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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_585/2021  
 
 
Arrêt du 27 octobre 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Merz et Pont Veuthey, Juge suppléante. 
Greffière : Mme Nasel. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
B.________, 
C.________, 
D.________, 
E.________, 
F.F.________et G.F.________, 
H.________, 
I.________, 
J.J.________et K.J.________, 
tous représentés par Maîtres Paul Hanna 
et Yannick Fernandez, avocats, 
recourants, 
 
contre  
 
L.________ SA, 
M.________ SA, 
intimées, 
 
Département du territoire de la République et canton de Genève, Office des autorisations de construire, Service des affaires juridiques, case postale 22, 1211 Genève 8. 
 
Objet 
Autorisation de construire, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 24 août 2021 (ATA/861/2021 - A/1206/2020-LCI). 
 
 
Faits :  
 
A.  
M.________ SA est propriétaire de la parcelle no 4'038 de la Commune de Chêne-Bourg, à l'adresse 74 avenue de Bel-Air. Dite parcelle de 2'057 m² se trouve en 5e zone à bâtir, soit une zone résidentielle destinée aux villas (art. 19 al. 3 de la loi genevoise d'application du 4 juin 1987 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LaLAT; rsGE L 1 30), sur laquelle est construite une villa ainsi qu'un garage et trois abris de jardin. 
Les parcelles de F.F.________ et G.F.________ (no 3'019), de C.________ (n o 4'474) et de A.________ et B.________ (n o 4'475) se situent également sur l'avenue de Bel-Air, à proximité de la parcelle no 4'038. Quant à K.J.________, il est propriétaire du bien-fonds no 4'576, et H.________ et I.________ copropriétaires de la parcelle no 4'575, sis immédiatement à l'est de la parcelle no 4'038. Au sud de cette dernière parcelle, se trouve le bien-fonds no 4'149, copropriété de D.________, E.________ et N.________.  
Le 13 avril 2018, L.________ SA a demandé au département compétent, devenu depuis lors celui du territoire (département), l'autorisation de construire un bâtiment de six appartements sur trois étages. Dans le cadre de l'instruction de la demande, les divers services cantonaux consultés ont émis des préavis. En particulier, le 9 avril 2019, la police du feu - après avoir demandé à plusieurs reprises des informations complémentaires - s'est prononcée en faveur du projet sous conditions. 
Après avoir délivré le 11 février 2019 l'autorisation de démolir (M 8125 RG) la villa, le garage et les abris de jardin situés sur la parcelle n o 4'038, le département a, par décision du 17 avril 2020 (DD 111'487), publiée le même jour dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève, autorisé la construction sollicitée; les conditions figurant dans les préavis devaient être strictement respectées et faisaient partie intégrante de l'autorisation.  
 
B.  
Par jugement du 16 décembre 2020, le Tribunal administratif de la République et canton de Genève (TAPI) a admis partiellement le recours formé notamment par F.F.________et G.F.________, H.________, I.________, D.________, E.________, A.________, B.________, C.________, et J.J.________ et K.J.________ (les consorts) contre l'autorisation de construire délivrée le 17 avril 2020, en ce sens que l'ouverture du chantier de construction ne pourrait avoir lieu qu'à la condition que l'ensemble des constructions actuellement cadastrées sur la parcelle aient été démolies. 
Par arrêt du 24 août 2021, la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (Cour de justice) a rejeté le recours formé par les consorts contre le jugement du TAPI précité. Elle a notamment rejeté leurs griefs quant à la non-conformité de l'accès pour les services du feu, considérant qu'ils étaient prématurés. 
 
C.  
Par acte du 28 septembre 2021, les consorts forment un recours en matière de droit public, par lequel ils demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 24 août 2021, respectivement l'autorisation de construire délivrée le 11 février 2019 dans le dossier DD 111'487. 
Par ordonnance du 28 octobre 2021, le Président de la Ire Cour de droit public du Tribunal fédéral a admis la requête d'effet suspensif présentée par les recourants. 
La Cour de justice s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Le département et les intimées L.________ SA et M.________ SA concluent à l'irrecevabilité du recours, respectivement à son rejet. Au terme d'un second échange d'écritures, les recourants persistent intégralement dans leurs conclusions, à l'instar du département et des intimées. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Dirigé contre une décision prise dans le domaine du droit public des constructions, le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Le recours a été formé en temps utile contre une décision finale prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d, 90 et 100 al. 1 LTF).  
 
1.2. S'agissant des conclusions prises, les recourants demandent l'annulation de l'autorisation délivrée le 11 février 2019. Celle-ci concernait la démolition des bâtiments existants. On comprend toutefois à la lecture de leur mémoire de recours qu'ils ne s'opposent pas à cette dernière décision, mais bien à celle autorisant la construction prise le 17 avril 2020 par le département. Il convient donc d'interpréter leurs conclusions en ce sens (cf. arrêts 5A_126/2022 du 11 juillet 2022 consid. 1.2; 5A_954/2021 du 3 janvier 2022 consid. 1.2).  
 
1.3. Quant à la question - soulevée par le département - de savoir si les recourants sont fondés à se plaindre du défaut d'accès à la construction prévue pour les véhicules du service du feu, sans toutefois remettre en cause l'ensemble du projet, elle peut demeurer indécise, compte tenu de ce qui suit.  
 
2.  
Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments soulevés dans le recours, ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (ATF 148 II 73 consid. 8.3.1; 146 IV 88 consid. 1.3.2). 
 
3.  
Les recourants se plaignent d'une violation des art. 19 al. 1 et 22 al. 2 let. b LAT et de la directive du 4 février 2015 de la Coordination suisse des sapeurs-pompiers concernant les accès, surfaces de manoeuvre et d'appui pour les moyens d'intervention sapeurs-pompiers (CSSP); en outre, ils se prévalent d'une application arbitraire de la directive no 7 du règlement cantonal d'application du 25 juillet 1990 de la loi sur la prévention des sinistres, l'organisation et l'intervention des sapeurs-pompiers (RPSSP; rsGE F 4 05.01). 
 
3.1.  
 
3.1.1. Conformément à l'art. 22 al. 2 let. b LAT, l'autorisation de construire n'est délivrée que si le terrain est équipé. Tel est le cas selon l'art. 19 al. 1 LAT lorsqu'il est desservi d'une manière adaptée à l'utilisation prévue par des voies d'accès.  
Une voie d'accès est adaptée à l'utilisation prévue lorsqu'elle est suffisante d'un point de vue technique et juridique pour accueillir tout le trafic de la zone qu'elle dessert (ATF 121 I 65 consid. 3a). La loi n'impose ainsi pas des voies d'accès idéales; il faut et il suffit que, par sa construction et son aménagement, une voie de desserte soit praticable pour le trafic lié à l'utilisation du bien-fonds et n'expose pas ses usagers ni ceux des voies publiques auxquelles elle se raccorderait à des dangers excessifs (cf. ATF 121 I 65 consid. 3a; arrêts 1C_368/2021 du 29 août 2022 consid. 3.1; 1C_88/2019 du 23 septembre 2019 consid. 3.1). Par ailleurs, la sécurité des usagers doit être garantie sur toute sa longueur, la visibilité et les possibilités de croisement doivent être suffisantes et l'accès des services de secours (ambulance, service du feu) et de voirie doit être assuré (ATF 121 I 65 consid. 3a; arrêts 1C_368/2021 du 29 août 2022 consid. 3.1; 1C_56/2019 du 14 octobre 2019 consid. 3.1). 
Les accès doivent être garantis tant sur le plan juridique que factuel au moment de la délivrance du permis de construire (arrêts 1C_216/2021 du 21 avril 2022 consid. 5.1; 1C_341/2020 du 18 février 2022 consid. 3.3.1). S'il est vraisemblable que le terrain destiné à être construit dispose d'un accès suffisant en vertu du droit privé, il appartient aux propriétaires du terrain grevé de démontrer le contraire (arrêt 1C_589/2020 du 25 mars 2021 consid. 3.1). Le projet doit disposer de l'équipement routier au plus tard au moment de sa réalisation (ATF 127 I 103 consid. 7d; arrêt 1C_471/2020 du 19 mai 2021 consid. 3.1.4). Il est à cet égard suffisant que, pour entrer en force, l'autorisation de construire soit assortie de la condition que l'accès routier est garanti (arrêts 1C_341/2020 du 18 février 2022 consid. 3.3.1; 1C_589/2020 du 25 mars 2021 consid. 3.1). 
Les autorités communales et cantonales disposent en ce domaine d'un important pouvoir d'appréciation, que le Tribunal fédéral se doit de respecter (ATF 121 I 65 consid. 3a; arrêt 1C_209/2022 du 25 août 2022 consid. 6.1). 
 
3.1.2. De manière générale, il n'est pas exclu que des droits fondamentaux puissent s'opposer à une application stricte du droit matériel, en particulier si celle-ci leur cause une atteinte disproportionnée. Dans l'examen de cette question, il convient de prendre en compte tous les intérêts en présence et de s'assurer que les principes majeurs de l'aménagement du territoire et de la protection de l'environnement ne soient pas compromis. Par ailleurs, l'art. 19 LAT comporte des notions indéterminées, qui doivent s'interpréter en tenant compte du principe de la proportionnalité. Ainsi, même si les conditions des art. 19 et 22 LAT n'apparaissent pas réunies, le juge conserve un certain pouvoir d'appréciation et doit procéder à une pesée des intérêts en présence (arrêts 1C_589/2020 du 25 mars 2021 consid. 3.2.2; 1C_225/2017 du 16 janvier 2018 consid. 5.3.2; 1C_246/2009 du 1er février 2010 consid. 3.2.1; 1C_244/2009 du 1 er février 2010 consid. 2.2.1 in RDAF 2011 I 434 et les références).  
 
3.2.  
 
3.2.1. Les recourants font valoir qu'au moment où l'autorisation de construire a été délivrée, la parcelle no 4'038 ne bénéficiait pas des équipements nécessaires tant sur le plan factuel que juridique pour assurer l'accès aux moyens d'intervention des sapeurs-pompiers depuis le domaine public. Ils font grief à la Cour de justice de ne pas avoir examiné cette problématique pourtant évoquée dans leur recours contre le jugement rendu par le TAPI. A l'appui de leur grief, ils se réfèrent à une analyse illustrant la configuration des lieux au niveau du domaine public produite devant l'instance précédente; ils soutiennent que la police du feu - qui s'est déterminée sur cette pièce à la demande du département - aurait affirmé que l'accès à la parcelle no 4'038 depuis le domaine public " nécessitait la démolition des deux murs situés à l'entrée du chemin et le déplacement du candélabre ".  
Ce n'est toutefois pas ce que l'on peut lire de l'arrêt entrepris. En effet, il en ressort qu'interpellée par le département au sujet de la pièce précitée, la police du feu a considéré que l'accès " pourrait facilement intervenir si les deux murs situés à son entrée étaient partiellement démolis et que le candélabre était déplacé " (cf. arrêt entrepris p. 8, ch. 19). Dès lors, et contrairement à ce que soutiennent les recourants, la police du feu, qui a examiné la pièce en cause, ne prétend nullement que l'accès depuis le domaine public à la parcelle no 4038 pour les engins de secours serait techniquement impossible, respectivement nécessiterait absolument la démolition des deux murs situés à l'entrée du chemin et le déplacement du candélabre. 
 
3.2.2. En tout état de cause, même si l'accès à la parcelle no 4038 depuis le domaine public ne devait pas être garanti en l'état actuel, les circonstances du cas d'espèce ne justifient pas d'empêcher la construction de la parcelle litigieuse, dont la réglementarité n'est au surplus pas mis en cause.  
En effet, les intimées admettent dans leurs déterminations qu'elles devront " s'accorder avec la Commune de Chêne-Bourg pour s'assurer qu'une partie des murs et le candélabre puissent être démolis ou déplacés " (cf. mémoire réponse du 15 octobre 2021, p. 5), à défaut de quoi " elles ne pourront pas mettre en exécution leur projet " (cf. mémoire réponse précité, p. 8). Cela étant, la tâche de veiller à l'aménagement des voies publiques incombe à la collectivité dont elles dépendent et non au particulier qui sollicite un permis de bâtir. C'est ainsi à la Commune de Chêne-Bourg de s'assurer que l'accès depuis le domaine public soit assuré si celui-ci ne devait pas être garanti en l'état actuel. Une condition ou une charge en ce sens ne saurait en effet être imposée à la constructrice dans l'autorisation de construire (cf. ATF 123 II 337 consid. 7a; arrêt 1C_221/2007 du 3 mars 2008 consid. 7.2). Or, on ne voit en l'espèce pas les raisons qui justifieraient que la commune ne procède pas aux aménagements en cause - ce d'autant qu'elle a préavisé favorablement le projet - et les recourants n'en allèguent aucune. Cependant, il sera encore précisé que le permis d'habiter ne pourra être délivré que dans la mesure où la police du feu confirmera à la fin des travaux l'accès suffisant pour les moyens d'intervention des sapeurs-pompiers. Quant aux autres obstacles qui se situeraient à l'intérieur de la parcelle, on relève avec l'autorité précédente que la conformité à la directive no 7 du RPSSP fait partie du préavis de la police du feu, lui-même repris à titre de condition dans l'autorisation de construire querellée. Cela est suffisant au sens de la jurisprudence précitée (cf. supra consid. 3.1.1). 
Dès lors, l'insuffisance de l'équipement alléguée par les recourants apparaît surtout théorique ou du moins temporaire, le temps que la commune procède, conformément à ses obligations légales. Elle n'est au demeurant aucunement imputable à la constructrice qui a rempli ses obligations en matière d'équipement. Dans ces conditions particulières, le respect du principe de proportionnalité exige d'autoriser la construction litigieuse (cf. arrêts 1C_246/2009 du 1er février 2010 consid. 3.3.2; 1C_244/2009 du 1er février 2010 consid. 2.3.2; ELOI JEANNERAT, in Commentaire pratique LAT: Planifier l'affectation, 2016, no 6 ad art. 19 LAT). 
 
3.3. En définitive, et par substitution de motifs, il apparaît que la Cour de justice n'a pas violé le droit en délivrant l'autorisation de construire le projet litigieux.  
 
4.  
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours, dans la mesure où il est recevable. Les frais judiciaires sont mis à la charge des recourants qui succombent, solidairement entre eux (art. 66 al. 1 et 5 LTF). En vertu de l'art. 68 al. 2 et 4 LTF, ceux-ci verseront solidairement aux intimées une indemnité à titre de dépens. Le département n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge des recourants. 
 
3.  
Une indemnité de 3'000 fr. est allouée aux intimées, à titre de dépens, à la charge des recourants. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des recourants, aux intimées, au Département du territoire de la République et canton de Genève et à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 27 octobre 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Nasel