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Ecriture agrandie
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_23/2022  
 
 
Arrêt du 29 novembre 2022  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, Denys et Koch. 
Greffier : M. Barraz. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Philippe Maridor, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
1. Ministère public de l'État de Fribourg, case postale 1638, 1701 Fribourg, 
2. B.________, 
représentée par Me Sarah El-Abshihy, avocate, 
intimés. 
 
Objet 
Dénonciation calomnieuse; arbitraire, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal 
de l'État de Fribourg, Cour d'appel pénal, 
du 2 novembre 2021 (501 2020 18). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 22 août 2011, A.________ a porté plainte pénale contre B.________, pour dénonciation calomnieuse notamment.  
 
A.b. Par ordonnance du 14 juin 2012, le Ministère public de l'État de Fribourg a classé la procédure pénale.  
 
A.c. Par arrêt du 18 décembre 2012, la Chambre pénale du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg a partiellement admis le recours interjeté par A.________ et a renvoyé la cause au Ministère public de l'État de Fribourg s'agissant de l'infraction de dénonciation calomnieuse, pour complément d'instruction et nouvelle décision.  
 
A.d. Par acte d'accusation du 22 février 2019, B.________ a été renvoyée devant le Juge de police de l'arrondissement de la Sarine pour dénonciation calomnieuse.  
 
A.e. Par jugement du 20 novembre 2019, le Juge de police de l'arron-dissement de la Sarine a acquitté B.________ et a rejeté les conclusions civiles prises le 15 février 2019 par A.________.  
 
B.  
Par arrêt du 2 novembre 2021, la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg a rejeté l'appel formé par A.________ et a confirmé l'acquittement de B.________, au motif qu'il ne pouvait être exclu qu'elle ait cru son époux coupable des agissements pour lesquels elle l'avait dénoncé. 
En résumé, elle a retenu les faits suivants: 
 
B.a. B.________ et A.________ se sont mariés en 1997 et ont eu trois enfants, soit C.________, D.________ et E.________.  
 
B.b. B.________ a adressé un courrier daté du 24 novembre 2010 à la Justice de paix de l'arrondissement de la Sarine, intitulé " Abus sexuel sur un enfant de 7 ans ". En substance, elle a soutenu avoir subi des violences sexuelles et psychologiques de la part de A.________, lequel aurait également été l'auteur d'attouchements sexuels sur leur fille E.________. Le 26 novembre 2010, elle a adressé un courrier au contenu similaire au Juge d'instruction fribourgeois et a dénoncé ces faits à la police.  
 
B.c. Le 23 mai 2011, le Ministère public de l'État de Fribourg a rendu une ordonnance de non-entrée en matière en relation avec les faits précités. Par arrêt du 14 octobre 2011, la Chambre pénale du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg a confirmé cette ordonnance.  
 
C.  
A.________ forme un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal du 2 novembre 2021 et conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt attaqué et à sa réforme en ce sens que B.________ est reconnue coupable de dénonciation calomnieuse et que ses conclusions civiles sont admises. Subsidiairement, toujours avec suite de frais et dépens, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. En l'espèce, les conclusions civiles prises par le recourant ont été rejetées, tant en première instance qu'en appel. L'arrêt attaqué a donc une incidence sur ses prétentions civiles. Le recourant a la qualité pour recourir. 
 
2.  
Le recourant conteste l'établissement des faits et l'appréciation des preuves, qu'il qualifie d'arbitraires. Il dénonce également la violation de l'art. 303 ch. 1 CP
 
2.1.  
 
2.1.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation, mais aussi dans son résultat (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1).  
 
2.1.2. L'art. 303 ch. 1 al. 1 CP prévoit que celui qui aura dénoncé à l'autorité, comme auteur d'un crime ou d'un délit, une personne qu'il savait innocente, en vue de faire ouvrir contre elle une poursuite pénale, sera puni d'une peine privative de liberté ou d'une peine pécuniaire.  
L'infraction est intentionnelle. L'auteur doit savoir que la victime est innocente. Le dol éventuel est exclu. Il ne suffit pas que l'auteur ait conscience que ses allégations pourraient être fausses. Il doit savoir que son accusation est inexacte (ATF 136 IV 170 consid. 2.1 et les références citées). En outre, il doit vouloir ou accepter l'éventualité que son comportement ait pour conséquence l'ouverture d'une poursuite pénale à l'égard de la victime. Le dol éventuel est ici suffisant (ATF 80 IV 117; arrêts 6B_1132/2021 du 8 juin 2022 consid. 2.2; 6B_1289/2018 du 20 février 2019 consid. 1.3.1). Déterminer ce qu'une personne a su, envisagé, voulu ou accepté relève de l'établissement des faits (ATF 141 IV 369 consid. 6.3; 138 V 74 consid. 8.4.1), qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), à moins que ceux-ci n'aient été établis arbitrairement. 
 
2.2.  
 
2.2.1. L'innocence du recourant en lien avec les faits dénoncés par l'intimée résulte de l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 23 mai 2011, confirmée par l'autorité de recours le 14 octobre 2011 (cf. supra consid. B.c). Puisque, dans le cadre de la poursuite pour dénonciation calomnieuse, la cour cantonale était liée par l'appré-ciation résultant du classement de la procédure autrefois diligentée contre le recourant (ATF 136 IV 170 consid. 2.1; 72 IV 74 consid. 1; arrêt 6B_483/2020 du 13 octobre 2020 consid. 1.1.1), elle n'avait pas à se prononcer sur la culpabilité ou l'innocence du recourant. Comme l'a déjà relevé la Chambre pénale du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg à l'appui de son arrêt du 18 décembre 2012 (cf. supra consid. A.c), il résulte de ce qui précède que la cour cantonale devait limiter son examen à l'aspect subjectif de l'infraction de dénonciation calomnieuse. Plus encore, puisqu'il est incontesté que l'intimée avait l'intention de faire ouvrir une poursuite pénale à l'encontre du recourant, seule la connaissance ou la méconnaissance par celle-ci de la culpabilité du recourant au moment de sa dénonciation devait faire l'objet de l'arrêt attaqué et, par extension, du présent arrêt.  
Pour ces raisons, les développements des autorités précédentes en lien avec ce que l'intimée aurait appris après avoir dénoncé le recourant, en particulier sur la base des déclarations de sa fille C.________ intervenues en octobre 2012, doivent être écartés. Il en va de même de la comparaison entre les déclarations faites par l'intimée et ses filles au cours de la procédure. 
 
2.2.2. Jusqu'ici, le recourant reprochait à l'intimée d'avoir adopté deux comportements distincts, à savoir premièrement de l'avoir dénoncé comme étant l'auteur de violences sexuelles et psychologiques sur sa personne et, secondement, de l'avoir dénoncé comme étant l'auteur d'attouchements sexuels sur leur fille. À l'appui de son recours, le recourant ne conteste plus l'acquittement de l'intimée en ce qui concerne les violences sexuelles et psychologiques dénoncées. Sur le vu de ce qui précède, seule reste pertinente la question de savoir si l'intimée, au moment de dénoncer le recourant comme étant l'auteur d'attouchements sexuels sur sa fille, le savait innocent.  
 
2.3. En faisant entièrement sienne l'appréciation des preuves et l'application du droit de l'autorité de première instance, la cour cantonale a retenu, à titre principal, que le recourant ne niait pas avoir pris un bain avec sa fille, l'avoir chatouillée, qu'elle ait évoqué un ressenti désagréable en lien avec ces événements et qu'elle ait déjà évoqué cette situation à l'intimée au printemps 2010, soit avant sa dénonciation. Sur cette seule base, elle a jugé que l'on ne pouvait admettre que, subjectivement, l'intimée savait qu'elle dénonçait le recourant pour des faits dont elle le savait innocent.  
À titre complémentaire, la cour cantonale a relevé que l'enfant E.________ s'était confiée une nouvelle fois à l'intimée le 23 ou 24 novembre 2010, juste avant que la précitée n'adresse sa dénonciation aux autorités. Ainsi, indépendamment de sa connaissance des faits depuis le prin-temps 2010, elle pouvait se prévaloir d'avoir renforcé ses doutes quant à l'innocence du recourant avant de l'avoir dénoncé. À cet égard, la cour cantonale n'a pas jugé pertinentes les explications du recourant en lien avec les cours de plongeon de leurs enfants, la date de l'envoi du courrier ou les recherches d'appartements effectuées par l'intimée. 
 
2.4. Le recourant s'en prend tout d'abord au raisonnement principal de la cour cantonale. Il soutient qu'au printemps 2010, sa fille n'aurait jamais fait part à l'intimée d'un ressenti désagréable en lien avec le bain qu'ils ont partagés ou avec les chatouilles. En retenant le contraire, la cour cantonale aurait fait preuve d'arbitraire. Au gré de ses explications, le recourant reconnaît pourtant qu'à cette époque, sa fille s'est plainte auprès de l'intimée du fait qu'il la chatouillait un peu partout et qu'elle ne voulait plus qu'il le fasse. Pour cette seule raison, on ne décèle pas que la cour cantonale aurait fait preuve d'arbitraire en inférant des déclarations de l'enfant, soit qu'elle ne voulait plus qu'il le fasse, qu'elle l'avait ressenti comme une expérience désagréable.  
Le recourant estime encore que la cour cantonale aurait fait preuve d'arbitraire en ne mentionnant pas que sa fille a rapidement démenti ses premières déclarations du printemps 2010. Pourtant, cet élément ressort expressément de l'exposé des faits retenus par le tribunal de première instance (arrêt attaqué consid. 2) et repris par la cour cantonale. Le seul fait que l'enfant ait finalement déclaré avoir menti, après une discussion avec son père, n'est pas suffisant pour dire que la cour cantonale aurait fait preuve d'arbitraire. Il n'y a rien d'étonnant à ce que la fille du recourant, âgée de 7 ans au moment des faits, ait changé sa version après une discussion avec lui. Cela n'implique pas encore que l'intimée ait été convaincue par ces rétractations et donc, qu'elle savait le recourant innocent. 
Partant, puisque le recourant ne le conteste pas (ou échoue à le faire sous l'angle de l'arbitraire), la cour cantonale pouvait retenir que l'intimée avait connaissance des éléments suivants depuis le printemps 2010: Le recourant s'est baigné avec sa fille; il l'a chatouillée à cette occasion et, parfois, lorsqu'il allait lui dire bonne nuit; l'enfant s'est plaint auprès de l'intimée du comportement du recourant; l'enfant a, par la suite, déclaré avoir menti, après une discussion avec son père; en lien avec ces événements, l'enfant a évoqué un ressenti désagréable. 
Le recourant ne démontre pas et on ne décèle pas, sur la base de ces éléments, que la cour cantonale aurait fait preuve d'arbitraire en retenant qu'au printemps 2010 déjà, l'intimée était légitimée à penser que sa fille avait subi des attouchements sexuels de la part du recourant et ainsi, qu'elle l'a dénoncé en le pensant coupable ou, à tout le moins, qu'un doute subsistait à cet égard. 
 
2.5. Dans la mesure où ce qui précède suffit pour confirmer l'acquittement de l'intimée, au motif qu'il ne peut être démontré qu'elle aurait accusé le recourant le sachant innocent, il convient de rejeter ses autres griefs tirés de l'arbitraire dans l'établissement et l'appréciation des faits et de la violation de l'art. 303 ch. 1 CP.  
 
3.  
Au vu du sort de la cause, les conclusions du recourant en paiement d'une indemnité pour tort moral et d'une juste indemnité pour les dépenses occasionnées par la procédure ne peuvent qu'être rejetées. 
 
4.  
Le recours est rejeté. Le recourant, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, Cour d'appel pénal. 
 
 
Lausanne, le 29 novembre 2022 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
Le Greffier : Barraz