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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4C.22/2005 /ech 
 
Arrêt du 1er avril 2005 
Ire Cour civile 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Klett et Favre. 
Greffier: M. Ramelet. 
 
Parties 
A.________ Sàrl, rue du Rhône 62, 1204 Genève, 
défenderesse et recourante, représentée par Me Kamen Troller, avocat, case postale 393, 1211 Genève 12, 
 
contre 
 
B.________ (Suisse) SA, rue Céard 13, 1204 Genève, 
demanderesse et intimée, représentée par Me André Kaplun, avocat, case postale 166, 1211 Genève 12. 
 
Objet 
contrat de distribution; acte illicite, 
 
recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 23 novembre 2004. 
 
Faits: 
A. 
A.a A.________, dont le siège est à Paris, est titulaire des différentes marques "AX.________" et de leurs dérivés comprenant le vocable "A.________", qui sont destinés à distinguer des articles de prêt-à-porter et leurs accessoires. 
 
A.________ (Suisse) Sàrl (la défenderesse), inscrite au Registre du commerce de Genève, a pour but la fabrication et la distribution de produits textiles et d'articles d'habillement ainsi que l'exploitation de boutiques. En décembre 2002, elle a ouvert un magasin à Genève, et y vend depuis les produits de la marque "AX.________". 
 
B.________ SA (la demanderesse ou B.________) a pour but l'exploitation d'une boutique d'habillement. Z.________ en est le directeur avec signature individuelle. La demanderesse commercialise depuis les années 1980 des produits de la marque "AX.________". 
A.b Par contrat du 6 juillet 1996, A.________ a confié à la demanderesse la distribution exclusive en ville de Genève de ses vêtements de la marque "AX.________" Paris. La durée du contrat était fixée à 5 ans, à savoir jusqu'à la saison automne-hiver 2001. Cette convention stipulait notamment ce qui suit: B.________ avait l'obligation de vendre exclusivement des produits de la marque "AX.________" et devait s'approvisionner à 75 % de la valeur de ses commandes auprès de fournisseurs agréés par A.________, le solde pouvant être acquis auprès d'autres fournisseurs (art. 1.2); deux fois par an, avec l'autorisation de A.________, la demanderesse pouvait procéder à des soldes (art. 3.5.5); si le contrat venait à prendre fin, la demanderesse n'était plus en droit d'utiliser la marque "AX.________" et devait envoyer à A.________ un état de ses stocks de vêtements portant ladite marque; la demanderesse pouvait néanmoins continuer à vendre les articles en stock griffés "AX.________" dans les six mois suivant la date effective de la résiliation, les vêtements invendus restant à sa charge (art. 10). 
A.c En décembre 2001, la demanderesse a résilié le contrat de distribution. Le 26 décembre 2001, A.________ a pris acte de cette décision et du fait que le contrat ne déployait plus d'effets pour la saison automne-hiver 2002, mais a rappelé à B.________ qu'elle devrait régler les commandes déjà passées pour la collection printemps-été 2002. La demanderesse n'a pas contesté l'obligation de payer ces factures. Elle a en outre avisé ses fournisseurs qu'elle avait mis fin au contrat qui la liait à A.________ "dès l'automne-hiver 2002-2003". 
 
Le 22 janvier 2002, B.________ a informé A.________ qu'elle avait l'intention de vendre le stock des articles de la marque "AX.________", lesquels représentaient une valeur d'environ 1'500'000 fr., lors de la vente qu'elle organisait chaque année au mois d'octobre en dehors de sa boutique. 
 
Le 21 mars 2002, A.________ a fait savoir à la demanderesse qu'elle disposait d'un délai venant à échéance le 30 juin 2002 pour cesser en particulier l'usage et l'exploitation de la marque "AX.________". Ce pli a suscité une protestation de B.________, émise par courrier recommandé du 25 mars 2002; celle-ci a fait valoir que le délai de six mois ne commençait à courir qu'au terme de la saison printemps-été 2002 et qu'il prenait donc fin au 30 janvier 2003. A.________ n'a pas répondu à cette lettre. 
A.d En avril 2002, le président de la direction de A.________ s'est rendu chez la demanderesse à Genève pour discuter du rachat éventuel du stock de produits "AX.________"; à cette occasion, l'intéressé aurait remarqué que la marque en cause avait été apposée sur des produits de qualité médiocre. A.________ n'a toutefois entrepris aucune démarche pour interdire la vente de ces produits. 
 
En octobre 2002, la demanderesse a procédé à sa vente annuelle à la Salle M.________ à Genève, événement qui a été annoncé par d'importants moyens publicitaires. Ni A.________, ni la défenderesse n'ont protesté auprès de B.________. 
A.e En janvier 2003, la demanderesse a organisé des soldes dans sa boutique, qui portait désormais l'enseigne "Z.________". Elle y a vendu des produits de la marque "AX.________", en particulier des costumes (au prix de 950 fr.) et des vestes (au prix de 750 fr.), ainsi que des chaussures et des chemises. Le directeur de la demanderesse a indiqué au responsable parisien des boutiques A.________ - à l'occasion d'une rencontre à la mi-janvier 2003 lors de laquelle le second a proposé au premier de lui racheter son stock - qu'il disposait encore dans sa boutique de 87 costumes et de 111 vestes de la marque "AX.________". 
A.f Le 14 janvier 2003, A.________ et la défenderesse ont requis de la Cour de justice du canton de Genève, par requête de mesures provisoires, la saisie provisionnelle des articles de la marque "AX.________" en possession de la demanderesse. Invoquant la loi sur la protection des marques (LPM; RS 232.11) et la loi contre la concurrence déloyale (LCD; RS 241), elles concluaient en outre à ce qu'il soit fait interdiction à B.________ de commercialiser lesdits articles. 
 
Par ordonnance du 17 janvier 2003, la Cour de justice a fait droit à la requête à titre préprovisionnel, moyennant le dépôt de sûretés par 10'000 fr. 
 
La demanderesse s'est opposée aux mesures sollicitées. Elle a soutenu qu'elle était en droit de liquider les articles litigieux jusqu'en janvier 2003 au moins. 
 
Statuant après audition des parties, la Cour de justice, par ordonnance du 25 mars 2003, a considéré que B.________ avait été autorisée à vendre des produits de la marque "AX.________" jusqu'en janvier ou février 2003, mais que, vu le temps écoulé depuis la résiliation du contrat de distribution, elle n'avait désormais plus le droit de les vendre, de sorte que la requête devait être admise. La cour cantonale a ainsi interdit à B.________ de vendre des produits de la marque "AX.________", ordonné à A.________ et à la défenderesse de verser un montant supplémentaire de 190'000 fr. au titre de sûretés et octroyé aux requérantes un délai de trois mois pour valider les mesures provisoires. Les sûretés requises n'ont pas été versées. 
A.g Le 16 janvier 2003, A.________ et à la défenderesse ont déposé plainte pénale pour contrefaçon contre B.________. Cette plainte a été classée le 2 juin 2003, aux motifs que la prévention de contrefaçon n'était pas établie et que le litige revêtait un caractère civil prépondérant. La saisie conservatoire pénale a été levée. Les plaignantes n'ont pas recouru contre ce classement. 
A.h D'après l'inventaire de la demanderesse du 10 juillet 2003, le stock de produits de la marque "A.________" comprenait encore 400 pièces de vêtements pour un montant total de 156'688 fr., notamment 84 vestes représentant en valeur 52'028 fr. et 65 costumes représentant 53'051 fr. La fiduciaire de la demanderesse a confirmé qu'elle avait estimé le stock à 156'588 fr. au 31 décembre 2002 . 
B. 
B.a Le 5 septembre 2003, B.________ a ouvert action contre A.________ (Suisse) Sàrl devant le Tribunal de première instance de Genève, concluant au paiement de 260'148 fr. plus intérêts à 5 % dès le 13 janvier 2003, sous déduction du montant de 10'000 fr. versé le 17 janvier 2003 à titre de sûretés. La demanderesse a exposé que la défenderesse, en faisant saisir son stock de produits "A.________" en pleine période de soldes, lui avait causé un dommage, qu'elle a estimé, compte tenu d'une valeur d'achat du stock de 156'588 fr. et d'une marge moyenne de bénéfice de 50 %, à la somme de 234'882 fr. Elle a encore réclamé le montant de l'émolument de mise au rôle, par 6'550 fr., les honoraires avant procès de son avocat, par 18'714 fr., et une indemnité satisfactoire, par 10'000 fr. 
 
Le Tribunal de première instance, admettant partiellement la demande, a condamné la défenderesse à payer à la demanderesse 203'564 fr.40 avec intérêts à 5 % dès le 14 janvier 2003, libéré au profit de B.________ les sûretés de 10'000 fr. versées par la défenderesse en instance provisionnelle et annulé à concurrence de 193'564 fr.40 l'opposition formée par la défenderesse à la poursuite qui lui a été notifiée le 11 juillet 2003. Il a considéré en substance que la demanderesse disposait contractuellement du droit de vendre les produits de la marque "A.________" jusqu'à la fin janvier 2003 et que la défenderesse l'en avait empêchée en obtenant une saisie provisionnelle; dans les circonstances de l'espèce, cet agissement était contraire à l'art. 2 CC et constitutif d'un acte illicite, pour lequel la défenderesse devait réparation. Les premiers juges ont arrêté le dommage en retenant que le stock de B.________, estimé par la fiduciaire de celle-ci, s'élevait à 156'588 fr. et qu'il aurait pu être vendu en dégageant une marge bénéficiaire moyenne de 30 %. 
B.b Par arrêt du 23 novembre 2004, la Cour de justice a partiellement admis l'appel formé par la défenderesse contre le jugement précité, annulé cette décision et condamné la défenderesse à verser à la demanderesse la somme de 140'900 fr. avec intérêts à 5 % dès le 14 janvier 2003, dit que les sûretés de 10'000 fr. déposées par la défenderesse dans la procédure provisionnelle devaient être libérées et versées à la demanderesse en imputation de la somme susindiquée et prononcé à concurrence de 130'900 fr. la mainlevée de l'opposition formée par la défenderesse à la poursuite susmentionnée. L'autorité cantonale a confirmé sur le principe le jugement déféré, en ce sens que la demanderesse, du fait de la requête provisionnelle déposée illicitement par la défenderesse, avait été empêchée de vendre jusqu'à la fin janvier 2003 le stock de marchandises portant la marque "AX.________". La Cour de justice a fixé le dommage en admettant que B.________ aurait pu vendre jusqu'à ce terme les trois quarts du stock, évalué à 156'588 fr. à fin 2002, ce qui représentait environ 117'400 fr., cela avec une marge bénéficiaire moyenne de 20 %, ce qui donnait approximativement un total de 140'900 fr. (117'400 fr. + une marge de 23'500 fr.). Elle a ajouté que ce dernier montant tenait compte que le stock avait été estimé au 31 décembre 2002 et que la saisie provisionnelle n'était intervenue que le 17 janvier 2003, de sorte que le stock n'était sans doute plus complet lorsqu'il a été mis sous main de justice. 
C. 
Parallèlement à un recours de droit public qui a été rejeté dans la mesure de sa recevabilité par arrêt de ce jour, la défenderesse exerce un recours en réforme au Tribunal fédéral. Elle conclut à l'annulation de l'arrêt déféré et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. 
 
L'intimée propose le rejet du recours. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
La recourante prétend que la cour cantonale, lors de la fixation du dommage, a enfreint les art. 8 CC et 42 CO. 
1.1 Le dommage juridiquement reconnu réside dans la diminution involontaire de la fortune nette; il correspond à la différence entre le montant actuel du patrimoine du lésé et le montant qu'aurait ce même patrimoine si l'événement dommageable ne s'était pas produit. Le dommage peut se présenter sous la forme d'une diminution de l'actif, d'une augmentation du passif, d'une non-augmentation de l'actif ou d'une non-diminution du passif (ATF 129 III 18 consid. 2.4, 331 consid. 2; 128 III 22 consid. 2e/aa, 180 consid. 2d; 127 III 543 consid. 2b). 
Le point de savoir si un dommage est survenu et si c'est le cas d'en fixer la quotité est une question de fait qui lie le Tribunal fédéral saisi d'un recours en réforme. C'est en revanche une question de droit de dire si la notion juridique du dommage a été méconnue et de déterminer si l'autorité cantonale s'est fondée sur des principes de calcul admissibles pour le fixer (ATF 129 III 18 consid. 2.4; 128 III 22 consid. 2e, 180 consid. 2d; 127 III 73 consid. 3c, 543 consid. 2b). 
1.2 La défenderesse prétend que la cour cantonale, lorsqu'elle a déterminé le dommage, a violé l'art. 8 CC, dans la mesure où elle n'a pas donné suite à ses offres de preuves présentées à titre de contre-preuve. La recourante méconnaît toutefois que le droit à la preuve, respectivement le droit à la contre-preuve, au sens de cette disposition, suppose, dans chaque cas, que les preuves portent sur des faits pertinents et qu'elles aient été offertes conformément aux prescriptions de la procédure cantonale (ATF 126 III 315 consid. 4a; 122 III 219 consid. 3c). Or, la défenderesse n'établit aucunement avoir procédé de la sorte, si bien que le moyen pèche par défaut de motivation (art. 55 al. 1 let. c OJ). Dans ces conditions, savoir si la cour cantonale a rejeté d'éventuelles offres de preuves de la recourante par une appréciation anticipée des preuves - que l'art. 8 CC n'exclut d'ailleurs pas (cf. ATF 129 III 18 consid. 2.6 p. 25) - peut rester indécis. 
1.3 La recourante fait valoir que l'autorité cantonale a estimé à tort le dommage d'après l'art. 42 al. 2 CO et qu'elle s'est contentée d'une simple vraisemblance, au lieu d'en exiger la preuve stricte comme le requiert l'art. 42 al. 1 CO
 
Il est de jurisprudence que le dommage peut être évalué selon l'art. 42 al. 2 CO s'il est exclu d'établir le montant exact du dommage, soit que les preuves fassent défaut, soit que l'administration des preuves ne puisse pas être exigée du lésé (ATF 105 II 87 consid. 3 p. 89). C'est généralement le cas lorsqu'il est établi qu'un préjudice est survenu, mais que son étendue ne peut être déterminée avec sûreté (ATF 128 III 271 consid. 2b/bb p. 277; 116 II 225 consid. 3b p. 230; 105 II 87 consid. 3 p. 90). 
 
En l'espèce, la cour cantonale a constaté que la demanderesse, du fait de la mise sous main de justice d'articles de marque qu'elle vendait pendant des soldes, a subi un dommage, parce qu'elle a ainsi perdu la possibilité d'écouler ces marchandises. Déterminer à quels prix et dans quelles quantités l'intimée aurait pu vendre les marchandises jusqu'à la fin janvier 2003 si celles-ci n'avaient pas été saisies repose nécessairement sur une hypothèse, si bien qu'aucune preuve stricte ne peut être rapportée. C'est donc à bon droit que la Cour de justice s'est contentée de la simple vraisemblance et a estimé le dommage selon l'art. 42 al. 2 CO (ATF 130 III 321 consid. 3; 128 III 271 consid. 2b; 107 II 269 consid. 1b). 
1.4 L'estimation du dommage d'après l'art. 42 al. 2 CO repose sur le pouvoir d'apprécier les faits, domaine soustrait à la censure du Tribunal fédéral en instance de réforme. Dans la mesure où les juges cantonaux, sur la base d'une appréciation des preuves et des circonstances concrètes, sont parvenus à la conclusion que la vraisemblance de la survenance ainsi que de la quotité du préjudice confinait à la certitude, ils ont posé une constatation de fait, qui lie la juridiction fédérale (ATF 126 III 388 consid. 8a p. 389 et les références). Lorsque la recourante soutient que la cour cantonale a apprécié faussement les circonstances de fait ou encore lorsqu'elle allègue que la Cour de justice a tenu compte de certaines d'entre elles et ignoré d'autres, elle s'en prend de manière irrecevable à l'appréciation des preuves. 
2. 
En définitive, le recours doit être rejeté. Vu l'issue du litige, la recourante supportera l'émolument de justice et versera à l'intimée une indemnité de dépens (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté. 
2. 
Un émolument judiciaire de 5'500 fr. est mis à la charge de la défenderesse. 
 
3. 
La défenderesse versera à la demanderesse une indemnité de 6'500 fr. à titre de dépens. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
Lausanne, le 1er avril 2005 
Au nom de la Ire Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: