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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1B_276/2022  
 
 
Arrêt du 23 septembre 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix et Jametti. 
Greffière : Mme Arn. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représenté par 
Me Sophie Bobillier, avocate, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy. 
 
Objet 
Procédure pénale; refus de nomination d'avocat d'office, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale 
de recours, du 29 avril 2022 
(ACPR/292/2022 - P/1362/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________, ressortissant nicaraguayen né en [...] 2003, a été condamné, par ordonnance pénale rendue le 24 avril 2021 par le Ministère public de la République et canton de Genève, à une peine pécuniaire de 45 jours-amende (sous déduction d'un jour-amende correspondant à un jour de détention avant jugement) et mis au bénéfice du sursis avec un délai d'épreuve de trois ans, pour infraction à l'art. 115 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI, RS 142.20) et empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 al. 1 CP). 
Par ordonnance pénale du 19 janvier 2022, le Ministère public a déclaré A.________ coupable de dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP), violation de domicile (art. 186 CP), violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires (art. 285 ch. 1 al. 1 CP) et infraction à l'art. 115 al. 1 let. b LEI. Il l'a condamné à une peine privative de liberté de 100 jours, sous déduction d'un jour de détention avant jugement, et a renoncé à révoquer le sursis accordé par ordonnance pénale du 24 avril 2021. Il est reproché à A.________ d'avoir, à Genève, le 10 décembre 2021, donné des coups de pied dans la voiture appartenant à la société B.________ SA et de l'avoir endommagée, après une altercation avec deux agents de sécurité de ladite société. Il lui est également reproché d'avoir, le même jour, pénétré sans droit dans les caves d'un immeuble et d'avoir, lors de son interpellation, empêché les agents de police de faire un acte entrant dans leurs fonctions, notamment en les injuriant, en les menaçant et en tentant à plusieurs reprises de donner des coups de poing au Gendarme C.________, lequel a dû utiliser son spray au poivre, puis d'avoir pris la fuite malgré les injonctions "Stop police". De surcroît, il est reproché à A.________ d'avoir persisté à séjourner sans autorisation en Suisse et à Genève, à tout le moins du 25 avril 2021 (date du lendemain de sa dernière condamnation) au 18 janvier 2022 (date de son arrestation). 
Lors de son audition par la police, A.________, assisté de son avocat de choix et d'une traductrice externe, a partiellement admis les faits reprochés. Il a notamment admis s'être rendu dans les caves de l'immeuble en cause avec son cousin et un ami le 10 décembre 2021, mais a contesté avoir donné des coups de pied dans le véhicule des agents de sécurité, avoir été menaçant ou insultant avec les policiers et avoir frappé le policier en charge de l'interpellation de son cousin. Enfin, son avocate Me Sophie Bobillier a sollicité l'octroi de l'assistance judiciaire, laquelle a été rejetée le 7 février 2022 par le Ministère public au motif que la cause était de peu de gravité et ne présentait pas de difficultés particulières juridiques ou de fait. 
Le 21 janvier 2022, A.________, assisté de son avocate, a formé opposition contre l'ordonnance pénale du 19 janvier 2022. Lors de l'audience sur opposition du 11 février 2022, le prénommé a confirmé ses déclarations. 
 
B.  
Par arrêt du 29 avril 2022, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève a rejeté le recours intenté par A.________ contre la décision de refus de lui octroyer l'assistance judiciaire. En substance, elle a considéré que les conditions d'une défense d'office (art. 132 al. 2 CPP) n'étaient pas réalisées, puisque la cause ne présentait pas de difficulté particulière, ni en fait ni en droit. 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler cet arrêt, de lui accorder l'assistance judiciaire gratuite et de nommer Me Sophie Bobillier en qualité d'avocate d'office pour la procédure pénale avec effet au 18 janvier 2022. A titre subsidiaire, il conclut au renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision au sens des considérants. En outre, il sollicite également le bénéfice de l'assistance judiciaire pour la présente procédure. 
La Cour de justice et le Ministère public se référent aux considérants de leur décision. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Conformément à l'art. 78 LTF, une décision relative à la défense d'office dans une cause pénale peut faire l'objet d'un recours en matière pénale. Le recourant, prévenu et auteur de la demande de désignation d'un défenseur d'office, a qualité pour recourir (art. 81 al. 1 LTF). Le refus de désigner un avocat d'office au prévenu est susceptible de lui causer un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 140 IV 202 consid. 2.2; 133 IV 335 consid. 4). Pour le surplus, le recours est formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF. Partant, il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
Le recourant se plaint de l'établissement arbitraire des faits. Il reproche en substance à l'instance précédente d'avoir considéré que sa dépression n'était pas documentée, alors qu'il lui avait pourtant transmis des extraits du jugement du Tribunal des mineurs du 18 janvier 2022 confirmant l'existence de sa dépression. De même, l'instance précédente n'aurait pas retenu, bien qu'il ait allégué et comme cela ressortait du jugement précité, qu'il avait fui le Nicaragua en raison de la guerre civile sévissant dans son village et après avoir été témoin direct ou indirect de multiples situations de violence, notamment une tentative d'assassinat sur son père. 
 
2.1. Conformément à l'art. 105 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente. L'art. 105 al. 2 LTF lui permet cependant de rectifier ou compléter d'office les constatations de l'autorité précédente si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à l'arbitraire (cf. ATF 142 II 355 consid. 6) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF, et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
 
2.2. En l'occurrence, l'état de fait de l'arrêt entrepris ne mentionne pas le jugement du 18 janvier 2022 du Tribunal des mineurs de la République et canton de Genève. Or, des extraits de ce jugement figurent au dossier cantonal et ceux-ci contiennent des éléments de fait pertinents pour l'issue du litige, notamment en lien avec la dépression du recourant et les circonstances de sa fuite du Nicaragua. En particulier, il ressort du jugement du Tribunal des mineurs que le recourant a suivi de nombreuses consultations auprès de psychologues depuis juillet 2020, que sa dernière thérapeute a diagnostiqué une dépression légère et qu'elle a préconisé la poursuite du suivi afin de continuer le travail sur la gestion émotionnelle, le passé douloureux et les faits reprochés au recourant. Au vu du contenu de ce jugement du 18 janvier 2022 produit par le recourant devant la cour cantonale, celle-ci a versé dans l'arbitraire en retenant, sans aucune motivation, que la dépression du recourant - élément de fait pertinent pour l'issue du litige - n'était pas documentée. L'état de fait de l'arrêt entrepris doit dès lors être complété par les éléments précités du dossier, qui seront repris ci-après dans la mesure utile.  
 
3.  
Le recourant, dont l'indigence n'est pas mise en doute, prétend que les conditions posées à l'octroi d'un avocat d'office, au sens de l'art. 132 CPP sont réunies. Il fait grief à l'instance précédente d'avoir considéré que la cause ne présentait pas de difficultés particulières, du point de vue de l'établissement des faits ou des questions juridiques soulevées, qu'il ne serait pas en mesure de résoudre seul. 
 
3.1. A teneur de l'art. 132 al. 1 let. b CPP, la direction de la procédure ordonne une défense d'office si le prévenu ne dispose pas des moyens nécessaires et que l'assistance d'un défenseur est justifiée pour sauvegarder ses intérêts. La défense d'office aux fins de protéger les intérêts du prévenu se justifie notamment lorsque l'affaire n'est pas de peu de gravité et qu'elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP). En tout état de cause, une affaire n'est pas de peu de gravité lorsque le prévenu est passible d'une peine privative de liberté de plus de quatre mois ou d'une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende (art. 132 al. 3 CPP).  
Les critères énoncés par l'art. 132 al. 1 let. b, 2 et 3 CPP reprennent largement la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière d'assistance judiciaire, rendue sur la base des art. 29 al. 3 Cst. et 6 ch. 3 let. c CEDH (ATF 143 I 164 consid. 3.5). Si les deux conditions mentionnées à l'art. 132 al. 2 CPP doivent être réunies cumulativement, il n'est pas exclu que l'intervention d'un défenseur soit justifiée par d'autres motifs (comme l'indique l'adverbe "notamment"), en particulier dans les cas où cette mesure est nécessaire pour garantir l'égalité des armes ou parce que l'issue de la procédure pénale a une importance particulière pour le prévenu, par exemple s'il encourt une révocation de l'autorisation d'exercer sa profession ou s'il risque de perdre la garde de ses enfants (arrêt 1B_194/2021 du 21 juin 2021 consid. 3.1). La désignation d'un défenseur d'office peut ainsi s'imposer selon les circonstances, lorsque le prévenu encourt une peine privative de liberté de quelques semaines à quelques mois si, à la gravité relative du cas, s'ajoutent des difficultés particulières du point de vue de l'établissement des faits ou des questions juridiques soulevées, qu'il ne serait pas en mesure de résoudre seul. En revanche, lorsque l'infraction n'est manifestement qu'une bagatelle, en ce sens que son auteur ne s'expose qu'à une amende ou à une peine privative de liberté de courte durée, la jurisprudence considère que l'auteur n'a pas de droit constitutionnel à l'assistance judiciaire (ATF 143 I 164 consid. 3.5; arrêt 1B_157/2021 du 31 mars 2021 consid. 3.2). 
Pour évaluer si l'affaire présente des difficultés que le prévenu ne pourrait pas surmonter sans l'aide d'un avocat, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. La nécessité de l'intervention d'un conseil juridique doit ainsi reposer sur des éléments objectifs, tenant principalement à la nature de la cause, et sur des éléments subjectifs, fondés sur l'aptitude concrète du requérant à mener seul la procédure (arrêts 1B_591/2021 du 12 janvier 2022 consid. 2.1; 1B_257/2013 du 28 octobre 2013 consid. 2.1 in SJ 2014 I p. 273). 
S'agissant de la difficulté objective de la cause, à l'instar de ce qu'elle a développé en rapport avec les chances de succès d'un recours (cf. ATF 139 III 396 consid. 1.2; 129 I 129 consid. 2.3.1), la jurisprudence impose de se demander si une personne raisonnable et de bonne foi, qui présenterait les mêmes caractéristiques que le requérant mais disposerait de ressources suffisantes, ferait ou non appel à un avocat (ATF 140 V 521 consid. 9.1). La difficulté objective d'une cause est admise sur le plan juridique lorsque la subsomption des faits donne lieu à des doutes, que ce soit de manière générale ou dans le cas particulier. 
Pour apprécier la difficulté subjective d'une cause, il faut tenir compte des capacités du prévenu, notamment de son âge, de sa formation, de sa plus ou moins grande familiarité avec la pratique judiciaire, de sa maîtrise de la langue de la procédure, ainsi que des mesures qui paraissent nécessaires, dans le cas particulier, pour assurer sa défense, notamment en ce qui concerne les preuves qu'il devra offrir (arrêt 1B_591/2021 du 12 janvier 2022 consid. 2.1 et les arrêts cités). 
 
3.2. S'agissant de la gravité de la cause, la cour cantonale a considéré que la peine encourue, de 100 jours de peine privative de liberté, potentiellement augmentée de 45 jours-amende en cas de révocation du sursis antérieur - par le Ministère public lui-même dans un premier temps (art. 355 al. 3 let. c CPP) ou par le Tribunal de police dans un second temps (art. 355 al. 3 let. d CPP) - dépasserait les limites de ce que l'on peut qualifier de cas de peu de gravité (art. 132 al. 3 CPP). Cette appréciation est conforme au droit fédéral.  
Les circonstances du cas d'espèce commandaient, quoi qu'il en soit, l'assistance d'un défenseur d'office. Contrairement à l'avis de l'instance précédente, la cause n'est pas dépourvue de toute complexité. En effet, le recourant a fait l'objet d'un jugement rendu le 18 janvier 2022 par le Tribunal des mineurs. Or l'ordonnance pénale rendue par le Ministère public le lendemain le 19 janvier 2022 concerne des faits antérieurs au jugement rendu par le Tribunal des mineurs. De plus, le recourant a fait l'objet d'une précédente ordonnance pénale du 24 avril 2021, rendue peu après qu'il a atteint sa majorité. La cause présente ainsi une certaine complexité liée à cette chronologie particulière des faits et à l'intervention quasi simultanée de deux instances distinctes, dont la juridiction des mineurs. La présente procédure pénale porte de plus sur quatre infractions protégeant des biens juridiques de nature différente. Or, les règles sur le concours (art. 49 CP) et la jurisprudence y relative ne sont pas simples à comprendre pour une personne non juriste (cf. arrêt 1B_360/2020 du 4 septembre 2020 consid. 2.4 et les réf. cit.). De plus, la cause n'est pas dénuée de toute complexité dès lors que le recourant conteste les accusations de violence et menaces sur des fonctionnaires ainsi que les coups de pied dans le véhicule des agents de sécurité. 
Quant à la difficulté subjective de la cause, il faut prendre en considération les éléments suivants: le recourant, ressortissant nicaraguayen, est arrivé en Suisse en 2018 à l'âge de 15 ans; il a une connaissance lacunaire du français; il a notamment dû se faire traduire les actes de procédure; il avait moins de 19 ans au moment du dépôt de la demande d'assistance judiciaire; il présente un équilibre psychologique fragile, celui-ci ayant été témoin direct et indirect de multiples situations de violence au Nicaragua, dont une tentative d'assassinat sur son père (cf. jugement du 18 janvier 2022 du Tribunal des mineurs ch. 51, 53, 55 p. 26 s.); sa thérapeute a diagnostiqué une dépression légère (cf. jugement précité du Tribunal des mineurs ch. 62 p. 29). 
Contrairement à l'avis de l'instance précédente, la présence d'un interprète n'apparaît pas suffisante, au regard des circonstances particulières du cas d'espèce. Elle ne permet pas de préparer l'audience devant le Tribunal de police, en particulier en cas de réquisitions de preuve. On relèvera en outre que, dans le cadre de la procédure devant la juridiction des mineurs, le Juge des mineurs a instauré une mesure d'assistance personnelle du recourant ainsi qu'un traitement ambulatoire auprès d'une association (cf. jugement précité du Tribunal des mineurs ch. 52 p. 26). 
Compte tenu de tous ces éléments, la nomination d'un avocat d'office apparaissait nécessaire à la sauvegarde des intérêts du recourant. 
 
3.3. Partant, en refusant d'octroyer l'assistance judiciaire au recourant, la Cour de justice a violé le droit fédéral (art. 132 al. 1 let. b et al. 2 CPP) et ce grief doit être admis.  
 
4.  
Il s'ensuit que le recours est admis. L'arrêt attaqué et l'ordonnance du 7 février 2022 du Ministère public sont annulés. Le Tribunal fédéral statue lui-même sur le fond (art. 107 al. 2 LTF). L'assistance judiciaire est accordée au recourant et Me Sophie Bobillier lui est désignée en tant qu'avocate d'office, à partir du 18 janvier 2022. 
Le recourant, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'une avocate, a droit à des dépens pour la procédure cantonale et fédérale à la charge de la République et canton de Genève (art. 68 al. 1 et 5 LTF). Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). La requête d'assistance judiciaire pour la procédure fédérale est dès lors sans objet. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis. L'arrêt de la Chambre pénale de recours de la République et canton de Genève du 29 avril 2022 est annulé. L'assistance judiciaire est accordée au recourant et Me Sophie Bobillier est désignée en tant qu'avocate d'office, à partir du 18 janvier 2022. 
 
2.  
Une indemnité de dépens pour les procédures fédérale et cantonale, fixée à 3'000 fr., est allouée à la mandataire du recourant à la charge de la République et canton de Genève. 
 
3.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire du recourant, au Ministère public de la République et canton de Genève et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours. 
 
 
Lausanne, le 23 septembre 2022 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Arn