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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
5A_835/2010 
 
Arrêt du 1er juin 2011 
IIe Cour de droit civil 
 
Composition 
Mme et MM. les Juges Hohl, Présidente, 
von Werdt et Herrmann. 
Greffière: Mme de Poret Bortolaso. 
 
Participants à la procédure 
dame X.________, 
représentée par Me Thomas Barth, avocat, 
recourante, 
 
contre 
 
X.________, 
représenté par Me Flore Agnès Nda Zoa, avocate, 
intimé. 
 
Objet 
complément d'un jugement de divorce étranger 
(partage des avoirs de prévoyance professionnelle), 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour 
de justice du canton de Genève du 22 octobre 2010. 
 
Faits: 
 
A. 
A.a Dame X.________, née en 1952, et X.________, né en 1950, se sont mariés le 3 décembre 1973 à Canteleu (Seine-Maritime, France). Trois enfants, actuellement majeurs, sont issus de cette union. 
 
Les époux X.________ sont tous deux français et domiciliés en France. 
 
Pendant toute la durée du mariage, X.________ a travaillé auprès de A.________ SA à B.________ (Genève). De ce fait, il a été affilié à la Caisse inter-entreprises de prévoyance professionnelle (CIEPP). Ses avoirs de prévoyance accumulés au 30 avril 2008 se chiffrent à 108'554 fr. 65. A cela s'ajoute un retrait de 73'100 fr. pour financer l'achat d'une maison à C.________, d'un commun accord avec son ex-épouse. Dame X.________ a travaillé en France de 1973 à 1980. Elle a ensuite cessé toute activité durant 22 ans pour s'occuper des enfants. En 2002, elle a repris une activité à mi-temps, qu'elle a exercée jusqu'au prononcé du divorce. 
 
B. 
B.a Par jugement du 10 avril 2008, le juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de Thonon-les-Bains (France) a prononcé le divorce des époux. Il a notamment commis un notaire afin de procéder à la liquidation des droits des parties et condamné X.________ à payer à son ex-épouse la somme de 60'000 euros à titre de prestation compensatoire, montant payable par mensualités égales en principal sur huit années. 
B.b Le 17 septembre 2009, dame X._______ a déposé devant le Tribunal de première instance du canton de Genève une action en complément du jugement de divorce à l'encontre de X.________. Elle concluait notamment à ce que la juridiction saisie complète le jugement de divorce rendu le 10 avril 2008 en ce sens que le partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés par son ex-mari pendant la durée du mariage soit ordonné. 
 
Par jugement du 15 avril 2010, le Tribunal de première instance a déclaré la demande irrecevable en se fondant sur le principe de l'autorité de la chose jugée. 
 
Statuant sur appel de l'ex-épouse le 22 octobre 2010, la Cour de justice a confirmé le jugement de première instance pour les mêmes motifs. 
 
C. 
Le 26 novembre 2010, dame X.________ exerce un recours en matière civile devant le Tribunal fédéral. La recourante conclut principalement à l'annulation de l'arrêt rendu par la Cour de justice et, subsidiairement, au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouveau jugement dans le sens des considérants. A l'appui de ses conclusions, elle invoque la violation des art. 122 CC et 9 Cst. 
 
La recourante réclame le bénéfice de l'assistance judiciaire. 
 
L'intimé conclu au déboutement de la recourante, tandis que la Cour de justice se réfère aux considérants de son arrêt. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
1.1 Le recours a été déposé à temps (art. 100 al. 1 LTF), par la partie qui a succombé dans ses conclusions devant l'instance précédente (art. 76 aLTF); il est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF), prise par l'autorité cantonale de dernière instance (art. 75 LTF), dans une contestation civile (art. 72 al. 1 LTF), de nature pécuniaire, dont la valeur litigieuse (cf. art. 51 al. 1 let. a LTF) atteint 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), de sorte qu'il est recevable au regard de ces dispositions. 
 
1.2 Le recours en matière civile des art. 72 ss LTF étant une voie de réforme (art. 107 al. 2 LTF), le recourant ne doit pas se borner à demander l'annulation de la décision attaquée et le renvoi de la cause à l'instance cantonale; il doit également, sous peine d'irrecevabilité, prendre des conclusions sur le fond du litige. Il n'est fait exception à ce principe que lorsque le Tribunal fédéral, s'il admettait le recours, ne serait pas en mesure de statuer lui-même sur le fond, faute d'un état de fait suffisant, mais devrait renvoyer la cause à l'autorité cantonale pour complément d'instruction (ATF 133 III 489 consid. 3.1 et les références citées). Cette exception est en l'espèce réalisée dans la mesure où, si la Cour de céans admet le recours et, ainsi, le principe du partage des avoirs, il conviendra encore d'instruire les faits afin d'examiner si la recourante peut l'obtenir en tout ou en partie, les juridictions cantonales n'ayant pas examiné ces points puisqu'elles avaient jugé la demande irrecevable. La recourante peut en conséquence se dispenser de prendre des conclusions réformatoires sans que son recours soit déclaré irrecevable. 
 
2. 
2.1 La Cour de justice a considéré que c'était à juste titre que le Tribunal de première instance avait admis sa compétence (art. 6 LDIP) et déclaré le droit suisse applicable (art. 15 LDIP). Ces questions n'ont fait l'objet d'aucune discussion entre les parties devant les instances cantonales. 
 
2.2 Les juges cantonaux ont admis que le jugement de divorce du 10 avril 2008 ne contenait aucune indication relative aux avoirs accumulés par l'intimé auprès de son institution suisse de prévoyance et qu'aucune attestation établissant le montant de ces avoirs n'avait été déposée dans le cadre de la procédure. Ils ont néanmoins relevé qu'une prestation compensatoire d'un montant de 60'000 euros avait été octroyée à la recourante et que celle-là avait été fixée en tenant compte des fiches de salaire de l'intimé - qui mentionnaient expressément les retenues opérées à titre de prévoyance professionnelle - et d'une simulation des pensions de retraite de chacune des parties. Il résultait de cette dernière projection une grande disparité de revenus entre celles-ci, qui s'expliquait principalement par le fait que l'intimé avait cotisé auprès d'une caisse de pension suisse. En tant que les parties étaient toutes deux proches de la retraite, le juge français avait nécessairement pris en considération cette inégalité en fixant le montant de la prestation compensatoire et avait ainsi indirectement tranché la question des avoirs de prévoyance professionnelle. La demande de complément du jugement de divorce se heurtait dès lors à l'autorité de la chose jugée et devait en conséquence être déclarée irrecevable. 
 
2.3 La recourante soutient qu'en concluant que les avoirs de prévoyance professionnelle de son ex-époux auraient été indirectement pris en considération par le juge français lors de la fixation du montant de la prestation compensatoire, la cour cantonale serait tombée dans l'arbitraire. Les juges cantonaux ne pouvaient en effet relever qu'aucune attestation établissant lesdits avoirs n'avait été déposée en cours de procédure pour néanmoins en conclure que ceux-ci avaient été pris en compte sur la base de la production d'une seule fiche salariale de l'intimé et d'une simulation des pensions de retraite des ex-époux. Il était en effet improbable que le juge français ait pu lui-même procéder au calcul du montant total des avoirs de prévoyance professionnelle de l'intimé sur la base d'une seule fiche salariale; quant à la simulation des pensions de retraite, elle avait été réalisée sur un site internet français, sans que l'on connaisse son fondement, les éléments sur lesquels elle se fondait ainsi que son exactitude quant au cas particulier. 
2.4 
2.4.1 D'après la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable; pour que cette décision soit annulée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 132 I 13 consid. 5.1; 131 I 217 consid. 2.1, 57 consid. 2; 129 I 173 consid. 3.1). 
2.4.2 La Cour de céans a déjà eu l'occasion de se prononcer sur la question du complément d'un jugement de divorce français quant au partage des avoirs de prévoyance professionnelle de l'un des époux ayant exercé une activité lucrative en Suisse durant le mariage. 
 
Dans l'arrêt publié aux ATF 131 III 289 consid. 2.8 s., le Tribunal fédéral a constaté que le jugement de divorce prononcé en France ne contenait aucune clause explicite au sujet des avoirs accumulés auprès de l'institution suisse de prévoyance et que le juge français avait rejeté la prétention de l'épouse en paiement d'une prestation compensatoire (art. 270 ss du code civil français [CCF]), sans qu'on puisse discerner le motif de ce refus et, notamment, si la question de la prévoyance avait fait l'objet de la procédure. La Cour de céans a ainsi admis que le jugement de divorce nécessitait un complément sur la question des avoirs de prévoyance. 
 
Dans la jurisprudence parue aux ATF 134 III 661 consid. 3.2, les juges fédéraux ont en revanche considéré que le jugement de divorce français ne nécessitait aucun complément à cet égard, les juges français s'étant expressément penchés sur la problématique du partage des avoirs de la prévoyance professionnelle des parties en fixant le montant de la prestation compensatoire accordée à l'épouse recourante. 
2.4.3 Aux termes de l'art. 270 CCF, l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation correspond autant à un dédommagement qu'à une indemnité d'entretien (ATF 131 III 289 consid. 2.8). La prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux qui y prétend et les ressources de l'autre, en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible. La situation respective des parties en matière de pensions de retraite est ainsi prise en considération (art. 271 CCF). 
 
Il existe une différence de nature entre la prestation compensatoire du droit civil français et le partage des avoirs de prévoyance prévu par les art. 122 ss CC, institution que la législation française ne connaît pas comme telle (ATF 131 III 289 consid. 2.8 s.; 134 III 661 consid. 3.3). La comparaison entre ces deux institutions juridiques montre en effet des différences fondamentales en ce qui concerne le but politico-juridique, la justification de la prétention et l'aménagement de détail (ATF 131 III 289 consid. 2.8 s.). Il s'ensuit que, dans la mesure où la prestation compensatoire n'a pas été fixée en tenant compte des avoirs de libre passage de l'époux débiteur (ATF 134 III 661 consid. 3.3), l'époux créancier doit pouvoir prétendre à l'une comme à l'autre: l'octroi d'une prestation compensatoire n'exclut pas le droit au partage des avoirs de prévoyance. 
 
2.5 En l'espèce, le jugement de divorce ne contient aucune référence expresse à la prestation de prévoyance de l'ex-mari. La cour cantonale remarque certes que le montant de la prestation compensatoire a été déterminé en tenant compte de la retraite des parties, sur la base d'une simulation de leurs pensions. Il n'empêche qu'aucune attestation de la caisse de prévoyance de l'ex-mari quant aux montants des avoirs accumulés auprès d'elle n'a été produite devant le juge français. Il faut par conséquent en conclure que ladite simulation a été effectuée sans disposer de cet élément essentiel, la production de fiches de salaires, de surcroît devant un juge qui ne connaît pas l'institution de la prévoyance, ne suffisant pas, à elle seule, à déterminer le montant de ces avoirs. La Cour de justice ne pouvait donc, sans arbitraire, en déduire que le juge du divorce les aurait indirectement pris en considération dans la mesure où il ne disposait pas des éléments propres à en déterminer le montant, et refuser ainsi d'entrer en matière sur le complément sollicité par la recourante. 
 
Le recours doit donc être admis pour ce motif, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs soulevés par la recourante. 
 
3. 
En conclusion, le recours doit être admis, la décision attaquée annulée et la cause renvoyée à l'autorité précédente pour instruction et nouvelle décision. Les frais judiciaires seront dès lors supportés par l'intimé (art. 66 al. 1 LTF), qui versera en outre des dépens à la recourante (art. 68 al. 1 et 2 LTF). La requête d'assistance judiciaire de celle-ci devient par conséquent sans objet. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la Cour de justice pour instruction et nouvelle décision au sens des considérants. 
 
2. 
La requête d'assistance judiciaire de la recourante est sans objet. 
 
3. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
4. 
Une indemnité de 3'000 fr., à payer à la recourante à titre de dépens, est mise à la charge de l'intimé. 
 
5. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
Lausanne, le 1er juin 2011 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
La Présidente: La Greffière: 
 
Hohl de Poret Bortolaso