Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B_680/2023
Arrêt du 1er septembre 2023
Ire Cour de droit pénal
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Jacquemoud-Rossari, Présidente,
Denys et van de Graaf.
Greffière : Mme Brun.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Jacques Emery, avocat,
recourant,
contre
Ministère public de la République et canton de Genève,
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy,
intimé.
Objet
Faux dans les titres; séjour illégal et de travail sans autorisation; arbitraire,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 5 janvier 2023
(AARP/129/2023 P/21971/2020).
Faits :
A.
Par jugement du 12 mai 2022, le Tribunal de police de la République et canton de Genève a acquitté A.________ de l'infraction de faux dans les titres et l'a reconnu coupable de pornographie, d'entrée illégale, de séjour illégal, d'activité lucrative sans autorisation, de facilitation de séjour illégal d'un étranger, de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités et d'infraction à l'art. 92 al. 1 let. a de la loi fédérale sur l'assurance maladie (LAMal). Il l'a condamné à une peine pécuniaire ferme de 180 jours-amende à 50 fr. le jour et a renoncé à révoquer le sursis octroyé le 22 février 2012 par le Ministère public genevois, ainsi qu'à ordonner son expulsion facultative de Suisse.
B.
Par arrêt du 5 janvier 2023, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise a partiellement admis l'appel joint du ministère public et très partiellement celui de A.________. En conséquence, elle a acquitté ce dernier d'infraction de faux dans les titres, en lien avec les attestations de B.________ SA et de C.________ et l'a condamné pour infraction de faux dans les titres en lien avec l'attestation "D.________ Sàrl". Elle a prononcé une peine privative de liberté de dix mois, ainsi qu'une peine pécuniaire de 20 jours-amende à 50 fr. le jour, peines qu'elle a assorti du sursis pendant trois ans. Elle a en outre ordonné son expulsion facultative hors de Suisse pour une durée de trois ans et, pour le surplus, a confirmé les condamnations.
En substance, la cour cantonale a retenu ce qui suit:
Le 17 mai 2017, A.________, ressortissant kosovar, a déposé auprès de l'Office cantonal de la population et des migrations de Genève (OCPM) une demande d'autorisation de séjour dans le cadre de l'opération "Papyrus", qui visait, entre février 2017 et décembre 2018, la régularisation de personnes séjournant de manière illégale en Suisse, et a produit, à l'appui de sa demande complétée le 28 juillet 2017, différents documents contenant de fausses informations dans le but d'induire en erreur l'OCPM afin d'obtenir une autorisation de séjour, qui ne lui a finalement pas été délivrée.
A.________ a ainsi notamment produit une attestation datée du 3 juillet 2019 établie par la société D.________ Sàrl, signée par "M. E.________", selon laquelle il aurait travaillé pour cette entreprise du 15 avril 2012 au 18 mai 2012 en qualité de peintre en bâtiment. Il ressort toutefois des extraits du Registre du commerce que D.________ Sàrl a été dissoute à la suite de sa faillite prononcée par jugement du 15 septembre 2011 et radiée le 6 février 2012. E.________, associé gérant, était titulaire de la signature individuelle pour la société de 2008 à 2011.
Entre le 12 mai 2015 et le 17 novembre 2020, A.________ a pénétré à plusieurs reprises sur le territoire suisse, en particulier à U.________, et y a séjourné et travaillé, alors qu'il n'était pas au bénéfice des autorisations nécessaires et n'était pas en possession d'un passeport valable indiquant sa nationalité.
Entre 2017 et le 20 novembre 2020, jour de son interpellation, A.________ a hébergé F.________, ressortissant kosovar, et G.________, ressortissante mongole, dans un appartement à U.________, favorisant ainsi leur séjour en Suisse, alors qu'il savait que ces derniers ne possédaient pas d'autorisation de séjour et se trouvaient illégalement sur le territoire suisse.
C.
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral à l'encontre de l'arrêt cantonal du 5 janvier 2023. Il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué, à son acquittement des chefs d'accusation de faux dans les titres, de comportement frauduleux à l'égard des autorités, de séjour illégal et de travail sans autorisation et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour qu'elle statue à nouveau sur la peine et l'expulsion.
Considérant en droit :
1.
Le recourant se plaint d'arbitraire dans l'établissement des faits.
1.1. Le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 145 IV 154 consid. 1.1 p. 155 s.). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 143 IV 500 consid. 1.1 p. 503). Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF); il n'entre ainsi pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1 p. 92 et les arrêts cités).
1.2. La cour cantonale a considéré que le recourant avait remis à l'OCPM, une attestation de travail, indiquant qu'il avait travaillé entre les mois d'avril et mai 2012, émise par une société, D.________ Sàrl, radiée du Registre du commerce depuis le 6 février 2012 et dont l'administrateur, E.________, ne pouvait plus valablement la représenter. Elle a jugé que cette attestation constituait un faux matériel dans la mesure où, tant son auteur désigné que son contenu, étaient faux. Elle a en outre estimé que le recourant ne pouvait qu'avoir conscience ou avoir à tout le moins entrevu la possibilité que cette attestation était un faux. En effet, il a admis à la police ne pas connaître ladite société et ne jamais avoir travaillé pour celle-ci.
1.3. Le recourant conteste avoir su que l'attestation était un faux. Toutefois déterminer ce qu'une personne a su, envisagé ou accepté relève de l'établissement des faits, que le Tribunal fédéral ne revoit que sous l'angle de l'arbitraire (ATF 147 IV 439 consid. 7.3.1). Dans son argumentation, le recourant oppose sa propre appréciation des événements à celle de la cour cantonale dans une démarche purement appellatoire, partant irrecevable (art. 106 al. 2 LTF). C'est notamment le cas lorsqu'il prétend qu'il ignorait que la société était en faillite, qu'il ignorait que E.________ n'avait pas qualité pour représenter la société ou qu'il n'avait nullement l'intention de faire usage d'un faux matériel destiné à tromper l'OCPM. Le recourant ne formule aucune critique recevable.
2.
Le recourant se plaint d'une violation du principe de la bonne foi.
2.1. Le principe de la bonne foi est explicitement consacré par l'art. 5 al. 3 Cst., en vertu duquel les organes de l'État et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi (ATF 144 II 49 consid. 2.2). De ce principe général découle notamment le droit fondamental du particulier à la protection de sa bonne foi dans ses relations avec l'État, lequel est consacré à l'art. 9
in fine Cst., dont le Tribunal fédéral contrôle librement le respect (ATF 138 I 49 consid. 8.3.1). Ce droit fondamental à la protection de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration, étant précisé qu'un renseignement ou une décision erronés de l'administration peut, selon les circonstances, intervenir tacitement ou par actes concluants (ATF 146 I 105 consid. 5.1.1; 143 V 341 consid. 5.2.1; 141 I 161 consid. 3.1; 141 V 530 consid. 6.2; arrêt 2C_362/2022 du 7 février 2023 consid. 5.1).
2.2. Le recourant voit un comportement contradictoire de l'État, dans le cadre de l'opération "Papyrus", dans le fait de le sanctionner pour séjour illégal pour la période postérieure au dépôt de sa demande de régularisation, tout en en faisant une condition d'obtention d'une autorisation de séjour.
En l'occurrence, le cadre légal de l'opération "Papyrus" s'apparentait à celui de l'art. 30 LEI qui ne confère aucun droit de séjour en raison de sa nature potestative (arrêts 2C_208/2023 du 17 avril 2023 consid. 3.1; 2C_174/2021 du 19 février 2021 consid. 3). Dès lors, le recourant, qui a d'ailleurs admis que les documents fournis par l'OCPM durant la procédure de régularisation ne valaient pas permis de séjour, ne peut pas se prévaloir du principe de la bonne foi afin d'éviter une condamnation pour séjour et travail illégal postérieure au dépôt de sa requête, lorsqu'il voit sa demande de régularisation refusée, ce d'autant plus qu'il a commis des infractions dans le cadre de celle-ci. A cet égard, on rappellera qu'un comportement illicite n'est pas couvert par le domaine de protection du principe de la bonne foi (ATF 138 V 32 consid. 4.2; 132 II 21 consid. 6.1, 6.2.1 et 8.1).
3.
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision.
Lausanne, le 1er septembre 2023
Au nom de la Ire Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Jacquemoud-Rossari
La Greffière : Brun