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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4P.311/2004 /ech 
 
Arrêt du 2 mars 2005 
Ire Cour civile 
 
Composition 
MM. et Mmes les Juges Corboz, Président, Klett, Nyffeler, Favre et Kiss. 
Greffière: Mme Godat Zimmermann. 
 
Parties 
A.________ GmbH, 
recourante, représentée par Me Yves Jeanrenaud et 
Me Fabrizio La Spada, 
contre 
 
B.________ SA, 
intimée, représentée par Me Louis Gaillard et Me Philippe Ducor, 
Cour de justice du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, 1204 Genève. 
 
Objet 
art. 9 et 29 al. 2 Cst.; concurrence déloyale; mesures provisionnelles, 
 
recours de droit public contre l'ordonnance de la Cour de justice du canton de Genève du 11 novembre 2004. 
 
Faits: 
A. 
B.________ SA (ci-après: B.________) distribue en Suisse le «X.________», dont le principe actif est l'olanzapine; ce médicament, destiné au traitement de la schizophrénie, est enregistré depuis 1996. B.________ occupe une part prépondérante du marché, de l'ordre de 50%. 
 
A.________ GmbH (ci-après: A.________) a fait enregistrer le 8 juin 2004 le médicament contre la schizophrénie «Y.________», dont le principe actif est l'aripiprazole. 
B. 
Le 7 juillet 2004, B.________ a saisi la Cour de justice du canton de Genève d'une requête de mesures provisionnelles dirigée contre A.________. Elle reprochait à celle-ci sa campagne publicitaire avant l'enregistrement du «Y.________», ainsi qu'une publicité comparative avec le «X.________», dénuée de fondement scientifique et contraire à la loi fédérale contre la concurrence déloyale et à la législation fédérale sur les produits thérapeutiques. Dans des conclusions additionnelles, B.________ a critiqué comme fallacieux les slogans suivants en faveur du «Y.________»: «ne provoque pas de surcharge pondérale» et «gewichtsneutral». 
 
Lors d'une audience du 4 août 2004, A.________ s'est engagée à supprimer ces deux mentions de sa publicité. L'instruction de la cause a été suspendue en vue d'une transaction. Les parties n'étant pas parvenues à un accord, B.________ a déposé de nouvelles conclusions additionnelles le 8 octobre 2004. Elle y indiquait que A.________ n'avait rien entrepris pour dissiper l'impression trompeuse créée par sa publicité, les deux mentions litigieuses étant remplacées par les slogans «variation moyenne du poids: minime» et «Gewichtsveränderung minimale mittlere». B.________ a conclu à ce que A.________ soit condamnée à informer le corps médical que l'affirmation selon laquelle le «Y.________» ne provoquait pas de surcharge pondérale était erronée, le rectificatif devant être diffusé de manière non promotionnelle à ses frais, par voie de courrier circulaire, ainsi que dans les médias précédemment utilisés pour la diffusion des annonces promotionnelles et litigieuses, soit les trois périodiques médicaux «Archives suisses de neurologie et de psychiatrie», «Medical Tribune» et «Gériatrie pratique». 
Une étude citée dans la publicité de A.________ relève que 8,1% des patients soignés avec du «Y.________» avaient enregistré une augmentation de poids non négligeable, soit égale ou supérieure à 7% de la masse corporelle. Deux études comparatives sur les effets de l'aripiprazole et de l'olanzapine ont également été produites dans la procédure. Selon la première, 14% des patients traités au «Y.________» connaissaient une augmentation significative de poids, le même phénomène touchant 37% des malades soignés avec de l'olanzapine. D'après la seconde analyse, l'absorption du «Y.________» amenait une augmentation significative de poids dans 9% des cas, ce qui paraît un peu moins fréquent que chez les patients sous «X.________». 
 
Statuant le 11 novembre 2004, la Cour de justice a interdit à A.________, sous la menace, pour ses organes, des peines prévues à l'art. 292 CP, d'insérer dans la publicité en faveur du médicament «Y.________» les mentions très vraisemblablement trompeuses: «ne provoque pas de surcharge pondérale» ou «gewichtsneutral». Elle a en outre ordonné la publication du dispositif, aux frais de A.________, sur une demi-page et en caractères gras, dans les numéros des trois périodiques médicaux susmentionnés, à paraître le mois suivant le jour où la décision entrerait en force. 
C. 
A.________ forme un recours de droit public. Elle demande au Tribunal fédéral d'annuler l'ordonnance de la Cour de justice. Invoquant les art. 9 et 29 al. 2 Cst., elle reproche à la cour cantonale d'avoir violé son droit d'être entendue et d'avoir rendu une décision arbitraire, notamment en violant gravement les art. 28a al. 2 CC ainsi que les art. 9, 3 let. d et 14 LCD. 
 
B.________ conclut au rejet du recours. 
 
Pour sa part, la Cour de justice se réfère aux considérants de sa décision. 
 
Par ordonnance du 31 janvier 2005, le Président de la cour de céans a accordé l'effet suspensif au recours. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 130 I 312 consid. 1 p. 317; 130 II 509 consid. 8.1 p. 510). 
1.1 Le Tribunal fédéral admet que la décision qui met fin à la procédure sur mesures provisionnelles soit considérée comme finale; même si elle devait être qualifiée de décision incidente, il faudrait reconnaître, en raison de sa nature, qu'elle cause un dommage irréparable (cf. ATF 123 I 325 consid. 3c p. 328/329) ouvrant la voie du recours immédiat (ATF 118 II 369 consid. 1 p. 371; 108 II 69 consid. 1 p. 71; 103 II 120 consid. 1 p. 122; arrêt 4C.35/2003 du 3 juin 2003, consid. 1.3.1). Le recours contre l'ordonnance du 11 novembre 2004 est par conséquent recevable au regard de l'art. 87 OJ
1.2 Compte tenu du caractère subsidiaire du recours de droit public (art. 84 al. 2 OJ), il convient de se demander si les critiques de la recourante relatives à l'application du droit fédéral n'auraient pas dû être soulevées dans le cadre d'un recours en réforme (cf. art. 43 al. 1 OJ). 
 
Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, le recours en réforme n'est recevable que contre des décisions finales au sens de l'art. 48 al. 1 OJ. Cette notion est plus restrictive que celle retenue pour le recours de droit public (Bernard Corboz, Le recours en réforme au Tribunal fédéral, in SJ 2000 II p. 6). Selon la jurisprudence, une décision est finale au sens de l'art. 48 al. 1 OJ lorsque la juridiction cantonale statue sur le fond d'une prétention ou s'y refuse pour un motif empêchant définitivement que la même prétention soit exercée à nouveau entre les mêmes parties (ATF 127 III 433 consid. 1b p. 435, 474 consid. 1a p. 475/476; 126 III 445 consid. 3b p. 447; 123 III 414 consid. 1). Il importe peu que la décision ait été prise en procédure sommaire, pourvu qu'elle statue définitivement sur une prétention découlant du droit fédéral; tel est le cas notamment si la décision a été rendue à l'issue d'une procédure probatoire complète, non limitée à la vraisemblance des faits allégués, et qu'elle se fonde sur une motivation exhaustive en droit, sans qu'une procédure ordinaire demeure réservée (ATF 126 III 445 consid. 3b p. 447; 119 II 241 consid. 2 p. 243). Sous réserve d'exceptions (cf. ATF 126 III 445 consid. 3b), les décisions rendues en matière de mesures provisionnelles ne remplissent pas ces exigences et ne sont donc pas considérées comme des décisions finales au sens de l'art. 48 al. 1 OJ (cf. ATF 126 III 261 consid. 1 p. 263). L'ordonnance attaquée n'échappe pas à cette règle. Rendue en application de l'art. 14 de la loi fédérale contre la concurrence déloyale (LCD; RS 241), qui renvoie aux art. 28c à 28f CC, elle n'exprime que la position des juges quant à l'opportunité d'assurer une protection juridique provisoire à la requérante sur la base de la vraisemblance des faits invoqués par celle-ci (cf. art. 28c CC), sans préjudice du jugement au fond (cf. art. 28e CC; arrêt 4P.189/1991 du 3 mars 1992, reproduit in SJ 1992 p. 578, consid. 5a; cf. ATF 108 II 69 consid. 2a p. 72). Le recours en réforme n'étant pas ouvert en l'espèce, la règle de la subsidiarité du recours de droit public est respectée. 
1.3 La recourante est personnellement touchée par la décision entreprise, qui lui impose des mesures provisionnelles limitant ses prérogatives. Elle a ainsi un intérêt personnel, concret et actuel à ce que l'ordonnance n'ait pas été adoptée en violation de ses droits constitutionnels (art. 84 al. 1 let. a OJ). La qualité pour recourir doit lui être reconnue (art. 88 OJ). 
1.4 Au surplus, le recours a été interjeté en temps utile (art. 89 al. 1 OJ). 
1.5 Le recours de droit public est ouvert contre une décision cantonale pour violation de droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ). Saisi d'un tel recours, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 130 I 26 consid. 2.1 p. 31, 258 consid. 1.3 p. 261/262; 129 I 113 consid. 2.1 p. 120; 128 III 50 consid. 1c p. 53/54 et les arrêts cités). 
2. 
La recourante se plaint tout d'abord de la violation de son droit d'être entendue au sens de l'art. 29 al. 2 Cst. Elle reproche à la cour cantonale d'avoir ordonné une mesure qui n'a pas été requise par sa partie adverse - la publication du dispositif de la décision cantonale - et qui, de surcroît, n'a jamais été discutée par l'une ou l'autre des parties au cours de la procédure. Sans invoquer sur ce point l'arbitraire dans l'application des art. 28a al. 2 CC et 9 al. 2 LCD, la recourante relève que ces deux dispositions prévoient, dans un libellé identique, que l'intéressé «peut en particulier demander qu'une rectification ou que le jugement soit communiqué à des tiers ou publié». Or, dans ses dernières conclusions sur mesures provisionnelles, l'intimée avait demandé à la juridiction cantonale d'ordonner à la recourante «d'informer les médecins et autres membres des professions de la santé que l'affirmation selon laquelle «Y.________» ne provoque pas de prise pondérale est erronée; la communication devait intervenir par lettre circulaire et par annonces dans les trois revues médicales citées. La recourante en déduit que la partie adverse a demandé une rectification, et non pas la communication à des tiers ou la publication de la décision à intervenir. 
2.1 Comme la recourante n'invoque aucune disposition de droit cantonal de procédure quant à la rédaction et à la portée des conclusions prises en instance cantonale, ni ne fait valoir le grief d'arbitraire dans l'application des deux dispositions de droit fédéral précitées, la seule question qui doit être tranchée, dans ce contexte, est celle de la violation alléguée du droit d'être entendu. 
2.2 Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti à l'art. 29 al. 2 Cst., comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuve pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 129 II 497 consid. 2.2 p. 505; 127 III 576 consid. 2c p. 578). Le droit d'être entendu porte avant tout sur les questions de fait. Les parties doivent éventuellement aussi être entendues sur les questions de droit lorsque l'autorité concernée entend se fonder sur des normes légales dont la prise en compte ne pouvait pas être raisonnablement prévue par les parties, lorsque la situation juridique a changé ou lorsqu'il existe un pouvoir d'appréciation particulièrement large (ATF 129 II 497 consid. 2.2 p. 505; 127 V 431 consid. 2b). En règle générale, le droit d'être entendu ne donne en revanche pas le droit de s'exprimer sur un projet de décision pris à l'issue d'une procédure d'instruction (ATF 129 II 497 consid. 2.2 p. 505; 124 I 49 consid. 3c p. 52). Une exception est toutefois admissible lorsque l'autorité envisage de fonder sa décision sur une norme ou un motif jamais évoqué dans la procédure antérieure et dont personne ne s'était prévalu ou ne pouvait supputer la pertinence in casu (ATF 124 I 49 consid. 3b p. 52; 123 I 63 consid. 2d p. 69 in fine et l'arrêt cité). 
2.3 Par sa requête, l'intimée visait à faire corriger un état de fait portant atteinte à sa situation dans la concurrence, provisoirement jusqu'à l'issue de la procédure au fond. En cela, l'intimée a pris des conclusions en rectification, assortie d'une communication à des tiers précisément désignés (les médecins et les autres membres des professions de la santé), ce qui est dans une certaine mesure assimilable à la communication du jugement ou de son dispositif à des tiers (cf. Pedrazzini/Pedrazzini, Unlauterer Wettbewerb UWG, 2e éd., p. 229/230; Baudenbacher, Lauterkeitsrecht: Kommentar zum UWG, p. 884/885, n. 137). 
 
En principe, l'action en rectification doit être distinguée de l'action en publication du jugement (cf. Pedrazzini/Pedrazzini, op. cit., p. 228 et p. 230; Baudenbacher, op. cit., p. 881, n. 125/126 et p. 885, n. 140). En conséquence, les conclusions en rectification doivent en règle générale pouvoir être distinguées de celles en publication du jugement ou de son dispositif (cf. arrêt 5C.249/1992 du 17 mai 1994, consid. 6). La publication du jugement, à laquelle les deux parties peuvent prétendre, sert à réparer les effets dommageables de l'acte illicite et à prévenir le risque de la continuation de l'atteinte auprès de la clientèle du lésé, ainsi qu'à dissiper le trouble provoqué par l'auteur de la violation de la loi. Elle a pour but de neutraliser les effets de la perturbation du marché et de conserver ou reconstituer la clientèle du lésé (Kamen Troller, Manuel du droit suisse des biens immatériels, tome II, 2e éd., p. 1025). La partie qui la requiert doit indiquer avec précision le mode et l'étendue de la publication qu'elle sollicite, à défaut de quoi il appartient au juge de les déterminer (Troller, op. cit., p. 1026). 
2.4 Dans le cas particulier, l'intimée a demandé la rectification d'affirmations erronées, ainsi que la diffusion de cette information auprès d'un cercle déterminé de destinataires (le corps médical) au moyen d'une lettre circulaire et d'annonces dans trois périodiques techniques précisément désignés. Certes, il est exact que l'intimée n'a pas conclu à la publication du jugement ou de son dispositif, mesure que la cour cantonale a considérée comme plus expédiente pour atteindre le but poursuivi de la cessation du trouble pendant la durée de la procédure au fond. Sous l'angle du respect du droit d'être entendu, qui seul doit être examiné en l'espèce, la décision de la Cour de justice peut toutefois être confirmée. 
 
En effet, dans le contexte divisant les parties, la prise en considération du second membre de l'alternative de l'art. 9 al. 2 LCD, respectivement de l'art. 28a al. 2 CC, pouvait être raisonnablement prévue par la recourante. Il ne s'agit pas d'un argument juridique inédit que la cour cantonale aurait fait valoir de manière à surprendre les parties. Les conclusions de l'intimée en rectification de l'information erronée et en diffusion auprès du corps médical, par voie de circulaire et dans les trois revues scientifiques concernées, ont pratiquement la même portée que le dispositif de la décision entreprise qualifiant de «très vraisemblablement trompeuses» les affirmations litigieuses et prévoyant sa publication dans les trois mêmes périodiques. 
 
S'agissant de mesures prévues dans les mêmes articles de loi et aboutissant à un résultat similaire dans ce contexte déterminé, la cour cantonale n'avait pas à inviter les parties à prendre position sur la décision qu'elle allait rendre. En effet, les parties pouvaient envisager l'adoption de l'une ou l'autre des solutions proposées par les art. 9 al. 2 LCD et 28a al. 2 CC; sur la base des conclusions de l'intimée, qui tendaient à une information du corps médical par le biais des trois revues susmentionnées, il était légitime de penser qu'une publication du dispositif de la décision cantonale dans lesdits périodiques pouvait aussi entrer en ligne de compte. Une telle issue était d'autant plus prévisible pour la recourante que le Tribunal fédéral a reconnu que l'art. 28a al. 2 CC ouvre en principe le choix entre la publication du dispositif, d'un extrait des motifs du jugement ou encore d'une rectification. En considération de la volonté du législateur et vu la formulation ouverte du texte légal, une combinaison ou un cumul des trois modes de publication proposés est en effet admissible lorsqu'il n'est pas possible de supprimer autrement le trouble résultant de l'atteinte (ATF 126 III 209 consid. 5a p. 216). 
 
En conséquence, la solution adoptée par la Cour de justice n'était pas si inédite et surprenante qu'elle eût nécessité la consultation des parties pour éviter une violation de leur droit d'être entendues. Dans ces conditions, le grief soulevé doit être écarté. 
3. 
La recourante reproche ensuite à la cour cantonale d'avoir violé son droit d'être entendue ainsi que l'interdiction de l'arbitraire. A son avis, les juges genevois n'ont pas examiné de manière systématique les conditions posées pour ordonner la publication d'une décision judiciaire, négligeant ainsi de motiver leur décision sur ce point. Ils auraient dû répondre aux questions de savoir si l'intimée avait rendu vraisemblable la violation d'une disposition légale, si elle subissait un dommage impossible à détourner autrement que par la publication du dispositif de l'ordonnance et si cette mesure ne créait pas un dommage irréparable pour la recourante. A l'occasion du contrôle de la proportionnalité, la cour cantonale n'aurait pas davantage effectué la pesée des intérêts contradictoires en présence. 
3.1 La jurisprudence a également déduit du droit d'être entendu consacré à l'art. 29 al. 2 Cst. le devoir pour l'autorité de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Pour répondre à ces exigences, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision; il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les arguments invoqués par les parties. Il n'y a violation du droit d'être entendu que si l'autorité ne satisfait pas à son devoir minimum d'examiner et de traiter les problèmes pertinents (ATF 129 I 232 consid. 3.2 p. 236; 126 I 97 consid. 2b p. 102 et les arrêts cités). 
 
Par ailleurs, une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou encore heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable; encore faut-il que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motif objectif et en violation d'un droit certain. Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution paraît également concevable, voire même préférable (ATF 129 I 8 consid. 2.1 et les arrêts cités). 
3.2 En l'espèce, il convient de rappeler au préalable que la Cour de justice a abordé l'examen des conditions légales régissant la publication d'une décision judiciaire dans le cadre de mesures provisionnelles. Elle devait donc se limiter à un examen juridique provisoire, sans préjudice du jugement au fond. A l'issue de cet examen, le juge doit accorder la protection requise si, sur la base d'un examen sommaire des questions de droit, la prétention invoquée au fond ne se révèle pas dénuée de chances de succès (arrêt précité du 3 mars 1992, consid. 5a, reproduit in SJ 1992, p. 578; cf. ATF 108 II 72 et les références). 
3.3 Si elle n'a effectivement pas abordé de façon détaillée et systématique les conditions d'octroi des mesures provisionnelles (cf. Pedrazzini/Pedrazzini, op. cit., p. 249 à 251; Troller, op. cit., p. 1158 à 1166 et p. 1169/1170), applicables également à la publication des jugements (cf. art. 9 al. 2 et 14 LCD), la Cour de justice n'en a pas moins relevé que l'intimée avait rendu vraisemblable que sa concurrente avait violé l'art. 3 let. b LCD ainsi que l'art. 5 al. 3 de l'ordonnance sur la publicité pour les médicaments (OPMéd; RS 812.212.5). En effet, elle a estimé que les affirmations «ne provoque pas de surcharge pondérale» et «gewichtsneutral» se révélaient très vraisemblablement trompeuses, puisqu'une prise de poids était observée chez 8,1% des patients au moins. La condition d'un comportement illicite, vérifiée sous l'angle de la vraisemblance, était donc réalisée. 
 
Par ailleurs, l'intimée, qui admet que son médicament, le «X.________», a pour effet secondaire indésirable une prise de poids chez les patients, a aussi rendu vraisemblable qu'elle était atteinte d'un dommage difficile à réparer, en tout cas pendant la procédure au fond, dès lors que les slogans publicitaires de la recourante donnaient une fausse idée des qualités du «Y.________», même s'il ressort des expertises médicales versées au dossier que ce médicament engendre des prises pondérales nettement moins importantes que le «X.________». Il n'était pas arbitraire de retenir que «moins d'effets secondaires indésirables» ne signifie pas «aucun effet secondaire». Dans la mesure où la publicité ainsi décrite porte atteinte, pendant la durée du procès au fond, à la réputation de l'intimée, avant que la situation juridique ne soit fixée par un prononcé définitif sur le fond, elle était de nature à engendrer un préjudice difficile à réparer ou, en tout cas, dont l'évaluation était aléatoire. 
 
Enfin, l'urgence existait du seul fait que la mesure provisionnelle requise était apte à éviter l'acte de concurrence déloyale et ses effets dommageables, d'autant plus que l'on ne saurait exiger de l'intimée qu'elle attende la décision sur le fond, vu les développements procéduraux que la complexité de la cause est susceptible d'entraîner (cf. Troller, op. cit., p. 1165). 
 
Sous l'angle de la proportionnalité, le juge doit ordonner la mesure qui est indispensable pour obtenir le but recherché, lorsqu'elle est justifiée, même si elle entraîne des conséquences lourdes pour la partie contre laquelle la mesure provisionnelle est prise (Troller, op. cit., p. 1169). A cet égard, malgré la brièveté du raisonnement, la cour cantonale a fait application du principe de la proportionnalité au considérant 6 de la décision attaquée en évoquant le caractère approprié de la mesure adoptée, qui était la seule à permettre de limiter le dommage causé par une atteinte illicite aux droits immatériels de l'intimée. 
 
Au surplus, comme déjà relevé, la diffusion d'une rectification par voie de circulaire et de parutions dans les trois revues scientifiques concernées, a pratiquement la même portée que la publication du dispositif de l'ordonnance sur mesures provisionnelles, à paraître dans les mêmes revues scientifiques, les deux modalités visant le même cercle de destinataires, soit un public de spécialistes pouvant apprécier mieux que n'importe quel lecteur la publication du dispositif de la décision. A cet égard, le dispositif précise bien que la cour statue «sur mesures provisionnelles» et que les mentions «ne provoque pas de surcharge pondérale» et «gewichtsneutral» sont «très vraisemblablement trompeuses», rédaction qui reste dans les limites d'une décision incidente. 
 
Sur le vu de ce qui précède, la Cour de justice n'a pas interprété arbitrairement les dispositions du droit fédéral, soit la LCD et l'OPMéd. Par la rédaction succincte des considérants de la décision entreprise, elle n'a pas davantage commis une violation du droit d'être entendu de la recourante, car celle-ci a pu comprendre les motifs qui ont inspiré les juges dans leur décision. 
4. 
Dans un dernier moyen, la recourante reproche à la Cour de justice son interprétation arbitraire de l'art. 3 let. b LCD. Les juges genevois auraient confondu la prise de poids apparaissant lors du traitement médical et celle causée par la prise du médicament. Sur ce point, la recourante se réfère au «Compendium suisse des médicaments», qui indiquerait que le «Y.________», contrairement au «X.________», n'a pas l'effet secondaire de provoquer une prise de poids. 
4.1 En se rapportant au «Compendium» et à deux types d'évaluations de la prise pondérale, la recourante s'écarte des faits retenus par l'autorité cantonale, sans expliquer en quoi celle-ci aurait établi les faits ou apprécié les preuves de manière insoutenable, s'agissant des éléments concernés. Comme le recours de droit public n'est pas un appel, il n'appartient pas au Tribunal fédéral de substituer sa propre appréciation à celle de l'autorité cantonale. Faute de critique répondant aux exigences de motivation de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, le grief soulevé sera examiné uniquement à la lumière des faits tels que constatés dans l'ordonnance attaquée. 
4.2 Les juges genevois se sont fondés sur trois études scientifiques, dont deux comparent les effets de l'aripiprazole et ceux de l'olanzapine. Il ressort de l'examen de ces avis d'experts que la prise pondérale apparaît nettement plus souvent chez les patients traités au «X.________» que chez ceux auxquels le «Y.________» est administré. En revanche, dans les deux cas, une prise pondérale est observée, de l'ordre de 8 à 14% des patients en ce qui concerne le médicament distribué par la recourante. Dans ces conditions, en décidant que les mentions «ne provoque pas de surcharge pondérale» et «gewichtsneutral», de même que les indications «variation moyenne de poids: minime» et «Gewichtsveränderung minimale mittlere», étaient très vraisemblablement trompeuses, la Cour de justice n'a pas versé dans l'arbitraire par son interprétation de l'art. 3 let. b LCD. A ce propos, la recourante perd de vue que la question litigieuse n'était pas de savoir si le «Y.________» entraînait moins de prise pondérale que le «X.________», mais de vérifier s'il était exact que le «Y.________» n'entraînait qu'une augmentation de poids minime, pratiquement négligeable. Or, l'intimée a rendu vraisemblable que tel n'était pas le cas, ce qui ressort des documents scientifiques sur lesquels la cour cantonale s'est fondée et qui sont mentionnés ci-dessus. 
 
Dans la mesure où il est recevable, le grief d'arbitraire dans l'application de l'art. 3 let. b LCD doit être rejeté. 
5. 
En conclusion, le recours ne peut être que rejeté dans la mesure où il est recevable. 
6. 
Vu l'issue du litige, la recourante prendra à sa charge les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ) et versera des dépens à l'intimée (art. 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
2. 
Un émolument judiciaire de 5000 fr. est mis à la charge de la recourante. 
3. 
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 6000 fr. à titre de dépens. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Cour de justice du canton de Genève. 
Lausanne, le 2 mars 2005 
Au nom de la Ire Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président: La Greffière: