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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
6B_1107/2017  
 
 
Arrêt du 1er juin 2018  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président, 
Jacquemoud-Rossari et Rüedi. 
Greffière : Mme Cherpillod. 
 
Participants à la procédure 
X.________ Sàrl, 
représentée par Me Vincent Solari, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
intimé. 
 
Objet 
Ordonnance de classement, gestion fautive, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 24 août 2017 (P/9253/2012 ACPR/571/2017). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________ SA, aujourd'hui radiée, était une société genevoise dont le but était toutes opérations en relation avec le négoce international de matières premières, notamment de charbon.  
X.________ Sàrl est une société genevoise active dans le domaine de l'industrie et du commerce de combustible et de produits carburants. 
Le 28 mai 2010, A.________ SA et X.________ Sàrl ont conclu un contrat portant sur la vente par la première à la seconde de 50'000 tonnes métriques de charbon. Dans ce cadre, A.________ SA a fourni à X.________ Sàrl une garantie d'exécution (" performance guarantee ") de 200'000 USD. A.________ SA n'a pas livré la marchandise dans le délai convenu. 
 
A.b. De ce fait, le 8 octobre 2010, X.________ Sàrl a formé une demande d'arbitrage à Singapour, chiffrant ses prétentions en dommages-intérêts à 2'002'841.84 USD.  
A.________ SA n'a comptabilisé aucune provision dans ses comptes pour l'exercice 2010 en prévision d'une éventuelle décision défavorable. Le 8 avril 2011, elle a indiqué qu'elle ne participerait plus à la procédure arbitrale. A fin mai 2011, elle a refusé de payer sa part de l'avance de frais requise par le Tribunal arbitral. 
 
A.c. Dans son rapport du 11 mai 2011 en vue de l'assemblée générale des actionnaires de A.________ SA, son organe de révision a constaté que les comptes au 31 décembre 2010 présentaient une perte de 689'376 fr. et qu'il existait une situation de surendettement au sens de l'art. 725 al. 2 CO. Dans l'annexe aux comptes au 31 décembre 2010, non datée et jointe au rapport précité, le conseil d'administration de A.________ SA a indiqué que la société présentait une perte importante au bilan et se trouvait en situation de surendettement. La situation ne s'annonçant pas plus favorable en 2011, le conseil d'administration estimait que la continuation de l'exploitation n'était plus possible. En conséquence la société devait être mise en liquidation. Bien que se déclarant conscient de ses obligations en regard de l'art. 725 al. 2 CO, le conseil d'administration a indiqué renoncer à l'avis au juge compte tenu "du fait que l'intégralité des créanciers figurant au passif seront payés par le biais du soutien d'une société soeur ". Enfin concernant le litige opposant la société à X.________ Sàrl, le conseil d'administration ne jugeait pas nécessaire la constitution d'une provision en anticipation d'un jugement défavorable, les éléments à sa disposition la laissant " en effet supposer que le tirage sous la garantie de performance effectué par X.________ Sàrl est suffisant pour couvrir les pertes ou préjudices subis par cette dernière".  
 
A.d. Le 4 novembre 2011, le Tribunal arbitral a rendu une sentence condamnant A.________ SA à payer à X.________ Sàrl 1'059'913.19 USD, à titre de dommages-intérêts, garantie de 200'000 USD déduite, ainsi que 150'789.52 USD de dépens et 176'800 USD à titre de participation à la provision payée par X.________ Sàrl.  
 
A.e. Lors de l'assemblée générale extraordinaire de A.________ SA du 23 novembre 2011, son conseil d'administration a annoncé qu'il allait avertir le juge du surendettement de la société au sens de l'art. 725 al. 2 CO, les comptes intermédiaires au 30 novembre 2011 intégrant une provision pour litige de 1'200'000 fr. et faisant apparaître une perte cumulée pour l'exercice 2011 de 1'249'509 fr. 31 et une perte cumulée pour les exercices 2009-2011 de 1'938'886 francs.  
 
A.f. A la requête de l'administrateur de A.________ SA du 9 décembre 2011, la faillite de cette société a été prononcée le 19 janvier 2012.  
 
A.g. Le 6 février 2012, une somme de 65'000 USD, reçue trois jours plus tôt, a été transférée, sur ordre de A.________ SA, sur le compte de B.________ Corp., société incorporée aux Iles Vierges Britanniques.  
 
A.h. La procédure de faillite ayant été clôturée, A.________ SA a été radiée d'office le 12 août 2013.  
 
B.  
 
B.a. Par ordonnance du 4 septembre 2012, le Ministère public de la République et canton de Genève a refusé d'entrer en matière sur la plainte formée par X.________ Sàrl contre A.________ SA, ses organes et tout autre participant pour banqueroute frauduleuse (art. 163 CP), diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers (art. 164 CP), gestion fautive (art. 165 CP) et inobservation des règles de la procédure de faillite (art. 323 ch. 3 et 4 CP).  
 
B.b. Par arrêt du 12 décembre 2012, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 18 décembre 2012 a annulé cette ordonnance et renvoyé la cause au ministère public pour l'ouverture d'une instruction.  
 
C.  
 
C.a. Par ordonnance du 21 octobre 2014, le ministère public a classé la procédure, considérant que rien au dossier ne permettait de retenir la réalisation des éléments constitutifs des infractions dénoncées. Il a notamment relevé que le temps mis pour saisir le juge de la faillite n'avait ni causé, ni aggravé la faillite de la société. Une expertise n'était pas nécessaire.  
 
C.b. Par arrêt du 22 avril 2015, la Chambre pénale de recours a rejeté dans la mesure de sa recevabilité le recours intenté par X.________ Sàrl contre cette décision.  
 
C.c. Par arrêt 6B_551/2015 du 24 février 2016, le Tribunal fédéral a annulé cet arrêt. S'agissant de l'infraction de gestion fautive visée par l'art. 165 CP, il a rappelé que cette disposition ne s'applique en principe que subsidiairement aux art. 163 et 164 CP. Or, une infraction à ces dispositions ne pouvait pas être exclue à ce stade et la question d'une éventuelle application de l'art. 165 CP pouvait donc rester indécise. Le Tribunal fédéral indiquait en conséquence qu'il appartiendra, le cas échéant, à l'autorité précédente, à celle d'instruction ou au juge du fond d'examiner son éventuelle application. Cela justifiait également de ne pas entrer en matière sur le grief relatif au droit d'être entendu soulevé en lien avec l'art. 165 CP, soit l'absence alléguée de motivation du rejet de la requête d'expertise visant à établir la date du surendettement de A.________ SA. Cette question pourra en effet à nouveau être soulevée devant l'autorité précédente, respectivement celle d'instruction.  
 
D.   
Par ordonnance du 14 mars 2017, le ministère public a classé la procédure. Il a estimé superflue l'expertise requise pour déterminer la date du surendettement, cette date pouvant être établie sur la base des éléments figurant au dossier. 
 
E.   
Par arrêt du 24 mai 2017, la Chambre pénale de recours a rejeté le recours formé par X.________ Sàrl contre cette seconde ordonnance de classement. 
 
 
F.   
X.________ Sàrl forme un recours en matière pénale contre cet arrêt. Elle requiert, avec suite de frais et dépens, son annulation, l'annulation de l'ordonnance de classement du 14 mars 2017, le renvoi de la cause au ministère public pour procéder aux actes d'enquêtes nécessaires, dont en particulier les auditions de C.________ et D.________ et la mise en oeuvre d'une expertise, ainsi que la mise en prévention des deux précités, de E.________ et de F.________. 
Invités à se déterminer sur le recours, l'autorité précédente y a renoncé, le ministère public a conclu à son rejet. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral, si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Constituent de telles prétentions celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être déduites ordinairement devant les tribunaux civils. Il s'agit principalement des prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO. Selon l'art. 42 al. 1 LTF, il incombe au recourant d'alléguer les faits qu'il considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir. Lorsque le recours est dirigé contre une décision de non-entrée en matière ou de classement de l'action pénale, la partie plaignante n'a pas nécessairement déjà pris des conclusions civiles. Quand bien même la partie plaignante aurait déjà déclaré des conclusions civiles (cf. art. 119 al. 2 let. b CPP), il n'en reste pas moins que le procureur qui refuse d'entrer en matière ou prononce un classement n'a pas à statuer sur l'aspect civil (cf. art. 320 al. 3 CPP). Dans tous les cas, il incombe par conséquent à la partie plaignante d'expliquer dans son mémoire au Tribunal fédéral quelles prétentions civiles elle entend faire valoir contre l'intimé. Comme il n'appartient pas à la partie plaignante de se substituer au ministère public ou d'assouvir une soif de vengeance, la jurisprudence entend se montrer restrictive et stricte, de sorte que le Tribunal fédéral n'entre en matière que s'il ressort de façon suffisamment précise de la motivation du recours que les conditions précitées sont réalisées, à moins que l'on puisse le déduire directement et sans ambiguïté compte tenu notamment de la nature de l'infraction alléguée.  
 
1.2. A l'appui de sa qualité pour recourir, la recourante invoque qu'elle pourra faire valoir dans le cadre de la procédure pénale des prétentions civiles de 1'387'502 fr. 70, correspondant au préjudice qu'elle déclare avoir subi du fait de l'infraction de gestion fautive au sens de l'art. 165 CP commise au sein de A.________ SA, son ancienne cocontractante. Ce faisant, elle doit se voir reconnaître la qualité pour recourir contre la décision confirmant le classement de ce chef d'accusation.  
 
2.   
La recourante ne formule de motivation que s'agissant du classement du chef d'accusation de gestion fautive au sens de l'art. 165 CP
Elle invoque à cet égard une appréciation arbitraire des faits notamment s'agissant de la date à partir de laquelle A.________ SA s'est trouvée en situation de surendettement, soutenant que cette date étant antérieure à la conclusion du contrat de vente du 28 mai 2010, à tout le moins antérieure à la date du 8 octobre 2010 retenue par l'autorité précédente. La recourante reproche à cette autorité son refus de mettre en oeuvre l'expertise requise afin de déterminer la date du surendettement et le dommage causé à la recourante en raison du report de l'avis au juge. Ce refus procéderait d'une appréciation anticipée des preuves arbitraire, violerait son droit d'être entendue et constituerait un déni de justice. La recourante reproche également à l'autorité précédente d'avoir nié l'existence de soupçons de fautes de gestion au sens de l'art. 165 CP et se plaint d'une violation du principe " in dubio pro duriore ". 
 
2.1. Aux termes de l'art. 165 CP, le débiteur qui, de manières autres que celles visées à l'art. 164 CP, par des fautes de gestion, notamment par une dotation insuffisante en capital, par des dépenses exagérées, par des spéculations hasardeuses, par l'octroi ou l'utilisation à la légère de crédits, par le bradage de valeurs patrimoniales ou par une négligence coupable dans l'exercice de sa profession ou dans l'administration de ses biens, aura causé ou aggravé son surendettement, aura causé sa propre insolvabilité ou aggravé sa situation alors qu'il se savait insolvable, sera, s'il a été déclaré en faillite ou si un acte de défaut de biens a été dressé contre lui, puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.  
La notion de surendettement, qui s'applique au débiteur soumis à la poursuite par la voie de la faillite, découle de l'art. 725 al. 2 CO et signifie que, sur le plan comptable, les dettes ne sont plus couvertes ni sur la base d'un bilan d'exploitation, ni sur la base d'un bilan de liquidation, autrement dit que les passifs excèdent les actifs (arrêts 6B_142/2016 du 14 décembre 2016 consid. 7.1; 6B_135/2014 du 30 octobre 2014 consid. 3.1). 
La faute de gestion visée par l'art. 165 CP peut consister en une action ou en une omission. L'omission ne peut être reprochée que s'il existait un devoir juridique d'agir. C'est en fonction des dispositions spécifiques qui définissent les devoirs de l'auteur qu'il faut déterminer si celui-ci a usé des précautions commandées par les circonstances et sa situation personnelle (ATF 115 IV 38 consid. 2 p. 41; plus récemment arrêt 6B_726/2017 du 20 octobre 2017 consid. 1.2). L'art. 165 CP ne vise que les fautes de gestion économiques grossières. Constitue en particulier une négligence coupable dans l'exercice de sa profession au sens de l'art. 165 CP l'omission de faire l'avis au juge exigé par l'art. 725 al. 2 CO en cas de surendettement (arrêt 6B_985/2016 du 27 février 2017 consid. 4.1.1 et les nombreux arrêts cités). 
 
2.2. Selon l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure notamment lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a) ou lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b).  
La décision de classer la procédure doit être prise en application du principe "in dubio pro duriore". Ce principe vaut également pour l'autorité judiciaire chargée de l'examen d'une décision de classement. Il signifie qu'en règle générale, un classement ou une non-entrée en matière ne peut être prononcé par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation que le Tribunal fédéral revoit avec retenue. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243; 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91 et les références citées). L'autorité de recours ne saurait ainsi confirmer un classement au seul motif qu'une condamnation n'apparaît pas plus probable qu'un acquittement (arrêt 6B_1356/2016 du 5 janvier 2018 consid. 3.3.3, arrêt destiné à la publication). 
Déterminer si l'autorité précédente a correctement compris la portée du principe " in dubio pro duriore " et s'est fondée sur une notion juridiquement correcte du " soupçon suffisant " visé par l'art. 319 al. 1 let. a CPP est une question de droit, soumis au libre examen du Tribunal fédéral. Le principe " in dubio pro duriore ", en tant que règle de droit, est notamment violé lorsque l'instance précédente a admis dans ses considérants un soupçon suffisant mais, pour des motifs ne concernant pas l'objet du litige et en violation de son pouvoir d'appréciation, n'a pas engagé l'accusation, lorsqu'il ressort des considérants de l'arrêt attaqué que l'autorité précédente a établi l'état de fait comme un juge du fond, en faisant application du principe " in dubio pro reo " ou lorsqu'elle a méconnu de toute autre manière le principe " in dubio pro duriore " (ATF 143 IV 241 consid. 2.3.3 p. 245 ss). 
 
2.3. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'ils n'aient été établis en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (cf. ATF 143 IV 241 consid. 2.3 p. 244; 142 II 355 consid. 6 p. 358).  
L'établissement de l'état de fait incombe principalement au juge matériellement compétent pour se prononcer sur la culpabilité du prévenu. Le ministère public et l'autorité de recours n'ont dès lors pas, dans le cadre d'une décision de classement d'une procédure pénale, respectivement à l'encontre d'un recours contre une telle décision, à établir l'état de fait comme le ferait le juge du fond. Des constatations de fait sont toutefois admises au stade du classement, dans le respect du principe " in dubio pro duriore ", soit dans la mesure où les faits sont clairs, respectivement indubitables, de sorte qu'en cas de mise en accusation ceux-ci soient très probablement constatés de la même manière par le juge du fond. Tel n'est pas le cas lorsqu'une appréciation différente par le juge du fond apparaît tout aussi vraisemblable. Le principe " in dubio pro duriore " interdit ainsi au ministère public, confronté à des preuves non claires, d'anticiper sur l'appréciation des preuves par le juge du fond. L'appréciation juridique des faits doit en effet être effectuée sur la base d'un état de fait établi en vertu du principe " in dubio pro duriore ", soit sur la base de faits clairs (ATF 143 IV 241 consid. 2.3.2 p. 244 et les références citées). 
L'art. 97 al. 1 LTF est également applicable aux recours en matière pénale contre les décisions de classement ou confirmant de telles décisions. Saisi d'un tel recours, le Tribunal fédéral examine si l'autorité précédente a arbitrairement jugé la situation probatoire claire ou a admis arbitrairement que certains faits étaient clairement établis. (ATF 143 IV 241 consid. 2.3.2 p. 244 s.). 
 
2.4. Conformément à l'art. 139 al. 2 CPP, il n'y a pas lieu d'administrer des preuves sur des faits non pertinents, notoires, connus de l'autorité ou déjà suffisamment prouvés. Cette disposition codifie, pour la procédure pénale, la règle jurisprudentielle déduite de l'art. 29 al. 2 Cst. en matière d'appréciation anticipée des preuves (arrêt 6B_1369/2016 du 20 juillet 2017 consid. 2.1 et les références citées). Le refus d'instruire ne viole ainsi le droit d'être entendu des parties que si l'appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a procédé, est entachée d'arbitraire (ATF 141 I 60 consid. 3.3 p. 64 et les références citées).  
 
2.5. En l'espèce, l'autorité précédente a considéré, s'agissant de l'application de l'art. 319 CPP, que le " ministère public jouit dans ce cadre d'un large pouvoir d'appréciation et doit se demander si une condamnation semble plus vraisemblable qu'un acquittement " (arrêt attaqué, p. 13 ch. 2). Elle a ensuite jugé que " seule la violation de l'art. 165 CP demeure litigieuse au vu des griefs de la recourante " (arrêt attaqué, p. 15 ch. 3.2). Il s'agissait en conséquence de déterminer si le report de l'avis au juge d'une année était constitutif d'une grave violation de l'art. 725 CO. Tel serait en effet le cas si les conséquences financières pour les créanciers avaient été péjorées par ledit report.  
L'autorité précédente a ensuite retenu que la date du surendettement de A.________ SA avait déjà été arrêtée par elle au moment de la demande d'arbitrage formée par la recourante, soit le 8 octobre 2010, se référant sur ce point à son arrêt du 22 avril 2015 consid. 4.2 (cité supra ad let. C b). " Ce simple fait " suffisait à écarter l'assertion de la recourante que A.________ SA se trouvait déjà en situation de surendettement au moment de la conclusion de la vente, le 28 mai 2010. De plus, A.________ SA n'avait pas aggravé son surendettement en continuant ses activités, puisque celles-ci s'étaient limitées à deux contrats, notamment celui objet du présent litige, et un seul autre, conclu avec une autre société. 
L'autorité précédente a ensuite estimé que le surendettement constaté en octobre 2010 et le report de l'avis au juge n'impliquaient pas encore une gestion fautive. Encore fallait-il que le report ait été décidé pour des motifs autres que des perspectives d'assainissement. Or, selon l'autorité précédente, de telles expectatives existaient. A.________ SA, en comptant sur la disponibilité de moyens financiers d'une société soeur, disposait de perspectives d'assainissement concrètes, ce qui suffisait à renoncer temporairement à l'avis au juge. D'ailleurs une fois la sentence arbitrale connue, une provision avait été établie et le juge avisé dans la foulée. Dès lors, il n'apparaissait pas que le découvert ait augmenté pendant la période de report. 
Pour ce qui était du défaut de provision, le surendettement de A.________ SA ne s'était pas péjoré puisqu'au contraire le litige avec la recourante aurait été provisionné d'un montant trop élevé, les prétentions de celle-ci ayant été revues à la baisse par le Tribunal arbitral qui avait en définitive alloué un montant moins élevé que celui articulé. De plus, une garantie convenue entre les parties de 200'000 USD existait en faveur de la recourante et son but était justement de couvrir ce genre de situations, quand bien même elle ne représentait pas de limitation de responsabilité de A.________ SA à l'égard de la recourante. L'appréciation du conseil d'administration de A.________ SA selon lequel ce montant suffirait à couvrir le différend n'était par ailleurs pas invraisemblable, dans la mesure où la recourante ne s'est pas acquittée du prix de vente convenu dans le contrat. De plus, l'inscription de la provision n'aurait eu aucune incidence sur la volonté du conseil d'administration de reporter l'avis au juge, dès lors qu'il considérait en toute hypothèse qu'une société soeur paierait les créanciers de A.________ SA. D'ailleurs une société panaméenne (A.________ SA Panama) avait déjà avancé des fonds, comme l'avait déclaré le directeur de A.________ SA. Par conséquent, le report d'une année de l'avis au juge n'avait pas aggravé la situation financière de la recourante, de sorte qu'aucune violation grave de l'art. 725 CO ne devait être retenue, rendant ainsi, au pénal, un acquittement plus vraisemblable qu'une condamnation. Dans ces circonstances, une expertise n'avait pas lieu d'être, pas plus que l'audition complémentaire des organes de fait de A.________ SA. L'ordonnance de classement était ainsi justifiée. 
 
 
2.6.  
 
2.6.1. Il résulte du texte de l'art. 165 CP qu'un soupçon de gestion fautive existe non seulement lorsqu'un débiteur  se trouveen situation de surendettement et augmente celui-ci par des fautes de gestion, mais également lorsqu'il  cause son surendettement par de telles fautes. L'autorité précédente n'a pas examiné cette seconde hypothèse, pourtant soulevée par la recourante. Or, il n'apparaît pas à ce stade possible d'exclure que les organes d'une société suisse qui laisseraient les dettes s'accumuler, sans disposer des actifs nécessaires pour éviter une situation de surendettement, dans l'expectative que dites dettes seront ensuite prises en charge par une société étrangère, sur une base inconnue - à tout le moins non constatée dans l'arrêt entrepris -, aient gravement violé le droit suisse.  
 
2.6.2. L'autorité précédente a ensuite omis d'instruire sur un point de fait contesté de l'ordonnance de classement et procédé à un constat arbitraire des faits en fixant la date du surendettement de A.________ SA au 8 octobre 2010 au motif que cette date avait déjà été déterminée par son arrêt précédent. Cet arrêt, par ailleurs annulé (cf. supra consid. C c), ne fixe en effet pas la date du surendettement au 8 octobre 2010, mais constate qu'à cette date A.________ SA était  déjà surendettée. La date à partir de laquelle cette société était surendettée est centrale pour trancher de l'existence de soupçons de gestion fautive en rapport avec la survenance de ce surendettement et, cas échéant de l'importance éventuelle de l'augmentation de ce surendettement. Cette date doit être établie par l'autorité précédente, le cas échéant par le biais d'une expertise. Le recours doit être admis sur ce point.  
 
2.6.3. L'autorité précédente a écarté à tort tout soupçon d'augmentation du surendettement de A.________ SA depuis le 8 octobre 2010 au motif que le dommage de ses créanciers n'aurait pas augmenté: l'augmentation du surendettement en tant que telle constitue la seule notion pertinente pour trancher de l'existence d'un soupçon de gestion fautive. L'augmentation du surendettement de A.________ SA entre le 8 octobre 2010 et l'avis au juge le 9 décembre 2011 n'apparaît ensuite pas pouvoir être niée pour les raisons indiquées par l'autorité précédente. D'une part, la société a continué de fonctionner, employant des personnes après le 8 octobre 2010 (cf. audition de G.________, arrêt attaqué, p. 6 let. o) et comptabilisant, ne serait-ce que pour l'exercice 2011, des charges administratives à hauteur de 42'972 fr. 69. D'autre part et surtout, à la suite de la demande arbitrale formée par la recourante le 8 octobre 2010, A.________ SA a été condamnée à lui payer, outre des dommages-intérêts par 1'059'913.19 USD, également 150'789.52 USD de dépens et 176'800 USD à titre de participation à la provision payée. Or, il apparaît arbitraire, eu égard au principe " in dubio pro duriore ", de retenir à ce stade que le report de l'avis au juge après la date du 8 octobre 2010 n'a pas augmenté le surendettement de A.________ SA: si celle-ci avait procédé à l'avis au juge à réception de la demande arbitrale, il n'est de loin pas évident que la recourante aurait maintenu sa demande. Les frais et dépens auxquels A.________ SA a été condamnée n'auraient dès lors très probablement pas été ajoutés, à tout le moins entièrement, à son passif. Ici encore, le raisonnement de l'autorité précédente ne tient pas. Celle-ci devait en outre établir l'augmentation du surendettement de A.________ SA non pas en comptant les contrats conclus par elle, mais comptablement, au besoin à l'aide de l'expertise demandée par la recourante.  
 
2.6.4. L'autorité précédente nie en outre tout soupçon de faute de gestion. Comme vu précédemment, elle n'examine, à tort, que la question d'une faute de gestion dans l'augmentation du surendettement après sa survenance et non dans la survenance de ce surendettement.  
Son raisonnement selon lequel l'avis au juge effectué, malgré un surendettement arrêté au 8 octobre 2010, le 9 décembre 2011 seulement ne violerait pas l'art. 725 al. 2 CO et donc ne fonderait pas à tout le moins un soupçon de faute de gestion au sens de l'art. 165 CP viole également l'art. 319 CPP. Aux termes de l'art. 725 al. 2 CO, s'il existe des raisons sérieuses d'admettre que la société est surendettée, un bilan intermédiaire est dressé et soumis à la vérification d'un réviseur agréé. S'il résulte de ce bilan que les dettes sociales ne sont couvertes ni lorsque les biens sont estimés à leur valeur d'exploitation, ni lorsqu'ils le sont à leur valeur de liquidation, le conseil d'administration en avise le juge, à moins que des créanciers de la société n'acceptent que leur créance soit placée à un rang inférieur à celui de toutes les autres créances de la société dans la mesure de cette insuffisance de l'actif. Pour déterminer s'il existe des " raisons sérieuses " d'admettre un surendettement au sens de l'art. 725 al. 2 CO, le conseil d'administration ne doit pas seulement se fonder sur le bilan, mais aussi tenir compte d'autres signaux d'alarmes liés à l'évolution de l'activité de la société, tels l'existence de pertes continuelles ou l'état des fonds propres (ATF 132 III 564 consid. 5.1 p. 573 et les références citées). Lorsque les dettes sociales ne sont plus couvertes, les administrateurs doivent en principe aviser le juge. Exceptionnellement, il peut être renoncé à un avis immédiat au juge, si des mesures tendant à un assainissement concret et dont les perspectives de succès apparaissent comme sérieuses sont prises aussitôt (ATF 132 III 564 consid. 5.1 p. 573). Des expectatives exagérées ou de vagues espoirs ne suffisent pas (ATF 127 IV 110 consid. 5a p. 113, plus récemment arrêt 6B_985/2016 du 27 février 2017 consid. 4.2.1). En outre, un report de l'avis au juge n'est admissible que pour un cours laps de temps, un report de 94 jours ayant été jugé illicite (arrêt 6B_492/2009 du 18 janvier 2010 consid. 2.3.2). 
En l'espèce, les comptes pour l'exercice 2010 indiquaient des actifs pour 5383 fr. 65 et des fonds étrangers pour 594'770 francs. Il est contraire à l'art. 319 CPP d'exclure ici sans autre élément que les organes de la société n'auraient pas dû, avant la clôture des comptes 2010 - apparemment en mai 2011 - soit courant 2010, avoir des raisons sérieuses de penser que la société était surendettée et procéder à l'établissement d'un bilan intermédiaire tel que préconisé par l'art. 725 al. 2 CO. Dans une telle situation, face à des pertes courant 2010 de 689'376 francs, les organes de la société ne pouvaient attendre l'établissement des comptes annuels. L'autorité précédente n'a toutefois pas examiné cette question et il ne ressort pas de son état de fait qu'un bilan intermédiaire ait été établi courant 2010. 
L'autorité précédente ne saurait non plus être suivie lorsqu'elle soutient que le report de l'avis au juge après le constat du surendettement en octobre 2010 était admissible dès lors qu'il y avait des expectatives d'assainissement, A.________ SA " comptant sur les disponibilités de moyens financiers d'une société soeur ", l'annexe au rapport de l'organe de révision pour les comptes 2010 indiquant laconiquement que " l'intégralité des créanciers figurant au passif seront payés par le biais du soutien d'une société soeur ". De telles expectatives, sans plus de précision, notamment sur le caractère contraignant pour dite société soeur du " soutien " annoncé et la manière dont des disponibilités seraient mises à disposition de A.________ SA (versement à fonds perdus, prêts, avance, etc.), ne suffisaient a priori pas pour exclure tout soupçon de violation grave de l'art. 725 al. 2 CO constituant une faute de gestion au sens de l'art. 165 CP. Cela est d'autant plus douteux que l'organe de révision, malgré cette annonce du conseil d'administration, concluait son rapport du 11 mai 2011 en indiquant que la société était surendettée au sens de l'art. 725 al. 2 CO et que le conseil d'administration devait se conformer aux dispositions correspondantes. 
Le raisonnement de l'autorité précédente s'agissant de l'absence non fautive dans les comptes 2010 d'une provision en rapport avec le litige opposant A.________ SA à la recourante n'est pas non plus tenable sous l'angle du principe " in dubio pro duriore ". L'affirmation du conseil d'administration figurant dans l'annexe des dits comptes que les éléments à sa disposition " laissaient en effet supposer " que le montant de la garantie d'exécution - par 200'000 USD - était suffisante pour couvrir le préjudice subi par la recourante, pour lesquels cette dernière réclamait des dommages-intérêts de plus de 2 millions de USD n'était aucunement documentée. Elle apparaissait en outre d'autant moins suffisante que A.________ SA avait renoncé dès avril 2011, soit avant l'établissement du rapport de l'organe de révision relatif aux comptes annuels 2010, à participer à la procédure arbitrale. Dans ces conditions déjà, une omission de toute provision ne semble pas respecter le principe de la prudence applicable en la matière (art. 669 al. 1 aCO en vigueur au moment des faits, respectivement art. 960e al. 2 CO en vigueur depuis le 1 er janvier 2013; ATF 132 III 564 consid. 5.1 p. 573). Retenir le contraire comme l'a fait l'autorité précédente viole dans le cas d'espèce le principe " in dubio pro duriore ". L'indication de l'autorité précédente que " d'ailleurs une fois la sentence arbitrale connue, une provision fut établie " (arrêt attaqué, p. 15 ch. 3.2), est sans pertinence ici: une fois la sentence arbitrale - définitive - rendue, ce n'était en effet plus une provision qui devait être inscrite mais une dette.  
 
2.7. Il résulte de ce qui précède que l'autorité précédente a violé l'art. 319 CPP en excluant tout soupçon de commission d'actes de gestion fautive au sens de l'art. 165 CP justifiant une mise en accusation et en prononçant le classement de ce chef d'accusation. Le recours devra par conséquent être admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision. Ce qui précède rend sans objet les autres griefs soulevés par la recourante.  
 
3.   
La recourante qui obtient gain de cause ne supportera pas de frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et pourra prétendre à une indemnité de dépens à la charge du canton de Genève (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. 
 
2.   
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.   
Le canton de Genève versera à la recourante une indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours et en copie à E.________. 
 
 
Lausanne, le 1 er juin 2018  
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Denys 
 
La Greffière : Cherpillod