Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
|
|
|
{T 0/2}
1B_190/2016
|
|
|
Arrêt du 1er septembre 2016
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
Merkli et Chaix.
Greffier : M. Kurz.
Participants à la procédure
A.________, représenté par
Me Gaspard Couchepin, avocat,
recourant,
contre
1. B.B.________, représenté par Me Fernand Mariétan, avocat,
2. C.B.________, représentée par Me Aba Neeman, avocat,
3. Banque D.________, représentée par
Me Philippe Pont, avocat,
intimés,
Office central du Ministère public du canton du Valais.
Objet
procédure pénale, constitution de partie plaignante,
recours contre l'ordonnance du Tribunal cantonal du canton du Valais, Juge unique de la Chambre pénale, du 19 avril 2016.
Faits :
A.
Le Ministère public du canton du Valais mène une instruction pénale contre B.B.________ pour abus de confiance, gestion déloyale, escroquerie et/ou faux dans les titres, sur plainte de la Banque D.________. Il est reproché au prévenu d'avoir, en tant que gestionnaire de fortune, détourné environ 1 million de francs depuis les comptes d'une dizaine de clients de la banque en créditant et débitant ces comptes sans autorisation. Le 18 janvier 2012, le compte détenu par A.________ a été bloqué. Il avait été crédité à neuf reprises par le prévenu entre 2003 et 2009, pour un total de 497'731 fr.
Le 4 décembre 2014, A.________ a déposé une requête en constitution de partie plaignante. Le 6 août 2015 - après l'admission d'un recours pour déni de justice -, le Ministère public lui a dénié la qualité de lésé et de partie plaignante. Son compte n'avait pas été débité par le comportement du prévenu. Par ailleurs, les avoirs déposés appartenaient à la banque, seule lésée, la créance du client n'étant pas mise en danger.
B.
Par ordonnance du 19 avril 2016, la Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton du Valais a confirmé la décision du Ministère public. A.________ n'avait pas subi d'atteinte personnelle immédiate en raison des actes d'abus de confiance, d'escroquerie et de gestion déloyale reprochés au prévenu; son compte n'avait connu que des opérations de crédit et il n'y avait pas de mise en péril de sa créance auprès de la banque. Le séquestre opéré sur le compte lui conférait la qualité de tiers touché au sens de l'art. 105 CPP, mais pas de lésé. Les faux dans les titres reprochés au prévenu n'avaient pas non plus occasionné d'atteinte directe.
C.
Par acte du 20 mai 2016, A.________ forme un recours en matière pénale par lequel il demande au Tribunal fédéral de réformer l'ordonnance du 19 avril 2016 en ce sens que la qualité de lésé et de partie plaignante lui est reconnue, et de prendre acte du fait que le recourant chiffrera ses prétentions lorsque l'étendue du dommage sera connue, ainsi que du fait qu'il se réserve le droit de demander une indemnisation pour tort moral. Subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
La cour cantonale se réfère à son ordonnance, sans observations. Le Ministère public conclut à la confirmation de l'ordonnance attaquée. La Banque D.________ conclut au rejet du recours, les autres intimés n'ayant pas procédé. Les parties n'ont pas déposé d'autres déterminations.
Considérant en droit :
1.
La décision attaquée a été rendue dans le cadre d'une procédure pénale par une juridiction cantonale statuant en dernière instance (art. 80 LTF) et peut donc faire l'objet d'un recours en matière pénale au sens de l'art. 78 al. 1 LTF. Le recourant, qui se voit dénier la qualité de partie plaignante, a pris part à la procédure devant l'autorité précédente et a un intérêt juridique à l'annulation ou à la réforme de la décision attaquée (art. 81 LTF; ATF 141 IV 1 consid. 1 p. 4 s. et les références).
Selon la jurisprudence, une décision qui rejette une demande de constitution de partie plaignante dans le procès pénal présente, pour la partie concernée qui se trouve définitivement écartée de la procédure, les traits d'une décision finale au sens de l'art. 90 LTF (ATF 139 IV 310 consid. 1 p. 312). Le recours en matière pénale, déposé en temps utile, est dès lors recevable.
2.
Se plaignant d'une violation du droit fédéral (art. 115 CPP) et d'établissement inexact des faits, le recourant estime qu'indépendamment de son dommage patrimonial, il serait directement atteint par les agissements du prévenu. Son compte aurait été utilisé par ce dernier pour réaliser les infractions, et n'aurait pas seulement été crédité, mais aussi débité à plusieurs reprises. Actuellement, faute d'instruction suffisante, l'étendue du dommage ne pourrait être précisément chiffrée. La banque n'aurait pas encore reconnu le dommage du recourant, ni déclaré qu'elle l'indemniserait. Son préjudice ne résulterait donc pas uniquement de la mesure de séquestre, mais du refus de reconnaître ses prétentions.
2.1. Selon l'art. 118 al. 1 CPP, on entend par partie plaignante le lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure pénale comme demandeur au pénal ou au civil. La notion de lésé est définie à l'art. 115 CPP; il s'agit de toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction (al. 1); sont aussi considérées comme des lésés les personnes qui ont qualité pour déposer plainte pénale (al. 2).
La déclaration de partie plaignante doit avoir lieu avant la clôture de la procédure préliminaire (art. 118 al. 3 CPP), soit à un moment où l'instruction n'est pas encore achevée. Dès lors, tant que les faits déterminants ne sont pas définitivement arrêtés sur ce point, il y a lieu de se fonder sur les allégués de celui qui se prétend lésé pour déterminer si tel est effectivement le cas (CAMILLE PERRIER, Commentaire romand CPP, 2011, n° 8 ad art. 115 CPP). Celui qui entend se constituer partie plaignante doit toutefois rendre vraisemblable le préjudice et le lien de causalité entre celui-ci et l'infraction dénoncée (ATF 141 IV 1 consid. 3.1 p. 5-6; arrêt 1B_311/2010 du 19 novembre 2010 consid. 3.2).
2.2. Dans le cas d'infractions touchant un compte bancaire, le titulaire du compte concerné n'est pas nécessairement lésé car il dispose, en tant que client de la banque, d'une créance correspondant aux montants déposés et ne subit dès lors pas de diminution de son patrimoine. En cas de détournements, c'est en principe la banque qui apparaît lésée puisqu'elle est contractuellement tenue de restituer les fonds qui lui ont été confiés. Le client n'a dès lors pas la qualité de lésé lorsque les agissements pénaux sont sans influence sur ses prétentions envers la banque (arrêt 6B_199/2011, 6B_215/2011 du 10 avril 2012. consid. 5.3.5).
2.3. En l'occurrence, il n'est pas contesté que le compte du recourant fait bien partie de ceux qui ont été utilisés par le prévenu dans le cadre de ses malversations. Selon l'arrêt attaqué, le compte n'aurait connu que des opérations de crédit (neuf au total entre 2003 et 2009). Le recourant fait pour sa part état de deux débits effectués le 21 avril 2008. En outre, le compte a également subi des pertes sur le portefeuille qui ne seraient - selon l'arrêt attaqué - pas directement dues aux agissements du prévenu. Dans ses déterminations sur la constitution de partie plaignante, la banque a estimé que le recourant tentait de conserver les sommes indûment créditées sur son compte "en justifiant a posteriori un dommage qu'il aurait subi en raison de pertes sur des placements opérés par son conseiller". Ainsi, le recourant rend vraisemblable qu'il existe en l'état un différend non résolu avec sa banque sur l'existence et le montant du dommage, et qu'il n'est pas, le cas échéant, assuré d'un dédommagement complet. Dans ces circonstances, il y a lieu de lui reconnaître la qualité de partie plaignante en vertu des principes rappelés ci-dessus.
3.
Sur le vu de ce qui précède, le recours est admis. L'arrêt attaqué est réformé en ce sens que la décision du Ministère public du 6 août 2015 est annulée et que la qualité de partie plaignante est reconnue au recourant. La cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure de recours. Conformément aux art. 66 al. 1 et 68 al. 2 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge de l'intimée la Banque D.________ - qui, seule, s'est opposée au recours -, de même que l'indemnité de dépens allouée au recourant.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis. L'arrêt attaqué est réformé en ce sens que la décision du Ministère public du 6 août 2015 est annulée et que la qualité de partie plaignante est reconnue au recourant. La cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure de recours.
2.
Une indemnité de dépens de 2'000 fr. est allouée au recourant, à la charge de l'intimée la Banque D.________.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée la Banque D.________.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, à l'Office central du Ministère public du canton du Valais et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Juge unique de la Chambre pénale.
Lausanne, le 1er septembre 2016
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Fonjallaz
Le Greffier : Kurz