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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
1C_548/2016  
   
   
 
 
 
Arrêt du 1er février 2017  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Merkli, Président, 
Karlen, Fonjallaz, Chaix et Kneubühler. 
Greffier : M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
 A.________, 
C.________, 
tous deux représentés par Me Nicolas Rouiller, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 
1213 Petit-Lancy. 
 
Objet 
entraide judiciaire internationale en matière pénale 
au Curaçao (Pays-Bas), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal pénal fédéral, 
Cour des plaintes, du 9 novembre 2016. 
 
 
Faits :  
 
A.   
Par décision de clôture du 9 février 2016, le Ministère public du canton de Genève a ordonné la transmission au Procureur du Roi à Curaçao (Pays-Bas) des documents relatifs à deux comptes bancaires détenus auprès de la B.________ à Zurich par A.________ et C.________ Inc. Cette transmission intervient en exécution d'une demande d'entraide judiciaire formée pour les besoins d'une enquête pénale ouverte contre A.________, lequel est soupçonné d'être impliqué dans le meurtre du politicien D.________ (alors chef du parti politique au pouvoir), survenu le 5 mai 2013. 
 
B.   
Par arrêt du 9 novembre 2016, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral a rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, le recours formé par les deux titulaires de comptes précités. La société ne pouvait invoquer l'art. 2 EIMP. Rien ne permettait de penser que la procédure étrangère avait pour but d'écarter de la politique A.________, ancien ministre. Celui-ci avait été placé en détention provisoire durant une brève période et aucune inculpation n'avait été prononcée à son encontre. Il n'y avait pas d'indice concret de mauvais traitements ou de violation des garanties de procédure. Selon la demande d'entraide, le demi-frère de A.________ pourrait avoir été impliqué dans le meurtre dans le but d'empêcher la victime de faire des révélations au sujet d'une vente illégale de billets de loterie. Indépendamment de la véracité de ces révélations et de l'illégalité des ventes de billets, l'exposé des faits de l'autorité requérante était suffisant pour permettre l'octroi de l'entraide. Même si la documentation bancaire concernait une longue période (2004 à 2015), le principe de la proportionnalité était respecté. 
 
C.   
Par acte du 21 novembre 2016, A.________ et C.________ Inc. forment un recours en matière de droit public par lequel ils demandent au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt de la Cour des plaintes en ce sens que l'entraide judiciaire est refusée, les documents bancaires leur étant restitués. Subsidiairement, ils concluent à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Ils requièrent également l'octroi d'un délai supplémentaire pour compléter leur recours. 
L'Office fédéral de la justice a renoncé à déposer des observations détaillées, considérant que les conditions de recevabilité de l'art. 84 LTF ne sont pas remplies. Le Ministère public estime qu'un risque de violation des principes fondamentaux ou d'autres vices graves ne serait pas démontré, et qu'il ne se poserait aucune question de principe; il conclut à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. Dans leurs dernières observations, du 23 janvier 2017, les recourants persistent dans leur argumentation, tant sur la recevabilité que sur le fond. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Selon l'art. 84 LTF, le recours en matière de droit public est recevable à l'encontre d'un arrêt du Tribunal pénal fédéral en matière d'entraide judiciaire internationale si celui-ci a pour objet la transmission de renseignements concernant le domaine secret. Il doit toutefois s'agir d'un cas particulièrement important (al. 1). Un cas est particulièrement important notamment lorsqu'il y a des raisons de supposer que la procédure à l'étranger viole des principes fondamentaux ou comporte d'autres vices graves (al. 2). Ces motifs d'entrée en matière ne sont toutefois pas exhaustifs et le Tribunal fédéral peut être appelé à intervenir lorsqu'il s'agit de trancher une question juridique de principe ou lorsque l'instance précédente s'est écartée de la jurisprudence suivie jusque-là (ATF 133 IV 215 consid. 1.2 p. 218). En vertu de l'art. 42 al. 2 LTF, il incombe aux recourants de démontrer que les conditions d'entrée en matière posées aux art. 84 et 93 LTF sont réunies (ATF 133 IV 131 consid. 3 p. 132). 
 
1.1. La présente espèce porte sur la transmission de renseignements touchant le domaine secret. La première condition posée à l'art. 84 al. 1 LTF est ainsi réalisé. S'agissant de la seconde, les recourants estiment que la question de la qualité de la personne morale pour se prévaloir de l'art. 2 EIMP constituerait une question de principe. En effet, dans l'affaire Yukos (arrêt 1A.15/2007 du 13 août 2007), le Tribunal fédéral aurait admis une personne morale à se plaindre du caractère politique de la procédure menée dans l'Etat requérant. Selon l'arrêt attaqué, il s'agirait d'une jurisprudence isolée dont la portée aurait été relativisée par la suite. Les recourants le contestent en relevant que l'arrêt Yukos est clairement motivé sur ce point et qu'il en fait expressément une question de recevabilité.  
 
1.2. Selon la jurisprudence constante, les personnes morales, ainsi que les personnes physiques ne se trouvant pas sur le territoire de l'Etat requérant n'ont pas qualité pour invoquer des vices affectant la procédure étrangère (ATF 130 II 217 consid. 8.2 p. 227 s.; 129 II 268 consid. 6.1 p. 271 et les arrêts cités). Il semble certes ressortir de l'arrêt Yukos (1A.15/2007 du 13 août 2007, consid. 2.1) que les recourants pourraient se plaindre de la nature politique ou fiscale de la procédure étrangère. Cet argument a toutefois été admis uniquement en rapport avec la question de la motivation de la demande d'entraide judiciaire. Cela ressort clairement du premier arrêt rendu dans cette affaire (1A.215/2005 du 4 janvier 2006 consid. 1.6) : cet arrêt évoque la possibilité d'une exception à la pratique suivie jusque-là, et laisse expressément la question indécise; les considérants de fond ne traitent que de la motivation de la demande d'entraide (cf. consid. 3.9). Si l'arrêt 1A.15/2007 semble étendre la qualité pour recourir des personnes morales, sa portée a été relativisée par la suite (arrêt 1C_61/2016 du 8 février 2016 consid. 2.2), de sorte que la Cour des plaintes s'en est tenue à juste titre au principe fondamental selon lequel les personnes morales ne sont en principe pas habilitées à invoquer l'art. 2 EIMP.  
Au demeurant, l'argument relatif à la nature de la procédure étrangère a de toute façon été examiné sur le fond par la Cour des plaintes, dès lors qu'il était aussi soulevé par une personne physique. A supposer que la question soulevée par les recourants soit de principe, elle n'apparaît pas déterminante pour la solution de la présente cause et ne suffit donc pas pour admettre l'existence d'un cas particulièrement important. 
 
1.3. Pour les recourants, la présente cause constituerait aussi un cas particulièrement important en raison de son aspect éminemment politique. Ancien ministre des finances de Curaçao, le recourant serait actuellement un politicien d'opposition et sa mise en cause dans le meurtre du chef du parti au pouvoir tendrait à l'écarter de la vie politique. Décrivant le contexte politique depuis l'indépendance de 2010, les recourants relèvent que la victime avait beaucoup d'ennemis politiques et que le scandale qui aurait justifié l'assassinat et qui mettrait en cause le recourant avait déjà été révélé au public. Le ministre des finances et le premier ministre actuels seraient des ennemis acharnés du recourant et les membres de l'ancien parti au pouvoir feraient l'objet d'attaques systématiques. Le recourant a fait l'objet d'une perquisition et d'une détention de 13 jours, puis a été libéré sans plus être inquiété. Le meurtrier et ses complices ont été condamnés le 29 août 2014 et un commanditaire serait sur le point d'être jugé. Les preuves recueillies de manière illicite (saisie d'un chèque dans les bureaux du recourant, confiscation de son téléphone portable, utilisation de faux témoignages) et les contrevérités contenues dans la demande d'entraide (détention du recourant au moment où la demande d'entraide a été formée, participation de la victime à la coalition gouvernementale, imminence des révélations sur le scandale des loteries prétendument illégales) confirmeraient que l'entraide est en réalité requise dans le but d'obtenir des extraits bancaires destinés à discréditer le recourant. Les recourants invoquent également le principe de la bonne foi entre Etats.  
 
1.4. En dépit des arguments circonstanciés des recourants, l'infraction qui est à la base de la demande d'entraide a bien été commise et son auteur direct a été condamné à une peine d'emprisonnement à perpétuité en août 2014. L'autorité requérante indique que le recourant est soupçonné d'en être l'un des "auteurs intellectuels". Elle fait état des déclarations de la victime peu avant le meurtre, mettant en cause le demi-frère du recourant. Ces allégations, qui pourraient constituer un mobile, ne sont toutefois pas présentées comme des faits prouvés. L'arrestation du recourant est également indiquée, mais il n'est pas prétendu que sa détention serait toujours en cours. Le commanditaire directement mis en cause est lui aussi mentionné, étant précisé qu'il s'agirait d'une connaissance du recourant. Comme le relèvent les recourants, la procédure dirigée contre cette personne n'est pas encore achevée, de sorte que la question du commanditaire n'est pas définitivement réglée. Les critiques que le recourant formule à l'égard de l'enquête reposent sur des pièces qui n'ont pas de caractère probant et dont la portée exacte ne peut être établie. Dès lors, à supposer que les objections du recourant soient suffisantes pour justifier une entrée en matière, elles devraient être écartées sur le fond.  
 
1.5. Quant aux griefs relatifs au principe de la proportionnalité, ils ne sauraient faire de la présente cause un cas particulièrement important au sens de l'art. 84 LTF.  
 
2.   
Sur le vu de ce qui précède, le recours est rejeté, en tant qu'il est recevable. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge des recourants, qui succombent. 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté, en tant qu'il est recevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge des recourants. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, au Ministère public de la République et canton de Genève, au Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes, et à l'Office fédéral de la justice, Unité Entraide judiciaire. 
 
 
Lausanne, le 1 er février 2017  
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Merkli 
 
Le Greffier : Kurz