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Ecriture agrandie
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_738/2021  
 
 
Arrêt du 1er décembre 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix et Pont Veuthey, Juge suppléante. 
Greffière : Mme Nasel. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représenté par Me Béatrice Stahel, avocate, 
recourant, 
 
contre  
 
Conseil d'Etat du canton du Valais, place de la Planta, Palais du Gouvernement, 1950 Sion. 
 
Objet 
Retrait du permis de conduire, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de droit public 
du Tribunal cantonal du Valais du 27 octobre 2021 
(A1 21 67). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 24 février 2020, A.________ circulait sur l'autoroute A1 Est, de Kirchberg en direction de Schönbühl (Berne), au volant d'un véhicule de livraison. Au kilomètre 7,4, il a été contrôlé à 13h18 par la police cantonale bernoise, sur la voie de dépassement, à une vitesse de 111 km/h et à une distance de 21,5 mètres de la voiture qu'il suivait, soit à une distance insuffisante de 0,7 seconde. 
L'avis d'infraction que lui a adressé la Police cantonale de Berne le 12 mars 2020, formulé en français, indique ce qui suit: " Nous avons constaté, à l'aide d'un appareil de surveillance du trafic, que le conducteur du véhicule mentionné ci-après a commis l'infraction suivante: [...] Circuler à une distance insuffisante du véhicule qui précède (0,8 sec. et moins) ". Quelques lignes plus loin, ce document précise que " Le dépassement de la vitesse mentionnée ci-dessus et/ou un non-respect d'une distance suffisante au véhicule précédent doivent être annoncées au ministère public ". En outre, la " Feuille de données mesure administrative permis de conduire " établie le 6 avril 2020 par la police, également libellée en français, mentionne sous la rubrique " Etat des faits ": " Infraction: Circuler à une distance insuffisante du véhicule qui précède (0,8 sec. et moins) " et sous " Bases légales ": " Infraction à 34/4 LCR, 12/1 OCR, 90/1 LCR ". 
 
B.  
Par ordonnance pénale du 15 avril 2020, rédigée en allemand, le Procureur de la région Bern-Mittelland a condamné A.________ à une amende de 500 fr. pour violation de l'art. 12 al. 1 de l'ordonnance du 13 novembre 1962 sur les règles de la circulation routière (OCR; RS 741.11) et des art. 34 al. 4 et 90 al. 1 LCR. 
Par décision du 26 juin 2020, le Service de la circulation routière de la navigation du canton du Valais (SCN) a qualifié de moyennement grave l'infraction commise par A.________; tenant compte notamment d'une infraction moyennement grave perpétrée par ce dernier en 2018 (cf. art. 16b al. 2 let. b LCR), ce service a prononcé un retrait de son permis de conduire pour une durée fixée à 4 mois. 
Le 29 juillet 2020, A.________ a recouru contre cette décision au Conseil d'Etat du canton du Valais (Conseil d'Etat), qui a rejeté le recours le 10 mars 2021. 
Le 14 avril 2021, A.________ a déposé un recours à l'encontre de la décision du 10 mars 2021 du Conseil d'Etat auprès de la Cour de droit public du Tribunal cantonal du Valais (Tribunal cantonal), qui l'a rejeté par arrêt du 27 octobre 2021. 
 
C.  
Par acte du 29 novembre 2021, A.________ forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral, par lequel il conclut principalement à l'annulation du dispositif de l'arrêt du 27 octobre 2021. Il demande également l'annulation de la décision du 26 juin 2020 du SCN. Subsidiairement, il sollicite le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Le Tribunal cantonal a renoncé à se déterminer, tandis que le Conseil d'Etat a conclu au rejet du recours. L 'Office fédéral des routes (OFROU) s'est abstenu de prendre position, considérant qu'il ne s'agissait pas de questions relevant du droit de la circulation routière. 
Par ordonnance du 21 décembre 2021, le Juge présidant de la Ire Cour de droit public du Tribunal fédéral a admis la demande d'effet suspensif présentée par le recourant. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
La voie du recours en matière de droit public, au sens des art. 82 ss LTF, est ouverte contre une décision de dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) relative à une mesure administrative de retrait du permis de conduire (art. 82 let. a LTF). Aucun motif d'exclusion au sens de l'art. 83 LTF n'entre en considération. Déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) par le destinataire de la décision attaquée qui a un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de celle-ci (art. 89 al. 1 LTF), le présent recours est en principe recevable. 
 
2.  
Le recourant se prévaut des art. 6 CEDH, 9, 29 et 32 Cst. pour se plaindre d'une violation de son droit d'être entendu ainsi que des principes de la bonne foi et de la présomption d'innocence. Il fait grief au Tribunal cantonal d'avoir considéré qu'aucun élément concret ne commandait à l'autorité administrative de ne pas s'en tenir aux faits tels qu'ils ressortent de l'ordonnance pénale du 15 avril 2020, alors que cette décision est rédigée en allemand, langue qu'il dit ne pas comprendre. En outre, il lui reproche de ne pas lui avoir donné l'occasion de s'exprimer oralement et de ne pas avoir retenu, eu égard aux doutes existants, sa version des faits. Il conteste à cet égard avoir commis le 24 février 2020 une infraction moyennement grave à la LCR; il soutient qu'il aurait " été confronté au dépassement inopiné et serré du véhicule de marque Mercedes qui le précédait, lui ôtant toute la marge de manoeuvre et le temps de réaction nécessaires requis pour pouvoir adapter sa distance au standard du demi-compteur "; il n'aurait donc " pas voulu freiner brusquement afin de rétablir la distance réglementaire puisqu'il était suivi par plusieurs véhicules " (cf. arrêt entrepris, p. 3). 
 
2.1. En principe, l'autorité administrative statuant sur un retrait du permis de conduire ne peut pas s'écarter des constatations de fait d'un jugement pénal entré en force. La sécurité du droit commande en effet d'éviter que l'indépendance du juge pénal et du juge administratif ne conduise à des jugements opposés, rendus sur la base des mêmes faits (ATF 139 II 95 consid. 3.2; 137 I 363 consid. 2.3.2). L'autorité administrative ne peut s'écarter du jugement pénal que si elle est en mesure de fonder sa décision sur des constatations de fait inconnues du juge pénal ou qui n'ont pas été prises en considération par celui-ci, s'il existe des preuves nouvelles dont l'appréciation conduit à un autre résultat, si l'appréciation à laquelle s'est livré le juge pénal se heurte clairement aux faits constatés, ou si le juge pénal n'a pas élucidé toutes les questions de droit, en particulier celles qui touchent à la violation des règles de la circulation (ATF 139 II 95 consid. 3.2 et les arrêts cités). Cela vaut non seulement lorsque le jugement pénal a été rendu au terme d'une procédure publique ordinaire au cours de laquelle les parties ont été entendues et des témoins interrogés, mais également, à certaines conditions, lorsque la décision a été rendue à l'issue d'une procédure sommaire, même si la décision pénale se fonde uniquement sur le rapport de police. Il en va notamment ainsi lorsque la personne impliquée savait ou aurait dû prévoir, en raison de la gravité des faits qui lui sont reprochés, qu'il y aurait également une procédure de retrait de permis. Dans cette situation, la personne impliquée est tenue, en vertu des règles de la bonne foi, de faire valoir ses moyens dans le cadre de la procédure pénale, le cas échéant en épuisant les voies de recours à sa disposition. Elle ne peut pas attendre la procédure administrative pour exposer ses arguments (ATF 123 II 97 consid. 3c/aa; plus récemment arrêts 1C_91/2021 du 27 juillet 2021 consid. 2.1; 1C_81/2021 du 14 juin 2021 consid. 3.1).  
 
2.2. En l'espèce, l'ordonnance pénale du 15 avril 2020 est certes rédigée en allemand, langue que le recourant dit ne pas comprendre. Toutefois, comme l'a établi l'autorité précédente, sans que le recourant ne le conteste, un avis d'infraction, libellé en français, lui a été préalablement envoyé par la Police cantonale de Berne le 12 mars 2020. Ce document contenait les faits en relation avec l'infraction; le recourant a rempli et signé le formulaire figurant au verso de cet avis, sans mentionner aucune remarque sous la rubrique " Déclarations du conducteur responsable ". Le recourant n'objecte pas non plus que cet avis lui expliquait déjà la possibilité de s'opposer aux faits litigieux, selon ces termes: " Une éventuelle opposition contre la présente notification après la réception de l'ordonnance pénale doit être adressée au ministère public [...] ".  
Dans ces conditions, il apparaît que le recourant a été suffisamment informé - en français - des faits et de l'infraction qui lui étaient reprochés; il savait en outre que ceux-ci seraient dénoncés au ministère public et qu'il pouvait s'y opposer. Comme l'a retenu l'autorité précédente, le recourant ne pouvait, au vu de ces éléments, méconnaître qu'il risquait une condamnation pénale. Quiconque, placé dans les mêmes circonstances, aurait réagi s'il estimait que la proximité du véhicule précédent était due à une manoeuvre inattendue de celui-ci. Le recourant ne pouvait en outre ignorer qu'une procédure administrative de retrait de permis serait ouverte à son encontre, puisqu'il avait déjà fait l'objet de deux mesures de retrait de permis d'un mois chacune à la suite d'infractions moyennement graves commises en 2014 et 2018. Dans ce contexte, on ne saurait reprocher à l'autorité précédente d'avoir considéré que les difficultés de compréhension de la langue allemande invoquées par le recourant relevaient de la mauvaise foi et qu'il appartenait à ce dernier de faire valoir ses moyens dans le cadre de la procédure pénale, respectivement de faire opposition à l'ordonnance pénale du 15 avril 2020, dont il lui incombait, le cas échéant, de demander la traduction (cf. art. 354 al. 1 CPP; arrêts 1C_669/2019 du 31 janvier 2020 consid. 3.3; 1C_50/2019 du 11 février 2019 consid. 3.1; 1C_147/2011 du 11 janvier 2012 consid. 2.3); le recourant ne pouvait en effet attendre la procédure administrative pour exposer ses arguments. 
Le recourant se réfère à tort à l'arrêt 1C_29/2007 du 27 août 2007 qui diffère de la présente affaire: certes l'intéressé n'était pas assisté d'un avocat et ne parlait pas non plus l'allemand; toutefois, le rapport de la police cantonale se contentait alors d'indiquer les infractions reprochées sans contenir d'établissement des faits; ce n'est qu'au cours de la procédure administrative que le recourant avait appris qu'un retrait de permis était envisagé en raison d'un assoupissement au volant (consid. 3.2). 
Pour le reste, les garanties minimales en matière de droit d'être entendu découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. ne comprennent en principe pas celui d'être entendu oralement (cf. ATF 140 I 68 consid. 9.6.1; 134 I 140 consid. 5.3; arrêt 1C_534/2021 du 24 août 2022 consid. 4.4). Le recourant ne prétend pas ni ne démontre que le droit de procédure cantonal lui accorderait un tel droit. Au demeurant, il ressort de l'arrêt entrepris que le recourant s'est déterminé à plusieurs reprises sur les faits qui se sont déroulés le 24 février 2020. On ne voit donc pas concrètement ce qu'une audition personnelle devant le Tribunal cantonal aurait permis au recourant d'ajouter, ce d'autant que, selon l'arrêt attaqué, il a renoncé à s'exprimer dans le délai fixé par cette autorité le 21 juin 2021. 
 
2.3. En définitive, le Tribunal cantonal n'a pas violé le droit fédéral en considérant que l'autorité administrative n'avait aucune raison objective de s'écarter des faits retenus dans l'ordonnance pénale du 15 avril 2020, laquelle n'a pas été contestée par le recourant. Il n'a en outre pas violé le droit d'être entendu du recourant en ne procédant pas à son audition. Les griefs de l'intéressé doivent dès lors être rejetés. Au surplus, le recourant ne formule aucune critique à l'encontre de l'appréciation de la faute et de la mise en danger effectuée par l'instance précédente sur la base des faits établis.  
 
3.  
Il s'ensuit que le recours est rejeté aux frais du recourant qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire du recourant, au Conseil d'Etat du canton du Valais, au Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, et à l'Office fédéral des routes. 
 
 
Lausanne, le 1 er décembre 2022  
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Nasel