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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_248/2022  
 
 
Arrêt du 26 octobre  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, 
Muschietti et van de Graaf. 
Greffière : Mme Thalmann. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Cyrielle Friedrich, avocate, 
recourante, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
intimé. 
 
Objet 
Frais; indemnisation, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 27 décembre 2021 (P/18969/2020 AARP/408/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Selon l'ordonnance pénale rendue le 28 avril 2020 par le Service des contraventions (SDC), il est reproché à A.________ d'avoir le 15 avril 2020, à route d'U.________ xxx, en qualité de responsable, ouvert un chantier ou l'avoir poursuivi sans avoir adressé l'avis ad hocet l'attestation du respect des prescriptions relatives à la prévention du Covid-19.  
 
A.b. Par jugement du 7 juillet 2021, le Tribunal de police de la République et canton de Genève a reconnu A.________ coupable d'infraction aux art. 4 et 10 de l'arrêté n°2 d'application de l'ordonnance fédérale 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (ordonnance 2 Covid-19) et sur les mesures de protection de la population et de soutien aux entreprises face à la propagation du coronavirus du 25 mars 2020 (AAOF2). Il l'a exemptée de toute peine, a rejeté ses conclusions en indemnisation et l'a condamnée aux frais de la procédure, fixés à 1'232 fr., comprenant un émolument de jugement de 300 fr. et un émolument complémentaire de 600 francs.  
 
B.  
Par arrêt du 27 décembre 2021, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise a acquitté A.________, l'a condamnée aux frais de la procédure de première instance, a rejeté ses conclusions en indemnisation pour la procédure préliminaire et de première instance, a laissé les frais de la procédure d'appel à la charge de l'État et lui a alloué une indemnité de 4'476 fr. 10 à titre de participation à ses frais d'avocat pour la procédure d'appel. 
Les faits suivants ressortent du dossier: 
 
B.a. A.________ est la directrice de l'association " B.________ " qui a notamment pour but de trouver les terrains, le financement et les autorisations pour construire des logements relais et des logements d'urgence temporaires pour des personnes en difficulté et désirant se relever d'une situation de transition.  
 
B.b. L'un des projets menés par l'association a consisté en la mise en place de " tiny houses " sur un terrain appartenant à la commune de V.________.  
 
 
B.c. Le 25 mars 2020, le Conseil d'État a publié un arrêté (AAOF2) prévoyant diverses mesures à l'attention de l'ensemble de la population (art. 2), ou plus spécifiques (art. 3, visant les entreprises; art. 4, les chantiers; art. 6, les guichets des administrations cantonales et communales).  
L'art. 4 al. 2 AAOF2 prévoyait notamment qu'aucun chantier ne pouvait être poursuivi avant d'avoir adressé au Service de l'inspection de la construction et des chantiers l'avis de poursuite de chantier et l'attestation du respect des prescriptions émises par le Secrétariat d'État à l'économie (SECO) relatives à la prévention du COVID-19 en matière de chantiers. 
 
B.d. Le 15 avril 2020, à la suite d'une dénonciation, les agents de la brigade de la sécurité publique sont intervenus sur le terrain de V.________ susmentionné. Ces derniers ont constaté la présence de quatre ouvriers, d'une personne administrative et d'A.________, enceinte, qui s'était présentée comme la responsable de l'association " B.________ " et la commanditaire et responsable du chantier pour le compte de celle-ci. Les ouvriers travaillaient sans aucun respect des distances et venaient même à se toucher pour certaines opérations. Les personnes présentes ne portaient ni masques ni gants, malgré la proximité. A.________ avait admis n'avoir effectué aucune démarche en vue de l'envoi au Service de l'inspection de la construction et des chantiers, de l'avis d'ouverture ou de poursuite du chantier et de l'attestation du respect des prescriptions émises par le SECO relatives à la prévention du Covid-19.  
 
C.  
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 27 décembre 2021. Elle conclut, sous suite de frais et dépens, principalement à la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens que les frais de la procédure de première instance sont laissés à la charge de la République et canton de Genève et qu'une indemnité, par 6'297 fr. (débours de 5 % compris et trois recommandés), lui est allouée pour le dommage économique causé par la procédure préliminaire. 
Invités à se déterminer, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice de la République et canton de Genève a fait savoir qu'elle n'avait pas d'observations à formuler, tandis que le ministère public a conclu au rejet du recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
La recourante invoque une violation de la présomption d'innocence (art. 6 § 2 CEDH), du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), ainsi que des art. 423 al. 1, 426 al. 2, 429 al. 1 let. a et 430 al. 1 let. a CPP. Selon elle, la cour cantonale aurait violé sa présomption d'innocence en la condamnant au paiement des frais judiciaires de la procédure de première instance, ainsi qu'en lui refusant le versement d'une indemnité à titre de dépens. 
 
1.1. Le sort des frais de procédure à l'issue de celle-ci est régi par les art. 422 ss CPP. En principe, ils sont mis à la charge de la Confédération ou du canton qui a conduit la procédure, les dispositions contraires du CPP étant réservées (art. 423 al. 1 CPP). Selon l'art. 426 al. 1 CPP, le prévenu supporte toutefois les frais de procédure s'il est condamné. L'art. 426 al. 2 CPP prévoit que, lorsque la procédure fait l'objet d'une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s'il a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci.  
La condamnation d'un prévenu acquitté à supporter tout ou partie des frais doit respecter la présomption d'innocence, consacrée par les art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH. Celle-ci interdit de rendre une décision défavorable au prévenu libéré en laissant entendre que ce dernier serait néanmoins coupable des infractions qui lui étaient reprochées. Une condamnation aux frais n'est ainsi admissible que si le prévenu a provoqué l'ouverture de la procédure pénale dirigée contre lui ou s'il en a entravé le cours. A cet égard, seul un comportement fautif et contraire à une règle juridique, qui soit en relation de causalité avec les frais imputés, entre en ligne de compte (ATF 144 IV 202 consid. 2.2; 119 Ia 332 consid. 1b; 116 Ia 162 consid. 2c; cf. encore récemment: arrêt 6B_1231/2021 du 4 janvier 2022 consid. 2.1). Pour déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l'imputation des frais, le juge peut prendre en considération toute norme de comportement écrite ou non écrite résultant de l'ordre juridique suisse pris dans son ensemble, dans le sens d'une application par analogie des principes découlant de l'art. 41 CO. Le fait reproché doit constituer une violation claire de la norme de comportement. Une condamnation aux frais ne peut se justifier que si, en raison du comportement illicite du prévenu, l'autorité était légitimement en droit d'ouvrir une enquête. Elle est en tout cas exclue lorsque l'autorité est intervenue par excès de zèle, ensuite d'une mauvaise analyse de la situation ou par précipitation. La mise des frais à la charge du prévenu en cas d'acquittement ou de classement de la procédure doit en effet rester l'exception (ATF 144 IV 202 consid. 2.2 et les arrêts cités). Le juge ne peut fonder sa décision que sur des faits incontestés ou déjà clairement établis (ATF 112 Ia 371 consid. 2a; arrêts 6B_1003/2021 du 8 septembre 2022 consid. 1.1; 6B_1090/2020 du 1er avril 2021 consid. 2.1.1). 
Selon la jurisprudence, un comportement immoral ou contraire au principe de la bonne foi au sens de l'art. 2 CC ne peut en principe suffire pour justifier l'intervention des autorités répressives et, partant, entraîner l'imputation des frais au prévenu acquitté (cf. arrêts 6B_287/2021 du 11 novembre 2021 consid. 1.2.2; 6B_665/2020 du 22 septembre 2021 consid. 2.2.2 et 4; 6B_666/2019 du 4 septembre 2019 consid. 2.1; 6B_1011/2018 du 11 décembre 2018 consid. 1.2). 
L'art. 426 al. 2 CPP définit une " Kannvorschrift ", en ce sens que le juge n'a pas l'obligation de faire supporter tout ou partie des frais au prévenu libéré des fins de la poursuite pénale, même si les conditions d'une imputation sont réalisées. L'autorité dispose à cet égard d'un large pouvoir d'appréciation que le Tribunal fédéral ne contrôle qu'avec une certaine retenue, en n'intervenant que si l'autorité précédente en abuse (arrêts 6B_1003/2021 précité consid. 1.2; 6B_1319/2019 du 18 août 2020 consid. 2.1 [non publié aux ATF 146 IV 249]; 6B_956/2019 du 19 novembre 2019 consid. 1.1 et les arrêts cités). 
 
1.2. Selon l'art. 429 al. 1 let. a CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure. L'art. 430 al. 1 let. a CPP permet à l'autorité pénale de réduire ou refuser l'indemnité prévue par l'art. 429 CPP, lorsque le prévenu a provoqué illicitement et fautivement l'ouverture de la procédure ou a rendu plus difficile la conduite de celle-ci. L'art. 430 al. 1 let. a CPP est le pendant de l'art. 426 al. 2 CPP en matière de frais, la jurisprudence y relative étant applicable par analogie (arrêts 6B_67/2019 du 16 décembre 2020 consid. 9.2; 6B_1146/2016 du 14 juillet 2017 consid. 1.3 et l'arrêt cité). La question de l'indemnisation (art. 429 à 434 CPP) doit être traitée après celle des frais (ATF 145 IV 268 consid. 1.2; arrêt 6B_565/2019 du 12 juin 2019 consid. 5.1). Dans cette mesure, la décision sur les frais préjuge de la question de l'indemnisation (ATF 145 IV 268 consid. 1.2; 144 IV 207 consid 1.8.2; 137 IV 352 consid. 2.4.2; arrêts 6B_956/2019 précité consid. 1.1; 6B_666/2019 précité consid. 1).  
Si le prévenu supporte les frais en application de l'art. 426 al. 1 ou 2 CPP, une indemnité est en règle générale exclue. En revanche, si l'État supporte les frais de la procédure pénale, le prévenu dispose d'un droit à une indemnité pour ses frais de défense et son dommage économique ou à la réparation de son tort moral selon l'art. 429 CPP. Dans ce cas, il ne peut être dérogé au principe du droit à l'indemnisation qu'à titre exceptionnel (ATF 137 IV 352 consid. 2.4.2; arrêts 6B_1003/2021 précité consid. 1.2; 6B_67/2019 précité consid. 9.1; 6B_556/2017 du 15 mars 2018 consid. 2.5). 
 
1.3. La cour cantonale a retenu que la recourante avait certes été acquittée de l'infraction de l'art. 4 AAOF2 dont elle était accusée. Il n'en demeurait pas moins que son comportement contrevenait à l'art. 6 al. 1 de l'ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le Covid-19 (ci-après: ordonnance 2 Covid-19), lequel interdisait toute activité associative. L'autorité n'était donc pas intervenue par excès de zèle, ensuite d'une mauvaise analyse de la situation ou par précipitation. La recourante ne saurait par ailleurs se prévaloir d'une erreur sur l'illicéité de son comportement (art. 21 CP), dans la mesure où elle ne s'était enquise, auprès d'une femme de loi, du caractère autorisé ou non de son activité qu'après l'intervention de la police. Ainsi, en dépit de son acquittement, elle devait être considérée comme responsable de l'ouverture de la procédure ouverte à son encontre, à tout le moins en ce qui concernait la procédure de première instance. Il s'ensuivait que les frais de première instance, y compris l'émolument complémentaire de jugement, devaient être mis à la charge de la recourante et que celle-ci ne pouvait prétendre à aucune indemnisation pour la procédure préliminaire et de première instance.  
 
1.4. En l'espèce, tout en considérant que la recourante devait être acquittée de l'infraction réprimée par l'art. 4 AAOF2 dont elle était accusée, la cour cantonale a retenu qu'il se justifiait de mettre les frais de la procédure de première instance à sa charge, sous prétexte que la recourante avait, par son comportement, enfreint l'art. 6 al. 1 de l'ordonnance 2 Covid-19. Cette disposition, en vigueur au moment des faits, prévoyait que toutes les manifestations publiques ou privées, y compris les manifestations sportives et les activités associatives, étaient interdites. Or, la recourante conteste avoir commis cette infraction et estime que la cour cantonale ne pouvait, sans violer sa présomption d'innocence, la condamner au paiement des frais sur la base d'une infraction qui ne faisait pas l'objet de la procédure pénale ouverte à son encontre. En la condamnant au paiement des frais de la procédure de première instance, la cour cantonale l'aurait reconnue coupable, à tout le moins implicitement, d'une violation de l'art. 6 al. 1 de l'ordonnance 2 Covid-19. Or, c'est devant le Tribunal fédéral qu'elle aurait eu, pour la première fois, la possibilité de contester cette infraction. Elle reproche ainsi à la cour cantonale d'avoir violé ses droits de la défense, ainsi que le principe de la présomption d'innocence.  
En l'occurrence, il convient de concéder à la recourante que la motivation adoptée par la cour cantonale pour justifier l'imputation à sa charge des frais de procédure de première instance, malgré son acquittement en appel de l'infraction qui lui était reprochée par les autorités pénales, consacre une violation de sa présomption d'innocence. En effet, on peut admettre, avec la recourante, que la formulation adoptée par la cour cantonale laisse clairement entendre qu'elle se serait rendue coupable de l'infraction réprimée à l'art. 6 al. 1 de l'ordonnance 2 Covid-19. Par ailleurs, les faits relatifs à cette infraction, qui a été mentionnée pour la première fois par la cour cantonale, sont contestés par la recourante qui nie avoir déployé une activité associative au sens de cette disposition. Il n'apparaît ainsi pas que l'arrêt de la cour cantonale, qui condamne la recourante aux frais judiciaires de première instance, repose sur des faits incontestés ou clairement établis, comme préconisé par la jurisprudence (cf. supra consid. 1.1). Pour le surplus, il ne ressort pas non plus de l'arrêt attaqué que la recourante aurait, par un autre comportement illicite ou fautif au sens du droit civil, provoqué l'ouverture de la procédure pénale dirigée contre elle ou en aurait entravé le cours au sens de l'art. 426 al. 2 CPP.  
Dans ces circonstances, c'est à tort que la cour cantonale a mis les frais de la procédure de première instance à la charge de la recourante en se fondant sur l'art. 426 al. 2 CPP et qu'elle a refusé de lui allouer une indemnité à titre de dépens au sens de l'art. 430 al. 1 let. a CPP. Il s'ensuit que le grief soulevé par la recourante s'avère fondé, de sorte que le recours doit être admis sur ces points. 
 
 
2.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision au sens des considérants. La recourante, qui obtient gain de cause, ne supporte pas de frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Elle peut prétendre à de pleins dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral, à la charge du canton de Genève. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Le canton de Genève versera à la recourante une indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision. 
 
 
Lausanne, le 26 octobre 2022 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
La Greffière : Thalmann