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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_451/2023  
 
 
Arrêt du 7 mars 2024  
 
IVe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Wirthlin, Président, Maillard et Métral. 
Greffière : Mme Castella. 
 
Participants à la procédure 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Division juridique, Fluhmattstrasse 1, 6002 Lucerne, 
recourante, 
 
contre  
 
A.________, 
représenté par Me Nathalie Stegmüller, avocate, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-accidents (rente d'invalidité; revenu d'invalidité), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura du 1er juin 2023 (AA 25 / 2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________, né en 1965, travaillait en qualité de magasinier au service de B.________ SA depuis le 5 juin 2000. A ce titre, il était assuré obligatoirement contre le risque d'accident par la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA). 
Le 26 juin 2016, le prénommé a été victime d'un accident (chute d'un arbre), dont les suites ont été prises en charge par la CNA. Le 23 janvier 2017, il a perdu l'équilibre à son domicile, en raison de pseudo-vertiges liés au syndrome post-commotionnel dû à son précédent accident, ce qui a entraîné sa chute avec réception sur sa main droite et, par-là, une entorse du poignet. L'assuré, en incapacité totale de travailler, a développé par la suite un syndrome douloureux régional complexe (ou complex regional pain syndrome [CRPS]) de l'avant-bras et de la main droites. La CNA a également pris en charge les suites du second événement par le versement d'indemnités journalières, dans la mesure où l'intéressé n'en percevait pas déjà dans le cadre du premier accident, et par le règlement des frais de traitements médicaux, le tout jusqu'au 30 septembre 2020. 
Par décision du 6 octobre 2020, confirmée sur opposition le 19 janvier 2021, la CNA a nié le droit de l'assuré à une rente d'invalidité mais lui a octroyé une indemnité pour atteinte à l'intégrité fondée sur un taux de 15 %, en raison des troubles de la main et du poignet droits. 
 
B.  
Par arrêt du 1 er juin 2023, la Cour des assurances du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura a admis le recours formé contre la décision sur opposition du 19 janvier 2021, qu'elle a réformée dans le sens de la reconnaissance du droit de l'assuré à une rente d'invalidité fondée sur un taux de 17 % dès le 1 er octobre 2020.  
 
C.  
La CNA interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant à son annulation et à la confirmation de sa décision sur opposition du 19 janvier 2021. 
L'intimé conclut principalement au rejet du recours. A titre subsidiaire, il conclut à ce que le revenu d'invalide tienne compte d'un abattement de 10 % sur les données statistiques. Dans une écriture complémentaire à sa réponse, il a déposé la liste des opérations de sa mandante et le montant des honoraires correspondants. 
La juridiction cantonale conclut au rejet du recours, dans la mesure où il est recevable. L'Office fédéral de la santé publique ne s'est pas déterminé. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable. 
 
2.  
 
2.1. Le litige concerne le droit de l'intimé à une rente d'invalidité de l'assurance-accidents, fondée sur un taux d'invalidité de 17 %, à compter du 1 er octobre 2020. Singulièrement, il porte sur le point de savoir si la cour cantonale a violé le droit fédéral en procédant à un abattement de 15 % sur le revenu d'invalide, tel que fixé par la recourante.  
 
2.2. S'agissant d'une procédure concernant l'octroi de prestations en espèces de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par la juridiction précédente (art. 105 al. 3 LTF).  
 
3.  
 
3.1. L'arrêt entrepris expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels relatifs notamment à l'allocation de prestations d'assurance en cas d'accident (art. 6 al. 1 et 18 al. 1 LAA; art. 7 et 8 LPGA), à l'évaluation de l'invalidité d'après la méthode ordinaire de la comparaison des revenus (art. 16 LPGA; entre autres arrêts, ATF 137 V 71; 130 V 121; 126 V 75), ainsi qu'à l'appréciation des preuves (ATF 135 V 465 consid. 4.7; 126 V 353 consid. 5b; 125 V 351). Il suffit d'y renvoyer.  
 
3.2.  
 
3.2.1. S'agissant du revenu d'invalide, il doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l'assuré. En l'absence d'un revenu effectivement réalisé, soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l'atteinte à la santé, n'a pas repris d'activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible, le revenu d'invalide peut être évalué sur la base des données statistiques résultant de l'Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS; ATF 148 V 419 consid. 5.2, 174 consid. 6.2; 139 V 592 consid. 2.3). Aux fins de déterminer le revenu d'invalide, le salaire fixé sur cette base peut à certaines conditions faire l'objet d'un abattement de 25 % au plus (ATF 148 V 419 consid. 5.2, 174 consid. 6.3; 129 V 472 consid. 4.2.3).  
A l'ATF 148 V 174, le Tribunal fédéral a retenu qu'actuellement, il n'existe pas de motif sérieux et objectif de modifier la jurisprudence selon laquelle la détermination du revenu d'invalide sur la base des valeurs statistiques se fonde en principe sur la valeur centrale, respectivement médiane de l'ESS. Il a toutefois précisé que lorsque le revenu d'invalide est déterminé sur la base des salaires statistiques, il y a le correctif remarquable de l'abattement qui peut s'élever jusqu'à 25 % pour tenir compte du fait qu'une personne lésée ne peut pas forcément mettre pleinement à profit sa capacité de travail résiduelle sur un marché de travail réputé équilibré (consid. 9.2.2 et 9.2.3; arrêt 8C_706/2022 du 5 décembre 2023 consid. 6.3.2.2 et les références). 
 
3.2.2. La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation). Il n'y a pas lieu de procéder à des déductions distinctes pour chacun des facteurs entrant en considération. Il faut bien plutôt procéder à une évaluation globale, dans les limites du pouvoir d'appréciation, des effets de ces facteurs sur le revenu d'invalide, compte tenu de l'ensemble des circonstances du cas concret (ATF 148 V 419 consid. 5.2, 174 consid. 6.3; 126 V 75 consid. 5b/bb).  
 
3.2.3. Alors que le point de savoir s'il y a lieu de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison de circonstances particulières (liées au handicap de la personne ou à d'autres facteurs) est une question de droit qui peut être examinée librement par le Tribunal fédéral, l'étendue de l'abattement du salaire statistique dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d'appréciation, qui est soumise à l'examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d'appréciation de manière contraire au droit, soit a commis un excès positif ("Ermessensüberschreitung") ou négatif ("Ermessensunterschreitung") de son pouvoir d'appréciation ou a abusé ("Ermessensmissbrauch") de celui-ci (ATF 148 V 419 consid. 5.4; 146 V 16 consid. 4.2; 137 V 71 consid. 5.1 et 5.2). Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d'appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1; 116 V 307 consid. 2 et les références).  
 
3.3. Contrairement au pouvoir d'examen du Tribunal fédéral, celui de l'autorité judiciaire de première instance n'est pas limité dans ce contexte à la violation du droit (y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation), mais s'étend également à l'opportunité de la décision administrative ("Angemessenheitskontrolle"). En ce qui concerne l'opportunité de la décision en cause, l'examen porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l'autorité, dans un cas concret, a adoptée dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, et en respectant les principes généraux du droit, n'aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. A cet égard, le juge des assurances sociales ne peut pas, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l'administration; il doit s'appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 consid. 5.2; 126 V 75 consid. 6).  
 
4.  
En l'espèce, la cour cantonale a retenu, à l'instar de la recourante et sur la base des conclusions d'une expertise pluridisciplinaire d'Unisanté du 28 juillet 2020 et du rapport du 16 septembre 2020 du docteur C.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur et médecin d'arrondissement de la recourante, que l'intimé était en mesure d'exercer une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, à savoir une activité qui ne nécessite pas de force de préhension ou de dextérité de la main droite, pas de mouvement répétitif au niveau de la main et du poignet droits, ni de port répété de charges supérieures à 5-10 kg, le poids indiqué correspondant à ce qui peut être porté par la main gauche, avec l'éventuelle aide de la main droite. En revanche, contrairement à l'avis de la recourante qui avait refusé toute déduction sur le revenu d'invalide fondé sur les statistiques de l'ESS, les juges cantonaux ont considéré que les contraintes précitées limitaient considérablement l'usage de la main dominante et étaient de nature à désavantager l'intimé sur le marché du travail, si bien qu'elles exigeaient manifestement un abattement de 15 %. 
 
5.  
 
5.1. La recourante conteste que les limitations fonctionnelles de l'intimé puissent justifier en l'espèce un abattement sur le revenu d'invalide fondé sur l'ESS. Elle soutient en substance que si les activités lourdes et de précision sont à exclure, l'intimé ne subit aucun désavantage dans les activités moyennes à légères du niveau de compétence 1, lequel comporte un large éventail d'activités variées et non qualifiées, ne nécessitant pas d'expérience professionnelle spécifique ou de formation particulière, si ce n'est une phase initiale d'adaptation et d'apprentissage (référence faite à la jurisprudence). L'intimé pouvant porter des charges allant jusqu'à 10 kg et n'étant limité que dans des activités nécessitant de la dextérité et des mouvements répétitifs de la main droite, on retrouverait suffisamment d'activités compatibles sur le marché du travail. Citant divers arrêts du Tribunal fédéral, elle soutient qu'un abattement de 10 à 15 % n'est généralement approprié que dans l'hypothèse de la perte de fonctionnalité totale d'un bras et que le Tribunal fédéral a exclu la prise en compte d'un abattement dans le cas d'une assurée pour laquelle seules des activités légères, épargnant la main dominante et sans exigences en termes de force, de motricité fine et de sensibilité restaient exigibles. A titre subsidiaire, la recourante reproche à la cour cantonale d'avoir abusé de son pouvoir d'appréciation et requiert la prise en compte d'un abattement de 5 % tout au plus, lequel, appliqué au revenu d'invalide incontesté aboutirait à un taux d'invalidité de 9,25 %.  
 
5.2. Les arguments soulevés par la recourante ne permettent pas d'imputer une violation du droit aux premiers juges, en particulier un abus de leur pouvoir d'appréciation dans la fixation du taux d'abattement. Premièrement, il n'est pas déterminant que le niveau de compétence 1 comporte un large éventail d'activités non qualifiées qui ne nécessitent pas d'expérience professionnelle spécifique ou de formation particulière, dans la mesure où ce sont les limitations fonctionnelles qui ont motivé l'abattement en l'espèce. Ensuite, contrairement aux assertions de la recourante, l'intimé ne peut pas purement et simplement porter des charges jusqu'à 10 kg; il est limité dans le port répété de charges supérieures à 5-10 kg. En outre, au vu de l'exclusion des activités nécessitant de la force de préhension et/ou de la dextérité avec la main droite dominante ainsi que des mouvements répétitifs au niveau de la main et du poignet droits, l'intimé n'est pas limité que dans des activités lourdes mais également dans des activités moyennes à légères. Quant à la jurisprudence citée par la recourante, elle n'apparaît pas décisive en l'espèce. En particulier, il ne se justifie pas de comparer la situation de l'intimé avec celle d'assurées dont les atteintes à la santé justifiaient déjà un taux d'occupation réduit dans l'activité adaptée (arrêt 8C_495/2019 du 11 décembre 2019) ou dont les limitations fonctionnelles ne coïncident pas avec celles de l'intimé (9C_238/2018 du 30 avril 2018). En tout état de cause, le Tribunal fédéral a considéré à réitérées reprises qu'en cas de limitation des activités exigibles à des activités mono-manuelles ou lorsque la main dominante ne peut être utilisée que pour des gestes d'appoint, un abattement de 20 à 25 % du revenu d'invalide peut être justifié (arrêts 8C_58/2018 du 7 août 2018 consid. 5.3 et les nombreux arrêts cités, in SVR 2019 UV n° 7 p. 27; 8C_606/2022 du 4 mai 2023 consid. 6.1); dans le même contexte, il a également considéré comme admissibles des abattements de 15 % et 10 % (n'ayant pas constaté d'abus ou d'excès du pouvoir d'appréciation; arrêts 8C_587/2019 du 30 octobre 2019 consid. 7.3; 8C_383/2020 du 21 septembre 2020 consid. 4.2.2 et les arrêts cités). Récemment, il a confirmé un abattement de 25 % au regard notamment des atteintes de la main dominante d'un assuré, prohibant le port de charges supérieures à 1 kg et et les mouvements répétitifs du poignet droit en pronosupination, le membre supérieur droit pouvant être utilisé pour des gestes d'appoint lors du port de charges ou de mouvements répétitifs (cf. arrêt 8C_706/2022 du 5 décembre 2023 consid. 4.1, 4.4 et 6.3.2.3).  
Il s'ensuit que l'abattement de 15 % opéré sur le revenu d'invalide par les premiers juges échappe à la critique. 
 
6.  
Vu ce qui précède, le recours se révèle mal fondé et doit être rejeté. 
 
7.  
La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et versera une indemnité de dépens à l'intimé (art. 68 al. 1 et 2 LTF), conformément à la note d'honoraires produite par celui-ci. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimé la somme de 1'114 fr. 70 (y compris la TVA) à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour des assurances du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura et à l'Office fédéral de la santé publique. 
 
 
Lucerne, le 7 mars 2024 
 
Au nom de la IVe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
La Greffière : Castella