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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
5C.130/2005 /frs 
 
Arrêt du 2 mars 2006 
IIe Cour civile 
 
Composition 
Mmes et MM. les Juges Nordmann, Juge présidant, Escher, Meyer, Hohl et Marazzi. 
Greffier: M. Braconi. 
 
Parties 
Commune de X.________, 
défenderesse et recourante, représentée par 
Me Robert Liron, avocat, 
 
contre 
 
Y.________, 
demandeur et intimé, représenté par Me Jacques-Henri Wanner, avocat, 
 
Objet 
dommages-intérêts selon l'art. 706 CC
 
recours en réforme contre le jugement de la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 15 octobre 2004. 
 
Faits: 
A. 
Du 22 mars au 11 mai 1994, l'entreprise A.________ SA a exécuté des travaux de recaptage d'une source, dont la commune de X.________ est propriétaire. Ces travaux ont conduit à l'assèchement d'une autre source sur laquelle Y.________ jouissait d'une servitude de «droit à source», grevant le bien-fonds de B.________. 
B. 
Par demande du 4 juillet 1997, Y.________ a conclu, en bref, à ce que la commune de X.________ soit condamnée à remettre la source en l'état, subsidiairement à lui payer des dommages-intérêts. 
 
Par jugement du 15 octobre 2004, notifié le 14 avril 2005, la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a condamné la défenderesse à verser au demandeur les sommes de 24'917 fr., plus intérêts à 5% l'an dès le 1er août 1999, et 203'233 fr. 50, plus intérêts à 5% l'an dès le 6 octobre 2004. 
C. 
Agissant par la voie du recours en réforme au Tribunal fédéral contre cette décision, la défenderesse conclut à ce qu'elle soit condamnée à payer au demandeur les sommes de 24'917 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 1er août 1999, et 30'000 fr., avec intérêts à 5% l'an dès l'entrée en vigueur de l'arrêt. 
 
Le demandeur propose le rejet du recours et le maintien de la décision entreprise. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Déposé à temps contre une décision finale prise en dernière instance par le tribunal suprême du canton, le recours est ouvert sous l'angle des art. 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ. En outre, la valeur litigieuse exigée par la loi est atteinte, de sorte qu'il l'est aussi de ce chef (art. 46 OJ). 
2. 
2.1 La Cour civile a rejeté les conclusions principales du demandeur tendant au rétablissement de la source en vertu de l'art. 707 CC; en revanche, accueillant partiellement ses conclusions subsidiaires, elle a condamné la défenderesse à verser les sommes de 24'917 fr., à titre de remboursement des frais afférents à l'assèchement de la source, et 203'233 fr. 50, à titre d'indemnité pour le prix que le demandeur devra débourser pour obtenir une eau de remplacement. 
2.2 Dans sa réponse, le demandeur ne remet pas en cause (par voie de jonction; art. 59 al. 2 OJ) le rejet de ses conclusions principales. La défenderesse, quant à elle, s'en prend uniquement au second poste du dommage (art. 55 al. 1 let. b OJ); elle dénonce aussi la manière dont le dies a quo de l'intérêt ainsi que les dépens ont été arrêtés. 
2.2.1 La cour cantonale a fixé le point de départ de l'intérêt moratoire à la date de l'audience de jugement (i.e. le 6 octobre 2004); cette date correspond à celle où devaient, en principe, prendre fin les mesures provisionnelles sur la base desquelles la commune fournit gratuitement de l'eau au demandeur (infra, consid. 3.4). Or, le recours en réforme ayant un effet suspensif (art. 54 al. 2 OJ), ces mesures sortissent leurs effets jusqu'à la date de la décision finale; en d'autres termes, tant que perdurent les mesures provisionnelles, la défenderesse n'est pas en demeure. Il s'ensuit que le recours doit être admis sur ce point. 
2.2.2 Le sort des dépens de l'instance cantonale est réglé par le droit cantonal, dont le Tribunal fédéral ne peut pas revoir l'application dans un recours en réforme (art. 43 al. 1, 1ère phrase, OJ; Messmer/Imboden, Die eidgenössischen Rechtsmittel in Zivilsachen, Zurich 1992, p. 41 ch. 30). Le présent recours est donc irrecevable à cet égard, à moins qu'il faille entendre le chef de conclusions de la défenderesse comme la conséquence de l'admission du recours (cf. art. 159 al. 6 OJ). 
3. 
L'autorité cantonale a constaté que, par convention des 4/8 septembre 1997, la défenderesse a mis gratuitement de l'eau à la disposition de l'exploitation du demandeur; toutefois, cet accord ne s'appliquera plus une fois le procès achevé, en sorte qu'il faut allouer au demandeur une indemnité correspondant au prix qu'il devra payer pour obtenir une eau de remplacement. Les juges cantonaux se sont écartés de la solution proposée par l'expert P.________, qui a pris en compte la valeur de vente de la source - 30'000 fr. -, et non pas le dommage futur constitué par la soustraction de l'eau; ils se sont ralliés à l'expert M.________, qui s'en est tenu à la consommation future en eau du demandeur. La quantité d'eau consommée par ce dernier ayant varié entre 2'478 m3 en 1998 et 5'700 m3 en 2001, il se justifie d'admettre une consommation moyenne de 5'000 m3 par année. L'eau provenant du réseau de l'Association d'amenée d'eau L.________ - seule source de remplacement - est facturée 1 fr. 20/m3 par la défenderesse, ce qui représente un montant annuel de 6'000 fr. (1,20 x 5'000). Le droit à une source étant cessible et transmissible par héritage, il faut capitaliser une rente perpétuelle à l'aide des facteurs de la table n° 48 des Tables de Stauffer/Schaetzle (5e éd.; Manuel de capitalisation, p. 305, Exemple n° 54) et adopter un taux d'intérêt de 3%. La valeur annuelle de la source doit dès lors être capitalisée au moyen du facteur 33,872255, si bien que l'indemnité à verser s'élève à 203'233 fr. 50 en capital (6'000 x 33,872255). 
3.1 Selon l'art. 706 al. 1 CC, est tenu à des dommages-intérêts celui qui cause un préjudice au propriétaire ou à l'ayant droit, en coupant, même partiellement, ou en souillant, par des fouilles, constructions ou travaux quelconques, des sources déjà utilisées dans une mesure considérable ou captées en vue de leur utilisation. La défenderesse ne prétend pas que les conditions d'application de cette norme n'étaient pas remplies en l'espèce (sur ce point: Rey, Basler Kommentar, vol. II, 2e éd., n. 5 ss ad art. 706/707 CC; Waldis, Das Nachbarrecht, 4e éd., p. 227 ss et les références mentionnées par ces auteurs), ni que le demandeur n'avait pas qualité pour agir (sur ce point: JT 1919 I 586 consid. 1a, non publié aux ATF 44 II 473); on peut donc se dispenser de revoir ces questions (art. 55 al. 1 let. c OJ; Messmer/Imboden, op. cit., p. 161/162 ch. 120). 
3.2 Au sens juridique, le dommage est une diminution involontaire de la fortune nette; il correspond à la différence entre la valeur actuelle du patrimoine du lésé et celle qu'il aurait si l'événement dommageable ne s'était pas produit; il peut se présenter sous forme d'une diminution de l'actif, d'une augmentation du passif, d'une non-augmentation de l'actif ou d'une non-diminution du passif (ATF 129 III 18 consid. 2.4 p. 23 et les arrêts cités). L'existence d'un dommage et sa quotité relèvent du fait (art. 55 al. 1 let. c et 63 al. 2 OJ), alors que la notion de dommage est une question de droit, que le Tribunal fédéral revoit librement dans un recours en réforme (ATF 130 III 145 consid. 6.2 p. 167 et les arrêts cités). Dans le cas présent - et sous réserve des précisions apportées plus loin -, la défenderesse critique la méthode de calcul du dommage adoptée par l'autorité cantonale; sous cet angle, le recours en réforme est recevable. 
3.3 Les arguments de la défenderesse s'appuient sur des prémisses erronées: 
D'une part, la réparation prévue à l'art. 706 al. 1 CC ne saurait excéder ce qui est dû pour compenser la quantité d'eau réellement captée et utilisée; par conséquent, le dommage n'équivaut pas au montant - par hypothèse plus élevé - que le lésé aurait pu obtenir par la vente de sa source, mais uniquement au préjudice découlant du fait qu'il ne peut plus tirer profit de sa source ou ne peut le faire que dans une mesure restreinte (ATF 80 II 378 consid. 9 p. 389/390); ainsi, la victime doit se voir allouer une somme qui correspond à ce qu'elle doit dépenser pour remplacer la quantité d'eau dont elle se voit frustrée (JdT 1919 I 591 consid. 2, non publié aux ATF 44 II 473 ss). Nonobstant l'opinion de la défenderesse, ni cette jurisprudence ni l'auteur mentionné par la cour cantonale (cf. Stéphane Mérot, Les sources et les eaux souterraines, thèse Lausanne 1996, p. 92, ch. 5.2.1.2.1) n'envisagent que le cas d'une source "partiellement souillée ou coupée"; c'est donc à tort que, faisant siennes les conclusions de l'expertise P.________, elle persiste à se référer à une "valeur de vente" relative à un "dommage total". 
 
D'autre part, la défenderesse reproche à l'autorité précédente d'avoir choisi un "facteur de capitalisation d'une rente perpétuelle" en faisant valoir que le volume de l'eau peut se trouver influencé à la baisse par divers facteurs. Or, abstraction faite du caractère hypothétique de ce grief, jurisprudence et doctrine s'accordent à dire que l'indemnité doit être évaluée sur la base de la situation actuelle, indépendamment de l'éventuelle utilisation future du bien-fonds (JdT 1919 I 591 consid. 2, non publié aux ATF 44 II 473 ss; Mérot, ibidem, n. 411). 
 
Ces points étant précisés, la décision entreprise ne prête pas le flanc à la critique. Le droit à une source donne naissance à des prestations périodiques ou continues assimilables à une rente (Stauffer/Schaetzle, op. cit., p. 9 ch. 1.49). Comme le demandeur utilisait l'eau de la source pour les besoins de son exploitation agricole et de son ménage, il doit se voir allouer un capital représentant la contre-valeur des prestations futures dont il est désormais privé. Pour le surplus, la défenderesse ne s'en prend pas au mode de réparation - capital au lieu d'une rente - (art. 43 al. 1 CO; ATF 54 II 294 consid. 2 p. 296; Stauffer/Schaetzle, op. cit., p. 357 ss ch. 3.37 ss; pour le préjudice corporel: ATF 125 III 312 consid. 6c p. 320 et les références citées), en sorte qu'on peut se dispenser d'examiner cet aspect (art. 55 al. 1 let. c OJ). 
3.4 D'après la jurisprudence et la doctrine, il faut tenir compte dans le calcul du dommage des avantages que l'événement dommageable a procurés à la victime (compensatio lucri cum damno; ATF 112 Ib 322 consid. 5a p. 330 et les références citées; Brehm, Berner Kommentar, 3e éd., n. 27 ss ad art. 42 CO; Werro, La responsabilité civile, Berne 2005, p. 240 ss ch. 942 ss, avec d'autres citations). C'est à juste titre que la défenderesse reproche à la juridiction inférieure de n'avoir pas pris en considération les avantages que le demandeur a retirés de son raccordement au nouveau réseau d'eau: l'intéressé profite maintenant d'une eau potable, tandis que celle de sa source - même si elle n'était pas exclusivement destinée aux besoins du ménage - avait une teneur excessive en nitrates (il n'est pas inutile de rappeler qu'un des postes du dommage est précisément constitué par l'achat de bouteilles d'eau [3'200 fr.]); il fait l'économie des frais de rénovation et d'entretien de la source. 
 
En revanche, il ne se justifie pas d'imputer sur le montant du dommage l'avantage dont le demandeur a bénéficié sous la forme de "fourniture d'eau gratuite dès octobre 1997", c'est-à-dire pendant 8 ans, et que la défenderesse estime à 57'600 fr.; en effet, cette prestation n'a pas été fournie (gratuitement) en vertu de la "loi vaudoise sur la distribution de l'eau", mais de la convention de mesures provisionnelles signées par les parties les 4/8 septembre 1997 (ch. II/3 al. 2). 
 
Il n'est pas possible en l'espèce de statuer de manière définitive sur le montant du dommage, car les éléments avancés par la défenderesse n'ont pas (tous) fait l'objet de constatations ou d'appréciations par les juges cantonaux (cf. Poudret, COJ II, n. 2.1.2 et 2.1.4 ad art. 64 OJ et les citations). La décision attaquée doit, en conséquence, être annulée et la cause renvoyée à la juridiction précédente pour qu'elle complète l'instruction - autant que la procédure cantonale le permet (cf. pour le droit vaudois: JdT 2002 III 190 ss et note Piguet; en général: Poudret, op. cit., n. 2.3 in fine ad art. 64 OJ) - et statue à nouveau. 
4. 
En conclusion, le recours doit être partiellement admis dans la mesure de sa recevabilité, la décision attaquée annulée et la cause renvoyée à la juridiction précédente pour qu'elle statue à nouveau dans le sens des considérants (supra, consid. 3.4). L'issue du litige étant incertaine, il convient de répartir les frais de justice par moitié entre les parties et de compenser les dépens (art. 156 al. 3 et 159 al. 3 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est partiellement admis dans la mesure où il est recevable, le jugement attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la juridiction précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
2. 
Un émolument judiciaire de 8'000 fr. est mis par moitié à la charge de chacune des parties. 
3. 
Les dépens sont compensés. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
Lausanne, le 2 mars 2006 
Au nom de la IIe Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
La Juge présidant: Le Greffier: