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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
7B_376/2024  
 
 
Arrêt du 29 mai 2024  
 
IIe Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Abrecht, Président, 
Hurni et Kölz. 
Greffier : M. Tinguely. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Kathrin Gruber, avocate, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de l' É tat de Fribourg, case postale 1638, 1701 Fribourg, 
 
Service de l'exécution des sanctions pénales et de la probation du canton de Fribourg, route d'Englisberg 3, 1763 Granges-Paccot. 
 
Objet 
Libération conditionnelle de l'internement; assistance judiciaire, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, I e Cour administrative, du 20 février 2024 (601 2023 56 + 601 2023 57). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Par arrêt du 2 octobre 2015, la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg a condamné A.________, né en 1944, pour diffamation, injures, menaces, contrainte, tentative d'instigation à lésions corporelles graves et délit contre la législation sur les armes à une peine privative de liberté de trois ans et demi ainsi qu'à une mesure d'internement.  
 
A.b. Par arrêt 6B_1187/2015 du 12 septembre 2016, le Tribunal fédéral a rejeté, dans la mesure de leur recevabilité, les recours que A.________ et le Ministère public fribourgeois avaient formés contre l'arrêt du 2 octobre 2015.  
 
B.  
 
B.a. Par décision du 29 mars 2023, le Service de l'exécution des sanctions pénales et de la probation du canton de Fribourg (SESPP) a refusé la libération conditionnelle de l'internement de A.________ et a renoncé à demander au juge compétent un changement de sanction.  
 
B.b. A.________ a interjeté recours contre cette décision, en concluant à sa libération conditionnelle immédiate ainsi qu'à la levée de l'internement.  
Par arrêt du 20 février 2024, la I e Cour administrative du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg a rejeté le recours, a mis les frais de justice à la charge de A.________ et a rejeté sa requête d'assistance judiciaire. 
Elle s'est en substance fondée sur les éléments suivants: 
 
- le rapport d'expertise psychiatrique des Drs B.________ et C.________, médecins à l'Unité de psychiatrie légale du Centre universitaire romand de médecine légale (CURML), du 27 octobre 2020; 
- le rapport et préavis défavorable de la Direction des Établissements de la plaine de l'Orbe (EPO) du 13 janvier 2023; 
- le rapport thérapeutique du Service médical des EPO du 19 janvier 2023; 
- le préavis négatif de la Commission consultative de libération conditionnelle et d'examen de la dangerosité (CLCED) du 31 janvier 2023; 
- le rapport (point de situation) de l'Unité d'évaluation criminologique du Service pénitentiaire du canton de Vaud du 13 février 2023. 
 
C.  
A.________ interjette un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 20 février 2024. Il conclut à sa réforme en ce sens principalement que la mesure d'internement soit levée en vertu de l'art. 56 al. 6 CP, subsidiairement que sa libération conditionnelle soit admise à la condition de suivre un traitement ambulatoire, plus subsidiairement que le dossier soit transmis au Tribunal de l'arrondissement de la Sarine pour qu'il statue sur la transformation de la mesure d'internement en mesure thérapeutique institutionnelle au sens de l'art. 59 CP; il conclut également à la réforme de l'arrêt du 20 février 2024 en ce sens qu'il soit mis au bénéfice de l'assistance judiciaire. A.________ demande par ailleurs qu'il soit constaté que la détention dans un établissement pénitentiaire constitue pour lui un traitement inhumain. Il requiert enfin l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale. 
Invitée à se déterminer sur le recours, la cour cantonale conclut à son rejet. Le Ministère public ne présente pas d'observations. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Selon l'art. 78 al. 2 let. b LTF, sont notamment sujettes au recours en matière pénale les décisions sur l'exécution des peines et des mesures rendues par une autorité cantonale de dernière instance (art. 80 al. 1 LTF; arrêt 7B_502/2023 du 6 septembre 2023 consid. 1 et l'arrêt cité). Le recourant, qui s'oppose en particulier au refus de la levée de la mesure d'internement le visant, dispose d'un intérêt juridique à obtenir l'annulation ou la modification de la décision querellée (art. 81 al. 1 let. a et b LTF), laquelle met un terme au litige (art. 90 LTF). Pour le surplus, le recours a été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF). Il y a donc lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
Le recourant soutient que l'internement devrait être levé sur la base de l'art. 56 al. 6 CP, dès lors que les conditions de l'art. 64 CP pour son prononcé ne seraient plus remplies, et critique le refus de la cour cantonale de le libérer conditionnellement. 
 
2.1.  
 
2.1.1. À teneur de l'art. 64 al. 1, 1re phrase, CP, l'internement suppose notamment que l'auteur a commis un assassinat, un meurtre, une lésion corporelle grave, un viol, un brigandage, une prise d'otage, un incendie, une mise en danger de la vie d'autrui, ou une autre infraction passible d'une peine privative de liberté maximale de cinq ans au moins, par laquelle il a porté ou voulu porter gravement atteinte à l'intégrité physique, psychique ou sexuelle d'autrui et qu'en raison des caractéristiques de la personnalité de l'auteur, des circonstances dans lesquelles il a commis l'infraction et de son vécu, il est sérieusement à craindre qu'il commette d'autres infractions du même genre, ou qu'en raison d'un grave trouble mental chronique ou récurrent en relation avec l'infraction, il est sérieusement à craindre que l'auteur commette d'autres infractions du même genre et que la mesure prévue à l'art. 59 CP semble vouée à l'échec.  
 
2.1.2. Selon l'art. 56 al. 6 CP, une mesure dont les conditions ne sont plus remplies doit être levée. L'art. 64a CP, sous le titre marginal "Levée et libération", concrétise ce principe pour l'internement (ATF 135 IV 49 consid. 1.1.2.2; arrêts 7B_600/2023 du 12 février 2024 consid. 3.4.4; 6B_974/2021 du 11 octobre 2021 consid. 4.1). Sous réserve des cas particuliers où il peut être établi que les conditions préalables au prononcé de la mesure n'ont jamais existé, l'internement ne peut donc en principe être levé qu'aux conditions strictes de l'art. 64a CP (arrêts 6B_974/2021 du 11 octobre 2021 consid. 4.1; 6B_866/2017 du 11 octobre 2017 consid. 1.2; 6B_798/2014 du 20 mai 2015 consid. 2.1 non publié in ATF 141 IV 203).  
 
2.1.3. L'art. 64a al. 1 CP prévoit que l'auteur est libéré conditionnellement de l'internement au sens de l'art. 64 al. 1 CP dès qu'il est à prévoir qu'il se conduira correctement en liberté; le délai d'épreuve est de deux à cinq ans; une assistance de probation peut être ordonnée et des règles de conduite peuvent lui être imposées pour la durée de la mise à l'épreuve.  
 
2.1.4. La libération conditionnelle de l'internement au sens de 0l'art. 64a CP dépend d'un pronostic favorable. Elle ne pourra être ordonnée que s'il est hautement vraisemblable que l'intéressé se comportera correctement en liberté (ATF 142 IV 56 consid. 2.4; arrêt 7B_600/2023 précité consid. 3.4.4). La condition de la prévisibilité d'une conduite correcte en liberté doit être appréciée par rapport aux seules infractions énumérées à l'art. 64 al. 1 CP (ATF 136 IV 165 consid. 2.1.1; arrêt 7B_600/2023 précité consid. 3.4.4). Le pronostic doit être posé en tenant compte du comportement du condamné dans son ensemble et plus particulièrement de sa collaboration face aux traitements prescrits par les médecins, de la prise de conscience des actes à la base de sa condamnation, de ses aptitudes sociales et, notamment, de ses capacités à vivre en communauté et à résoudre des conflits potentiels. Il est difficile d'évaluer à sa juste valeur la dangerosité d'un détenu, dès lors que celui-ci évolue précisément dans un milieu conçu aux fins de le neutraliser (ATF 136 IV 165 consid. 2.1.2; arrêts 6B_901/2022 du 22 novembre 2022 consid. 4.1). En matière de pronostic, le principe in dubio pro reo ne s'applique pas (ATF 137 IV 201 consid. 1.2; arrêt 7B_600/2023 précité consid. 3.4.4).  
 
2.1.5. Selon l'art. 64b al. 1 let. a CP, l'autorité compétente examine, d'office ou sur demande, au mois une fois par an et pour la première fois après une période de deux ans, si l'auteur peut être libéré conditionnellement de l'internement et, si tel est le cas, quand il peut l'être (art. 64a al. 1 CP).  
 
2.2. En l'espèce, la cour cantonale a rappelé que le recourant souffrait d'un trouble délirant de la personnalité (CIM-10: F22.0) qui avait été diagnostiqué dans le cadre de l'expertise réalisée en octobre 2020. À cette occasion, les experts avaient évalué le risque de récidive comme étant faible à moyen, tout en précisant néanmoins que ce risque était dynamique et qu'il dépendait du milieu dans lequel le recourant évoluerait et de la façon dont son trouble psychique se développerait. Les experts avaient ainsi expressément souligné qu'en cas de libération conditionnelle, le risque de récidive serait alors plus important puisque l'intéressé ne bénéficierait d'aucun soin psychiatrique ni d'aucun encadrement.  
Cela étant, la cour cantonale a estimé, en référence aux préavis négatifs émis par l'ensemble des intervenants et autorités appelés à s'exprimer sur la question, que les éléments à prendre en considération pour émettre un pronostic quant au risque de récidive étaient restés pour l'essentiel identiques depuis le dernier examen effectué en juillet 2022. Or, dans ce cadre, il avait déjà été exclu de tenir pour hautement vraisemblable le fait que le recourant se comporterait correctement en liberté (cf., pour le détail du raisonnement adopté à cette occasion, arrêt 6B_901/2022 du 22 novembre 2022 consid. 4.3). En particulier, bien qu'il bénéficiait d'un suivi psychothérapeutique à un rythme bimensuel dont l'alliance thérapeutique était jugée bonne, le recourant considérait toujours qu'il avait été condamné à tort et qu'il ne présentait pas de dangerosité, s'opposant au diagnostic posé par les experts, qu'il trouvait inadapté à son histoire de vie, et refusant toute médication psychotrope. Aussi, si la Direction des EPO avait certes relevé que le recourant réalisait de bonnes prestations en détention, restant poli et respectueux, elle avait souligné que son comportement n'était pas pour autant exempt de tout reproche. En dépit du fait qu'il n'avait pas été l'objet de sanctions disciplinaires depuis plusieurs mois, il persistait ainsi à refuser de verser les indemnités auxquelles il avait été condamné et de rembourser les frais de justice (cf. arrêt attaqué, p. 8 s.). 
 
2.3. Invoquant une violation de l'art. 64b al. 2 CP, le recourant se plaint en premier lieu du refus de la cour cantonale d'ordonner une nouvelle expertise.  
 
2.3.1. Aux termes de l'art. 64b al. 2 CP, l'autorité prend la décision selon l'al. 1 en se fondant sur un rapport de la direction de l'établissement (let. a), une expertise indépendante au sens de l'art. 56 al. 4 CP (let. b), l'audition d'une commission au sens de l'art. 62d al. 2 CP (let. c) et l'audition de l'auteur (let. d).  
Selon la jurisprudence, le juge peut se fonder sur une expertise qui figure déjà au dossier si celle-ci est encore suffisamment actuelle. L'élément déterminant pour trancher cette question n'est pas le temps qui s'est écoulé depuis le moment où l'expertise a été établie, mais plutôt l'évolution qui s'est produite dans l'intervalle. Il est ainsi parfaitement concevable de se fonder sur une expertise relativement ancienne si la situation ne s'est pas modifiée entre-temps (ATF 134 IV 246 consid. 4.3; plus récemment arrêt 7B_175/2023 du 6 février 2024 consid. 2.2.5). Savoir si les circonstances se sont modifiées depuis la première expertise relève du fait (ATF 106 IV 236 consid. 2a). Déterminer si les circonstances nouvelles dûment constatées imposent de réitérer l'expertise est une question d'appréciation, soit de droit (ATF 105 IV 161 consid. 2; arrêt 7B_175/2023 précité consid. 2.2.5). 
 
2.3.2. Comme déjà relevé ci-avant, la cour cantonale a estimé que les circonstances n'avaient en l'occurrence guère évolué depuis le dernier examen, opéré en juillet 2022 (cf. arrêt attaqué, p. 9).  
Certes, ainsi que le souligne le recourant, la CLCED avait relevé, dans son préavis négatif du 31 janvier 2023, que sa situation avait connu "une légère amélioration"; de même, dans son point de situation du 13 février 2023, l'Unité d'évaluation criminologique du Service pénitentiaire vaudois avait pour sa part relevé une "légère diminution" des "niveaux de risque de récidive". Cette légère amélioration signalée était cependant, selon l'Unité d'évaluation criminologique, principalement à mettre en lien avec l'intégration du recourant au sein de l'atelier dans lequel il travaillait en détention - qui semblait davantage adapté à sa situation physique et personnelle (cf. point de situation du 13 février 2023) -, voire, d'une manière plus générale, avec son comportement en détention. 
Le recourant ne démontre en revanche pas que, dans le rapport en question, ou dans ceux présentés par d'autres intervenants, il serait fait mention d'éléments laissant suggérer qu'en dépit de la thérapie de soutien qu'il avait entreprise, il pourrait avoir désormais amorcé une prise de conscience suffisante quant à la gravité des faits pour lesquels il avait été condamné ou quant à l'existence du trouble délirant de la personnalité dont il était atteint. Il apparaît bien au contraire que l'intéressé persiste à s'opposer à toute prise de médication psychotrope, alors qu'une telle médication était pourtant prônée par les experts, ceux-ci ayant relevé qu'il fallait s'attendre à une évolution négative en l'absence de soins psychiatriques suffisants. En ces aspects, la situation se distingue de celle examinée dans l'arrêt 7B_175/2023 du 6 février 2024, dont le recourant se prévaut. 
Cela étant, le recourant ne fait état d'aucun élément permettant de se convaincre que la cour cantonale aurait versé dans l'arbitraire en niant l'existence d'une modification des circonstances déterminantes en vue du pronostic prévu par l'art. 64a al. 1 CP. En l'absence d'une telle modification, la cour cantonale n'a ainsi pas violé le droit fédéral en renonçant à ordonner une nouvelle expertise. 
 
2.4. Le recourant soutient en outre que la poursuite de l'internement serait disproportionnée, faisant valoir qu'il n'avait été condamné que pour tentative d'instigation à lésions corporelles graves, soit pour une infraction qui serait selon lui d'une gravité insuffisante au regard de celles visées par l'art. 64 al. 1 CP.  
Par une telle démarche, le recourant tente en réalité de revenir sur les éléments pris en considération au moment du prononcé de l'internement. Il est à cet égard renvoyé à l'arrêt 6B_1187/2015 du 12 septembre 2016, par lequel le Tribunal fédéral avait écarté ses griefs tirés d'une violation des art. 56 et 64 CP, l'internement ayant au demeurant été tenu pour justifier au regard des lésions corporelles graves que le recourant avait tenté d'instiguer à plusieurs reprises distinctes, du risque de réitération d'actes similaires évalué par l'expert comme moyen à élevé, de l'appréciation de ce dernier selon laquelle des mesures thérapeutiques institutionnelles semblaient vouées à l'échec et de l'absence de contre-indication quant à l'exécution d'une mesure d'internement (cf. arrêt 6B_1187/2015 précité consid. 5). 
Par surabondance, en tant que le recourant se prévaut de l'arrêt publié aux ATF 148 IV 398, il n'apparaît pas que la jurisprudence aurait posé des conditions nouvelles, et par hypothèse plus restrictives, qui excluraient désormais le prononcé de l'internement d'un auteur condamné pour tentative d'instigation à lésions corporelles graves. On observera en outre que l'arrêt en question porte sur le cas distinct d'un auteur condamné pour infraction au sens de l'art. 2 de l'ancienne loi fédérale interdisant les groupes "Al-Qaïda" et "État islamique" et les organisations apparentées (RS 122), soit d'une infraction, non expressément cataloguée à l'art. 64 al. 1 CP, qui se caractérisait par le fait qu'elle réprimait des actes abstraitement dangereux ou des actes préparatoires pour lesquels le seuil de la tentative d'infraction au sens de l'art. 22 al. 1 CP n'était donc même pas atteint (cf. ATF 148 IV 398 consid. 4.8.3.4 et les références citées). 
 
2.5. Le recourant soutient par ailleurs que la poursuite de l'internement violerait l'art. 5 par. 1 CEDH à plusieurs égards.  
 
2.5.1. Aux termes de l'art. 5 par. 1 CEDH, toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales, à savoir, notamment s'il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent (let. a) ou s'il s'agit de la détention régulière d'une personne susceptible de propager une maladie contagieuse, d'un aliéné, d'un alcoolique, d'un toxicomane ou d'un vagabond (let. e).  
Selon la jurisprudence de la CourEDH rendue en relation avec l'art. 5 par. 1 let. a CEDH, le mot "après" n'implique pas un simple ordre chronologique entre condamnation et détention; la seconde doit en outre résulter de la première, se produire "en vertu" de celle-ci (ATF 136 IV 156 consid. 3.3 p. 162 et les références citées). En bref, il doit exister entre elles un lien de causalité. Le lien entre la condamnation initiale et la prolongation de la privation de liberté se distend peu à peu avec l'écoulement du temps. Il pourrait finir par se rompre si une décision de ne pas libérer ou de réincarcérer se fondait sur des motifs étrangers aux objectifs du législateur ou du juge ou sur une appréciation déraisonnable au regard de ces objectifs (arrêts 6B_580/2021 du 22 septembre 2021 consid. 2.1.1; 6B_157/2019 du 11 mars 2019 consid. 3.1; 6B_823/2018 du 12 septembre 2018 consid. 3.1 et les références citées). 
L'invocation des moyens déduits du droit constitutionnel et conventionnel (art. 106 al. 2 LTF) suppose une argumentation claire, détaillée (ATF 143 IV 500 consid. 1.1) et circonstanciée (ATF 136 II 101 consid. 3), sous peine d'irrecevabilité. 
 
2.5.2. Dans l'arrêt 6B_974/2021 du 11 octobre 2021 concernant le recourant, le Tribunal fédéral avait constaté que son grief, tiré d'une rupture du lien de causalité entre sa condamnation et sa détention, était insuffisamment motivé au regard des exigences accrues de l'art. 106 al. 2 LTF, ce qui le rendait irrecevable. En particulier, le recourant s'était alors contenté d'affirmer que l'écoulement du temps avait rompu le lien de causalité, sans toutefois démontrer que sa détention actuelle ne serait plus fondée sur sa condamnation (cf. arrêt 6B_974/2021 précité consid. 3.2.3).  
 
2.5.3. Cela étant, le recourant persiste à faire valoir qu'il n'existerait plus de lien direct entre sa privation de liberté et sa condamnation pénale. À bien le suivre, ce serait son trouble délirant de la personnalité - et non sa condamnation en tant que telle - qui serait à l'origine du risque de récidive retenu par l'instance précédente et qui aurait donc justifié son maintien en détention. Or ce trouble, qui aurait été causé par sa détention, n'existait pas au moment de la commission des infractions.  
Si les experts de 2013 n'avaient certes pas constaté l'existence d'une pathologie psychiatrique, il n'en demeure pas moins que, par jugement du 2 octobre 2015, le recourant avait été condamné à une peine de privation de liberté de trois ans et demi ainsi qu'à une mesure d'internement, laquelle avait précisément été prononcée sur la base des conclusions de l'expertise de 2013 (cf. art. 56 al. 3 CP). Comme cela avait déjà été relevé dans l'arrêt 6B_974/2021, la privation de liberté repose donc bien sur une condamnation prononcée par un tribunal, de sorte qu'elle s'avère conforme aux exigences de l'art. 5 par. 1 let. a CEDH
On rappellera aussi, d'une part, que l'objectif visé par l'internement du recourant au moment de son prononcé en 2015 répondait à des préoccupations de protection de la sécurité publique et, d'autre part, que l'internement n'impliquait pas de durée maximale, une telle mesure pouvant se poursuivre aussi longtemps que l'objectif visé le requiert. Or, comme on l'a vu, le maintien de la mesure reste en l'état fondé sur la persistance d'un risque que le recourant commette des infractions du même genre que celles pour lesquelles il avait été condamné. Outre des traits de personnalité pathologiques du recourant et du délire de persécution dont il souffre - dont l'existence n'avait certes pas été établie lors du prononcé initial de l'internement -, la cour cantonale a également tenu compte, pour arriver à ce pronostic négatif, du fait que sa prise de conscience n'avait pas connu d'évolution significative, qu'il ne reconnaissait toujours pas les faits pour lesquels il avait été condamné, se présentant comme la victime d'un complot, ainsi que de sa volonté de retourner vivre dans le même environnement que celui qui prévalait avant les faits (cf. aussi arrêt 6B_974/2021 précité consid. 4.3-4.7). 
Il faut admettre dans ce contexte qu'il subsiste un lien de causalité entre la privation de liberté du recourant et sa condamnation, les motifs pris en considération pour justifier le refus de la libération conditionnelle demeurant en corrélation avec l'objectif initial de l'internement. 
 
2.5.4. En tant que, sans articuler de motifs circonstanciés, le recourant soutient par ailleurs que la poursuite de son internement serait constitutive d'un traitement inhumain, son grief ne répond pas aux exigences de motivation découlant de l'art. 106 al. 2 LTF.  
En particulier, le seul développement d'une maladie, postérieurement à sa mise en détention, ne saurait comme tel suffire pour conclure à l'existence d'un traitement inhumain. Il sera rappelé à cet égard que, comme cela ressort de l'arrêt attaqué, le recourant bénéficie, à sa demande, d'un suivi thérapeutique en détention et qu'il pourrait, s'il le souhaitait, entrer dans une démarche plus introspective et entamer un traitement psychotrope, ce à quoi il se refuse. De même, ainsi que cela est également déduit de l'arrêt attaqué, il pourrait solliciter son transfert dans un établissement plus approprié pour les personnes âgées, mais se refuse également à entreprendre une telle démarche. On observera au demeurant que ni l'état de santé du recourant ni son âge ne l'empêchent d'être intégré aux programmes d'occupation proposés par les EPO, le recourant travaillant en atelier le matin et se reposant l'après-midi (cf. arrêt attaqué, p. 7). 
 
2.6. Enfin, dans la mesure où les autres griefs du recourant visent essentiellement à contester la pertinence des conclusions de l'expertise réalisée en 2020 et en particulier à relativiser la probabilité d'une récidive, eu égard en particulier à son évolution positive, à ses antécédents, à son âge avancé et aux pathologies dont il souffre, l'intéressé s'y limite en définitive à tenter de substituer son appréciation à celle opérée par la cour cantonale, sans pour autant en démontrer l'arbitraire. En particulier, en tant que le recourant se plaint qu'il lui a été reproché de refuser de payer les indemnités dues aux victimes, on relèvera qu'il n'était pas arbitraire de considérer - au-delà de savoir s'il dispose en l'état d'une capacité financière suffisante pour s'acquitter des indemnités en question - qu'il s'agit là d'un indice susceptible de dénoter qu'il n'a pas encore pris conscience des conséquences de ses actes.  
Le recourant peut au surplus être intégralement renvoyé aux considérants de l'arrêt 6B_901/2022 du 22 novembre 2022 le concernant (cf. spéc. consid. 4.3, 4.5 et 4.8), qui conservent leur actualité en l'absence d'une évolution significative de la situation. 
 
2.7. En définitive, compte tenu notamment des conclusions de l'expertise et des préavis négatifs émis par les divers intervenants, du risque concret de récidive encore présent et du fait que le recourant refuse toujours de s'investir dans le traitement psychiatrique préconisé, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en retenant, à l'instar de ce qui prévalait en 2022, qu'il n'était pas hautement vraisemblable que le recourant se comporterait correctement en liberté et en refusant ainsi de lui accorder la libération conditionnelle.  
 
3.  
Le recourant se plaint, à titre subsidiaire, du refus de la cour cantonale de proposer au juge pénal un changement de sanction au sens de l'art. 65 al. 1 CP
 
3.1. L'autorité compétente examine, d'office ou sur demande, au moins une fois tous les deux ans et pour la première fois avant le début de l'internement, si les conditions d'un traitement thérapeutique institutionnel sont réunies et si une demande en ce sens doit par conséquent être faite auprès du juge compétent (art. 64b al. 1 let. b CP). S'il est saisi, celui-ci tranchera en application de l'art. 65 al. 1 CP.  
L'art. 59 al. 1 let. b CP subordonne le prononcé d'un traitement institutionnel à la condition qu'il soit à prévoir que cette mesure détournera l'intéressé de nouvelles infractions en relation avec son trouble. Selon la jurisprudence, une mesure thérapeutique institutionnelle selon l'art. 59 CP peut ainsi être ordonnée en lieu et place de la poursuite d'un internement s'il est suffisamment vraisemblable, au moment de la décision, qu'une telle mesure entraînera, dans les cinq ans de sa durée normale, une réduction nette du risque que l'intéressé commette, en raison de son trouble mental, un crime prévu à l'art. 64 al. 1 CP. La vague possibilité d'une diminution du risque de récidive ou l'espoir d'une diminution seulement minimale de ce risque ne sont pas suffisants (ATF 140 IV 1 consid. 3.2.4; 134 IV 315 consid. 3.4.1; plus récemment arrêt 7B_175/2023 du 6 février 2024 consid. 2.2.2). 
L'exigence du pronostic découlant de l'art. 59 al. 1 let. b CP ne signifie pas qu'un condamné souffrant d'un trouble mental ne pourra pas recevoir l'assistance nécessaire, mais seulement que la mesure préconisée par l'art. 59 CP n'est pas adéquate, tout au moins dans l'état des choses au moment où la décision est rendue. La personne soumise à l'internement peut du reste bénéficier d'un traitement psychiatrique (art. 64 al. 4 CP). Plus généralement, même si elles ne visent pas prioritairement l'amélioration du pronostic, respectivement si elles ne sont pas aptes à l'améliorer nettement à cinq ans de vue, des possibilités thérapeutiques doivent être offertes, tout au moins dans la perspective, même éloignée, de la fin de l'internement (arrêts 6B_1483/2021 du 3 octobre 2022 consid. 3.1; 6B_1397/2017 du 26 avril 2018 consid. 1.1.2; 6B_1269/2015 du 25 mai 2016 consid. 3.2). 
 
3.2. À l'instar de ce qui était ressorti du précédent examen opéré en 2021, la cour cantonale a estimé, sur la base des conclusions de l'expertise réalisée en octobre 2020, qu'une mesure thérapeutique institutionnelle au titre de l'art. 59 CP était en l'état vouée à l'échec.  
Si les experts avait certes préconisé un traitement psychothérapeutique, ils n'avaient en revanche pas posé de pronostic favorable quant au fait qu'une mesure thérapeutique institutionnelle soit propre à entraîner, dans les cinq ans à venir, une réduction nette du risque que le recourant commette, en raison de son trouble mental, un crime prévu à l'art. 64 al. 1 CP. Aussi, même si le suivi d'un tel traitement s'avérait objectivement nécessaire pour éviter une péjoration de la santé psychique du recourant, rien ne permettait d'admettre qu'une mesure institutionnelle pourrait en l'état être couronnée de succès, même à moyen terme. Comme cela avait déjà été mis en évidence, le recourant se refusait à toute médication psychotrope, et il n'avait jamais entamé une quelconque démarche introspective, le suivi psychologique en place ne visant pas cela. En outre, il estimait toujours avoir été condamné à tort et l'existence d'un sentiment de persécution marqué avait même été relevée par l'Unité d'évaluation criminologique, qui l'avait mise en lien avec son trouble délirant de type psychose paranoïaque, ce qui compliquait probablement encore la problématique (cf. arrêt attaqué, p. 10). 
 
3.3.  
 
3.3.1. En tant que le recourant se plaint du refus d'ordonner une nouvelle expertise, il est renvoyé aux développements consacrés ci-avant à ce sujet (cf. consid. 2.3 supra).  
 
3.3.2. Pour le reste, le recourant avance, d'une manière purement appellatoire, divers arguments qui justifieraient selon lui de considérer qu'une mesure thérapeutique institutionnelle serait davantage adaptée à sa situation qu'un internement. Il en va notamment ainsi lorsqu'il soutient que l'importance relative du risque de récidive serait insuffisante pour le considérer comme dangereux et pour justifier la prolongation d'une détention visant un but uniquement sécuritaire. Il en va de même lorsqu'il prétend qu'en cas de changement de sanction, il pourrait prétendre à des allègements de ses conditions de détention - sous la forme de l'octroi de congés, en particulier -, ce qui selon lui serait presque impossible dans le cadre de son internement.  
Ce faisant, le recourant ne parvient nullement à démontrer, par une motivation conforme aux exigences de l'art. 42 al. 2 LTF, que, contrairement à ce que la cour cantonale a retenu, il pourrait être déduit de l'expertise réalisée en octobre 2020 que la condition décrite à l'art. 59 al. 1 let. b CP serait réalisée. 
 
3.3.3. Au demeurant, rien n'indique que des soins adéquats en détention seraient refusés au recourant, ni que les EPO ne seraient plus un établissement adapté à sa situation.  
Aussi, comme cela ressort de l'arrêt attaqué, un véritable suivi psychothérapeutique était susceptible d'être mis en place aux EPO, où le recourant était intégré et où il se sentait bien. Le cas échéant, un transfert dans un établissement disposant d'un secteur spécialisé dans la prise en charge des personnes âgées pourrait être envisagé, selon la CLCED, pour autant que le recourant en soit demandeur, ce qui n'était alors visiblement pas le cas (cf. arrêt attaqué, p. 10). 
 
4.  
 
4.1. Le recourant se plaint enfin du refus de la cour cantonale de lui accorder l'assistance judiciaire gratuite. Il invoque une violation des art. 29 al. 3 Cst. et 6 par. 3 let. c CEDH et soutient par ailleurs que l'art. 130 let. b CPP devrait être appliqué par analogie à la procédure de réexamen annuel des mesures des art. 59 et 64 CP.  
À cet égard, le recourant invoque pour l'essentiel les mêmes griefs que ceux déjà traités dans le cadre de l'arrêt 6B_901/2022 du 22 novembre 2022. Il peut y être renvoyé (cf. arrêt 6B_901/2022 précité consid. 6). 
 
4.2. Pour le surplus, le recourant soutient qu'il existerait une inégalité de traitement, en matière d'assistance judiciaire pour les procédures relevant de l'exécution des jugements pénaux, entre les cantons qui appliquent le CPP - et en particulier l'art. 130 CPP relatif à la défense obligatoire - à titre de droit supplétif et ceux, comme le canton de Fribourg, qui font application en la matière des règles découlant de la procédure administrative cantonale, pour lesquelles l'octroi de l'assistance judiciaire dépend généralement de l'existence de chances de succès (cf. en l'occurrence art. 142 al. 2 du Code fribourgeois de procédure et de juridiction administrative [CPJA; RS/FR 150.1]).  
Ce faisant, le recourant ne présente pas de grief motivé de manière conforme aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF. Il s'abstient notamment d'indiquer en quoi, s'agissant de sa situation particulière, l'application par analogie de l'art. 130 CPP, relatif à la défense obligatoire, aurait nécessairement dû conduire à la désignation par les instances cantonales d'un défenseur d'office au sens des art. 132 ss CPP. Le recourant ne démontre en particulier pas que la condition de l'indigence (cf. art. 132 al. 1 let. b CPP) ait été réalisée en ce qui le concerne, attendu que la cour cantonale a refusé de le dispenser du paiement des frais judiciaires, au motif que son impécuniosité n'était pas établie dès lors qu'il continuait, en dépit de sa détention, à s'acquitter d'un loyer pour un appartement à Payerne alors que sa compagne et sa fille avaient quitté la Suisse (cf. arrêt attaqué, p. 11). 
Le grief doit ainsi être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
 
5.  
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Comme il était d'emblée dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera toutefois fixé en tenant compte de sa situation financière (art. 65 al. 2 LTF), laquelle n'apparaît pas favorable. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué au recourant, au Ministère public de l'État de Fribourg, au Service de l'exécution des sanctions pénales et de la probation du canton de Fribourg et au Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, I e Cour administrative. 
 
 
Lausanne, le 29 mai 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Abrecht 
 
Le Greffier : Tinguely