  
Par arrêt du 30 octobre 2021, le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours déposé par A.________ contre cette décision. 
 
E.  
A.________ forme un recours en matière de droit public et demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 30 octobre 2021 et de dire que sa naturalisation facilitée n'est pas annulée. 
 
Invité à se déterminer, le Tribunal administratif fédéral a renoncé à prendre position tandis que le SEM a observé que le recours ne contenait aucun élément prouvant une violation du droit fédéral ou l'établissement inexact des faits. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Dirigé contre la décision du Tribunal administratif fédéral qui confirme l'annulation de la naturalisation facilitée accordée à la recourante, le recours est recevable comme recours en matière de droit public (art. 82 let. a et 86 al. 1 let. a LTF). Le motif d'exclusion de l'art. 83 let. b LTF n'entre pas en ligne de compte, dès lors qu'il s'agit en l'espèce de la naturalisation facilitée et non pas de la naturalisation ordinaire. Pour le surplus, la recourante a la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF et les conditions formelles de recevabilité sont remplies, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
L'entrée en vigueur, au 1er janvier 2018, de la nouvelle loi sur la nationalité suisse du 20 juin 2014 (LN; RS 141.0) a entraîné l'abrogation de la loi fédérale du 29 septembre 1952 sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse (aLN; RO 1952 1115), conformément à l'art. 49 LN (en relation avec le chiffre 1 de son annexe). En vertu de la réglementation transitoire prévue par l'art. 50 LN, l'acquisition et la perte de la nationalité suisse sont régies par le droit en vigueur au moment où le fait déterminant s'est produit. Dans la présente cause, la nationalité a été accordée au recourant selon les règles de l'ancien droit. Les faits déterminants se sont produits avant l'entrée en vigueur du nouveau droit, de sorte que l'aLN s'applique. 
 
3.  
La recourante se plaint d'abord d'une constatation manifestement inexacte des faits. 
 
3.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), hormis dans les cas visés à l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (ATF 145 V 188 consid. 2). Le recourant doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (cf. art. 106 al. 2 LTF). Les faits et les critiques invoqués de manière appellatoire sont irrecevables (ATF 145 I 26 consid. 1.3).  
 
3.2. En l'occurrence, la recourante reproche au Tribunal administratif fédéral d'avoir retenu que son activité professionnelle auprès de C.________ avait commencé en 2012 au lieu de septembre 2015. Cet élément n'a toutefois aucune incidence sur l'issue du litige puisqu'il ne permet pas d'établir la survenance d'un événement extraordinaire susceptible d'expliquer une dégradation aussi rapide du lien conjugal (voir infra consid. 4.4).  
 
Le grief d'établissement arbitraire des faits doit être écarté. 
 
4.  
La recourante conteste avoir obtenu la naturalisation par des déclarations mensongères et estime que les juges précédents ont violé le droit fédéral en retenant qu'elle n'était pas parvenue à rendre vraisemblable la survenance d'un événement extraordinaire (postérieur à sa naturalisation) de nature à entraîner une rupture rapide du lien conjugal. 
 
4.1. Conformément à l'art. 41 al. 1 aLN, le SEM peut, avec l'assentiment de l'autorité du canton d'origine, annuler la naturalisation facilitée obtenue par des déclarations mensongères ou par la dissimulation de faits essentiels.  
 
Pour qu'une naturalisation facilitée soit annulée, il ne suffit pas qu'elle ait été accordée alors que l'une ou l'autre de ses conditions n'était pas remplie; il faut qu'elle ait été acquise grâce à un comportement déloyal et trompeur. S'il n'est point besoin que ce comportement soit constitutif d'une escroquerie au sens du droit pénal, il est nécessaire que l'intéressé ait donné sciemment de fausses informations à l'autorité ou qu'il l'ait délibérément laissée dans l'erreur sur des faits qu'il savait essentiels (ATF 140 II 65 consid. 2.2). Tel est notamment le cas si le requérant déclare vivre en communauté stable avec son conjoint alors qu'il envisage de se séparer une fois obtenue la naturalisation facilitée; peu importe que son mariage se soit ou non déroulé jusqu'ici de manière harmonieuse (arrêts 1C_272/2009 du 8 septembre 2009 consid. 3.1, in SJ 2010 p. 69; 1C_658/2019 du 28 février 2020 consid. 3.1.1). 
 
La nature potestative de l'art. 41 al. 1 aLN confère une certaine liberté d'appréciation à l'autorité compétente, qui doit toutefois s'abstenir de tout abus dans l'exercice de celle-ci. Commet un abus de son pouvoir d'appréciation l'autorité qui se fonde sur des critères inappropriés, ne tient pas compte de circonstances pertinentes ou rend une décision arbitraire, contraire au but de la loi ou au principe de la proportionnalité (ATF 129 III 400 consid. 3.1). 
 
D'après la jurisprudence, la notion de communauté conjugale suppose non seulement l'existence formelle d'un mariage, mais encore une véritable communauté de vie des conjoints; tel est le cas s'il existe une volonté commune et intacte de ceux-ci de maintenir une union conjugale stable; une séparation survenue peu après l'octroi de la naturalisation constitue un indice de l'absence de cette volonté lors de l'obtention de la citoyenneté suisse (ATF 135 II 161 consid. 2; 128 II 97 consid. 3a). 
 
4.2. La procédure administrative fédérale est régie par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 40 de la loi fédérale de procédure civile fédérale du 4 décembre 1947 [PCF; RS 273], applicable par renvoi de l'art. 19 PA [RS 172.021]). Ce principe vaut également devant le Tribunal administratif fédéral (art. 37 LTAF [RS 173.32]). L'administration supporte le fardeau de la preuve lorsque la décision intervient, comme en l'espèce, au détriment de l'administré. Cela étant, la jurisprudence admet, dans certaines circonstances, que l'autorité puisse se fonder sur une présomption. C'est notamment le cas pour établir que le conjoint naturalisé a menti lorsqu'il a déclaré former une union stable, dans la mesure où il s'agit d'un fait psychique lié à des éléments relevant de la sphère intime, souvent inconnus de l'administration et difficiles à prouver (ATF 135 II 161 consid. 3; 130 II 482 consid. 3.2). Partant, si l'enchaînement rapide des événements entre la déclaration de vie commune et la séparation des époux fonde la présomption de fait que la naturalisation a été obtenue frauduleusement, il incombe alors à l'administré de renverser cette présomption en raison, non seulement de son devoir de collaborer à l'établissement des faits (art. 13 al. 1 let. a PA; cf ATF 135 II 161 consid. 3; 132 II 113 consid. 3.2), mais encore de son propre intérêt (ATF 130 II 482 consid. 3.2). Le fait de taxer de plus ou moins rapide un enchaînement de circonstances pertinentes pour l'issue d'un litige relève du pouvoir d'appréciation du juge, opération dans le cadre de laquelle le Tribunal fédéral n'intervient qu'en cas d'excès de ce pouvoir (arrêts 1C_142/2019 du 27 juin 2019 consid. 4.2; 1C_172/2012 du 11 mai 2012 consid. 2.3).  
 
S'agissant d'une présomption de fait, qui ressortit à l'appréciation des preuves et ne modifie pas le fardeau de la preuve (cf. ATF 135 II 161 consid. 3), l'administré n'a pas besoin, pour la renverser, de rapporter la preuve contraire du fait présumé, à savoir faire acquérir à l'autorité la certitude qu'il n'a pas menti; il suffit qu'il parvienne à faire admettre l'existence d'une possibilité raisonnable qu'il n'ait pas menti en déclarant former une communauté stable avec son conjoint. Il peut le faire en rendant vraisemblable, soit la survenance d'un événement extraordinaire susceptible d'expliquer une détérioration rapide du lien conjugal, soit l'absence de conscience de la gravité de ses problèmes de couple et, ainsi, l'existence d'une véritable volonté de maintenir une union stable avec son conjoint lorsqu'il a signé la déclaration (ATF 135 II 161 consid. 3 et les arrêts cités). 
 
4.3. En l'espèce, le Tribunal administratif fédéral a considéré que le court laps de temps séparant la signature de la déclaration commune (30 juillet 2015), l'octroi de la naturalisation facilitée (19 août 2015) et la séparation officielle des époux (15 février 2016) était de nature à fonder la présomption de fait selon laquelle, au moment de la signature de la déclaration commune, la communauté conjugale des époux n'était plus stable et orientée vers l'avenir au sens de l'art. 27 aLN.  
 
La recourante ne discute pas cette présomption de fait. Les éléments précités sont d'ailleurs propres à fonder la présomption que la naturalisation a été obtenue frauduleusement, la séparation des époux étant intervenue six mois seulement après l'octroi de la naturalisation facilitée (cf. notamment arrêt 1C_82/2018 du 31 mai 2018 consid. 4.3 et les arrêts cités). 
Conformément à la jurisprudence précitée, il s'agit donc uniquement de déterminer si l'intéressée est parvenue à renverser cette présomption en rendant vraisemblable, soit la survenance d'un événement extraordinaire susceptible d'expliquer une dégradation aussi rapide du lien conjugal, soit l'absence de conscience de la gravité des problèmes de couple au moment de la signature de la déclaration commune. 
 
4.4. Pour expliquer une soudaine dégradation du lien conjugal six mois seulement après l'octroi de la naturalisation, la recourante se borne à affirmer, de manière appellatoire, que l'abandon du projet d'avoir des enfants serait un événement extraordinaire ayant conduit au divorce. Elle fait valoir qu'en septembre 2015 lorsqu'elle a obtenu la naturalisation, elle venait de trouver un emploi qui permettrait de garantir la sécurité financière du ménage et d'avoir un enfant. Elle affirme qu'elle ne pouvait alors se douter de ce qui arriverait. Elle soutient qu'à la fin de l'année 2015, son ex-époux, qui souffrait de la maladie de Charcot-Marie-Tooth depuis de nombreuses années, avait vu la dégradation de l'état de santé de son propre père, atteint de la même maladie, et que c'était cet événement qui l'aurait conduit à refuser le projet d'avoir de nouveaux enfants, ne voulant pas prendre le risque de leur transmettre la maladie. Elle explique que le couple s'est séparé au début de l'année 2016 à la suite d'une dispute survenue peu avant Noël 2015. Elle fait valoir que jusqu'en décembre 2015 le couple était stable et qu'il n'y avait pas de tensions sur un élément majeur et fondateur du couple.  
Se fondant sur les déclarations de l'ex-époux, le Tribunal administratif fédéral a considéré au contraire que l'abandon du projet d'avoir un enfant ne saurait expliquer à lui seul la rupture du couple. La recourante reproche à l'instance précédente d'avoir interprété les déclarations de l'ex-mari de manière abusive. Ses brèves assertions se limitent cependant à opposer sa propre version des faits à celle retenue par l'instance précédente. Elles ne permettent pas de renverser la présomption établie. En effet, dans son témoignage du 5 janvier 2021, l'ex-mari a expliqué que son couple s'était séparé "à cause des discussions et des disputes permanentes qui prenaient des dimensions plus importantes au fur et à mesure". Dans sa déclaration du 20 février 2019, il a relevé qu'il avait "à [sa] charge tous les frais, ce qui a causé quelques tensions au sein du couple". Dans son témoignage du 28 décembre 2020, il a affirmé d'une part regretter de ne pas avoir eu d'enfant avec la recourante et d'autre part ne pas le regretter car leur situation financière ne le permettait pas et que son âge et la progression de la maladie l'empêchaient d'avoir "une vie comme avant". Quoi qu'en dise la recourante, l'instance précédente pouvait déduire de ces différents témoignages que l'abandon du projet d'avoir un enfant n'était pas le seul élément ayant conduit à la séparation du couple. L'âge, comme la maladie de l'ex-époux étaient connus de la recourante au moment du mariage et même si on pouvait admettre que la recourante et son ex-conjoint croyaient à la possibilité d'une descendance commune au début de leur relation, il ressort de leurs déclarations que ce thème était devenu récurrent au sein du couple depuis plusieurs années et qu'ainsi la recourante devait être consciente depuis un certain temps que son voeu d'enfant ne pourrait être réalisé avec son ex-conjoint. S'ajoute à cela que cette appréciation se voit confirmée d'une part par la rapidité avec laquelle la recourante s'est séparée de son mari après avoir obtenu sa naturalisation et d'autre part par le fait que l'appel à la médiatrice familiale en mai 2016 avait pour seul but le divorce. 
 
La recourante soutient encore que les problèmes de santé de l'ex-époux n'auraient pas eu d'influence négative sur le couple avant 2015, la maladie s'étant développée de 2015 à 2020 et pas avant. Cet élément ne permet cependant pas d'établir qu'en juillet 2015, au moment de la signature de la déclaration commune, l'harmonie existait toujours au sein du couple au point d'envisager la continuation de leur vie maritale pour une période durable. 
 
4.5. En définitive, les éléments avancés par la recourante ne suffisent pas à renverser la présomption établie. Par conséquent, les conditions d'application de l'art. 41 aLN sont réunies et le Tribunal administratif fédéral n'a pas violé le droit fédéral en confirmant l'annulation de la naturalisation facilitée qui avait été octroyée à la recourante.  
 
5.  
Il s'ensuit que le recours est rejeté. 
 
La recourante qui succombe supporte les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 francs, sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Secrétariat d'Etat aux migrations et à la Cour VI du Tribunal administratif fédéral. 
 
 
Lausanne, le 14 juillet 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Tornay Schaller