Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
5A_240/2024
Arrêt du 1er mai 2024
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Herrmann, Président,
Bovey et De Rossa.
Greffière : Mme de Poret Bortolaso.
Participants à la procédure
A.________,
recourante,
contre
B.________,
représenté par Me Daniela Linhares, avocate,
intimé.
Objet
retour d'enfant,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile, du 20 mars 2024 (C/4858/2024 DAS/70/2024).
Considérant en fait et en droit :
1.
1.1. C.________ (2016) est la fille de A.________ (1990), de nationalité portugaise et suisse, et de B.________ (1988), de nationalité portugaise.
La mineure est née au Portugal, où elle vivait avec ses parents.
A la suite de la séparation des parties en 2017, celles-ci ont trouvé un accord, ratifié le 25 octobre 2017 par le juge des affaires familiales de X.________ (Portugal). L'autorité parentale restait conjointe, avec la précision qu'un parent ne pouvait décider seul d'établir la résidence de l'enfant à l'étranger, voire même dans une autre région du Portugal. La garde de la fillette était confiée à la mère, moyennant un droit de visite usuel réservé au père.
Le 7 novembre 2023, le père a introduit une procédure visant l'instauration d'une garde alternée sur l'enfant, procédure actuellement en cours.
1.2. Le 15 janvier 2024, la mère a quitté le Portugal avec l'enfant pour la Suisse. L'accord du père n'a pas été sollicité.
2.
Par acte déposé au greffe de la Cour de justice du canton de Genève le 1er mars 2024, le père a requis le retour immédiat de sa fille au Portugal et l'autorisation de la rapatrier, requête fondée sur la Convention de la Haye sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants (CLaH80; RS 0.211.230.02).
La cour cantonale a transmis la requête de retour à la mère par ordonnance du 5 mars 2024, désigné à l'enfant un curateur de représentation, requis les documents nécessaires et convoqué une audience de conciliation. Il a été renoncé au prononcé de mesures d'urgence usuelles, également demandées par le père, vu notamment la rapidité de la procédure engagée.
L'audience s'est tenue le 20 mars 2024. La mère ne s'y est pas présentée. Le père a persisté dans sa requête et la curatrice a conclu au retour immédiat de l'enfant, les conditions en étant à son sens remplies.
Statuant le jour-même, la cour cantonale a ordonné le retour immédiat de l'enfant au Portugal et chargé le Service de protection des mineurs de son exécution.
3.
Agissant le 17 avril 2024 par la voie du recours en matière civile au Tribunal fédéral, A.________ (ci-après: la recourante) conclut principalement à l'annulation de l'arrêt cantonal, subsidiairement à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale.
Des déterminations n'ont pas été demandées.
4.
Le Tribunal fédéral examine d'office et avec un plein pouvoir d'examen la recevabilité des recours dont il est saisi (ATF 148 IV 155 consid. 1.1; 143 III 140 consid. 1 et la jurisprudence citée).
4.1. La décision statuant sur la requête en retour d'enfants à la suite d'un déplacement international est une décision finale (art. 90 LTF) prise en application de normes de droit public dans une matière connexe au droit civil, singulièrement en matière d'entraide administrative entre les États contractants pour la mise en oeuvre du droit civil étranger (art. 72 al. 2 let. b ch. 1 LTF; ATF 133 III 584 consid. 1.2; 120 II 222 consid. 2b). La Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a statué en instance cantonale unique conformément à l'art. 7 al. 1 de la loi fédérale sur l'enlèvement international d'enfants et les Conventions de La Haye sur la protection des enfants et des adultes du 21 décembre 2007 (LF-EEA; RS 211.222.32); il y a ainsi exception légale au principe du double degré de juridictions cantonales (art. 75 al. 2 let. a LTF). La recourante a agi à temps (art. 100 al. 2 let. c avec l'art. 46 al. 1 let. a et al. 2
a contrario LTF; cf. arrêt 5A_25/2010 du 2 février 2010 consid. 1.1).
4.2. A qualité pour former un recours en matière civile quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (art. 76 al. 1 let. a LTF), pour autant qu'il soit particulièrement touché par la décision attaquée et ait un intérêt digne de protection à son annulation ou sa modification (art. 76 al. 1 let. b LTF).
L'intérêt digne de protection consiste dans l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait à son auteur, en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision entreprise lui occasionnerait (ATF 143 III 578 consid. 3.2.2.2; 138 III 537 consid. 1.2.2; 137 II 40 consid. 2.3). Il est ainsi nécessaire que la décision sur le recours soit de nature à procurer au recourant l'avantage qu'il recherche. Le juge n'a pas à statuer sur un recours qui, s'il devait être admis, ne modifierait pas la situation juridique dans le sens des conceptions du plaideur (ATF 127 III 41 consid. 2b; 114 II 189 consid. 2; arrêt 5A_671/2021 du 20 décembre 2021 consid. 3.1.1). Il est néanmoins fait abstraction de l'intérêt pratique et actuel lorsque la mesure attaquée soulève une question de principe qui peut se poser en tout temps dans des circonstances identiques ou semblables et qui, en raison de la trop courte durée de la procédure, ne pourrait jamais être tranchée si le recours était déclaré irrecevable ("intérêt virtuel"; cf. ATF 146 II 335 consid. 1.3; 140 III 92 consid. 1.1; 139 I 206 consid. 1.1).
4.3. L'existence de l'intérêt pratique au recours doit en l'occurence être examinée sous l'angle de la compétence internationale des juridictions suisses.
Dans ses écritures, la recourante reconnaît en effet que le Service de protection des mineurs a déjà exécuté la décision ordonnant le retour immédiat de sa fille au Portugal.
Il n'est pas contesté ici que le déplacement de C.________ en Suisse a été effectué de manière illicite au sens de l'art. 3 CLaH80. Il s'ensuit que, conformément à la Convention concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants (CLaH96; RS 0.211.231.011), en vigueur tant en Suisse qu'au Portugal, les autorités portugaises étaient compétentes pour statuer sur les prérogatives parentales avant le déplacement litigieux (cf. art. 5 al. 1 CLaH96), comme après celui-ci (cf. art. 7 CLaH96). Les tribunaux suisses n'ont donc jamais été compétents à cet égard et l'enfant n'a pu établir en Suisse une résidence habituelle au sens juridique du terme. En cas d'admission du recours, il n'existerait dès lors aucune base légale permettant de faire revenir en Suisse la mineure, qui est entre-temps retournée au Portugal suite à l'exécution immédiate de la décision entreprise (cf. arrêt 5A_623/2015 du 7 septembre 2015 consid. 1 publié in: FamPra.ch 2016 p. 313 ss et la référence citée). Contrairement à ce que paraît penser la recourante, qui se limite au demeurant à des conclusions cassatoires, l'annulation de l'arrêt cantonal ne permettrait nullement un retour automatique de l'enfant en Suisse. Dans cette mesure, la recourante ne dispose d'aucun intérêt à attaquer l'arrêt cantonal. Celle-ci ne se prévaut pas non plus de l'existence d'un intérêt virtuel, lequel doit ici être écarté (arrêt 5A_623/2015 précité consid. 1 et la référence). Le recours doit en conséquence être déclaré irrecevable.
5.
Conformément aux art. 26 al. 2 CLaH80 et 14 LF-EEA, et dès lors qu'il faut constater que ni le Portugal, ni la Suisse n'ont formulé de réserves à ce sujet, il n'est pas perçu de frais judiciaires devant le Tribunal fédéral. Aucune indemnité n'est versée à la curatrice de l'enfant, qui n'a pas été invitée à se déterminer; pour la même raison, l'intimé ne peut prétendre à aucune indemnité de dépens.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile, à Elisabeth Gabus-Thorens, curatrice, au Service de protection des mineurs, Direction, et à l'Office fédéral de la justice, Autorité centrale en matière d'enlèvement international d'enfants.
Lausanne, le 1er mai 2024
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Herrmann
La Greffière : de Poret Bortolaso