Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
8C_778/2021
Arrêt du 1er juillet 2022
Ire Cour de droit social
Composition
MM. les Juges fédéraux Wirthlin, Président,
Maillard et Abrecht.
Greffière : Mme Betschart.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par ASSUAS,
Association Suisse des Assurés,
recourant,
contre
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne,
intimée.
Objet
Assurance-accidents (révision),
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 14 octobre 2021
(A/960/2020 ATAS/1069/2021).
Faits :
A.
A.a. A.________, né en 1977, travaillait en tant que parqueteur et poseur de sols et était assuré contre le risque d'accidents auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA). Le 7 janvier 2017, il a fait une chute à son domicile, évènement qu'il a annoncé à la CNA le 6 novembre 2017, en indiquant souffrir au niveau de son genou droit. Une imagerie par résonance magnétique (IRM) du 11 septembre 2017 a révélé une fine fissure horizontale de la corne postérieure du ménisque médial (grade III), une absence de chondropathie fémoro-tibiale médiale et latérale, une discrète chondropathie patellaire et un épanchement intra-articulaire peu abondant, associé à un petit kyste poplité et à un oedème marqué des tissus mous postérieurs.
A.b. Dans une appréciation médicale du 21 décembre 2017, le docteur B.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur et médecin-conseil de la CNA, a retenu que les troubles que présentait l'assuré étaient plutôt de nature dégénérative que traumatique et qu'un lien de causalité entre ces troubles et l'évènement du 7 janvier 2017 était au mieux possible. Se fondant sur cet avis, la CNA a, par décision du 3 janvier 2018, refusé de prendre en charge le cas à défaut d'un lien de causalité certain ou du moins probable entre l'évènement du 7 janvier 2017 et les troubles déclarés. Par décision sur opposition du 21 février 2018, la CNA a déclaré irrecevable l'opposition formée par l'assuré et mise à La Poste le 6 février 2018 au motif qu'elle était hors délai. Le 31 mai 2018, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la cour cantonale) a rejeté le recours formé par l'assuré contre cette décision.
A.c. Le 18 septembre 2019, A.________ a demandé à la CNA d'annuler sa décision du 3 janvier 2018 et de verser les prestations prévues par la loi. La CNA ayant refusé d'entrer en matière le 23 septembre 2019 sur la demande de reconsidération, l'assuré a modifié sa demande le 24 octobre 2019 et a conclu à la révision procédurale de la décision du 3 janvier 2018. Par décision du 9 décembre 2019, confirmée sur opposition le 13 février 2020, la CNA a rejeté la demande de révision au motif que les documents transmis à son appui ne constituaient pas des faits médicaux nouveaux.
B.
Par arrêt du 14 octobre 2021, la cour cantonale à rejeté le recours formé par A.________ contre cette décision sur opposition.
C.
A.________ interjette recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant à son annulation suivie du renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision et, en même temps, à sa réforme dans le sens de la reconnaissance de son droit aux prestations de l'assurance-accidents, notamment aux indemnités journalières et à la prise en charge des traitements médicaux.
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.
Considérant en droit :
1.
Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable.
2.
2.1. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 145 V 188 consid. 2) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). En dérogation à cette règle générale, l'art. 105 al. 3 LTF dispose que lorsque la décision qui fait l'objet d'un recours concerne l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents ou de l'assurance militaire, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par l'autorité précédente.
2.2. En l'espèce, la cour cantonale a statué par l'arrêt attaqué sur la question de savoir si l'intimée avait à bon droit rejeté la demande de révision procédurale (art. 53 al. 1 LPGA) de la décision du 3 janvier 2018. Un litige qui porte sur le bien-fondé d'une requête de révision procédurale ne concerne pas en soi l'octroi ou le refus de prestations en espèces (arrêt 8C_232/2020 du 6 octobre 2020 consid. 1.3 et les références). Par conséquent, l'exception prévue à l'art. 105 al. 3 LTF, qui doit être interprétée de manière restrictive (ATF 140 V 136 consid. 1.2.2), ne s'applique pas, indépendamment du fait que l'octroi ou le refus de prestations en espèces peut dépendre de la solution de la question litigieuse (ATF 135 V 412 consid. 1.2.1). Le Tribunal fédéral statue dès lors sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF) et ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 145 V 188 consid. 2) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Si le recourant entend s'écarter des constatations de fait de l'autorité précédente, il doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées et la correction du vice susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF); à défaut, un état de fait divergent de celui de l'arrêt attaqué ne saurait être pris en compte (ATF 145 V 188 consid. 2; arrêt 8C_709/2020 du 6 septembre 2021 consid. 2.2, in: SVR 2022 UV n°7 p. 27).
3.
3.1. Les premiers juges ont exposé de manière complète les règles relatives à la révision procédurale d'une décision administrative dans le domaine des assurances sociales, ainsi qu'au respect du délai relatif de 90 jours dès la découverte du motif de révision (art. 53 al. 1 LPGA; art. 67 al. 1 PA, applicable en vertu du renvoi de l'art. 55 al. 1 LPGA; ATF 143 V 105 consid. 2.4; voir aussi ATF 144 V 258 consid. 2.1 et l'arrêt 9C_79/2021 du 4 mai 2022 consid. 4.3, destiné à la publication). Il suffit d'y renvoyer.
3.2. A la suite de l'instance précédente, on rappellera que sont nouveaux au sens de l'art. 53 al. 1 LPGA les faits qui n'étaient pas connus du requérant, malgré toute sa diligence, et qui se sont produits tant que, dans la procédure principale, les allégations de faits étaient encore recevables (ATF 134 III 669 consid. 2.2 et les références). En outre, les faits nouveaux doivent être importants, c'est-à-dire qu'ils doivent être de nature à modifier l'état de fait qui est à la base de l'arrêt entrepris et à conduire à un jugement différent en fonction d'une appréciation juridique correcte (ATF 144 V 245 consid. 5.2; 143 III 272 consid. 2.2; 134 IV 48 consid. 1.2).
3.3. Les preuves, quant à elles, doivent servir à prouver soit les faits nouveaux importants qui motivent la révision, soit des faits qui étaient certes connus lors de la procédure précédente, mais qui n'avaient pas pu être prouvés, au détriment du requérant. Si les nouveaux moyens de preuve sont destinés à prouver des faits allégués antérieurement, le requérant doit aussi démontrer qu'il ne pouvait pas les invoquer dans la procédure précédente. Une preuve est considérée comme concluante lorsqu'il faut admettre qu'elle aurait conduit le juge à statuer autrement s'il en avait eu connaissance dans la procédure principale. Ce qui est décisif, c'est que le moyen de preuve ne serve pas à l'appréciation des faits seulement, mais à l'établissement de ces derniers. Ainsi, il ne suffit pas qu'un nouveau rapport médical donne une appréciation différente des faits; il faut des éléments de fait nouveaux, dont il résulte que les bases de la décision entreprise comportaient des défauts objectifs. Pour justifier la révision d'une décision, il ne suffit pas que le médecin ou expert tire ultérieurement, des faits connus au moment du jugement principal, d'autres conclusions que le tribunal. Il n'y a pas non plus motif à révision du seul fait que le tribunal paraît avoir mal interprété des faits connus déjà lors de la procédure principale. L'appréciation inexacte doit être la conséquence de l'ignorance ou de l'absence de preuve de faits essentiels pour le jugement (ATF 127 V 353 consid. 5b et les références; arrêts 8C_562/2019 du 16 juin 2020 consid. 3.3; 8C_687/2017 du 24 octobre 2018 consid. 3.3).
3.4. Savoir si l'autorité cantonale s'est fondée sur une juste conception des notions de faits nouveaux ou de moyens de preuves nouveaux est une question de droit. En revanche, savoir si un fait ou un moyen de preuve était effectivement inconnu relève du fait; il en va de même de la question de savoir si un fait nouveau ou un moyen de preuve nouveau est propre à modifier l'état de fait retenu (ATF 116 IV 353 consid. 2b et les références); il s'agit alors d'une question d'appréciation des preuves (arrêt U 561/06 du 28 mai 2007 consid. 7.1, in: RSAS 2008 p. 169). Lorsque, comme en l'espèce (cf. consid. 2.2 supra), le Tribunal fédéral ne revoit les constatations de fait que sous l'angle restreint de l'art. 105 a. 2 LTF, l'appréciation des preuves ne peut être critiquée que sous l'angle de l'arbitraire. L'appréciation des preuves est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, en contradiction avec le dossier, ou lorsque l'autorité ne tient pas compte, sans raison sérieuse, d'un élément propre à modifier la décision, se trompe sur le sens et la portée de celui-ci ou, se fondant sur les éléments recueillis, en tire des constatations insoutenables (ATF 134 V 53 consid. 4.3 et les références; arrêt 8C_562/2019 du 16 juin 2020 consid. 3.4).
4.
4.1.
4.1.1. Dans la procédure cantonale, le recourant avait invoqué notamment les avis des docteurs C.________ et D.________, tous deux spécialistes en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, qui comporteraient des éléments nouveaux et démontreraient le caractère erroné des conclusions du docteur B.________. Ainsi, dans son rapport du 9 mai 2018, le docteur C.________ a affirmé une relation de causalité, retenant que l'évènement accidentel du 7 janvier 2017 était la condition sine qua non de la déchirure méniscale, d'autant plus que l'assuré était jeune, âgé de 40 ans, avec un genou droit stable sans aucun signe dégénératif sur le bilan radiologique standard. Le docteur D.________ a retenu dans son rapport du 21 février 2020 que le patient ne présentait aucun signe d'arthrose et que le début du problème était clairement lié au traumatisme initial; dans un courriel du 12 mars 2020, il a précisé qu'il avait conclu à une origine traumatique parce que le patient n'avait pas eu de plainte avant son traumatisme.
4.1.2. Cependant, les juges cantonaux ont considéré qu'en invoquant à titre de faits respectivement de moyens de preuve nouveaux les rapports de ces praticiens, le recourant cherchait en réalité à contester a posteriori la valeur probante de l'appréciation du docteur B.________ au moyen de documents qui n'amenaient aucun élément médical nouveau. Il s'agissait seulement de nouvelles appréciations portant sur des faits déjà connus et non contestés au moment de la décision initiale. Le fait que les bilans radiologiques pratiqués les 15 août 2018 et 25 septembre 2019 ne montraient pas d'arthrose significative n'était pas un élément médical nouveau: l'IRM de septembre 2017 avait déjà conclu à l'absence de chondropathie fémoro-tibiale et à une chondropathie patellaire discrète. Quant aux avis des docteurs C.________ et D.________, ils ne faisaient que tirer, de faits déjà connus, des conclusions différentes de celles du docteur B.________. Au surplus, ces avis n'avaient pas existé lorsque la décision initiale avait été rendue. Ils n'avaient pas été découverts, mais émis a posteriori. Le recourant tentait en réalité de revenir par un biais détourné sur le fond du litige, alors même que son opposition à la décision du 3 janvier 2018 avait été déclarée irrecevable, décision d'irrecevabilité entrée en force et dont la cour cantonale avait déjà eu l'occasion d'expliquer qu'elle ne constituait pas un formalisme excessif. Dès lors, c'était à juste titre qu'à défaut de faits nouveaux et de nouveaux moyens de preuve restés inconnus du recourant sans faute de sa part, la CNA avait jugé que les conditions d'une révision procédurale n'étaient pas remplies.
4.1.3. Le recourant fait grief à la cour cantonale d'avoir procédé à une constatation manifestement inexacte des faits et d'avoir violé le droit fédéral. Or son argumentation ne peut pas être suivie. D'abord, il souligne lui-même que le docteur C.________ avait déjà conclu à une déchirure du ménisque avant la décision du 3 janvier 2018, soit dans son rapport du 15 novembre 2017, ce qu'il répétait dans son rapport du 9 mai 2018, de sorte que ce dernier document ne contient pas d'éléments de fait nouveaux qui pourraient modifier fondamentalement l'état de fait et conduire à un jugement différent. Il en va de même des avis du docteur D.________. La constatation des premiers juges que les rapports des docteurs C.________ et D.________ sont des avis émis a posteriori ne prête pas non plus le flanc à la critique. Par ailleurs, le recourant ne peut rien déduire de l'indication dans l'arrêt attaqué selon laquelle il s'agissait de nouvelles appréciations portant sur des faits "déjà connus et non contestés au moment de la décision initiale". Certes, il s'était opposé - tardivement - à la décision du 3 janvier 2018. Cela ne change toutefois rien à la constatation des juges cantonaux que les faits étaient déjà connus à ce moment-là et que les avis médicaux ultérieurs n'apportaient pas d'éléments nouveaux pertinents au sens de l'art. 53 al. 1 LPGA. Au demeurant, le recourant critique à nouveau l'appréciation de l'avis du docteur B.________ effectuée par l'intimée dans sa décision du 3 janvier 2018, en méconnaissant que cette question ne constitue pas l'objet du litige. Par conséquent, le recourant ne réussit pas à démontrer en quoi le raisonnement de l'instance cantonale serait contraire au droit voire arbitraire.
4.2.
4.2.1. La cour cantonale a noté en outre que, le recourant présentant une déchirure du ménisque, il y avait présomption que l'on était en présence d'une lésion semblable aux conséquences d'un accident, qui devait être prise en charge pas l'assureur-accidents (cf. art. 6 al. 2 let. c LAA). Ce dernier ne pouvait se libérer de son obligation que s'il apportait la preuve que la lésion était manifestement due à l'usure ou à une maladie, ce qui ne semblait pas être le cas en l'espèce. Si le médecin d'arrondissement avait évoqué un lien de causalité "au mieux possible", il n'avait à aucun moment parlé d'usure manifeste. Dès lors, la question du bien-fondé de la décision du 3 janvier 2018 pouvait légitimement se poser. Toutefois, il fallait rappeler que si le juge pouvait, le cas échéant, confirmer une décision de révision rendue à tort pour le motif substitué que la décision de rente initiale était sans nul doute erronée et que sa rectification revêtait une importance notable (ATF 125 V 369 consid. 2 et les références), il ne saurait imposer à un assureur social de reconsidérer sa décision si celui-ci s'y refuse, un refus d'entrer en matière sur une demande de reconsidération n'étant pas susceptible de faire l'objet d'un recours devant le juge des assurances sociales (cf. ATF 133 V 50 consid. 4; 119 V 475 consid. 1b/cc; 117 V 8 consid. 2a).
4.2.2. De ce considérant, le recourant entend déduire que les conditions d'une reconsidération aux termes de l'art. 53 al. 2 LPGA seraient remplies. En particulier, l'intimée n'aurait pas appliqué correctement l'art. 6 al. 2 let. c LAA; partant, on serait en présence d'une erreur de droit manifeste. Au vu des montants en jeu, l'importance de la rectification de la décision serait également à considérer comme notable. Pourtant, les juges cantonaux ont retenu à juste titre que l'art. 53 al. 2 LPGA ouvre la possibilité aux assureurs sociaux de revenir sur une décision lorsque les conditions en sont remplies, mais qu'il ne les oblige pas à le faire et qu'il n'ouvre par conséquent pas le droit pour l'assuré d'obtenir une reconsidération (cf. ATF 133 V 50 consid. 4). Ainsi, point n'est besoin d'examiner l'applicabilité de l'art. 6 al. 2 let. c LAA en l'espèce. Par ailleurs, l'intimée a déjà refusé d'entrer en matière sur la demande de reconsidération par décision du 23 septembre 2019.
5.
Vu ce qui précède, le recours se révèle mal fondé et doit être rejeté. Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Bien qu'elle obtienne gain de cause, l'intimée n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 1er juillet 2022
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Wirthlin
La Greffière : Betschart