Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B_547/2021
Arrêt du 1er septembre 2021
Cour de droit pénal
Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux,
Jacquemoud-Rossari, Présidente, Denys et Muschietti.
Greffière : Mme Paris.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Me Matthieu Genillod, avocat,
recourante,
contre
1. Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD,
2. B.B.________,
représentée par Me Yan Schumacher, avocat,
intimée.
Objet
Injure; violation du principe " in dubio pro reo ",
recours contre le jugement de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 1er février 2021 (n° 39 PE18.019214-AUI).
Faits :
A.
Par jugement du 2 octobre 2020, le Tribunal de police de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a libéré A.________ du chef d'accusation de diffamation, a constaté qu'elle s'était rendue coupable d'injure et l'a condamnée à une peine pécuniaire de 25 jours-amende à 40 fr. le jour, avec sursis pendant 2 ans, ainsi qu'à une amende de 300 fr., convertible en une peine privative de liberté de substitution de trois jours. Le Tribunal de police a dit que la prénommée devait à B.B.________ et C.B.________, solidairement entre eux, la somme de 5'075 fr., au titre d'indemnité au sens de l'art. 433 CPP, a rejeté la conclusion en indemnisation au sens de l'art. 429 CPP de A.________ et a mis les frais de justice s'élevant à 1'525 fr. à la charge de celle-ci.
B.
Par jugement du 1er février 2021, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a partiellement admis l'appel formé par A.________ à l'encontre du jugement du 2 octobre 2020 qu'elle a réformé sur des points relatifs aux frais et indemnités. Elle l'a confirmé pour le surplus.
En substance, la cour cantonale a retenu les faits suivants:
A.________ et l'hoirie qu'elle forme avec ses deux enfants sont propriétaires du lot n° xxx de l'immeuble n° yyy de la commune U.________, tandis que les époux B.B.________ et C.B________ sont copropriétaires du lot n° zzz de ce même bien. Un sérieux conflit règne, de longue date, entre les parties, A.________ cherchant par tous les moyens à racheter la part de propriété de ses voisins. Le 16 juillet 2018, la prénommée a notamment dit à la personne avec laquelle elle s'entretenait par téléphone, en parlant volontairement très fort pour que ses voisins l'entendent, que B.B.________ était une " grosse pute ".
C.
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement du 1er février 2021 en concluant, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens qu'elle soit libérée des chefs d'accusation de diffamation et d'injure et qu'une indemnité de 4'200 fr. lui soit allouée à titre de l'art. 429 al. 1 let. a CPP. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation du jugement entrepris et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Considérant en droit :
1.
La recourante a été acquittée par le Tribunal cantonal du chef d'accusation de diffamation. Ce point est entré en force, de sorte que la conclusion de la recourante tendant à la libération du chef d'accusation de diffamation est sans objet.
2.
La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir violé le principe " in dubio pro reo " en retenant qu'elle avait injurié B.B.________, le 16 juillet 2018.
2.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins que celles-ci n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation, mais aussi dans son résultat (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1 p. 91 s.; 145 IV 154 consid. 1.1 p. 155 s.; 143 IV 241 consid. 2.3.1 p. 244). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables. Le Tribunal fédéral n'entre ainsi pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 145 IV 154 consid. 1.1 p. 156; 142 III 364 consid. 2.4 p. 368 et les références citées).
La présomption d'innocence, garantie par les art. 10 CPP, 32 al. 1 Cst., 14 § 2 Pacte ONU II et 6 § 2 CEDH, ainsi que son corollaire, le principe " in dubio pro reo ", concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large. En tant que règle sur le fardeau de la preuve, elle signifie, au stade du jugement, que le fardeau de la preuve incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective. Lorsque l'appréciation des preuves et la constatation des faits sont critiquées en référence au principe " in dubio pro reo ", celui-ci n'a pas de portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1 p. 91 s.; 145 IV 154 consid. 1.1 p. 155 s. et les références citées).
2.2 Se fondant sur un ensemble d'éléments convergents, la cour cantonale a retenu que la déclaration de l'intimée selon laquelle la recourante l'avait traitée de " grosse pute " lors d'une conversation téléphonique avec un tiers, le 16 juillet 2018, apparaissait plus crédible que les dénégations de cette dernière. Ainsi, elle a constaté, à l'instar du premier juge, que les parties étaient durablement ancrées dans un conflit de voisinage dans le cadre duquel la recourante était déterminée à obtenir le départ de ses voisins pour racheter leur part de copropriété. Elle avait notamment ouvert une procédure civile en 2011, qu'elle avait perdue sur le principe. Elle avait déjà fait l'objet d'une plainte pénale en 2016 pour avoir tenu des propos diffamatoires à l'encontre des intimés, laquelle avait mené à une transaction judiciaire par laquelle la recourante avait présenté ses excuses et offert un montant substantiel à titre de dépens et de réparation du tort moral. Elle avait en outre envoyé des courriers en 2017 et 2018 qui n'étaient pas la démonstration d'une approche " amiable " et permettaient de se faire une idée sur son tempérament et sa manière de s'impliquer dans le conflit. Elle avait également admis avoir été énervée le jour des faits litigieux en raison des agissements des intimés et avoir appelé son fils, puis sa fille, pour évoquer cette déconvenue. D'après les juges cantonaux, on pouvait donc imaginer sans peine qu'une personne comme la recourante, submergée de mauvais sentiments envers ses voisins, ponctue son dialogue d'injures à leur endroit, ce d'autant qu'elle avait démontré être capable d'agir de la sorte par le passé. Ils ont par ailleurs retenu que de leur côté, l'intimée et son époux avaient au contraire un certain recul sur le conflit et n'avaient saisi la justice pénale que lorsque les bornes étaient dépassées, ce qui les rendait crédibles. Le témoignage de D.________ selon lequel la recourante n'avait jamais insulté les voisins devant lui était au demeurant dénué de pertinence dès lors qu'il n'était pas présent lors des faits litigieux.
2.3 La recourante reproche tout d'abord à la cour cantonale d'avoir privilégié les affirmations de l'intimée - qu'elle considère pour le moins confuses -, au détriment de ses dénégations constantes. Toutefois, en tant qu'elle soutient à cet égard que l'intimée a fait des déclarations vagues en indiquant notamment lors de l'audience de première instance avoir entendu le terme " grosse vache " qu'elle pensait lui être destiné, mais également " grosse moche ", " vache " et " pute " puis en déclarant ne pas se souvenir si la recourante avait dit autre chose concernant son couple, la recourante se prévaut d'éléments qui ne ressortent pas de l'arrêt attaqué, sans alléguer qu'ils auraient été arbitrairement omis par la juridiction cantonale, de sorte que le moyen est irrecevable (art. 97 al. 1 et 105 al. 1 LTF).
2.4 La recourante fait ensuite valoir que tous les éléments objectifs, autres que les propos de l'intimée et de son époux, plaideraient en sa faveur.
Elle fait grief à la cour cantonale d'avoir considéré le témoignage de D.________ comme étant dénué de pertinence. A cet égard elle se borne cependant à affirmer que même si le prénommé n'était pas présent au moment des faits litigieux, son témoignage aurait permis aux autorités " d'évaluer [son] caractère et ses sentiments à l'égard de ses voisins ". Un tel procédé, largement appellatoire, est irrecevable. En tout état, on relèvera que les juges cantonaux sont parvenus à l'appréciation selon laquelle la recourante était submergée de mauvais sentiments à l'égard de ses voisins en se fondant sur plusieurs événements survenus durant de nombreuses années, à savoir notamment la procédure civile ouverte à l'encontre de ceux-ci en 2011, la plainte pénale dont elle avait fait l'objet en 2016, les courriers, peu amiables, envoyés à ces derniers en 2017 et 2018 ou encore l'appel téléphonique à son fils puis à sa fille le jour des faits litigieux, pour leur faire part - énervée - d'une déconvenue imputée à ses voisins; cette appréciation n'est pas critiquable et le témoignage de D.________ - qui a vécu 6 mois avec la recourante - n'est pas suffisant pour la remettre en cause.
Dans la mesure où la recourante reproche ensuite à l'autorité cantonale d'avoir retenu à son encontre la première procédure ouverte contre elle pour diffamation, arguant que celle-ci démontrerait au contraire qu'elle savait reconnaître ses erreurs, présenter des excuses et réparer ses torts, elle se limite à des affirmations péremptoires, sans parvenir à démontrer que l'appréciation de la juridiction précédente selon laquelle le fait d'avoir admis ses torts lors d'une précédente procédure n'impliquait nullement qu'elle n'ait pas menti dans le cadre de la présente affaire, serait arbitraire. Son grief est irrecevable.
Enfin, en tant que la recourante critique le fait que le conflit civil l'opposant à ses voisins a plaidé en sa défaveur, elle se contente de reprendre mot pour mot la motivation présentée devant l'instance cantonale. Ce faisant, elle ne discute pas de manière conforme aux exigences accrues de motivation requises (art. 106 al. 2 LTF) les motifs du jugement attaqué et ne démontre ainsi nullement que l'appréciation de la cour cantonale selon laquelle ledit conflit constituait un élément (parmi d'autres) illustrant l'acharnement de la recourante envers ses voisins, serait insoutenable. Pour le surplus, dans la mesure où elle fait valoir que son acquittement du chef d'accusation de diffamation " démontre plutôt l'acharnement des plaignants", la recourante se contente de présenter sa propre perception du conflit qui l'oppose à ses voisins dans une démarche purement appellatoire. Il en va de même lorsqu'elle critique l'appréciation de la cour cantonale selon laquelle l'intimée et son époux avaient un certain recul sur le conflit, en se limitant à affirmer que " retenir un tel recul alors que la plaignante n'a pas hésité à porter plainte pour des faits qui ne se sont nullement avérés, tombe sous le coup de l'arbitraire ". Le grief est rejeté dans la faible mesure de sa recevabilité.
2.5 Vu ce qui précède, la cour cantonale, qui est parvenue à une conviction, n'a pas violé le principe " in dubio pro reo " en retenant que la recourante avait traité l'intimée de " grosse pute " lors d'une conversation téléphonique avec un tiers le 16 juillet 2018. Pour le surplus, la recourante ne discute pas la qualification juridique de l'infraction d'injure, pas davantage que la peine, sur lesquelles il n'y a donc pas lieu de revenir.
3.
La recourante conclut à l'octroi d'une indemnité fondée sur l'art. 429 CPP en lien avec l'acquittement qu'elle réclame. Comme elle n'obtient pas celui-ci, sa conclusion est sans objet.
4.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 1er septembre 2021
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Jacquemoud-Rossari
La Greffière : Paris