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Ecriture agrandie
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_402/2022  
 
 
Arrêt du 5 décembre 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Merz et Weber, Juge suppléant. 
Greffier : M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
recourant, 
 
contre  
 
Office de la population de Vevey, rue du Lac 2, 1800 Vevey, représenté par Me Philippe Vogel, avocat, 
 
Objet 
Protection des données personnelles; déni de justice, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton 
de Vaud, Cour de droit administratif et public, du 30 juin 2022 (GE.2022.0114). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 29 mars 2020, A.________ (identité figurant sur les documents d'identité) ainsi que son épouse B.________ ont adressé à la Municipalité de Vevey des demandes d'informations, désirant connaître les raisons de certaines communications mal adressées ou de l'absence de certaines communications attendues. Au mois de juin 2020, ils ont saisi la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois (CDAP) de recours pour déni de justice. Par arrêt du 24 juin 2020, la CDAP a rejeté les recours, considérant que l'objet du litige était limité à un déni de justice et que le délai écoulé depuis la demande du 29 mars 2020, respectivement celle du 12 mai 2020, n'était pas constitutif d'un retard à statuer. Le 9 octobre 2020 (arrêt 1C_395/2020), le Tribunal fédéral a rejeté le recours formé contre cet arrêt. Une demande de révision été rejetée le 7 décembre 2020 (arrêt 1F_33/2020). 
L'intéressé a ensuite introduit des procédures civiles et pénales en lien avec le traitement illicite de données dont il se disait victime. Le 3 février 2022, il s'est adressé à l'Office de la population de Vevey (ci-après: l'office), lui demandant que le caractère illicite du traitement de ses données personnelles soit constaté, qu'il soit renoncé par écrit à ce traitement illicite, que les conséquences de ce traitement soient réparées et qu'il soit informé des raisons de ces atteintes. Un délai était fixé pour ce faire, au 23 février 2022. Par décision du 28 février 2022 (qui n'a pas été immédiatement communiquée à l'intéressé, celui-ci n'ayant pas retiré le pli recommandé qui lui avait été adressé), l'office a rejeté cette demande, confirmant que l'identité de l'intéressé, telle que figurant sur son passeport, était bien A.________ [sic] né le 22 novembre 1968; l'office se déclarait incompétent pour statuer sur les conclusions dirigées contre d'autres autorités, et indiquait que l'intéressé avait été renseigné à de très nombreuses reprises sur l'utilisation de ses données. Le 6 mars 2022, A.________ a encore demandé à l'office des renseignements sur la mention "célibataire" figurant dans le registre cantonal des personnes; il s'est plaint, le 24 mai suivant, de ne pas avoir reçu de réponse et a imparti un ultime délai au 27 mai 2022 pour ce faire. 
Par acte du 30 mai 2022, il a saisi la CDAP d'un recours tendant à ce que l'office soit sommé de statuer sans délai, à ce que soit constaté le traitement illicite de ses données par la Direction générale des affaires institutionnelles et des communes (DGAIC) et par le Programme vaudois de dépistage du cancer du côlon; il demandait en outre une indemnité de 53'102 fr. pour son dommage économique et 46'500 fr. de tort moral. 
 
B.  
Par arrêt du 30 juin 2022, la CDAP a rejeté le recours dans la mesure de sa recevabilité. L'autorité communale avait répondu le 28 février 2022 à sa demande de constatation et de cessation de traitement illicite de données; la requête du 6 mars 2022 ne constituait qu'une demande de renseignements, n'appelant pas de décision formelle. La décision du 28 février 2022 avait été notifiée par pli recommandé, qui n'avait pas été retiré, de sorte que le délai de recours commençait à courir le dernier jour du délai de garde et que le recours était tardif sur ce point. Les demandes d'indemnisation relevaient des tribunaux civils. 
 
C.  
Par acte du 5 juillet 2022, A.________ forme un recours contre l'arrêt du 30 juin 2022, ainsi qu'une "requête de nullité" contre la décision du 28 février 2022. Il demande la suspension de l'exécution de l'arrêt cantonal, l'annulation de cet arrêt, la constatation de la nullité de la décision du 28 février 2022 et le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. Il demande l'assistance judiciaire par acte séparé. 
La CDAP renonce à se déterminer et se réfère à son arrêt. L'Office de la population de Vevey conclut au rejet du recours. Le recourant a ensuite déposé des déterminations et des pièces complémentaires les 26 septembre, 22 et 25 octobre et 4 novembre 2022. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
L'arrêt attaqué, relatif à une procédure de rectification de données, voire de responsabilité de l'Etat, constitue une décision finale rendue dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF). Aucune des exceptions mentionnées à l'art. 83 LTF n'étant réalisée, le recours en matière de droit public est en principe recevable. Le recourant présente également son écriture comme une "requête de nullité", mais un tel moyen de droit n'est pas prévu par la loi. Les moyens soulevés à l'appui de cette requête peuvent toutefois être examinés, comme on le verra, avec le recours en matière de droit public. Le recourant a pris part à la procédure devant l'autorité précédente (art. 89 al. 1 let. a LTF) et dispose d'un intérêt à l'annulation ou à la réforme de l'arrêt attaqué. 
L'objet du litige est déterminé par la requête déposée le 3 février 2022 qui tendait à une constatation du caractère illicite du traitement de données personnelles par diverses entité (notamment la DGAIC, la Justice de paix de la Sarine, le Touring Club suisse, le Programme vaudois du diagnostic du cancer du côlon), à la réparation des conséquences de ces traitements illicites, à une information sur les raisons de ces atteintes et à un engagement par écrit d'y mettre fin. La cour cantonale n'ayant, pour des motifs de procédure, pas examiné le fond de la cause, le recourant peut conclure à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la cour cantonale, ainsi qu'à la constatation de la nullité de la décision de première instance. Les conclusions présentées sur le fond sont ainsi recevables au regard de l'art. 107 LTF. En revanche, les conclusions complémentaires figurant dans les écritures postérieures sont irrecevables, dès lors qu'elles sont nouvelles (art. 99 al. 2 LTF) et ont été présentées après l'échéance du délai de recours. 
Sous cette réserve, et celle de la motivation des griefs soulevés (cf. art. 42 al. 2 LTF et, s'agissant des griefs d'ordre constitutionnel, art. 106 al. 2 LTF), il y a lieu en principe d'entrer en matière. 
 
2.  
Se plaignant d'établissement inexact des faits, le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir faussement fait état de l'identité "A.________" (arrêt attaqué, consid. D en fait). Elle aurait par ailleurs méconnu que la demande du 3 février 2022 était nouvelle et fondée sur des faits nouveaux intervenus après les arrêts du Tribunal fédéral. Il relève en outre que dans sa demande, il avait fixé un délai au 23 février 2022 pour que l'autorité rende sa décision; celle-ci n'ayant statué que le 28 février 2022, sa décision serait tardive et donc entachée de nullité, ce que la CDAP aurait dû constater d'office. En outre, l'affirmation selon laquelle la décision en question aurait été notifiée avant le 13 juin 2022 (date de sa transmission au recourant dans le cadre de la procédure de recours) ne serait pas prouvée. 
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, la partie recourante ne peut critiquer la constatation de faits que si ceux-ci ont été établis en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte - en particulier en violation de l'interdiction constitutionnelle de l'arbitraire - et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause. Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées.  
 
2.2. La mention de l'identité du recourant au consid. D en fait de l'arrêt attaqué ne constitue pas une constatation portant sur la réelle identité du recourant, mais une retranscription - inexacte - du contenu de la décision du 28 février 2022. Dans la mesure où cette inexactitude, qui résulte d'une simple erreur de frappe, est sans aucune incidence sur la solution retenue par la cour cantonale et où la teneur de cette décision - qui retranscrit quant à elle de manière exacte l'identité du recourant - figure au dossier, il n'y a pas lieu de rectifier l'état de fait sur ce point. La question de savoir si la requête du recourant faisait suite aux précédentes décisions rendues notamment par le Tribunal fédéral, ou s'il s'agissait d'une démarche entièrement nouvelle, est elle aussi sans incidence sur l'issue du litige, dès lors que la cour cantonale a résumé de manière exacte le contenu et les conclusions de ladite demande. La question de savoir si le non-respect du délai imposé par le recourant à l'autorité pour répondre à sa demande impliquait la nullité de la décision, constitue une question de droit (cf. consid. 4 ci-dessous) et non de fait. La cour cantonale a encore considéré que la notification de la décision du 28 février 2022 était réputée avoir eu lieu le dernier jour du délai de garde, le pli recommandé n'ayant pas été retiré. Cette considération juridique, conforme à la jurisprudence constante (ATF 146 IV 30 consid. 1.1.2 et les arrêts cités), ne relève pas non plus du fait. Au niveau factuel, la lettre recommandée adressée au recourant se trouve au dossier, et le recourant ne saurait émettre des doutes quant à l'adressage ou au contenu de celle-ci.  
La cour cantonale a enfin retenu que la requête du 6 mars 2022 ne constituait qu'une demande de renseignements n'appelant pas de décision formelle de la part de l'autorité, ce que le recourant conteste en rappelant les termes de ladite requête; dans celle-ci, le recourant se plaint de ne pas avoir encore reçu de réponse à sa première demande; il évoque ensuite un courrier de l'administration fiscale où figurent deux états civils différents, et demande des explications à ce sujet, sans notamment demander de constatation, de rectification, voire de réparation comme il l'avait fait dans sa demande précédente. La cour cantonale pouvait dès lors sans arbitraire y voir une simple demande d'explications. 
Les griefs relatifs à l'établissement des faits doivent par conséquent être écartés, dans la mesure où ils sont recevables. 
 
3.  
Dans un grief formel, le recourant relève qu'il avait requis de la CDAP, le 27 juin 2022, une restitution du délai pour répliquer à la réponse de l'autorité intimée. La cour cantonale n'aurait pas statué sur cette demande, ni tenu compte de l'écriture remise spontanément. L'argument est manifestement mal fondé. En effet, l'arrêt attaqué relève (consid. E en fait in fine) que "le recourant s'est encore déterminé le 26 juin 2022" (document enregistré par la CDAP le jour suivant). Il en résulte que la cour cantonale a tenu compte de cette écriture, et que la demande de restitution de délai présentée à ce propos était sans objet. Il n'y a aucune violation du droit à la réplique, ni aucun déni de justice sur ce point. 
Le recourant se plaint aussi de ce que le dossier de la cause n'aurait pas été remis à la cour cantonale malgré l'ordre de production adressé le 7 juin 2022 à l'autorité intimée. Invité à produire un dossier "original et complet", la Municipalité de Vevey a transmis, le 10 juin 2022, la décision rendue par l'Office de la population précisant que son dossier était constitué par les écritures du recourant. La CDAP était invitée à faire savoir si sa demande de production du dossier "original et complet" était maintenue. Par avis aux parties du 13 juin 2022, la cour a considéré que, sous réserve du droit de réplique du recourant, elle s'estimait en mesure de statuer, ce qui signifie qu'elle a renoncé à la production d'un dossier plus complet, s'estimant suffisamment renseignée par la production de la décision dont le recourant dénonçait jusque-là l'absence. Dans sa réplique, le recourant ne s'est d'ailleurs pas plaint du caractère incomplet du dossier produit. Il n'y a par conséquent aucune violation du droit d'être entendu. 
 
4.  
Le recourant estime que la décision du 28 février 2022 serait nulle, ce qu'il appartenait à la cour cantonale de constater d'office. Dans sa requête du 3 février 2022, il avait fixé à l'autorité un délai au 23 février 2022 pour statuer sur ses quatre chefs de conclusions, et l'autorité n'aurait rendu sa décision que le 28 février 2022. 
Le recourant méconnaît que selon la jurisprudence constante, la nullité absolue ne frappe que les décisions affectées des vices les plus évidents, et pour autant que cela ne mette pas sérieusement en danger la sécurité du droit (ATF 147 IV 93 consid. 1.4.4; 146 I 172 consid. 7.6; 145 IV 197 consid. 1.3.2). Sauf dans les cas expressément prévus par la loi, il ne faut admettre la nullité qu'à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire. L'illégalité d'une décision ne constitue pas par principe un motif de nullité; elle doit au contraire être invoquée dans le cadre des voies ordinaires de recours (ATF 130 II 249 consid. 2.4). Entrent avant tout en considération comme motifs de nullité l'incompétence fonctionnelle et matérielle de l'autorité appelée à statuer, ainsi qu'une erreur manifeste de procédure (ATF 145 IV 197 consid. 1.3.2; 143 III 495 consid. 2.2). 
En vertu de l'interdiction du déni de justice (art. 29 al. 1 Cst.), l'autorité saisie d'une requête doit statuer dans des délais raisonnables, compte tenu de la nature de la cause. Il n'appartient pas au justiciable d'imposer lui-même par avance un tel délai; le dépassement de celui-ci peut faire l'objet d'un recours pour retard à statuer et ne saurait en tout cas constituer un vice grave de procédure. En outre, le recourant omet de préciser que par lettre du 24 mai 2022, il a prolongé le délai fixé au 27 mai 2022, de sorte que la décision de l'office a été rendue dans ce nouveau délai. Il n'existe dès lors manifestement aucun motif de nullité. 
 
5.  
Sur le fond, la cour cantonale a considéré que le déni de justice dont se plaignait le recourant avait pris fin avec le prononcé de la décision du 28 février 2022. Celui-ci n'en avait pas pris connaissance puisqu'il n'avait pas retiré le pli recommandé, mais la fiction de notification à l'échéance du délai de garde était, comme on l'a vu, opposable au recourant. Faute de recours dans le délai légal, le recourant ne pouvait pas contester la décision du 28 février 2022, et la CDAP n'a commis aucun déni de justice en n'examinant pas la cause sur le fond. 
 
6.  
Sur le vu de ce qui précède, le recours apparaît manifestement mal fondé, dans la mesure où il est suffisamment motivé. Cette issue, d'emblée prévisible, conduit au refus de l'assistance judiciaire et à la perception de frais judiciaires, conformément à la règle de l'art. 66 al. 1 LTF; la règle de gratuité posée par le droit cantonal en matière de protection des données ne s'applique pas au niveau fédéral (arrêt 1C_136/2019 du 4 décembre 2019 consid. 5). En vertu de l'art. 68 al. 3 LTF, il n'est pas alloué de dépens, quand bien même l'Office de la population de Vevey est représenté par un avocat. 
 
 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
 
1.  
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge du recourant. Il n'est pas alloué de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué au recourant, au mandataire de l'Office de la population de Vevey et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public. 
 
 
Lausanne, le 5 décembre 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
Le Greffier : Kurz