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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_61/2022  
 
 
Arrêt du 18 janvier 2023  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales Jacquemoud-Rossari, Présidente, van de Graaf et Koch. 
Greffière : Mme Klinke. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Olivier Derivaz, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Ministère public central du canton du Valais, rue des Vergers 9, case postale, 1950 Sion 2, 
intimé. 
 
Objet 
Fraude dans la saisie (art. 163 ch. 1 CP), 
 
recours contre le jugement du Tribunal cantonal 
du canton du Valais, Cour pénale II, 
du 19 novembre 2021 (P1 19 52). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 13 mai 2019, le Tribunal du district de l'Entremont a reconnu A.________ coupable de fausse déclaration d'une partie en justice (art. 306 CP) et de fraude dans la saisie (art. 163 ch. 1 CP), et l'a condamnée à une peine pécuniaire de 100 jours-amende à 70 fr. le jour avec sursis pendant 2 ans ainsi qu'à une amende de 600 francs. 
 
B.  
Statuant sur l'appel de A.________, la Cour pénale II du Tribunal cantonal du Valais l'a très partiellement admis par jugement du 19 novembre 2021. Elle a ramené la quotité de la peine pécuniaire à 50 jours-amende et le montant de l'amende contraventionnelle à 500 fr., confirmant pour le reste le jugement de première instance. 
Les faits retenus à l'appui de ce jugement sont en substance les suivants. 
 
B.a. A.________ était associée gérante, avec signature individuelle, de B.________ Sàrl (anciennement C.________ Sàrl), dont le siège était à Genève. Elle en détenait la totalité des parts sociales. Cette société a été dissoute à la suite de la faillite prononcée par jugement du Tribunal de première instance de Genève du 16 avril 2015, jugement qui a été ensuite annulé le 23 juin 2016, en révoquant en même temps la dissolution de la société.  
 
B.b. A.________ a fait l'objet de nombreuses poursuites. En particulier, selon procès-verbal de saisie établi le 10 mars 2015 par l' Office des poursuites et faillites de l'Entremont (ci-après: l'Office des poursuites), A.________ a fait l'objet d'une saisie de salaire et de revenu pour tous les montants dépassant son minimum vital, avec effet au 6 août 2015 jusqu'au 16 décembre 2015 ou extinction intégrale de la dette. Régulièrement, de nouveaux avis de saisie lui ont été adressés pour de nouvelles affaires. A chaque fois, il était fait mention sur les procès-verbaux, qu'en qualité de débitrice, A.________ avait l'obligation d'indiquer de façon complète les biens qui lui appartiennent au sens de l'art. 91 LP, "sous peine des art. 163, 164, 169 et 323 ch. 2 CP", et d'annoncer tout changement dans sa situation. Dans le cadre de ces poursuites, trois actes de défaut de biens après saisie ont été délivrés aux créanciers le 29 janvier 2016.  
 
B.c. Le 10 décembre 2015, A.________ a reçu, sur un compte bancaire qu'elle avait ouvert auprès de la banque D.________ un montant de 85'082 fr. 49, libéré par l'Office des faillites de Genève après la liquidation de la faillite de la société B.________ Sàrl. Elle n'a pas annoncé à l'Office des poursuites avoir reçu ce montant. Le jour même, A.________ a retiré la quasi-totalité du montant en argent comptant, notamment 80'000 fr. à l'agence d'Aigle et 5'080 fr. à l'agence de Nyon, pour le remettre à un certain E.________. Elle n'a pas annoncé ce mouvement à l'Office des poursuites. Le compte a été clôturé le même jour.  
 
B.d. Le 2 mai 2016, dans le cadre d'une révision du dossier, l'Office des poursuites a demandé à A.________ de produire tous les justificatifs de ses revenus et charges, ainsi que les extraits de tous ses comptes bancaires pour la période située entre le 1er août 2015 et le 2 mai 2016. A.________ a fait parvenir les relevés du compte ouvert à son nom auprès de la banque F.________ à Monthey. Les investigations complémentaires de l'Office des poursuites ont révélé que la débitrice était ou avait été titulaire de plusieurs autres relations bancaires qu'elle n'avait pas déclarées, en particulier avec les banques D.________, G.________ et H.________.  
 
C.  
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement du 19 novembre 2021. Elle conclut, avec suite de frais et dépens, à son annulation en tant qu'elle est condamnée pour fraude dans la saisie et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouveau jugement. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
La recourante invoque une violation de l'art. 163 ch. 1 CP. Elle prétend ne pas avoir diminué fictivement son actif au sens de cette disposition, au motif que le montant libéré par l'Office des faillites genevois ne lui appartenait pas. 
 
1.1. Se rend coupable de fraude dans la saisie au sens de l'art. 163 ch. 1 CP le débiteur qui, de manière à causer un dommage à ses créanciers, aura diminué fictivement son actif, notamment en distrayant ou en dissimulant des valeurs patrimoniales, en invoquant des dettes supposées ou en reconnaissant des créances fictives ou en incitant un tiers à les produire, si un acte de défaut de biens a été dressé contre lui.  
L'art. 163 CP tend à protéger d'une part, le patrimoine des créanciers et, d'autre part, l'exécution forcée elle-même, en tant que moyen d'assurer le respect des droits de ces derniers (arrêt 6B_1024/2016 du 17 novembre 2017 consid. 1.2 et références citées; cf. ATF 140 IV 155 consid. 3.3.2 p. 158; 134 III 52 consid. 1.3.1 p. 55 s.; 107 IV 175 consid. 1a p. 177). 
La distraction vise le cas où le débiteur met hors d'atteinte des biens qui servent à désintéresser les créanciers. Par exemple, l'auteur transfère ou attribue faussement ses propres valeurs patrimoniales à un tiers (arrêt 6B_551/2015 du 24 février 2016 consid. 4.1; cf. arrêt 6B_959/2017 du 29 mars 2018 consid. 4.1). 
Par le terme actif, on vise l'ensemble du patrimoine du débiteur, soumis à la procédure d'exécution forcée, en vue de désintéresser les créanciers (arrêt 6B_959/2017 précité consid. 4.1; cf. ATF 103 IV 227 consid. 1c p. 233). Il y a diminution fictive de l'actif lorsque le débiteur met en danger les intérêts de ses créanciers non pas en aliénant les biens sur lesquels ils ne pourront plus exercer directement leur mainmise, mais en les trompant sur la substance ou la valeur de son patrimoine, c'est-à-dire en créant l'apparence que ses biens sont moindres ou ses dettes plus importantes, qu'ils ne le sont en réalité (arrêts 6B_959/2017 précité consid. 4.1; 6B_310/2014 du 23 novembre 2015 consid. 5.1.2). 
Le devoir de renseigner du débiteur est exhaustif et ne souffre aucune restriction (arrêts 6B_447/2021 du 16 juillet 2021 consid. 2.1; 6B_122/2017 du 8 janvier 2019 consid. 5.2; 6B_585/2013 du 29 octobre 2013 consid. 4.1 et les références citées). Il n'appartient pas au débiteur, mais à l'office des poursuites, de décider si un bien est saisissable ou non (ATF 135 III 663 consid. 3.2.1 p. 665; arrêts 6B_122/2017 précité consid. 5.2; 6B_585/2013 précité consid. 4.1; 6B_338/2012 du 30 novembre 2012 consid. 6.4). Dès lors, le débiteur a l'obligation d'annoncer tous ses biens, y compris ceux dont il estime qu'ils ne sont pas saisissables (arrêts 6B_122/2017 précité consid. 5.2; 6B_338/2012 précité consid. 6.4 et les références citées). 
L'acte de défaut de biens est une condition objective de punissabilité. L'intention de l'auteur ne doit donc pas nécessairement porter sur cet élément (arrêt 6B_655/2015 du 22 février 2016 consid. 1.2; cf. également arrêts 6B_289/2020 du 1er décembre 2020 consid. 10.1; 6B_776/2019 du 20 novembre 2019 consid. 2.1). 
L'infraction est intentionnelle, le dol éventuel étant suffisant (cf. arrêts 6B_915/2015 du 2 juin 2016 consid. 2.2.1; 6B_551/2015 du 24 février 2016 consid. 4.3). 
 
1.2. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir, pour l'essentiel, de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 145 IV 154 consid. 1.1 p. 155 s.; 143 IV 500 consid. 1.1 p. 503; sur la notion d'arbitraire v. ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2 p. 81; 143 IV 241 consid. 2.3.1 p. 244). Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF; ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2 p. 81; 143 IV 500 consid. 1.1 p. 503). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2 p. 81; 145 IV 154 consid. 1.1 p. 156).  
 
1.3. La cour cantonale a constaté que le montant de 85'082 fr. 49 a été libéré et restitué à la recourante par l'Office des poursuites et faillites genevois après la liquidation de la faillite de la société B.________ Sàrl. Elle a notamment relevé les déclarations de la recourante, selon lesquelles elle avait demandé à l'Office genevois compétent de verser le montant directement sur le compte de E.________, respectivement sur un compte ouvert au nom de son fils, afin de ne pas mêler ce montant à ses fonds, ce que l'autorité aurait refusé (jugement entrepris consid. 2.2.3.2). La cour cantonale a retenu que le montant, reçu à l'issue de la liquidation de la société unipersonnelle de la recourante, a été versé sur un compte bancaire (ouvert dans un autre canton que celui de la société ou de son domicile) dont elle était la seule titulaire. Le reçu de E.________ du 12 décembre 2015 ne faisait pas état d'une créance à l'égard de la société B.________ Sàrl et les documents subséquents ne permettaient pas de considérer que le montant litigieux lui avait été remis à titre de remboursement d'une dette de la société. La cour cantonale a déduit des pièces du dossier que la recourante était la réelle propriétaire de la somme reçue le 10 décembre 2015. Elle a conclu notamment de l'ensemble de ces éléments que la recourante savait et voulait d'une part cacher à l'Office des poursuites avoir reçu le montant litigieux, et d'autre part, diminuer le patrimoine disponible pour satisfaire ses créanciers (jugement entrepris consid. 2.2.3.2 et consid. 5.2.1 p. 20 s.).  
La cour cantonale a en outre considéré que la condition objective de punissabilité à l'art. 163 CP était remplie au vu des actes de défaut de biens délivrés. 
 
1.4. La recourante ne conteste pas les faits retenus par la cour cantonale concernant l'origine du montant de 85'082 fr. 49. Elle admet qu'elle se savait sous saisie au moment de la réception du montant sur un compte ouvert par ses soins à son nom à la banque D.________, et qu'elle a omis de le communiquer. Elle reproche toutefois à la cour cantonale d'avoir considéré que le montant en question lui appartenait, soulevant qu'il était propriété de E.________. Selon elle, la cour cantonale aurait omis de se prononcer sur cette question et n'aurait donc pas constaté de manière irréfutable qu'elle en était la propriétaire.  
Contrairement à ce qu'affirme la recourante, la cour cantonale a examiné la question de savoir à qui appartenait le montant litigieux et a conclu qu'il s'agissait de l'actif de la recourante, en excluant notamment que la prétendue dette invoquée concernait sa société (cf. jugement entrepris consid. 5.2.1). 
La condamnation de la recourante est en particulier fondée sur la distraction, respectivement la dissimulation du montant de 85'082 fr. 49 qu'elle a perçu le 10 décembre 2015 ensuite de la dissolution de la société dont elle était associée gérante et détenait toutes les parts. Aussi, au moment du comportement reproché, les valeurs patrimoniales faisaient partie de l'actif de la recourante et non de celui d'un tiers. Dès lors, il importe peu qu'elle fût débitrice de E.________, étant rappelé qu'elle faisait alors l'objet de nombreuses poursuites. C'est donc en vain que la recourante affirme que les valeurs patrimoniales en cause correspondaient au montant d'un prêt consenti par E.________ à sa société. Pour l'essentiel, la recourante se limite à présenter sa propre interprétation des faits et son appréciation des preuves et les oppose à celles de la cour cantonale concernant l'existence de ce prêt, sans démontrer, conformément aux exigences de motivation accrue, en quoi celles-ci seraient entachées d'arbitraire (art. 9 Cst.), grief qu'elle ne soulève d'ailleurs pas formellement. Dans les circonstances d'espèce et au vu de l'obligation de la recourante d'annoncer le versement de valeurs patrimoniales en sa faveur (cf. supra consid. 1.1), la cour cantonale pouvait, sans violer le droit fédéral, retenir que les valeurs patrimoniales litigieuses tombaient sous le coup de l'art. 163 ch. 1 CP.  
Pour le surplus, la recourante ne conteste pas avoir réalisé les autres conditions de l'infraction, en particulier les éléments subjectifs ainsi que la condition objective de punissabilité de la délivrance d'actes de défaut de biens, retenus par la cour cantonale. 
En définitive, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en reconnaissant la recourante coupable de fraude dans la saisie au sens de l'art. 163 ch. 1 CP
 
2.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour pénale II. 
 
 
Lausanne, le 18 janvier 2023 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
La Greffière : Klinke