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Ecriture agrandie
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_604/2023  
 
 
Arrêt du 9 janvier 2024  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz et Ryter. 
Greffière : Mme Meyer. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Magali Buser, avocate, 
recourant, 
 
contre  
 
Office cantonal de la population et des migrations du canton de Genève, route de Chancy 88, 1213 Onex, 
intimé. 
 
Objet 
Refus de délivrer une autorisation de séjour 
et renvoi de Suisse, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de 
la République et canton de Genève, Chambre administrative, 2ème section, du 19 septembre 2023 (ATA/1025/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________, ressortissant de Macédoine du Nord né en 1978, s'est installé à Genève en 2004, sans disposer d'une autorisation de séjour. Il est marié et a eu deux enfants, nés en 2008 et 2012. Sa famille vit en Macédoine du Nord. 
A.________ a travaillé dans le domaine de la construction, en tant que maçon-ferrailleur, jusqu'à un accident de travail survenu le 30 septembre 2018, lors duquel il s'est blessé au poignet. Il n'a dès lors plus pu exercer sa profession de ferrailleur et a souffert d'une dépression. Par la suite, une schizophrénie simple a été diagnostiquée. 
Par décision du 18 juillet 2019, le Secrétariat d'Etat aux migrations a prononcé à l'encontre de l'intéressé une interdiction d'entrée en Suisse, valable immédiatement et jusqu'au 17 juillet 2022, au motif qu'il séjournait sans autorisation dans l'espace Schengen. 
Resté en Suisse, l'intéressé perçoit depuis le 1er août 2021 des prestations d'aide sociale. 
A.________ s'est engagé comme bénévole chez B.________ en novembre 2022. 
 
B.  
Le 11 septembre 2019, A.________ a demandé une autorisation de séjour à l'Office cantonal de la population et des migrations de la République et canton de Genève (ci-après: l'Office cantonal). 
Par décision du 30 novembre 2020, l'Office cantonal a refusé de soumettre le dossier de A.________ avec un préavis positif au Secrétariat d'Etat aux migrations et prononcé son renvoi de Suisse. A.________ a contesté cette décision devant le Tribunal administratif de première instance de la République et canton de Genève (ci-après: le Tribunal de première instance), qui a rejeté le recours le 6 octobre 2022. 
Saisie à son tour d'un recours contre le jugement du Tribunal de première instance, la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) a rejeté les conclusions du recourant tendant, en substance, à l'octroi d'une autorisation de séjour et, subsidiairement, à une admission provisoire, par arrêt du 19 septembre 2023. 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public et du recours constitutionnel subsidiaire, A.________ conteste cet arrêt devant le Tribunal fédéral. Il requiert, préalablement, l'octroi de l'effet suspensif et l'assistance judiciaire. Au fond, il conclut, sous suite de frais et dépens, principalement, à l'annulation de l'arrêt attaqué et à la condamnation de l'Office cantonal à lui octroyer un permis de séjour. A titre subsidiaire, il demande le renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Par ordonnance du 1er novembre 2023, la Présidente de la IIe Cour de droit public du Tribunal fédéral a admis la requête d'effet suspensif. Elle a renoncé provisoirement à exiger une avance de frais par courrier du 2 novembre 2023. 
L'Office cantonal se réfère aux motifs de l'arrêt attaqué. La Cour de justice persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Le Secrétariat d'Etat aux migrations, tout en indiquant que la Suisse n'a pas été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après: CourEDH) dans la cause Gezginci contre Suisse, renonce à déposer d'autres observations. Le recourant formule spontanément des déterminations complémentaires. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (cf. ATF 149 II 66 consid. 1.3; 148 I 160 consid. 1). 
 
1.1. Le recourant a formé dans un seul mémoire, conformément à l'art. 119 al. 1 LTF, un recours en matière de droit public et un recours constitutionnel subsidiaire. Celui-ci n'étant ouvert qu'à la condition que la décision attaquée ne puisse pas faire l'objet d'un recours ordinaire (cf. art. 113 LTF), il convient d'examiner en premier lieu la recevabilité du recours en matière de droit public.  
 
1.2. Le recours en matière de droit public est irrecevable contre les décisions qui concernent le renvoi (art. 83 let. c ch. 4 LTF) et contre les dérogations aux conditions d'admission (ch. 5), parmi lesquelles celles pouvant être accordées en présence de cas individuels d'une extrême gravité au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI (RS 142.20; cf. arrêt 2D_19/2022 du 19 novembre 2022 consid. 1.1). Ainsi, les griefs formulés par le recourant en lien avec l'application de cette dernière disposition sont irrecevables dans le cadre du recours en matière de droit public.  
 
1.3. La voie du recours en matière de droit public n'est pas non plus ouverte contre les décisions relatives à une autorisation de droit des étrangers à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit (art. 83 let. c ch. 2 LTF), à moins qu'il existe un droit potentiel à l'autorisation, étayé par une motivation soutenable (cf. ATF 147 I 89 consid. 1.1.1; 139 I 330 consid. 1.1). Il en va ainsi lorsque la partie recourante se prévaut de manière défendable de l'art. 8 CEDH (cf. ATF 133 I 185 consid. 6.2; arrêts 2D_19/2022 du 19 novembre 2022 consid. 1.2; 2C_89/2022 du 3 mai 2022 consid. 1.1).  
En l'occurrence, le recourant prétend que le refus de lui octroyer une autorisation de séjour, malgré une présence en Suisse supérieure à dix ans, constitue une violation de l'art. 8 CEDH, sous l'angle du respect de la vie privée. 
 
1.3.1. Selon la jurisprudence, lorsque la personne étrangère réside légalement en Suisse depuis plus de dix ans, il y a lieu de présumer que les liens sociaux développés avec notre pays sont à ce point étroits qu'un refus de renouveler l'autorisation de séjour ou la révocation de celle-ci ne peuvent être prononcés que pour des motifs sérieux (cf. ATF 149 I 207 consid. 5.3.2; 144 I 206 consid. 3.9). Ce "séjour légal" n'inclut pas les années de clandestinité dans le pays. Il convient du reste de ne pas encourager les personnes étrangères à vivre dans notre pays sans titre de séjour et de ne pas valider indirectement des comportements tendant à mettre l'Etat devant le fait accompli (cf. ATF 149 I 207 consid. 5.6; arrêt 2C_923/2017 du 3 juillet 2018 consid. 5.4 et les arrêts cités). Ainsi, la présomption qu'il existe un droit de demeurer en Suisse après un séjour légal de dix ans ne s'applique pas dans le cas d'une première demande d'autorisation après un séjour illégal (cf. ATF 149 I 207 consid. 5.3.3; 149 I 72 consid. 2.1.3). Cela étant, une personne ayant résidé en Suisse sans autorisation de séjour peut, à titre exceptionnel, se prévaloir d'un droit au respect de la vie privée découlant de l'art. 8 CEDH pour demeurer en Suisse, à condition qu'elle fasse état de manière défendable d'une intégration hors du commun (cf. ATF 149 I 207 consid. 5.3.1 et 5.3.4).  
 
1.3.2. En l'espèce, si le recourant a résidé en Suisse durant près de quinze ans avant de demander une autorisation de séjour, sa présence n'était pas légale et il ne peut pas, au contraire de ce qu'il prétend en se référant à l'ATF 144 I 206, se prévaloir de la présomption susmentionnée. Le recourant met aussi en avant l'arrêt de la CourEDH Gezginci contre Suisse du 9 décembre 2010. Dans cette affaire, la personne étrangère avait d'abord séjourné légalement dans notre pays durant dix-huit ans, avant d'y demeurer dans l'illégalité, puis de se voir refuser l'octroi d'une nouvelle autorisation de séjour et renvoyer en Turquie malgré une dépression avec tendance suicidaire et un rhumatisme, ces problèmes de santé pouvant être traités dans ce pays. Comme l'a souligné à juste titre le Secrétariat d'Etat aux migrations, la CourEDH n'a pas retenu de violation de l'art. 8 CEDH dans cette affaire. Par conséquent, les arrêts cités par le recourant ne sont pas de nature à faire présumer qu'il disposerait d'un droit à demeurer en Suisse en raison de la durée de sa présence dans notre pays, celui-ci n'y ayant jamais séjourné légalement.  
 
1.3.3. Enfin, le recourant ne peut pas se prévaloir d'une intégration hors du commun. Il a certes travaillé en Suisse comme ferrailleur sur des chantiers durant de nombreuses années, démontré posséder un niveau B1 en français et avoir développé des liens amicaux en Suisse. Ces éléments n'ont toutefois rien d'exceptionnel compte tenu de la durée de sa présence dans notre pays. En outre, le recourant ne travaille plus depuis son accident en septembre 2018 et perçoit l'aide sociale depuis août 2021. Il n'a pas de relations familiales en Suisse. Sa famille vit en Macédoine du Nord. Il a eu deux enfants dans son pays d'origine après 2004, soit après son arrivée en Suisse. Son engagement bénévole auprès de B.________ a débuté en novembre 2022 alors que sa cause était pendante devant la Cour de justice. Dans ce contexte, le recourant ne peut aucunement se prévaloir de manière défendable d'une intégration hors du commun susceptible de lui conférer un droit de demeurer en Suisse fondé sur le droit au respect de la vie privée prévu à l'art. 8 CEDH.  
 
1.3.4. Il convient de préciser que le recourant ne peut pas non plus se prévaloir du droit au respect de la vie familiale prévu à l'art. 8 CEDH, dès lors qu'aucun membre de sa famille ne réside en Suisse (cf. ATF 146 I 185 consid. 6.1; 139 I 330 consid. 2.1), ce qu'il ne conteste au demeurant pas.  
 
1.4. Au vu de ce qui précède, la voie du recours en matière de droit public est exclue.  
 
2.  
Seule la voie du recours constitutionnel subsidiaire peut encore entrer en considération (art. 113 LTF a contrario).  
 
2.1. Interjeté en temps utile (art. 45 al. 1 et 100 al. 1 LTF, par renvoi de l'art. 117 LTF) et dans les formes requises (art. 42 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF par analogie, cf. art. 114 LTF), le recours est recevable, sous réserve de ce qui suit.  
 
2.2. Selon l'art. 115 LTF, a qualité pour former un recours constitutionnel subsidiaire quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a) et a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (let. b; cf. ég. ATF 147 I 89 consid. 1.2.1; 133 I 185).  
En outre, le recours constitutionnel subsidiaire est limité à la violation des droits constitutionnels (art. 116 LTF), qui doivent être invoqués et motivés par la partie recourante (art. 106 al. 2 et 117 LTF; cf. ATF 147 I 73 consid. 2.1; 139 I 229 consid. 2.2) 
 
2.2.1. En l'occurrence, le recourant ne peut pas se prévaloir d'un droit de séjour fondé sur l'art. 30 al. 1 let. b LEI ou l'art. 8 CEDH (cf. supra consid. 1.2 et 1.3), de sorte que ces dispositions ne lui offrent pas une position juridique protégée lui conférant la qualité pour agir au fond.  
 
2.2.2. Le recourant se plaint aussi de problèmes de santé et d'un risque de suicide s'il devait être renvoyé en Macédoine du Nord. Il n'invoque toutefois pas expressément la violation de droits constitutionnels spécifiques, tels que l'art. 3 CEDH ou les art. 10 al. 3 et 25 al. 3 Cst., de sorte que son grief est irrecevable (cf. art. 106 al. 2 et 117 LTF). Au demeurant, le recourant ne conteste pas qu'il pourrait être suivi pour sa schizophrénie simple en Macédoine du Nord (cf. ég. arrêts 2C_338/2017 du 11 juin 2018 consid. 5.4.5; 2A.732/2005 du 16 décembre 2005 consid. 3.1 et les arrêts cités). Dans ce contexte, le risque de suicide invoqué par le recourant ne saurait quoi qu'il en soit entraîner une violation des art. 3 CEDH, 10 al. 3 et 25 al. 3 Cst. (cf. arrêt 2D_3/2021 du 14 avril 2021 consid. 4.3 et les arrêts cités).  
 
2.3. La partie recourante qui n'a pas qualité pour agir au fond peut néanmoins se plaindre par la voie du recours constitutionnel subsidiaire de la violation de ses droits de partie équivalant à un déni de justice formel, pour autant qu'il ne s'agisse pas de moyens ne pouvant être séparés du fond ("Star Praxis"; cf. ATF 146 IV 76 consid. 2; 137 II 305 consid. 2; 114 Ia 307 consid. 3c). Les griefs qui supposent d'examiner le fond du litige sont exclus (cf. ATF 136 I 323 consid. 1.2).  
 
2.3.1. En l'espèce, le recourant ne formule aucun grief relatif à la violation d'un droit constitutionnel formel. Les griefs du recourant d'arbitraire (art. 9 Cst.) dans l'établissement des faits et l'appréciation des preuves concernant le caractère ininterrompu de son séjour en Suisse, ses connaissances de la langue allemande, et sa situation médicale, reviennent à critiquer l'arrêt attaqué sur le fond. Ces griefs sont irrecevables.  
 
3.  
Compte tenu de ce qui précède, tant le recours en matière de droit public que le recours constitutionnel subsidiaire sont irrecevables. 
 
4.  
La demande d'assistance judiciaire formée devant le Tribunal fédéral est rejetée, le recours étant d'emblée dénué de chances de succès (art. 64 al. 1 LTF). Toutefois, compte tenu de la situation financière du recourant, il est renoncé à la perception des frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
Le recourant succombant, il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours en matière de droit public est irrecevable. 
 
2.  
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable. 
 
3.  
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
4.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué à la représentante du recourant, à l'Office cantonal de la population et des migrations du canton de Genève, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 2ème section, et au Secrétariat d'Etat aux migrations. 
 
 
Lausanne, le 9 janvier 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
La Greffière : L. Meyer