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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_417/2021  
 
 
Arrêt du 1er septembre 2022  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Hohl, Présidente, Kiss, Niquille, May Canellas et 
Kölz, juge suppléant. 
Greffière: Mme Raetz. 
 
Participants à la procédure 
A.A________, 
représentée par Me Michael Rudermann, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________, 
représenté par Me Marc Balavoine, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
action contractuelle; incompétence du tribunal pénal; interruption de la prescription de 10 ans, 
 
recours contre l'arrêt rendu le 18 juin 2021 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève (C/10279/2018; ACJC/827/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. B.________, spécialiste en médecine interne et en pneumologie et..., a été le médecin traitant de C.A.________, né le... 1937, de 1992 à 2009. Le médecin voyait son patient entre une et trois fois par an.  
 
A.b. Le 22 novembre 2002, le patient a consulté son médecin pour un point dans la poitrine et une gêne respiratoire. Celui-ci a effectué une radiographie thoracique, laquelle a mis en évidence la présence d'un infiltrat dans le lobe pulmonaire droit supérieur. Il a alors adressé son patient à un radiologue pour effectuer un scanner. A réception du rapport du radiologue du 27 novembre 2002, qui n'excluait pas la possibilité d'un carcinome bronchiolo-alvéolaire et l'utilité d'une bronchoscopie, le médecin n'a ordonné aucun examen.  
Par la suite, le patient a consulté son médecin à plusieurs reprises, notamment pour des douleurs dans le dos et en haut de la poitrine du côté droit, et en 2007 pour une toux chronique. 
Lors d'une consultation du 14 novembre 2008, le médecin a adressé le patient à une gastro-entérologue en raison d'un reflux gastro-oesophagien associé à une toux, des douleurs inter-omoplates et une lombalgie. Sa toux persistant malgré le traitement qu'elle lui a prescrit, le patient l'a consultée à nouveau le 5 août 2009. Celle-ci a adressé le patient en radiologie pour faire réaliser une radiographie thoracique et un scanner. Ces examens, complétés par d'autres, ont mis en évidence un carcinome pulmonaire lobaire supérieur droit de stade IV avec extension médiastinale et axillaire droite, soit un stade si avancé qu'une intervention chirurgicale curative n'était plus possible. 
A la suite de l'annonce de son cancer, le patient a sollicité l'avis de plusieurs médecins pour évaluer la qualité du suivi médical dont il avait fait l'objet de la part de son médecin traitant depuis 2002. 
 
A.c. Par écriture du 30 juin 2011, réceptionnée au Ministère public le 5 juillet 2011, le patient a déposé plainte pénale contre son médecin pour lésions corporelles graves par négligence, subsidiairement pour lésions corporelles graves intentionnelles par dol éventuel. Il s'est constitué partie plaignante au sens de l'art. 118 al. 2 CPP, mais sans prendre de conclusions civiles chiffrées et motivées, ni réserver son droit à cet égard.  
 
A.d. Le patient est décédé le 23 juillet 2011 des suites de son cancer. Il laisse son épouse A.A________, instituée héritière unique par testament et pacte successoral, et trois enfants nés en....  
 
A.e. Par ordonnance du 8 février 2012, le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière. Cette ordonnance a été annulée par la Chambre pénale de recours de la Cour de justice du canton de Genève.  
Lors d'une audience devant le Ministère public du 27 juin 2012, le médecin a été prévenu de lésions corporelles par négligence, voire de lésions corporelles graves par dol éventuel. Les héritiers y étaient représentés par leur avocat. Le Ministère public a, après avoir conduit une instruction et ordonné une expertise, rendu une ordonnance de classement de la procédure pénale le 10 octobre 2014. Il a refusé d'allouer aux héritiers une indemnité à titre de réparation du tort moral; il a considéré que l'action pénale en lien avec les faits de novembre 2002 était prescrite depuis novembre 2009 et que l'infraction d'homicide par négligence pour les manquements du médecin en octobre 2008, qui a omis de faire procéder à des images de contrôle, ne pouvait être retenue parce qu'il n'était pas possible de conclure que la prise d'images de contrôle aurait permis avec une haute vraisemblance d'éviter le décès du patient. 
Par arrêt du 16 février 2015, la Chambre pénale de recours a déclaré irrecevable, respectivement rejeté le recours des héritiers, et leur recours au Tribunal fédéral a été rejeté par arrêt du 13 avril 2016 (6B_287/2015). En particulier, le Tribunal fédéral a constaté que les recourants ne contestaient plus l'absence d'infraction intentionnelle; quant à l'infraction par négligence liée à l'omission du médecin en novembre 2002, l'action pénale, qui se prescrivait par 7 ans, était prescrite au jour du dépôt de la plainte pénale le 5 juillet 2011. 
 
A.f. Au plan civil, par courrier du 21 avril 2016, les héritiers ont invité le médecin à se déterminer, en vue d'une solution amiable, sur leurs prétentions civiles (non chiffrées). Celui-ci s'est opposé à leurs prétentions, au motif notamment de la prescription.  
Le 9 mai 2016, les héritiers ont déposé une première réquisition de poursuite à l'encontre du médecin pour le montant de 110'000 fr. avec intérêts. Ils en ont formé une nouvelle pour la même créance le 5 mai 2017. 
 
B.  
 
B.a. Par requête de conciliation du 3 mai 2018, puis, à la suite de l'échec de la conciliation, par demande en paiement du 28 janvier 2019, les héritiers ont ouvert action en paiement contre le médecin devant le Tribunal civil de première instance de Genève, concluant à ce qu'il soit condamné à leur payer un montant total de 316'374 fr. 20, subdivisé en plusieurs postes (tort moral du défunt, frais avant procès, indemnités pour tort moral de l'épouse et de chacun des enfants).  
S'agissant de la prétention contractuelle du défunt en réparation de son dommage, dont a hérité l'épouse, qui seule demeure encore litigieuse devant le Tribunal fédéral, il est reproché au médecin d'avoir fautivement et gravement manqué à ses devoirs professionnels en s'abstenant de donner suite à son examen du rapport radiologique daté du 27 novembre 2002. 
Le défendeur a conclu au rejet de la demande. 
La procédure a été limitée à la question de la prescription. 
Par jugement du 30 avril 2020, le Tribunal de première instance a notamment jugé que le délai de prescription de cette prétention était de 10 ans (sur la base des règles du mandat), qu'il avait commencé à courir au plus tôt le 28 novembre 2002, qu'il avait donc été valablement interrompu par le dépôt de la plainte pénale du 5 juillet 2011, de sorte que l'action civile du 3 mai 2018 avait été introduite avant que la créance en réparation du dommage ne soit prescrite. L'exception de prescription était ainsi rejetée et le procès devait se poursuivre sur cette prétention (ch. 5 du dispositif). 
 
B.b. Statuant le 18 juin 2021, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a réformé le ch. 5 du premier jugement, a constaté que la prétention contractuelle de l'épouse tendant à la réparation du dommage suite au décès de son époux était prescrite et a rejeté les conclusions prises par celle-ci à l'encontre du médecin défendeur.  
Dans un premier temps, la cour a examiné si le plaignant s'était constitué partie tant au pénal qu'au civil (art. 118 CPP). Elle a laissé ouverte la question pour le motif suivant. 
Dans un second temps, elle a examiné si, malgré l'absence de conclusions chiffrées (et motivées) dans la plainte pénale du 5 juillet 2011 (art. 123 al. 1 et 119 al. 2 let. b CPP), le délai de prescription de l'action contractuelle de 10 ans qui avait commencé à courir le 28 novembre 2002 avait été interrompu. Elle a considéré que, selon l'arrêt du Tribunal fédéral du 13 avril 2016, l'infraction en lien avec l'omission de novembre 2002, soumise au délai de prescription de 7 ans, était prescrite au moment du dépôt de la plainte pénale le 5 juillet 2011. Elle a donc laissé ouverte la question de savoir si le dépôt d'une plainte pénale sans conclusions chiffrées pouvait interrompre la prescription de l'action civile; en effet, puisque l'infraction pénale était prescrite, qu'aucun procès pénal ne pouvait donc avoir lieu, aucune prétention chiffrée ne pouvait donc être déposée lors des plaidoiries finales (art. 123 al. 2 CPP). La plainte pénale ne pouvait donc emporter d'effets civils, puisqu'elle ne pouvait conduire à une procédure pénale. Selon la cour cantonale, en juger autrement permettrait de prolonger le délai de la prescription civile au-delà de celui de la prescription pénale par le simple dépôt d'une plainte pénale, pourtant non susceptible d'aboutir. Or, tel n'était pas le but visé par l'action civile par adhésion. 
 
C.  
Contre cet arrêt qui lui a été notifié le 30 juin 2021, l'épouse demanderesse a interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral le 31 août 2021. Elle conclut à ce qu'il soit constaté que sa prétention contractuelle à l'encontre du défendeur n'est pas prescrite et, partant, que le procès doit se poursuivre entre elle et le défendeur. Elle se plaint de constatation arbitraire des faits, de violation de son droit d'être entendue (art. 29 al. 2 Cst. et 53 al. 1 CPC) et de violation des art. 135 ch. 2 CO en relation avec les art. 118 al. 1 et 2, 119 al. 2, 122 al. 1 et 3, 123, 126 al. 2 let. a et 320 al. 3 CPP. 
Le défendeur intimé conclut à l'irrecevabilité et, subsidiairement, au rejet du recours. 
La cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt. 
La recourante n'a pas déposé d'observations dans le délai imparti au 15 octobre 2021. 
Le 25 février 2022, la recourante a encore fait parvenir au Tribunal fédéral un article de doctrine. L'intimé a conclu à l'irrecevabilité de cet envoi. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Interjeté en temps utile, compte tenu de la suspension durant les féries d'été (art. 100 al. 1 et 46 al. 1 let. b LTF), par la demanderesse qui a succombé dans ses conclusions en paiement, contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue sur appel par le Tribunal supérieur du canton de Genève (art. 75 LTF), dans une affaire civile (art. 72 al. 1 LTF) dont la valeur litigieuse dépasse 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours en matière civile est recevable. 
L'article de doctrine adressé par la recourante le 25 février 2022 relève du droit et est, partant, recevable. 
 
2.  
Sous réserve de la violation des droits constitutionnels (art. 106 al. 2 LTF), le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est toutefois lié ni par les motifs invoqués par les parties, ni par l'argumentation juridique retenue par l'autorité cantonale; il peut donc admettre le recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en opérant une substitution de motifs (ATF 135 III 397 consid. 1.4 et l'arrêt cité). 
 
3.  
Le juge civil a été saisi de l'action contractuelle du lésé en réparation de son dommage (dont a hérité son épouse), qui est fondée sur le manquement du médecin à ses devoirs professionnels, à la suite de l'examen radiologique de novembre 2002, au sens des art. 398 al. 2 et 97 ss CO
Est litigieuse la question de savoir si le délai de prescription de 10 ans de cette créance contractuelle du lésé (art. 127 CO) a pu être interrompu par l'action civile par adhésion, qui devient pendante dès que le lésé a fait valoir des conclusions civiles déduites de l'infraction (art. 122 al. 3 et 119 al. 2 let. b CPP), en l'occurrence par la plainte pénale du lésé du 5 juillet 2011 (art. 118 al. 2 CPP), de sorte que l'action introduite par requête de conciliation devant le juge civil le 3 mai 2018 ne serait pas prescrite. 
 
3.1. Sur le plan civil, le patient qui a conclu un contrat de mandat avec un médecin et qui est lésé par les actes de celui-ci dispose d'un concours objectif d'actions ( Anspruchskonkurrenz) : il peut invoquer la responsabilité contractuelle des art. 398 et 97 ss CO, pour violation d'une obligation contractuelle, soumise au délai de prescription de 10 ans de l'art. 127 CO, et/ou la responsabilité délictuelle des art. 41 ss CO, pour violation d'un devoir général, comme l'atteinte illicite à son intégrité corporelle, soumise au délai de prescription de 3 ans (art. 60 al. 1 CO; en l'espèce, le délai est de un an selon la teneur de cette disposition en vigueur jusqu'au 31 décembre 2019), sous réserve du délai de prescription de l'action pénale de plus longue durée (art. 60 al. 2 CO) (sur le concours d'actions, cf. TERCIER/PICHONNAZ, Le droit des obligations, 6e éd. 2019, n° 1287; WERRO/PERRITAZ, in Commentaire romand, Code des obligations, vol. I, 3e éd. 2021, n° 2-3 ad art. 41 CO; LUC THÉVENOZ, Commentaire romand précité, n° 13 ad Intro. art. 97-109 CO). En effet, un même acte peut, selon les circonstances, remplir les conditions de la violation du contrat et celles de l'acte illicite.  
La justification de ce concours repose en partie sur l'idée que le lésé doit pouvoir choisir le régime qui lui est le plus favorable dans le cas concret, en particulier en raison du délai de prescription plus long, de dix ans (art. 127 CO), de la responsabilité contractuelle par rapport au délai de prescription de l'action délictuelle (WERRO/PERRITAZ, op. cit., n° 3 ad art. 41 CO; THÉVENOZ, op. cit., n° 13 ad Intro. art. 97-109 CO; GAUCH/SCHLUEP/EMMENEGGER, Schweizerisches Obligationenrecht, Allgemeiner Teil, 11e éd. 2020, tome II, n° 2933 ss). Le créancier lésé peut choisir d'invoquer l'une ou l'autre des responsabilités, mais aussi concurremment les deux. 
 
3.2. En ce qui concerne la compétence pour statuer sur les actions civiles, elle appartient en principe aux tribunaux civils (art. 31 CPC pour l'action contractuelle et art. 36 CPC pour l'action délictuelle). Sous le titre d' "Actions fondées sur un acte illicite ", le CPC réserve toutefois la compétence du tribunal pénal pour statuer sur les conclusions civiles (art. 39 CPC).  
 
3.2.1. L'action civile dite par adhésion à la procédure pénale est réglée aux art. 122 à 126 CPP. Aux termes de l'art. 122 al. 1 CPP, en qualité de partie plaignante, le lésé peut faire valoir des conclusions civiles déduites de l'infraction par adhésion à la procédure pénale. Selon l'art. 124 al. 1 CPP, le tribunal saisi de la cause pénale juge ces conclusions civiles indépendamment de leur valeur litigieuse.  
Après avoir procédé à une interprétation littérale, historique, téléologique et systématique de l'art. 122 al. 1 CPP, la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral a conclu que la notion de " conclusions civiles déduites de l'infraction " ne vise pas toutes les prétentions de droit privé, mais uniquement celles qui peuvent se déduire d'une infraction pénale (arrêt 6B_1310/2021 du 15 août 2022 consid. 3.3, destiné à la publication). Il s'agit des prétentions civiles du lésé qui découlent d'une ou de plusieurs infractions, lesquelles, dans un premier temps, sont l'objet des investigations menées dans la procédure préliminaire, puis, dans un second temps, dans la procédure pénale de première instance, figurent dans l'acte d'accusation élaboré par le ministère public (art. 325 CPP). La plupart du temps, le fondement juridique de ces prétentions réside dans les règles relatives à la responsabilité civile des art. 41 ss CO (arrêt 6B_1310/2021 précité consid. 3.1.2), comme aussi des art. 58 et 62 LCR (arrêt précité consid. 3.1.3). Il peut également s'agir d'autres prétentions de droit privé, comme les actions tendant à la protection de la personnalité (art. 28 ss CC), en revendication (art. 641 CC) ou possessoires (art. 927, 928 et 934 CC) et encore les actions de l'art. 9 LCD en cas d'infraction à l'art. 23 LCD, lorsque ces actions tendent à la satisfaction ou à la protection des droits de la partie plaignante et qu'elles reposent sur un acte illicite (arrêt précité consid. 3.2.2 en lien avec 3.1.3). En revanche, les prétentions contractuelles ne se fondent pas sur une infraction pénale et sont donc exclues du champ d'application de l'art. 122 al. 1 CPP; elles ne peuvent donc pas faire l'objet d'une action civile par adhésion à la procédure pénale (arrêt précité consid. 3.3 et consid. 3.2.2 in fine).  
 
3.2.2. En l'espèce, le lésé ne pouvait faire valoir, par adhésion devant le tribunal pénal, que des conclusions civiles fondées sur son action délictuelle des art. 41 ss CO.  
Son action contractuelle est de la compétence exclusive des tribunaux civils. 
 
3.3. L'interruption de la prescription de 10 ans de l'action contractuelle est soumise à l'art. 135 ch. 2 CO, conformément au principe général de l'unité de l'ordre juridique en vertu duquel les institutions d'un code ou d'une loi doivent être appliquées en conformité avec ce code ou cette loi (cf., au sujet du calcul d'un délai fixé par le CO, ATF 123 III 67 consid. 2a).  
 
3.3.1. Aux termes de l'art. 135 ch. 2 CO, la prescription est interrompue lorsque le créancier fait valoir ses droits par des poursuites, par une requête de conciliation, par une action ou une exception devant un tribunal ou un tribunal arbitral ou par une intervention dans une faillite.  
Pour interrompre la prescription, il faut que l'acte interruptif soit recevable, notamment qu'il soit adressé à un tribunal compétent pour en connaître (ATF 130 III 202 consid. 3.2 et 3.3.2); en particulier, si la prétention est invoquée par demande reconventionnelle, il faut que cette dernière ait été introduite régulièrement et en temps utile conformément aux règles du CPC (ATF 130 III 202 consid. 3.3.2). 
Il faut encore que la créance invoquée soit individualisée par son fondement (complexe de faits; Entstehungsgrund) et que son montant soit chiffré, à moins que l'action en paiement non chiffrée ne soit admissible en vertu de l'art. 85 CPC (ATF 133 III 675 consid. 2.3.2; 122 III 195 consid. 9c; pour la réquisition de poursuite, cf. ATF 121 III 18 consid. 2; 119 II 339 consid. 1c). Aussi le créancier a-t-il toujours intérêt à interrompre la prescription pour le montant le plus élevé pouvant entrer en ligne de compte (ATF 133 III 675 consid. 2.3.2; arrêt 4A_543/2013 du 13 février 2014 consid. 4.2; cf. ATF 119 II 339 consid. 1c/aa). Le débiteur a un intérêt à connaître la cause de la créance invoquée par le créancier et le montant pour lequel celui-ci le recherche.  
 
3.3.2. Le catalogue des actes interruptifs de prescription énumérés à l'art. 135 ch. 2 CO est exhaustif (ATF 132 V 404 consid. 4.1). La plainte pénale ou, selon le sens plus général utilisé par le CPP, la déclaration de participation à la procédure pénale comme demandeur au civil (art. 118 al. 1-2 et 119 al. 2 let. b CPP) n'y figure pas.  
Dans le système du CPP, seule l'action délictuelle de l'art. 41 CO ou d'autres actions extracontractuelles qui peuvent faire l'objet de conclusions civiles par adhésion comme on l'a vu ci-dessus (cf. consid. 3.2.1) sont des actions civiles au sens de l'art. 122 al. 3 CPP, qui deviennent pendantes dès que le lésé a fait valoir des conclusions civiles en vertu de l'art. 119 al. 2 let. b CPP, autrement dit dès qu'il a déposé plainte pénale ou fait une déclaration de participation à la procédure pénale. Il n'y a pas lieu de se prononcer ici sur la question de savoir si et quand les conclusions d'une telle action civile par adhésion doivent être chiffrées et motivées pour entraîner l'interruption de la prescription, dès lors que l'on ne se trouve pas en présence d'une action délictuelle de l'art. 41 CO, qui aurait été introduite par adhésion à la procédure pénale et que le lésé serait renvoyé à faire valoir par la voie civile, soit devant le tribunal civil, conformément à l'art. 126 al. 2 CPP
 
3.4. En effet, l'action civile introduite le 3 mai 2018 est une action contractuelle fondée sur les art. 398 et 97 ss CO. Cette action ne pouvait pas faire l'objet d'une action civile par adhésion au procès pénal (cf. consid. 3.3 ci-dessus), faute de compétence du tribunal pénal en cette matière.  
Le délai de prescription de cette action contractuelle, qui est de 10 ans (art. 127 CO), a commencé à courir en novembre 2002 et était donc échu en novembre 2012. Or, à cette date, ce délai n'avait pas été interrompu conformément à l'art. 135 ch. 2 CO, ni par réquisition de poursuite, ni par requête de conciliation, avec indication du fondement de la créance et du montant réclamé. 
 
4.  
Les griefs que la recourante formule à l'encontre de l'arrêt cantonal n'infirment pas cette conclusion. 
 
4.1. Dans un premier grief, la recourante se plaint de constatation arbitraire des faits, respectivement d'état de fait lacunaire. Elle reproche à la cour cantonale de n'avoir pas constaté que la plainte pénale portait également sur l'infraction intentionnelle par dol éventuel, que, dans son recours, elle critiquait l'ordonnance de classement de l'infraction intentionnelle et que le Ministère public avait jugé que l'infraction intentionnelle par dol éventuel n'était pas réalisée. Elle veut en déduire que le délai de prescription de l'action pénale pour l'infraction intentionnelle était de 15 ans, que la prescription de l'action pénale échéait en novembre 2017 seulement et donc que " la plainte pénale n'était pas prescrite au moment où elle a été déposée ".  
Il n'y a pas lieu de compléter l'état de fait dans le sens requis par la recourante. En effet, les faits qu'elle invoque ne sont pas pertinents pour l'issue de la cause. L'action contractuelle n'est pas plus la suite de l'action civile par adhésion découlant de l'infraction de lésions corporelles graves par négligence que de dite infraction par dol éventuel. La question de savoir si la prescription de l'infraction intentionnelle n'était pas acquise ne se pose tout simplement pas. 
 
4.2. Dans un deuxième grief, la recourante se plaint de violation de son droit d'être entendue (art. 29 al. 2 Cst. et art. 53 al. 1 CPC) parce que la motivation de la cour cantonale serait inattendue, qu'aucune des parties ne s'était prévalue de l'argument ainsi utilisé et qu'aucune d'elles ne pouvait raisonnablement l'envisager. Elle soutient que la cour cantonale ne devait répondre qu'aux deux questions qui lui avaient été posées, à savoir la plainte pénale valait-elle déclaration de participation comme demandeur au civil et cette plainte, bien que non chiffrée, avait-elle interrompu la prescription de l'action civile.  
S'agissant de la qualification juridique des faits, il n'y a violation du droit d'être entendu que si l'autorité s'est appuyée sur des arguments juridiques inconnus, dont les parties ne pouvaient prévoir l'adoption (ATF 126 I 19 consid. 2c/aa; arrêt 4A_609/2019 du 16 juillet 2020 consid. 10.3.3 non publié in ATF 146 III 403). Or, en l'espèce, la cour cantonale devait répondre à la question de savoir s'il y avait eu interruption du délai de prescription de 10 ans de l'action contractuelle du lésé, dont l'épouse avait hérité. Tous les arguments permettant de répondre à cette question étaient aisément décelables. Le grief est donc manifestement infondé. 
 
4.3. Enfin, dans un troisième et dernier grief, la recourante invoque la violation de l'art. 135 ch. 2 CO en relation avec les art. 118 al. 1 et 2, 119 al. 2, 122 al. 1 et 3, 123, 126 al. 2 let. a et 320 al. 3 CPP.  
La recourante persiste à vouloir lier l'action civile délictuelle par adhésion et l'action contractuelle du lésé, dont elle est l'héritière unique, considérant que les deux reposent sur des faits connexes, à prétendre que l'action contractuelle peut faire l'objet d'une action civile par adhésion et à soutenir que l'interruption de la prescription de l'action délictuelle par la plainte pénale, sans constitution expresse de partie civile et non chiffrée, du 5 juillet 2011, aurait interrompu la prescription de l'action contractuelle, dont le délai est de 10 ans. Selon elle, elle aurait interrompu par cet acte le délai de prescription et un nouveau délai de 10 ans aurait recommencé à courir soit depuis cette dernière date (l'issue de la procédure pénale n'ayant pas d'influence sur l'effet interruptif), soit depuis la fin de la procédure pénale intervenue lors du prononcé de l'arrêt du Tribunal fédéral du 13 avril 2016 (conformément à l'art. 138 al. 1 CO), de sorte que ses réquisitions de poursuite des 9 mai 2016 et 5 mai 2017 et sa requête de conciliation du 3 mai 2018 seraient intervenues en temps utile. En outre, selon elle, le fait de n'avoir pas agi par la voie civile dans le délai d'un mois de l'art. 63 CPC ne saurait avoir eu d'effet sur l'interruption de la prescription. Elle semble aussi soutenir que la plainte pénale pour lésions corporelles intentionnelles, même écartée faute de remplir les conditions du dol éventuel, aurait interrompu la prescription sans égard à la suite qui lui a été donnée. 
Ce grief est infondé. Comme on l'a vu, l'action contractuelle ne peut pas faire l'objet de conclusions civiles par adhésion à la procédure pénale et le délai de prescription contractuel ne peut pas être interrompu par une plainte pénale (cf. consid. 3.4 ci-dessus). 
 
5.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté, par substitution de motifs, aux frais et dépens de son auteur (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 6'500 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 7'500 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 1er septembre 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Hohl 
 
La Greffière : Raetz