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Ecriture agrandie
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_597/2023  
 
 
Arrêt du 17 avril 2024  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et MM. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz, Hänni, Ryter et Kradolfer. 
Greffière : Mme Joseph. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
recourante, 
 
contre  
 
Société suisse de radiodiffusion et télévision SRG SSR, 
Service juridique, Giacomettistrasse 1, 3006 Bern, représentée par Me Jamil Soussi, avocat, Bottge & Associés SA, place de la Fusterie 11, 1204 Genève, 
intimée. 
 
Objet 
Émission télévisée Temps Présent du 3 mars 2022 intitulée Fake news, une pandémie de mensonges, 
 
recours contre la décision de l'Autorité indépendante d'examen des plaintes en matière de radio-télévision du 29 juin 2023 (943). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 3 mars 2022, la RTS a diffusé, dans le cadre de l'émission "Temps Présent", un reportage intitulé "Fake news, une pandémie de mensonges". D'une durée de 55 minutes et 10 secondes, le reportage est présenté comme une enquête approfondie sur le phénomène des "fake news" en général et, en particulier, sur ce phénomène dans le contexte des mesures anti-Covid.  
Le présentateur de l'émission introduit le reportage de la manière suivante: "Ça y est, la pandémie semble derrière nous ou presque, adieu les masques, adieu le pass. Après deux ans d'une crise sanitaire jamais vécue dans l'histoire de ce pays, c'est l'heure du bilan. [...] Une chose est sûre, le virus a profondément divisé les Suisses. [...] On a atteint un point culminant en septembre dernier [...]. Tous les experts le confirment, cette montée de violence à l'occasion de la pandémie a profité d'un combustible explosif: la désinformation, les 'fake news' (art. 105 al. 2 LTF). [...] Répétons-le ici fermement, la désinformation n'a rien à voir avec le droit de chacun à avoir son opinion. [...] C'est particulièrement difficile pour un média comme le nôtre de traiter des 'fake news' [...]. Et bien, ce travail d'enquête sur les effets des 'fake news' dans notre pays, Isabelle Ducret et Jean-Marc Chevillard s'y sont attaqués [...] ». 
Puis, au début du reportage, la voix off annonce: "La Suisse n'avait jamais connu cela. Pendant des semaines lors de la campagne de l'automne dernier contre la loi Covid, des milliers de manifestants ont clamé leur désaccord avec la politique sanitaire du gouvernement. Exprimer son opposition fait partie du jeu démocratique mais cette fois, c'était différent. Le ton était bien plus virulent [...]. Les doutes et les tensions ont infiltré les débats dès le début de la pandémie mais cette campagne, traversée par un courant de désinformation, a propagé un discours inédit de défiance contre les autorités, jusqu'à tomber parfois dans l'incitation à la violence. [...] et ce n'est pas qu'en Suisse [...]. [...] Comment on est arrivé là ? Dans cette pandémie, les 'fake news' ou fausses informations ont joué un rôle capital. Elles proviennent de partout, même de certaines autorités, et ce n'est pas sans conséquence". 
A propos de leur démarche, les journalistes précisent encore, en voix off en cours de reportage: "Toutes les questions peuvent être abordées, débattues, y compris les risques du vaccin, son efficacité, la justesse des mesures politiques, leur légalité. Toutes les questions sont légitimes. Mais le danger, c'est lorsqu'elles sont récupérées par des acteurs de la désinformation intéressés, partisans du complotisme ou de théories pseudo-scientifiques. Là, on franchit une limite" (art. 105 al. 2 LTF). 
Pour traiter du sujet, ont été interviewés Lisa Schwaiger, chercheuse à l'Institut d'études en communication et de recherche sur les médias à Zurich, André Simonazzi, vice-chancelier de la Confédération, Michelle Cailler, juriste et co-fondatrice du "Le Virus des Libertés", Pascal Mahon, professeur de droit constitutionnel à l'Université de Neuchâtel, Pascal Wagner-Egger, professeur de psychologie sociale à l'Université de Fribourg, le Dr Yves Christen, président de la Commission de déontologie de la Société vaudoise de médecine, Gregor Lüthi, responsable de la division Communication et campagnes de l'OFSP et Stéphane Theimer, chef du Service fédéral de la sécurité Fedpol. Des extraits d'interviews avec Mauro Poggia, conseiller d'État genevois, et Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, y ont également été diffusés. 
D'une manière générale, le reportage s'appuie en outre sur des images et des extraits vidéo, diffusés sur internet, où s'expriment un grand nombre d'intervenants, et dont certains propos sont reproduits. 
 
A.b. Parmi ces intervenants, le reportage consacre 5 minutes à A.________. Cette séquence est introduite avec les mots suivants: "Nous observons depuis des mois certains mouvements complotistes sur les réseaux sociaux. Leur point commun: tous considèrent le vaccin comme toxique. Parmi eux, l'une des personnalités, très influente, c'est A.________".  
Cet extrait la concernant se présente comme suit: il commence par une première vidéo publiée par un particulier sur Facebook le 29 mai 2021, dans laquelle A.________ affirme, lors d'une prise de parole en public: "Le principe de précaution, c'est de ne pas embrasser et surtout les jeunes, de ne pas avoir de relations sexuelles avec une personne vaccinée. C'est comme le SIDA, c'est que vous passez le vaccin à travers les relations sexuelles". Dans un second extrait, tiré de la conférence "Actions Suisse" à laquelle A.________ a pris part en Valais le 19 novembre 2021 et diffusée sur YouTube, celle-ci conteste la fiabilité des tests PCR: "C'est le test qui n'a aucune validité, qui a 99% de faux positif, si vous mettez de l'eau saline dans votre nez vous êtes négatifs, si vous mettez du Coca Cola, vous êtes positifs [...]". Dans un troisième extrait tiré de l'émission "L'info en Question" diffusée sur la plateforme Odysee le 4 novembre 2021, A.________ explique ce qui suit concernant le contenu du vaccin: "Ils ont isolé une chose en particulier, c'est un parasite et c'est un oeuf de parasite. Et ils ont eu la bonne idée de la mettre sous une lampe pour la chauffer, pour la faire se développer, donc comme un oeuf, et qu'est-ce qui est arrivé ? C'est que l'oeuf a éclos et qu'il est sorti - hop - une hydre. (...) Cette hydre est vivante, elle bouge (...) elle a des yeux, elle a des comportements que l'on ne comprend pas, un genre d'alien, un animal tout petit comme ça (...) il se colle au système neurologique apparemment". A.________ a aussi affirmé dans l'émission AH2020 "le 20 Heures" sur la plateforme Odysee, le 20 août 2021, que "C'est les vaccinés qui réinfectent, mais aussi qui s'infectent eux-mêmes et donc il n'y a pas de décès du Covid, il y a des décès du vaccin" et que "En Suisse, on annonce que les bébés de trois mois et plus vont être vaccinés et ce sera obligatoire", sur ce dernier point, la voix off précise qu'il s'agit "d'une fake news" (art. 105 al. 2 LTF). 
La voix off souligne que les journalistes du reportage ont sollicité A.________ à plusieurs reprises, mais qu'elle n'a jamais répondu. En outre, il est dit qu'elle n'est pas docteure en médecine, mais qu'elle a étudié la psychologie et a accompli un doctorat en santé publique, d'où son titre de docteure. 
La voix off relève également qu'A.________ est extrêmement présente sur les réseaux sociaux avec plusieurs milliers d'abonnés sur Telegram, Facebook, Twitter et sur des médias alternatifs où elle développe des théories parfois "à la limite du délirant", notamment sur le contenu du vaccin. Enfin, elle informe qu'A.________ a créé tout récemment avec l'animateur Antoine de l'émission pro QAnon "Alliance humaine" une ONG appelée "Alliance humaine santé Internationale" basée à Genève. Cette alliance propose une école en ligne, un centre médical et une boutique dans laquelle on trouve des kits de purification contre le vaccin anti-Covid. Celui-ci contient notamment deux flacons d'un produit considéré comme dangereux et faisant l'objet d'un sévère avertissement de Swissmedic et de toutes les autres agences de santé. 
 
B.  
Ensuite de l'échec de la médiation, A.________ a formé, le 30 janvier 2023, une plainte auprès de l'Autorité indépendante d'examen des plaintes en matière de radio-télévision (ci-après: l'Autorité de plainte) contre le reportage du 3 mars 2022. La plainte a été rejetée par décision du 29 juin 2023, à 8 voix contre 1. 
 
C.  
Le 30 octobre 2023, A.________ a déposé à l'encontre de la décision du 29 juin 2023, un recours en matière de droit public devant le Tribunal fédéral. Elle conclut à l'annulation de la décision attaquée, à l'admission de sa plainte et à la constatation que le reportage litigieux viole l'art. 4 LRTV. Elle demande en outre que l'accès et la diffusion du reportage de Temps Présent, intitulé "Fake News, une pandémie de mensonges" du 3 mars 2022 soient interdits en Suisse et à l'étranger notamment via TV5 Monde. Subsidiairement, elle demande que la cause soit renvoyée à l'Autorité de plainte pour nouvelle décision au sens des considérants. 
L'autorité de plainte conclut au rejet du recours. La société suisse de radiodiffusion et télévision SRG SSR conclut principalement à l'irrecevabilité du recours et subsidiairement à son rejet au fond. A.________ a déposé des observations finales. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. L'acte attaqué est une décision finale (art. 90 LTF) concernant le contenu d'une publication rédactionnelle déjà parue (art. 94 al. 1 let. a de la loi fédérale du 24 mars 2006 sur la radio et la télévision [LRTV; RS 784.40]), rendue par l'Autorité de plainte (art. 86 al. 1 let. c LTF et 99 al. 3 LRTV) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) qui peut faire l'objet d'un recours en matière de droit public (cf. arrêts 2C_859/2022 du 20 septembre 2023 consid. 1.1; 2C_432/2022 du 31 octobre 2022 consid. 1.1).  
 
1.2. La recourante, destinataire de la décision litigieuse qui rejette sa plainte pour violation de l'art. 4 LRTV, a qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF et 94 al. 1 LRTV; ATF 137 II 40 consid. 2.2; arrêts 2C_432/2022 du 31 octobre 2022 consid. 1.2; 2C_255/2015 du 1er mars 2016 consid. 1.1). Déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 LTF), le recours en matière de droit public est en principe recevable.  
 
2.  
 
2.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF). Toutefois, les griefs de violation des droits fondamentaux sont soumis à des exigences de motivation accrue (cf. art. 106 al. 2 LTF). La partie recourante doit indiquer les principes constitutionnels qui n'auraient pas été respectés et expliquer de manière claire et précise en quoi ces principes auraient été violés (ATF 146 I 62 consid. 3; 142 II 369 consid. 2.1; arrêt 1C_407/2022 du 16 novembre 2023 consid. 3.1).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), à moins que ces derniers n'aient été établis de façon manifestement inexacte - c'est-à-dire arbitrairement (ATF 147 I 73 consid. 2.2.) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), ce qu'il appartient à la partie recourante de démontrer dans sa motivation (cf. art. 106 al. 2 LTF). A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait divergent de celui qui est contenu dans l'acte attaqué. En particulier, le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire portant sur l'état de fait ou sur l'appréciation des preuves (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 146 IV 114 consid. 2.1).  
 
3.  
La recourante se plaint d'une constatation inexacte et incomplète des faits pertinents et mentionne l'art. 9 Cst. 
En substance, elle présente, dans une partie appelée "contexte", une série de faits généraux qui ne figurent pas dans l'arrêt entrepris, en particulier en ce qui concerne sa formation, sa carrière, ainsi que ses diverses interventions dans les médias ou lors de manifestations publiques. En outre, elle réitère qu'elle n'aurait jamais été contactée par les journalistes avant que le reportage litigieux ne soit diffusé, contrairement à ce qui a été retenu dans la décision entreprise. Or, la recourante ne démontre pas l'arbitraire dans l'établissement des faits ou l'appréciation des preuves, mais se contente d'opposer sa version des faits à celle retenue par l'Autorité de plainte, ce qui n'est pas suffisant (cf. supra consid. 2.2). 
Faute de grief suffisamment motivé concernant les faits, le Tribunal fédéral statuera exclusivement sur la base des faits constatés par l'Autorité de plainte. 
 
4.  
Sur le fond, la recourante invoque principalement une violation de l'art. 4 al. 1 et 2 LRTV. Avant d'examiner plus en détail ces griefs, il convient de présenter les principes régissant les programmes issus de la Cst. et de l'art. 4 al. 1 et 2 LRTV
 
4.1. En vertu de l'art. 17 de la Constitution, la liberté de la presse, de la radio et de la télévision, ainsi que des autres formes de diffusion de productions et d'informations ressortissant aux télécommunications publiques est garantie (al. 1), la censure est interdite (al. 2) et le secret éditorial est garanti (al. 3). En outre, la radio et la télévision doivent contribuer à la formation et au développement culturel, à la libre formation des opinions et au divertissement, en tenant compte - comme le prévoit l'art. 93 al. 2 de la Constitution fédérale - des particularités du pays et des besoins des cantons (ATF 149 II 209 consid. 3.1; arrêt 2C_483/2020 du 28 octobre 2020 consid. 4.1). Ce régime constitutionnel vise à maintenir un système médiatique ouvert et libre (ATF 149 II 209 consid. 3.1; 136 I 167 consid. 2.1; 135 II 296 consid. 4.2.1; arrêt 2C_432/2022 du 31 octobre 2022 consid. 3.1).  
 
4.2. En matière de diffusion de programmes, les principes et droits constitutionnels susmentionnés sont en particulier concrétisés par la LRTV.  
L'art. 4 LRTV prévoit, à son alinéa 1, que toute émission doit respecter les droits fondamentaux (cf. aussi art. 35 al. 2 Cst.). Elle doit en particulier respecter la dignité humaine, ne pas être discriminatoire, ne pas contribuer à la haine raciale, ne pas porter atteinte à la moralité publique et ne pas faire l'apologie de la violence ni la banaliser. 
 
4.3. D'après l'art. 4 al. 2 LRTV, "les émissions rédactionnelles ayant un contenu informatif doivent présenter les événements de manière fidèle et permettre au public de se faire sa propre opinion. Les vues personnelles et les commentaires doivent être identifiables comme tels".  
Cette disposition soumet les programmes à une obligation d'objectivité ("Gebot der Sachgerechtigkeit") : le téléspectateur doit pouvoir se faire l'idée la plus juste possible des faits et opinions rapportés et être à même de se forger son propre avis (cf. ATF 149 II 209 consid. 3.3; 137 I 340 consid. 3.1; arrêts 2C_432/2022 du 31 octobre 2022 consid. 3.3; 2C_112/2021 du 2 décembre 2021 consid. 3.2.3; 2C_483/2020 du 28 octobre 2020 consid. 4.2). Cette obligation n'exige pas que tous les points de vue soient présentés de manière équivalente tant sous les angles qualitatif que quantitatif (cf. ATF 149 II 209 consid. 3.3; 137 I 340 consid. 3.1; arrêts 2C_432/2022 du 31 octobre 2022 consid. 3.3; 2C_112/2021 du 2 décembre 2021 consid. 3.2.3; 2C_40/2020 du 26 août 2020 consid. 3.1.1). Le diffuseur doit toutefois restituer les faits objectivement de sorte que le téléspectateur soit informé des points controversés pour qu'il puisse se faire sa propre opinion (cf. ATF 149 II 209 consid. 3.3; 137 I 340 consid. 3.1; 131 II 253 consid. 2.1; arrêts 2C_432/2022 du 31 octobre 2022 consid. 3.3; 2C_112/2021 du 2 décembre 2021 consid. 3.2.2; 2C_483/2020 du 28 octobre 2020 consid. 4.2; 2C_40/2020 du 26 août 2020 consid. 3.1.1). Il y a notamment violation de l'art. 4 al. 2 LRTV si, au moyen d'éléments factuels prétendument objectifs mais en réalité lacunaires, l'opinion ou l'avis du journaliste est présenté au téléspectateur en tant que vérité; l'impossibilité de se faire une image pertinente d'une situation donnée peut également résulter de ce que des circonstances essentielles ont été passées sous silence dans l'émission (cf. ATF 149 II 209 consid. 3.3; 137 I 340 consid. 3.1; arrêts 2C_432/2022 du 31 octobre 2022 consid. 3.3; 2C_112/2021 du 2 décembre 2021 consid. 3.2.1; 2C_40/2020 du 26 août 2020 consid. 3.1.1). 
 
4.4. Les dispositions légales relatives aux programmes n'excluent ni les prises de position ou les critiques du concepteur de programmes ni le journalisme engagé, pour autant que la transparence à ce sujet soit garantie (ATF 149 II 209 consid. 3.4; 131 II 253 consid. 2.2; arrêts 2C_432/2022 du 31 octobre 2022 consid. 3.4; 2C_112/2021 du 2 décembre 2021 consid. 3.2.1; 2C_483/2020 du 28 octobre 2020 consid. 4.3; 2C_40/2020 du 26 août 2020 consid. 3.1.2). On parle de journalisme engagé lorsque le journaliste se fait l'avocat d'une thèse et émet des critiques spécialement acerbes (cf. ATF 131 II 253 consid. 2.2; arrêts 2C_432/2022 du 31 octobre 2022 consid. 3.4; 2C_255/2015 du 1er mars 2016 consid. 4.2). L'émission, prise dans son ensemble, ne doit toutefois pas être manipulatrice (ATF 137 I 340 consid. 3.2; 134 I 2 consid. 3.3.1; arrêts 2C_432/2022 du 31 octobre 2022 consid. 3.4; 2C_483/2020 du 28 octobre 2020 consid. 4.3; 2C_40/2020 du 26 août 2020 consid. 3.1.2).  
En principe, il n'existe aucun sujet qui ne puisse faire l'objet d'un reportage télévisé, même provocateur et polémique; il faut toutefois éviter - notamment par une présentation de faits apparemment objective, mais en réalité incomplète - que l'opinion exprimée soit exposée comme une vérité absolue (ATF 149 II 209 consid. 3.4; 137 I 340 consid. 3.2; arrêts 2C_483/2020 du 28 octobre 2020 consid. 4.3; 2C_406/2017 du 27 novembre 2017 consid. 2.2). Ainsi, un reportage "d'investigation" ne dispense pas le diffuseur de garder une distance critique par rapport aux résultats de ses propres recherches et aux déclarations de tiers, ni de présenter de manière correcte les points de vue opposés, même si ceux-ci affaiblissent la thèse défendue, voire la font apparaître sous un jour différent de celui souhaité par le téléspectateur (ATF 149 II 209 consid. 3.4: 137 I 340 consid. 3.2; arrêt 2C_483/2020 du 28 octobre 2020 consid. 4.4). 
De manière générale, les exigences à satisfaire doivent être établies dans le cas d'espèce eu égard aux circonstances, au caractère et aux particularités de l'émission ainsi qu'aux connaissances préalables du public (ATF 134 I 2 consid. 3.3.1; 132 II 290 consid. 2.1; arrêts 2C_432/2022 du 31 octobre 2022 consid. 3.4; 2C_483/2020 du 28 octobre 2020 consid. 4.3; 2C_40/2020 du 26 août 2020 consid. 3.1.3). Elles sont d'autant plus élevées que le sujet traité est délicat (ATF 149 II 209 consid. 3.3; 131 II 253 consid. 2.2; arrêts 2C_432/2022 du 31 octobre 2022 consid. 3.4; 2C_112/2021 du 2 décembre 2021 consid. 3.1; 2C_483/2020 du 28 octobre 2020 consid. 4.3), respectivement que les critiques sont importantes (arrêts 2C_432/2022 du 31 octobre 2022 consid. 3.4; 2C_483/2020 du 28 octobre 2020 consid. 4.3; 2C_40/2020 du 26 août 2020 consid. 3.1.3). 
 
4.5. Les exigences de diligence journalistique issues de l'art. 4 LRTV impliquent qu'une personne, une entreprise ou une autorité qui aurait été violemment attaquée doit pouvoir faire entendre son point de vue (arrêt 2C_432/2022 du 31 octobre 2022 consid. 3.5). En effet, en cas d'accusations graves, la personne visée par le reportage doit être confrontée aux éléments qui l'"incriminent" et se voir offrir en principe la possibilité d'être intégrée à la contribution en question avec ses meilleurs arguments (ATF 149 II 209 consid. 3.5; 137 I 340 consid. 3.2; arrêts 2C_112/2021 du 2 décembre 2021 consid. 3.2.3; 2C_483/2020 du 28 octobre 2020 consid. 4.4).  
Si l'intéressé refuse de collaborer à l'émission dans laquelle il est mis en cause, le journaliste doit veiller à ce que le point de vue de l'absent soit exposé de manière suffisante (arrêts 2C_432/2022 du 31 octobre 2022 consid. 3.5; 2C_40/2020 du 26 août 2020 consid. 3.1.4). 
 
4.6. Pour tenir compte de l'autonomie du diffuseur, une intervention dans le cadre de la surveillance des programmes ne se justifie pas du seul fait qu'une émission n'est pas satisfaisante à tous égards, mais uniquement lorsque, prise dans son ensemble, elle viole les exigences minimales quant au contenu des programmes figurant à l'art. 4 LRTV (ATF 149 II 209 consid. 3.6; 132 II 290 consid. 2.2; 131 II 253 consid. 2.3). En effet, il faut éviter qu'une application trop sévère du devoir d'objectivité n'entraîne une perte de liberté et de spontanéité (ATF 132 II 290 consid. 2.2; 131 II 253 consid. 2.3; arrêts 2C_432/2022 du 31 octobre 2022 consid. 3.6; 2C_40/2020 du 26 août 2020 consid. 3.1.5). En définitive, pour rester compatible avec les libertés fondamentales, garanties en particulier par les art. 17 et 93 Cst., une violation du droit des programmes doit être admise avec une certaine réserve (ATF 149 II 209 consid. 3.6).  
 
4.7. La recourante invoque en premier lieu une violation de l'art. 4 al. 2 LRTV. En substance, elle reproche à l'Autorité de plainte de ne pas avoir retenu que les journalistes auraient été partisans d'une position et manqueraient d'objectivité et de neutralité vis-à-vis du groupe appelé "les opposants" ou "les complotistes", ce qui conduirait à des amalgames et généralisations. La recourante mentionne encore que des informations pertinentes de fond auraient été omises de sorte que le public ne serait pas en mesure de se forger sa propre opinion. Elle critique également le fait que les vidéos la concernant sont des extraits incomplets et sortis de leur contexte, dans le but d'effrayer ou de faire rire le public ce qui conduirait également à l'empêcher de se forger sa propre opinion. Elle se plaint enfin, à plusieurs égards, de l'image que le reportage renverrait d'elle.  
 
4.7.1. En l'espèce et comme il ressort de la décision entreprise, l'émission "Temps Présent" est présentée sur le site internet de la RTS comme l'expression d'un journalisme critique indépendant qui alterne des sujets politiques, sociaux, économiques, historiques et des faits de société puisés dans l'actualité, au sens large, suisse ou internationale. Ainsi, il s'agit d'une émission qui relève souvent du journalisme engagé au contenu informatif. Tel est le cas de l'émission litigieuse.  
 
4.7.2. Dans la décision entreprise, l'Autorité de plainte a retenu certains manquements s'agissant des extraits relatifs à la plaignante issus du reportage. Tout d'abord, l'introduction aux séquences la concernant aurait pu être conçue différemment et de manière plus adéquate. En outre, l'utilisation du terme "délirant" n'était pas appropriée. L'Autorité de plainte a toutefois souligné que ces manquements portaient sur des points secondaires. Considérant les extraits relatifs à la plaignante et le reportage dans son ensemble, elle a retenu que les exigences posées par la jurisprudence étaient respectées et que le reportage était partant conforme à l'art. 4 al. 2 LRTV.  
 
4.7.3. Pour ce qui est des extraits concernant la plaignante et comme l'indique à juste titre la décision entreprise, ils émanent de vidéos toutes disponibles sur internet, et sont correctement référencés. Or, contrairement à ce que soutient la recourante, les extraits n'ont pas été sortis de leur contexte, déformés, ou présentés de manière mensongère, mais reflètent bien les propos tenus. Sous réserve du terme "délirant" utilisé une fois, ils ne sont pas commentés de manière négative. Rien ne laisse penser que la recourante serait elle-même assimilée à des comportements violents ou des incitations à la violence.  
De plus, l'autorité de plainte a retenu, d'une manière qui lie le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), que la rédaction de "Temps Présent" avait bien pris contact avec la recourante, en lui adressant deux courriels à son adresse électronique indiquée sur son site officiel, étant rappelé que l'intéressée est très active sur les réseaux sociaux. Celle-ci le conteste d'une manière purement appellatoire (cf. supra consid. 3). Il convient donc d'admettre, à l'instar de l'autorité de plainte, que l'occasion a été donnée à la recourante de prendre position et de faire valoir son point de vue. A cela s'ajoute que la voix off a précisé que la recourante n'avait pas répondu aux sollicitations des journalistes de sorte que le public a été correctement informé sur ce point. En outre, la position de la recourante est exprimée dans le reportage (cf. infra consid. 4.7.5). 
 
4.7.4. Quoi qu'il en soit, la recourante perd de vue que c'est l'émission dans son ensemble qui doit être examinée (cf. supra consid. 4.4 et 4.6). Or, l'intéressée n'était pas le sujet principal du reportage et les séquences la concernant, qui ne durent au total que cinq minutes sur un reportage de près d'une heure, ne peuvent avoir influencé de manière significative l'impression générale des téléspectateurs sur l'ensemble du reportage.  
 
4.7.5. Si l'on prend l'émission dans son ensemble, on ne peut pas reprocher à l'Autorité de plainte d'avoir considéré que le reportage en lui-même ne viole pas l'art. 4 al. 2 LRTV.  
Tout d'abord, le but des journalistes est exposé sans ambiguïté: proposer une enquête sur les "fake news", en particulier en lien avec la crise du Covid. Il s'agit donc d'un thème particulièrement controversé. Toutefois, comme le retient l'Autorité de plainte, le sujet et l'angle du reportage, ainsi que le message qu'il entendait véhiculer, étaient clairement reconnaissables pour les téléspectateurs. Dans leur enquête, les journalistes identifient plusieurs éléments ayant favorisé la désinformation durant la crise du Covid. Pour étayer cette thèse, le reportage dresse un large portrait des opinions et intervenants. Durant les 55 minutes que dure l'émission, une douzaine de personnes de tous horizons est interrogée. L'enquête comprend notamment une interview approfondie de Mme Michèle Cailler, juriste et l'une des figures de l'opposition. En outre, de nombreux extraits vidéos relaient les interrogations de la population quant au bien-fondé des mesures gouvernementales ou quant à l'efficacité du vaccin, par exemple. A ce titre, les journalistes insistent à plusieurs reprises sur la liberté d'opinion, précisant notamment que "toutes les questions peuvent être abordées, débattues, y compris les risques du vaccin, son efficacité, la justesse des mesures politiques, leur légalité. Toutes les questions sont légitimes". Face à cela, de nombreux exemples de "fake news" ayant été diffusées durant cette période sont présentés. Dans son ensemble, le reportage distingue clairement les simples "opposants", des personnes qui ont commis des actes de violence, respectivement qui ont diffusé, principalement sur les réseaux sociaux, de fausses informations ou des informations relevant de la théorie du complot. Le reportage est sur ces points suffisamment nuancé. 
Dès lors et contrairement à ce qu'invoque la recourante, le téléspectateur est en mesure, en visionnant le reportage, de distinguer les opposants aux mesures anti-Covid, des complotistes. En outre, on ne voit pas quelles informations pertinentes de fond auraient été omises, ce que la recourante ne spécifie pas clairement. Enfin, rien dans l'état de fait de la décision entreprise ne permet de retenir que le reportage, dans son ensemble, serait manipulateur. 
Au vu de ce qui précède, il convient de confirmer la position de l'Autorité de plainte. Dans ces circonstances et en tenant compte de l'impression générale d'ensemble qui se dégage du reportage litigieux, le diffuseur n'a pas violé le principe de la présentation fidèle des événements issus de l'art. 4 al. 2 LRTV
 
4.8. La recourante se plaint aussi d'une violation de l'art. 4 al. 1 LRTV. L'Autorité de plainte aurait omis de constater que le reportage litigieux porterait atteinte à ses droits fondamentaux d'être présentée correctement, ce qui serait contraire à l'art. 9 Cst., et violerait sa dignité et son honneur protégés par l'art. 7 Cst. Elle invoque également que le reportage aurait pour conséquence d'inquiéter le téléspectateur et de faire peur à la population, ce qui serait punissable au sens de l'art. 258 CP (menaces alarmant la population).  
 
4.8.1. En l'espèce, on ne voit pas, dans l'état de fait de la décision entreprise, d'éléments qui permettraient de retenir une violation de l'art. 4 al. 1 LRTV (cf. supra consid. 4.2). Les explications de la recourante à ce titre sont peu compréhensibles. Elle semble en réalité se méprendre sur la portée de la disposition qu'elle invoque. Elle mentionne en substance que son image serait galvaudée et malmenée, que le reportage porterait atteinte à sa réputation et lui causerait un tort moral. Or, ces aspects, qui touchent à sa sphère privée, n'entrent pas dans la compétence de l'Autorité de plainte.  
 
4.8.2. En effet, le contrôle relatif à l'art. 4 LRTV par les autorités compétentes en la matière ne vise pas à garantir la protection de la personnalité des individus ou les intérêts de particuliers qui pourraient être lésés par une présentation incorrecte des faits, mais bien l'intérêt collectif du public (cf. ATF 149 II 209 consid. 3.2 et 3.3; 137 I 340 consid. 4.6; 134 II 260 consid. 6.2 et 6.4; arrêts 2C_483/2020 du 28 octobre 2020 consid. 6.6.5; 2C_778/2019 du 28 août 2020 consid. 3.2).  
L'Autorité de plainte veille seulement au respect des règles en matière de radiodiffusion. La protection individuelle de particuliers qui s'estiment atteints dans leur personnalité par une émission relève de la compétence des tribunaux civils et pénaux ordinaires (cf. ATF 149 I 2 consid. 3.2.2; arrêts 2C_255/2015 du 1er mars 2016 consid. 3.4.2; 2C_402/2013 du 20 août 2013 consid. 4.2.2). La procédure LRTV ne peut être utilisée dans ce but. 
C'est en outre de la voie pénale que relève la question de l'éventuelle violation de l'art. 258 CP et n'a pas à être envisagée sous l'angle de la LRTV. 
 
5.  
Hormis les al. 1 et 2 de l'art. 4 LRTV, la recourante se prévaut aussi d'une une violation de l'art. 4 al. 4 LRTV. Selon elle, le titre même du reportage "Fake news, une pandémie de me nsonges" conduirait à ce que les opposants soient d'emblée présentés comme des "méchants" et des "menteurs". Durant le reportage, les opinions n'auraient pas été traitées de la même manière. 
 
5.1. Selon l'art. 4 al. 4 LRTV, les programmes des concessionnaires doivent refléter équitablement, dans l'ensemble de leurs émissions rédactionnelles, la diversité des événements et des opinions. C'est ce qu'on appelle le principe de pluralité des opinions applicable aux concessionnaires (ATF 134 I 2 consid. 3.2.2; arrêt 2C_859/2022 du 20 septembre 2023 consid. 5.3). L'idée est que le diffuseur ne doit pas influencer le public de manière partiale et unilatérale en privilégiant certaines tendances au détriment des autres. Il convient toutefois de rappeler que l'exigence de pluralité vise les programmes dans leur globalité, alors que la présentation fidèle des événements (art. 4 al. 2 LRTV) vise l'émission elle-même (cf. ATF 136 I 167 consid. 3.2.1; 134 I 2 consid. 3.3.2). Selon les moments, en particulier peu avant une élection ou une votation, l'exigence de pluralité s'applique de manière plus stricte (cf. ATF 136 I 167 consid. 3.2.1; 134 I 2 consid. 3.3.2; arrêts 2C_383/2016 du 20 octobre 2016 consid. 2.3; 2C_880/2010 du 18 novembre 2011 consid. 2.1), ce qui a été récemment rappelé par le Tribunal fédéral (cf. arrêt 2C_859/2022 du 20 septembre 2023 consid. 5.5.2).  
 
5.2. C'est à tort que la recourante se prévaut d'une violation de l'art. 4 al. 4 LRTV. En effet, elle se réfère au seul reportage litigieux dans le cas d'espèce de sorte que sa critique se confond avec celle concernant l'art. 4 al. 2 LRTV et on peut renvoyer à ce qui a été dit sur ce point (cf. supra consid. 4). Au surplus, le reportage n'ayant pas été spécifiquement diffusé en période de votation ou d'élection, elle ne peut se prévaloir des règles spécifiques posées par le Tribunal fédéral dans son arrêt 2C_859/2022 du 20 septembre 2023.  
Partant, le grief de la violation de l'art. 4 al. 4 LRTV doit être rejeté. 
 
6.  
La recourante invoque enfin une violation de l'art. 5 LRTV
L'art. 5 LRTV prévoit que les diffuseurs veillent à ce que les mineurs ne soient pas exposés à des émissions susceptibles de porter préjudice à leur épanouissement physique, psychique, moral ou social, en fixant l'horaire de diffusion de manière adéquate ou en prenant d'autres mesures. 
Or, le Tribunal fédéral cherche en vain dans le reportage litigieux quels éléments pourraient porter préjudice à l'épanouissement des mineurs, de sorte que l'on ne voit pas en quoi l'art. 5 LRTV pourrait être touché. 
 
7.  
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours. 
Succombant, la recourante doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens à la société suisse de radiodiffusion et télévision SRG SSR, organisation chargée de tâches de droit public ayant obtenu gain de cause dans l'exercice de ses attributions officielles (art. 68 al. 3 LTF; arrêt 2C_475/2022 du 29 juin 2022 consid. 3). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 francs, sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à l'Autorité indépendante d'examen des plaintes en matière de radio-télévision. 
 
 
Lausanne, le 17 avril 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
La Greffière : M. Joseph