Avis important:
Les versions anciennes du navigateur Netscape affichent cette page sans éléments graphiques. La page conserve cependant sa fonctionnalité. Si vous utilisez fréquemment cette page, nous vous recommandons l'installation d'un navigateur plus récent.
Retour à la page d'accueil Imprimer
Ecriture agrandie
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_99/2022  
 
 
Arrêt du 13 septembre 2022  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Hohl, Présidente, Niquille et Rüedi. 
Greffier : M. Douzals. 
 
Participantes à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Daniel Kinzer, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________ SA, 
représentée par Me Lucien Feniello, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
sûretés en garantie des dépens (art. 99 CPC), 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 21 janvier 2022 par la Chambre civile de la 
Cour de justice du canton de Genève 
(C/15944/2016; ACJC/71/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 1er septembre 2021, le Tribunal de première instance du canton de Genève a, en substance, condamné B.________ SA à verser à A.________ la somme de 45'844 fr., intérêts en sus, et à s'acquitter de frais judiciaires en 18'200 fr. et de dépens en 18'000 fr. 
Le 13 octobre 2021, B.________ SA a formé appel de ce jugement et conclu au déboutement de A.________, sous suite de frais. 
 
B.  
Le 9 novembre 2021, A.________ (ci-après: la requérante ou la recourante) a formé une requête en fourniture de sûretés auprès de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. Elle a conclu à ce que B.________ SA (ci-après: la société ou l'intimée) fût invitée à fournir à ce titre un montant à dire de justice mais non inférieur à 4'418 fr. (hors TVA), subsidiairement à ce que la procédure fût suspendue jusqu'à l'expiration d'un délai de 30 jours à compter du moment où une décision, rendue dans une autre cause opposant les mêmes parties et portant sur la consultation des comptes de la société, serait entrée en force de chose jugée. 
En substance, la requérante a invoqué que le site internet de la société n'était pas mis à jour, que le profil LinkedIn de son unique administrateur ne mentionnait pas cette position mais uniquement celle de directeur d'une société soeur dont le siège se situait à U.________, que l'organe de révision de la société avait changé de nom puis fait faillite et que la société refusait de lui transmettre une copie de ses comptes, malgré le fait que le tribunal avait admis sa requête en consultation par jugement du 13 septembre 2021, jugement contre lequel la société avait fait appel. Selon la requérante, ces éléments démontraient la vraisemblance de l'insolvabilité de l'intimée, subsidiairement l'existence de motifs propres à accroître sensiblement le risque que les dépens restassent impayés. Si la cour cantonale devait considérer que ces éléments n'étaient pas suffisants, la consultation des comptes de l'intimée faisant l'objet de la cause précitée permettrait de lever tout doute, de sorte qu'il conviendrait de suspendre la procédure. 
Le même jour, la requérante a complété sa requête et allégué que l'intimée avait été condamnée par arrêt du Tribunal fédéral du 17 janvier 2020 à lui verser une indemnité de 7'000 fr. à titre de dépens, qu'elle avait refusé de s'acquitter de ce montant et qu'elle avait formé opposition au commandement de payer que la requérante lui avait fait notifier. Le 23 décembre 2021, la requérante s'est rétractée au motif que l'intimée lui avait versé les dépens litigieux le 14 août 2021. 
L'intimée a conclu au déboutement de la requérante et a contesté que la requérante disposât d'un intérêt digne de protection à consulter ses documents comptables. 
Par arrêt du 21 janvier 2022, la Cour de justice a rejeté la requête. 
 
C.  
Contre cet arrêt, qui lui avait été notifié le 27 janvier 2022, la requérante a formé un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral le 28 février 2022. En substance, elle conclut à ce que l'arrêt entrepris soit annulé et, principalement, réformé en ce sens que sa requête soit admise et, subsidiairement, à ce que la cause soit renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
L'intimée conclut au rejet du recours. 
La cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 133 III 489 consid. 3, 462 consid. 2). 
 
1.1. Dans la mesure où l'arrêt entrepris constitue une décision incidente ne portant ni sur la compétence ni sur la composition de l'autorité précédente au sens de l'art. 92 LTF, la recevabilité du recours en matière civile est notamment soumise aux conditions de l'art. 93 LTF (arrêts 4A_497/2020 du 19 octobre 2021 consid. 1.1, non publié in ATF 147 III 529; 4A_505/2021 du 19 octobre 2021 consid. 4.1).  
Lorsque, comme en l'espèce, le recours est interjeté par le créancier des sûretés, le Tribunal fédéral a reconnu que le déni total ou partiel de la protection assurée à la partie attraite, résultant d'une décision incidente qui refuse les sûretés ou ordonne un montant insuffisant, est un préjudice juridique auquel même une décision finale favorable à cette partie n'apportera pas de remède, c'est-à-dire un dommage irréparable aux termes de l'art. 93 al. 1 let. a LTF. Dans ce cas-là, la partie créancière des sûretés se trouve en effet exposée au risque de ne pas pouvoir recouvrer du tout ou pas entièrement les dépens auxquels elle pourrait prétendre si elle obtient gain de cause dans le procès ouvert par son adverse partie (arrêt 4A_497/2020 précité consid. 1.1.1 et les arrêts cités, non publié in ATF 147 III 529). 
 
1.2. Pour le surplus, interjeté dans le délai fixé par la loi (art. 100 al. 1 et art. 45 al. 1 LTF) et dirigé contre une décision incidente rendue par le tribunal supérieur du canton de Genève (art. 75 LTF; ATF 143 III 140 consid. 1.2; 137 III 424 consid. 2.2) dans une affaire en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) dont la valeur litigieuse dépasse 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b et art. 51 al. 1 let. c LTF), la voie du recours en matière civile est en principe ouverte.  
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 140 III 115 consid. 2; 137 I 58 consid. 4.1.2; 137 II 353 consid. 5.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
Concernant l'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2; 134 V 53 consid. 4.3; 133 II 249 consid. 1.4.3; 129 I 8 consid. 2.1). 
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références citées). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 130 I 258 consid. 1.3). 
Le complètement de l'état de fait ne relève pas de l'arbitraire; un fait non constaté ne peut pas être arbitraire, c'est-à-dire constaté de manière insoutenable. En revanche, si un fait omis est juridiquement pertinent, le recourant peut obtenir qu'il soit constaté s'il démontre qu'en vertu des règles de la procédure civile, l'autorité précédente aurait objectivement pu en tenir compte et s'il désigne précisément les allégués et les offres de preuves qu'il lui avait présentés, avec référence aux pièces du dossier (art. 106 al. 2 LTF; ATF 140 III 86 consid. 2; arrêt 4A_53/2021 du 21 septembre 2021 consid. 2.1 et les arrêts cités). 
 
2.2. Le Tribunal fédéral applique en principe d'office le droit (art. 106 al. 1 LTF) à l'état de fait constaté dans l'arrêt cantonal (ou à l'état de fait qu'il aura rectifié). Cela ne signifie pas que le Tribunal fédéral examine, comme le ferait un juge de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser. Compte tenu de l'obligation de motiver imposée par l'art. 42 al. 2 LTF, il ne traite que les questions qui sont soulevées devant lui par les parties, à moins que la violation du droit ne soit manifeste (ATF 140 III 115 consid. 2, 86 consid. 2). Il n'est en revanche pas lié par l'argumentation juridique développée par les parties ou par l'autorité précédente; il peut admettre le recours, comme il peut le rejeter en procédant à une substitution de motifs (ATF 135 III 397 consid. 1.4).  
 
2.3. La recourante " se permet de compléter l'état de fait cantonal sur trois points incontestables ", soit le fait (1) que le site internet de l'intimée ne comporterait pas de mention, ni même de description, de l'équipe chargée de servir la clientèle, (2) que le réviseur de l'intimée, dont la recourante ne mentionne pas le nom, serait tombé en faillite le 9 novembre 2020 et (3) que l'intimée aurait refusé de lui confirmer que son réviseur avait connaissance du litige relatif à la procédure en consultation des comptes de l'intimée et qu'une provision avait été inscrite en conséquence dans son bilan, tout en lui interdisant de s'adresser directement à lui.  
La recourante fait certes référence à des titres produits en procédure mais omet d'établir qu'elle a dûment allégué les faits litigieux. En tant qu'il ne satisfait pas aux exigences requises de jurisprudence constante en la matière (cf. supra consid. 2.1), son grief est donc irrecevable.  
 
3.  
La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 99 al. 1 let. b et d CPC en retenant qu'elle n'aurait pas démontré que l'intimée serait insolvable ou, à tout le moins, en difficultés financières. 
 
3.1. L'art. 99 al. 1 CPC, également applicable en appel et en recours cantonal (ATF 141 III 554 consid. 2.5.1; arrêt 4A_26/2013 du 5 septembre 2013 consid. 2.2 et 2.3), dispose que le demandeur (respectivement l'appelant ou le recourant) doit, sur requête du défendeur (respectivement de l'intimé), fournir des sûretés en garantie du paiement des dépens lorsqu'il paraît insolvable, notamment en raison d'une mise en faillite, d'une procédure concordataire en cours ou de la délivrance d'actes de défaut de biens (let. b) ou lorsque d'autres raisons font apparaître un risque considérable que les dépens ne soient pas versés (let. d).  
 
3.2. La cour cantonale a rejeté la requête en fourniture de sûretés en garantie des dépens formée par la requérante.  
Elle a retenu que la requérante n'avait pas soutenu que l'intimée ferait l'objet d'une déclaration de faillite, d'une procédure concordataire en cours ou d'actes de défaut de biens et qu'elle n'avait pas rendu vraisemblable que l'intimée ferait l'objet de nombreuses poursuites. 
Elle a jugé que le fait que le site internet de l'intimée ne comportait pas les éléments que la requérante estimait devoir y figurer ou comportait des liens erronés ou à des sites qui ne semblaient pas avoir le moindre rapport avec l'activité de l'intimée ne donnait aucune indication sur la situation financière de celle-ci et qu'il en allait de même du profil LinkedIn de l'administrateur de l'intimée ou de la faillite de l'organe de révision de celle-ci. 
Par ailleurs, l'opposition de l'intimée à la requête de la requérante en consultation des comptes pouvait avoir de nombreuses raisons autres que celle de vouloir cacher sa situation financière. 
 
3.3. La recourante soutient tout d'abord que, contrairement à ce qu'a retenu la cour cantonale, une absence de toute activité économique par l'intimée, dont résulte l'absence de tout revenu et qui jette ainsi un doute sur sa solvabilité, résulte du fait (1) que le site internet de l'intimée ne comporterait pas de mention, ni même de description, de l'équipe chargée de servir la clientèle et qu'il contiendrait des liens erronés, (2) que le profil LinkedIn de son administrateur ne mentionnerait pas sa position au sein de l'intimée et (3) que l'organe de révision de l'intimée aurait fait faillite.  
Par ailleurs, elle considère que l'intimée cherche à cacher sa situation financière en refusant de lui confirmer que son réviseur a connaissance du litige relatif à la consultation de ses comptes et qu'une provision avait été inscrite en conséquence dans son bilan et en lui interdisant de s'adresser directement à son réviseur. Selon elle, la cour cantonale aurait omis de prendre en considération qu'en ne nommant pas un nouveau réviseur alors que le précédent avait fait faillite plus d'un an auparavant, l'intimée avait forcément omis de faire réviser ses derniers comptes annuels; la recourante allègue que cela s'expliquerait le plus probablement par le fait que l'intimée ne voulait pas révéler sa situation financière à un organe pouvant constater une situation de surendettement et en aviser le juge. 
Enfin, la recourante tire argument du fait que l'intimée aurait refusé de lui donner accès à ses comptes malgré le fait que le tribunal de première instance avait admis sa requête correspondante. Elle estime que la raison la plus probable de ce refus consiste pour l'intimée à lui cacher sa situation financière. 
 
3.4. L'argumentation de la recourante est en grande partie appellatoire et se base sur des faits qui n'ont pas été constatés par la cour cantonale et dont elle n'a pas valablement sollicité le complètement. Il en va notamment ainsi du contenu du site internet de l'intimée, du refus de confirmation par l'intimée de certains éléments relatifs à son organe de révision, de l'interdiction de contacter celui-ci, et du fait que l'intimée n'aurait pas nommé de nouveau réviseur et n'aurait pas fait réviser ses derniers comptes annuels.  
Il ressort par ailleurs des constatations factuelles que la recourante a elle-même indiqué que l'intimée avait fait appel du jugement autorisant la recourante à consulter ses comptes. L'appel étant en principe pourvu d'un effet suspensif (art. 315 al. 1 CPC) et la recourante ne prétendant pas que dit effet suspensif aurait en l'espèce été retiré et que l'art. 315 al. 3 CPC ne serait pas applicable, elle ne saurait se prévaloir de ce jugement pour prétendre que l'intimée tenterait de lui cacher sa situation financière. 
Par ailleurs, la recourante ne saurait être suivie dans ses conjectures quand elle se base sur les liens prétendument erronés figurant sur le site internet de l'intimée, sur le profil LinkedIn de l'administrateur de celle-ci et sur la faillite de l'organe de révision de l'intimée pour en déduire au sujet de l'intimée une absence de toute activité économique et de tout revenu. Les explications de la recourante relèvent ainsi de la spéculation et ne satisfont pas aux conditions de l'art. 99 al. 1 let. b et d CPC. Partant, la cour cantonale n'a pas violé le droit en refusant de condamner l'intimée au versement de sûretés. 
Le grief doit être rejeté. 
 
4.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité. 
Les frais judiciaires et les dépens seront mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 et art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 1'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 13 septembre 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Hohl 
 
Le Greffier : Douzals