Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_257/2023
Arrêt du 2 avril 2024
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président,
Chaix et Merz,
Greffière : Mme Tornay Schaller.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Me Guillaume Francioli, avocat,
recourante,
contre
Conseil d' É tat du canton de Genève,
rue de l'Hôtel-de-Ville 2, 1204 Genève.
Objet
Plan de site,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre administrative, du 18 avril 2023 (A/2585/2022-AMENAG ATA/384/2023).
Faits :
A.
A.________ est propriétaire de la parcelle n° 1'839 de la commune d'Hermance (ci-après: la commune), sise en zone 4B protégée. D'une surface de 1'388 m
2, ce bien-fonds contient deux bâtiments au nord, respectivement de 100 m
2 et 79 m
2, adjacents à l'immeuble construit sur la parcelle n° 861. Le reste de la parcelle est vide de construction.
Sur la parcelle n° 1'797, contiguë au sud de la parcelle, un bâtiment carré, d'une hauteur d'environ 7 m, a été construit et adossé à la construction existante. Il est à 2 m du mur historique le séparant de la parcelle.
La parcelle n° 1'839 se situe dans le plan de site, adopté par le Conseil d'État du canton de Genève le 28 mars 1979 (ci-après: le plan de site de 1979) qui prévoyait la possibilité de construire, au sud de la parcelle, quatre bâtiments R+1, en bordure directe de la rue du Couchant. Le plan de site de 1979 ne prévoyait pas de construction à l'emplacement du bâtiment carré sur la parcelle voisine n° 1'797.
B.
En 2017, la commune a élaboré un nouveau plan de site n° 30079-522 "Village d'Hermance" (ci-après: le plan de site), lequel a pour but de protéger le caractère historique, architectural et paysager du village d'Hermance inscrit à l'ISOS, et de permettre un développement harmonieux en respectant les qualités spatiales du tissu médiéval du Bourg d'en Bas et du Bourg d'en Haut, ainsi que le site environnant (art. 1 du règlement du plan de site; ci-après: le règlement). Ce plan de site prévoit notamment pour le Bourg-Dessus, à teneur du rapport explicatif établi par Urbaplan le 19 février 2018 (ci-après: le rapport explicatif), "des aires de construction nouvelles [ci-après: aire d'implantation] ayant pour vocation d'encourager la démolition des constructions qui perturbent la qualité du site par leur implantation en décalage avec les principes de composition de l'époque, notamment les villas individuelles construites en milieu de la parcelle sans rapport avec la rue ou le tissu existant".
Le plan de site prévoit, pour la parcelle n° 1'839, une aire d'implantation d'un bâtiment R+1, sise à 5 m de la rue du Couchant et à 10 m de la parcelle n° 1'797. Trois arbres doivent être conservés, dont deux au sud-ouest, entre l'aire d'implantation et la parcelle n° 1'797.
Selon le rapport explicatif, plusieurs bâtiments réalisés depuis 1979, le long de la rue du Levant, avaient permis de consolider l'îlot central. Du côté de la rue du Couchant, un bâtiment construit hors emprise constructible selon le plan de site 1979 [bâtiment carré sur la parcelle n° 1'797] obligeait à reconsidérer le solde du potentiel sur la parcelle n° 1'839 pour des questions de respect des distances aux limites de propriété. Une aire libre de construction était maintenue en front de l'établissement médico-social, sis à l'ouest de la rue du Couchant, "pour offrir une respiration à la rue".
La Commission des monuments, de la nature et des sites et la Direction générale de l'agriculture et de la nature (devenue l'Office cantonal de l'agriculture et de la nature [OCAN]) du canton de Genève ont préavisé favorablement le plan de site après avoir sollicité des modifications.
Mis à l'enquête publique du 22 janvier au 21 février 2020, le plan de site a suscité l'opposition de A.________. Par arrêtés du 15 juin 2022, le Conseil d'État a rejeté l'opposition et approuvé le plan de site.
C.
Par arrêt du 18 avril 2023, la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) a rejeté le recours déposé par A.________ contre les arrêtés du 15 juin 2022.
D.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande principalement au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt du 18 avril 2023 en ce sens que les arrêtés du 15 juin 2022 sont annulés. Elle conclut subsidiairement à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale de dernière instance pour nouvelle décision au sens des considérants.
La Cour de justice s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Le Conseil d'État conclut au rejet du recours. La recourante réplique.
Considérant en droit :
1.
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public de l'aménagement du territoire (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public conformément aux art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée.
La recourante a pris part à la procédure de recours devant la Cour de justice. En tant que propriétaire de la parcelle n° 1'839 qui se trouve dans le périmètre du plan de site litigieux, elle est particulièrement touchée par l'arrêt attaqué qui confirme le plan de site et le rejet de l'opposition qu'elle avait formée à son encontre. Elle dispose ainsi d'un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de l'arrêt attaqué. Elle a dès lors qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF.
Les autres conditions de recevabilité sont au surplus réunies, si bien qu'il y a en principe lieu d'entrer en matière sur le recours.
2.
Dans un grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner en premier lieu, la recourante se plaint d'un établissement incomplet des faits (art. 97 LTF).
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), hormis dans les cas visés à l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (ATF 145 V 188 consid. 2).
2.2. En l'espèce, la recourante reproche d'abord à la cour cantonale d'avoir retenu que le technicien de l'OCAN s'était rendu sur la parcelle n° 1'839 pour examiner l'état sanitaire de l'érable rouge, alors que l'examen de l'arbre aurait été effectué visuellement depuis la rue du Couchant sans entrer dans le jardin. La Cour de justice n'a cependant pas exclu ni tenu pour acquis que le spécialiste de l'OCAN se soit rendu sur la parcelle en question: elle a simplement retenu que le technicien avait réalisé deux constats de l'état sanitaire de l'arbre. Peu importe au demeurant, cet élément n'ayant aucune influence sur l'issue du litige, compte tenu notamment du rapport d'expertise privée produit par la recourante (voir infra consid. 5.4).
La recourante fait ensuite grief à la Cour de justice de ne pas avoir mentionné qu'un érable rouge de taille et de couronne identique à celui sis sur sa parcelle se trouvait sur la parcelle voisine n° 2'480 et ne figurait pas comme arbre à conserver sur le plan de site litigieux. Cet élément n'est toutefois pas susceptible d'influer sur le sort de la cause (voir infra consid. 5.4.2).
Par conséquent, le grief d'établissement arbitraire des faits doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité.
3.
Dans un second grief formel, la recourante fait valoir une violation de son droit d'être entendue (art. 29 al. 2 Cst.). Elle reproche à la cour cantonale d'avoir refusé d'ordonner au Département compétent "de fournir toute pièce, calcul ou information justifiant le choix de l'emprise et de l'emplacement de l'aire d'implantation sur la parcelle en question" et de ne pas avoir organisé d'inspection locale.
3.1. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 148 II 73 consid. 7.3.1; 145 I 167 consid. 4.1). De jurisprudence constante, l'autorité peut renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1; 144 II 427 consid. 3.1.3). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle tire des conclusions insoutenables (ATF 148 IV 39 consid. 2.3.5; 143 IV 500 consid. 1.1).
Dans ce contexte, le recourant est soumis aux exigences accrues de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 146 I 62 consid. 3).
3.2. En l'espèce, la Cour de justice a considéré que le Conseil d'État avait produit un dossier complet, lequel comprenait les différents projets, études, préavis, échanges de correspondance en lien avec le plan concerné, qui permettaient de comprendre tant l'historique du projet que les positions des différents intervenants, notamment sur les questions d'emprise et d'emplacement de l'aire d'implantation. Elle a estimé que la recourante n'indiquait pas précisément en quoi les pièces produites ne "justifie[raient pas] le choix de l'emprise et de l'emplacement de l'aire d'implantation de la parcelle", ni quel "pièce, calcul ou information" manquerait concrètement pour la bonne compréhension de la problématique.
Par ailleurs, les juges cantonaux ont considéré qu'un transport sur place ne s'avérait pas nécessaire vu les nombreuses pièces du dossier, les plans, les photos et les données disponibles conformément à la loi relative au système d'information du territoire à Genève du 17 mars 2000 (LSITG; RSG B 4 36); de surcroît, il n'était pas contesté que l'arbre au sud-ouest de la parcelle était un érable rouge.
3.3. La recourante soutient qu'une inspection locale serait nécessaire pour pallier le fait que le technicien de l'OCAN ne se serait pas rendu sur la parcelle pour observer l'état sanitaire de l'érable rouge. Cet élément n'est toutefois pas susceptible d'avoir une influence sur l'issue du litige compte tenu notamment du rapport d'expertise privée produit par la recourante (voir infra consid. 5.4).
La recourante fait aussi valoir ne pas disposer des éléments ayant permis au Conseil d'État de définir l'aire d'implantation litigieuse. Ces motifs ressortent cependant clairement de l'arrêt attaqué (voir infra consid. 4.3).
Dans ces circonstances, procédant à une appréciation anticipée des preuves, l'instance précédente pouvait, sans arbitraire et sans violer le droit d'être entendu de la recourante, renoncer à une inspection locale et à une production de pièces supplémentaires. Mal fondé, ce grief doit être écarté dans la faible mesure de sa recevabilité.
4.
La recourante se plaint d'une atteinte disproportionnée à la garantie de la propriété (art. 26 Cst.). Elle estime que la diminution de l'aire d'implantation de 45 % par rapport au plan de 1979 violerait le principe de la proportionnalité.
4.1. L'assujettissement d'un immeuble à des mesures de conservation ou de protection du patrimoine naturel ou bâti constitue une restriction du droit de propriété garanti par l'art. 26 al. 1 Cst.; pour être compatible avec cette disposition, l'assujettissement doit reposer sur une base légale - une loi au sens formel si la restriction est grave -, être justifié par un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 1 à 3 Cst.; ATF 126 I 219 consid. 2a et les arrêts cités).
La recourante ne conteste pas que l'atteinte à son droit de propriété repose sur une base légale (l'art. 38 al. 2 de la loi genevoise sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 [LPMNS; RSG L 4 05]) et poursuit un intérêt public (la préservation du caractère historique, architectural et paysager du village d'Hermance). Elle critique en revanche la proportionnalité de la mesure.
4.2. Le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.) exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude) et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité); en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts; ATF 146 I 157 consid. 5.4 et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral s'impose une certaine retenue lorsqu'il s'agit de tenir compte de circonstances locales dont les autorités cantonales ont une meilleure connaissance que lui, ou de trancher de pures questions d'appréciation (cf. ATF 140 I 168 consid. 4.2.1; 138 II 77 consid. 6.7).
4.3. La recourante fait d'abord grief à la juridiction cantonale de ne pas avoir examiné l'aptitude et la nécessité de la mesure de protection litigieuse. Elle soutient que la cour cantonale n'aurait pas exposé ce qui justifiait de s'écarter de l'aire d'implantation prévue par le plan de 1979.
4.3.1. La Cour de justice a cependant mis en évidence avec un soin particulier l'ensemble des éléments susceptibles de justifier la mesure de protection prise sur la parcelle n° 1'839. Elle a en effet énuméré un nombre important de critères objectifs permettant de justifier l'aptitude de la mesure de protection du plan de site: la morphologie villageoise caractérisée par l'implantation de bâtiments de logements en ordre contigu, la préservation du jardin pourvu d'arbres (dont les plus intéressants devaient être conservés), le maintien d'une césure verte non bâtie entre l'aire d'implantation sur la parcelle n° 1'839 et la parcelle voisine au sud pour "offrir une respiration dans le secteur du Bourg au dessus et préserver les arbres intéressants dont la conservation était requise par l'OCAN", la délimitation du jardin par un mur qui, avec les autres murs implantés de part et d'autre de la rue du Couchant mais de manière alternée, définissait l'espace-rue, délimitait les espaces clos et participait à la structure du tissu villageois.
S'agissant plus particulièrement du dégagement d'environ 2 m prévu entre la future construction et la rue du Couchant, l'instance précédente a précisé qu'il n'obligeait pas à construire "au milieu de la parcelle", mais le long de la rue précitée, en léger retrait: de telles implantations de bâtiments existants étaient visibles dans les deux bourgs, situées à front de rue, mais pourvues de petites cours ou dégagements à l'avant; ces particularités étaient en conséquence constitutives du village historique; l'objectif du plan visait à éviter les constructions en "second front" ou édifiées au fond d'un jardin, configuration qui se prêtait davantage aux grands domaines ou maisons de maîtres ou aux villages anciens articulés autour d'une rue; ce retrait permettait aussi d'accéder plus aisément au jardin situé à l'arrière et de maintenir un mur implanté le long de la rue du Couchant.
Enfin, s'agissant de l'espace maintenu libre de constructions entre l'aire d'implantation et la parcelle voisine au sud, les juges cantonaux ont retenu qu'il s'expliquait par le respect des distances aux limites de propriétés; le rapport explicatif avait déjà indiqué que le bâtiment construit hors emprise constructible selon le plan de site 1979 [bâtiment carré sur la parcelle n° 1'797] obligeait à reconsidérer le solde du potentiel sur la parcelle n° 1'839 pour des questions de respect des distances aux limites de propriété. Le Conseil d'État a par ailleurs expliqué qu'il permettait d'éviter un phénomène de cloisonnement engendré par une trop grande proximité entre la future construction sur la parcelle et le bâtiment existant sur celle voisine au sud; l'espace poursuivait aussi des objectifs paysagers en permettant de maintenir les deux arbres intéressants précités. La Cour de justice a ajouté que les conséquences induites par la construction édifiée sur la parcelle voisine ne pouvaient, par ailleurs, pas être remises en cause, celle-ci ayant été valablement autorisée.
La Cour de justice a ainsi exposé de manière objective tous les éléments qui ont conduit à l'emplacement de l'aire d'implantation telle que prévue par le plan de site litigieux. Face à cette argumentation détaillée, la recourante ne peut se contenter d'affirmer de manière subjective que l'emplacement de l'aire d'implantation serait en décalage avec les principes de composition du village, perturberait la qualité du site et serait contraire aux objectifs de protection du patrimoine.
4.3.2. Les différents éléments énumérés par la Cour de justice permettent aussi de comprendre pourquoi le plan de site litigieux s'est écarté de l'aire d'implantation prévue par le plan de 1979. Ces éléments objectifs ont ainsi aussi une importance sous l'angle du principe de la nécessité. En effet, une aire d'implantation plus étendue que celle figurant dans le plan de site litigieux pouvait difficilement respecter le but de protection recherché; une autre option, telle celle figurant dans le plan de site de 1979, aurait impliqué le sacrifice des arbres situés au sud de la parcelle, et dont le service cantonal spécialisé a requis la préservation. Par ailleurs, comme le relève le Conseil d'État, cette même option aurait empêché le maintien de la césure spatiale entre les deux parcelles, alors même que celle-ci répond aux objectifs de préservation et d'amélioration du site et aux normes en matière de distances aux limites. Le Conseil d'État a ajouté que l'aire d'implantation telle que prévue par le plan de site de 1979 aurait de surcroît accentué l'effet d'étouffement sur la partie concernée de la rue du Couchant: cette option ne permettrait pas de défendre les intérêts publics poursuivis de la même manière que la solution retenue.
La cour cantonale pouvait par conséquent juger que l'aire d'implantation prévue respectait le principe de la nécessité, aucune mesure moins incisive ne permettant d'en garantir le développement harmonieux et respectueux des qualités spatiales du tissu médiéval.
4.4. La recourante reproche aussi aux juges cantonaux de ne pas avoir examiné l'ampleur de la restriction des droits à bâtir sur sa parcelle. Elle prétend qu'ils n'auraient en particulier pas vérifié le bien-fondé de
la diminution des surfaces constructibles (de 45 % selon elle) par rapport au potentiel constructible qui avait été fixé par le plan de site de 1979.
La législation cantonale genevoise ne comporte pas de normes fixant de manière impérative le niveau du taux d'utilisation du sol applicable à la zone 4B protégée. Celui-ci est déterminé par le plan de site en fonction des circonstances concrètes, au regard des préoccupations d'ordre patrimonial (cf. art. 38 al. 2 LPMNS).
La Cour de justice a d'abord rappelé à bon droit que le plan de site n'avait pas vocation à donner un maximum de droits à bâtir dans un objectif de développement, mais bien à permettre l'évolution d'un secteur donné dans le respect de la préservation de ses qualités patrimoniales. Elle a ensuite souligné que si le potentiel constructible du plan de site était certes moindre que celui de 1979 (de 45 % selon l'intéressée), la propriétaire ne pouvait revendiquer de droit en fonction de celui-ci, datant de plus de quarante ans; elle n'avait jamais eu la garantie de pouvoir construire l'équivalent de l'aire d'implantation du plan de site de 1979 (sur ce point voir infra consid. 5.3).
Comme la recourante ne peut tirer aucun droit acquis du plan de site de 1979 (voir infra consid. 5.3), le fait que la Cour de justice n'ait pas chiffré la diminution de l'aire d'implantation par rapport à celle figurant sur le plan de 1979 est sans pertinence. Le grief doit donc être écarté.
Au demeurant, la cour cantonale a analysé de façon minutieuse le contenu matériel du plan de site de 1979, constatant notamment que les aires d'implantation n'y étaient indiquées qu'à titre indicatif et que les aires figurant sur la parcelle n° 1839 étaient aussi implantées en retrait de la route, sur près de 13 m de longueur. Elle a enfin constaté que ce plan de site était beaucoup moins détaillé que le plan de site litigieux; la végétation et les murs à conserver n'y étaient notamment pas indiqués et la configuration du bâti de l'époque était très différente de l'actuelle (la construction de l'EMS sur la parcelle voisine étant postérieure à 1979).
4.5. La recourante fait enfin valoir que la Cour de justice n'aurait pas examiné le principe de la proportionnalité au sens étroit.
Les juges cantonaux se sont cependant soigneusement assurés que la solution retenue pour la parcelle n° 1'839 répondait aux buts de protection du patrimoine et qu'elle permettait à la recourante de conserver un potentiel constructible sur la parcelle, élément qui n'est pas contesté. Le Conseil d'État relève que ce potentiel constructible permettra à la recourante de faire édifier un immeuble de logements - et non une villa individuelle -, conformément aux principes de construction et de protection prescrits dans le règlement du plan de site. La recourante n'allègue pas ni ne démontre que le potentiel constructible sur sa parcelle l'empêcherait d'obtenir un rendement suffisant ni qu'il serait susceptible de produire des effets insupportables pour elle. Elle se prévaut uniquement d'un intérêt privé à pouvoir faire un usage plus large de ses droits à bâtir.
En tout état de cause, la seule diminution des expectatives de rendement que pourrait entraîner une mesure de protection n'est en elle-même pas suffisante pour l'emporter sur l'intérêt public lié à la protection des monuments et sites bâtis (cf. ATF 126 I 219 consid. 2c; arrêt 1C_708/2020 du 27 janvier 2022 consid. 4.2).
La pesée des intérêts effectuée par la Cour de justice est par conséquent complète et ne prête pas le flanc à la critique.
4.6. En définitive, les limitations à la constructibilité de la parcelle n° 1'839 telles que prévues par le plan de site litigieux paraissent conformes au principe de la proportionnalité, au regard de l'objectif de protection visé par les autorités cantonales et ancré à l'art. 1 du règlement.
Mal fondé, le grief de violation du principe de la proportionnalité doit être écarté.
5.
La recourante allègue encore que la juridiction cantonale aurait violé l'interdiction de l'arbitraire de l'art. 9 Cst. en lien avec la prise en considération du rapport explicatif du 19 février 2018 (consid. 5.2), avec ses prétendus droits à bâtir tirés du plan de site de 1979 (consid. 5.3) et avec la protection de l'érable rouge implanté sur sa parcelle (consid. 5.4).
5.1. Le Tribunal fédéral ne revoit l'interprétation et l'application faite du droit cantonal que sous l'angle de l'arbitraire (ATF 147 I 433 consid. 4.2; 146 II 367 consid. 3.1.5). Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de justice et d'équité. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable (cf. également consid. 3.1 ci-dessus). Si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution - éventuellement plus judicieuse - paraît possible (ATF 145 II 32 consid. 5.1; 145 I 108 consid. 4.4.1).
5.2. La recourante reproche d'abord au nouveau plan de site d'avoir fixé l'implantation d'une villa individuelle au milieu de sa parcelle, en retrait de la rue du Couchant, sans rapport avec la rue et le tissu existant et ne permettant pas le maintien d'un jardin à l'arrière. Elle soutient que la Cour de justice serait tombée dans l'arbitraire lorsqu'elle a confirmé cette mesure en s'écartant des conclusions du rapport explicatif du 19 février 2018 et partant, des objectifs de protection du patrimoine.
Le rapport du 19 février 2018 établi par Urbaplan est un rapport de conformité au sens de l'art. 47 de l'ordonnance sur l'aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT; RS 700.1). Ce rapport n'a pas la même fonction dans les cantons où la commune adopte le plan et le fournit à l'autorité cantonale, que dans les cantons où le droit cantonal prévoit la compétence d'une autorité cantonale pour adopter les plans d'affectation, comme c'est le cas à Genève (arrêts 1C_288/2022 du 9 octobre 2023 consid. 3.2 et 3.3; 1C_17/2008 du 13 août 2008 consid. 2.3.2 in SJ 2008 I 471).
C'est ainsi sans verser dans l'arbitraire que la cour cantonale a dénié toute valeur contraignante au rapport explicatif du 19 février 2018, ce d'autant plus que le Département du territoire a procédé lui-même à l'examen en détail des mesures d'aménagement et de protection proposées par le plan de site litigieux. La Cour de justice n'a pas pour autant refusé de s'y référer mais l'a apprécié comme une aide à la décision du Conseil d'État, permettant de mieux comprendre certains enjeux de l'aménagement communal.
5.3. La recourante soutient encore que le refus de déduire des droits à bâtir du plan de site de 1979 serait insoutenable.
5.3.1. Les plans d'affectation adoptés avant l'entrée en vigueur de la LAT conservent leur validité jusqu'au 1er janvier 1988 ( art. 35 al. 1 let. b et 3 LAT ). Lorsqu'un plan d'affectation a été établi sous l'empire de la LAT, afin de mettre en oeuvre les objectifs et principes de cette législation, il existe en effet une présomption qu'il est conforme aux buts et aux principes de cette loi, alors que les plans d'affectation qui n'ont pas encore été adaptés aux exigences de la LAT ne bénéficient pas de cette présomption et leur stabilité n'est pas garantie (cf. art. 21 al. 1 LAT; cf. ATF 127 I 103 consid. 6b/aa).
En l'espèce, le plan de site de 1979 n'a pas fait l'objet d'une modification en vue de sa mise en conformité ou de son adaptation aux exigences de la LAT; il n'existe donc pas de présomption qu'il satisfasse aux exigences du droit de l'aménagement du territoire énoncées dans cette loi. Ainsi, la cour cantonale n'a pas versé dans l'arbitraire en retenant que le plan de site de 1979 était devenu caduc le 1er janvier 1988.
5.3.2. La Cour de justice a souligné que si le potentiel constructible du plan de site était certes moindre que celui de 1979 (de 45 % selon l'intéressée), la propriétaire ne pouvait revendiquer de droit en fonction de celui-ci, caduc, datant de plus de quarante ans et n'ayant pas fait l'objet d'une nouvelle approbation au sens de la LAT.
La recourante ne démontre pas en quoi ce raisonnement serait arbitraire. Elle se borne à affirmer que comme le plan de site de 1979 est caduc, elle disposerait du plein de ses droits à bâtir dans les limites de l'affectation de la zone. Or le seul fait de reconnaître la caducité du plan de site de 1979 ne signifie pas que la recourante disposerait du plein de ses droits à bâtir. La cour cantonale a ajouté à bon droit que la recourante n'avait jamais eu la garantie de pouvoir construire l'équivalent de l'aire d'implantation du plan de site de 1979: une demande d'autorisation de construire aurait dû, dans tous les cas, faire l'objet d'une analyse actualisée de la situation, tenant compte du bâti érigé depuis 1979, même en l'absence d'adoption du plan de site litigieux.
On peine enfin à suivre la recourante lorsqu'elle prétend que cette solution reviendrait "à considérer qu'[elle] aurait dû s'assurer que le Conseil d'État approuve une seconde fois le plan de site de 1979 après l'entrée en vigueur de la LAT pour espérer en tirer des droits en cas de nouveau plan de site". En effet, il n'appartient pas aux particuliers de s'assurer de l'adoption par l'autorité compétente de plans d'affectation; cette compétence revient au Département en charge de l'aménagement du territoire, sur demande du Conseil d'État, du Grand Conseil ou encore d'une commune (art. 39 LPMNS).
5.4. La recourante fait enfin valoir que la protection de l'érable rouge serait arbitraire.
5.4.1. Se fondant sur une expertise privée relative à l'érable rouge litigieux, la recourante avance que cet arbre, non qualifié "d'arbre remarquable", présente "un problème mécanique" et une fragilisation par une infection bactérienne qui limiterait probablement sa durée de vie. Elle reproche aux juges cantonaux de ne pas avoir indiqué ce qui justifiait de mettre sous protection cet érable rouge.
La Cour de justice, qui n'a pas exclu ni tenu pour acquis que le spécialiste de l'OCAN se soit rendu sur la parcelle en question, a effectué une appréciation objective de tous les moyens de preuve pertinents en les confrontant, pour confirmer le maintien de l'arbre en question. En particulier, elle s'est référée à l'expertise privée mandatée par la recourante et portant spécifiquement sur l'état physiologique et mécanique de l'arbre. Il ressort de cette expertise que "l'arbre ne présente actuellement aucun dysfonctionnement physiologique majeur" et que son "état physiologique est considéré comme bon"; il est mentionné que "l'état mécanique général de l'arbre est jugé médiocre avec une amélioration possible dans les 5 ans" mais suffisant pour permettre sa conservation pendant plus de 20 ans. Il n'est pas recommandé d'abattre l'arbre ou de renoncer à son maintien.
La Cour de justice a par ailleurs relevé que, bien que non qualifiée de "remarquable", cet arbre était désigné comme "intéressant" et à conserver par le plan de site. Cette valeur avait été conférée dans un préavis du 10 juillet 2019, confirmé par préavis du 8 octobre 2019 de l'OCAN, qui, après avoir pris connaissance de l'expertise privée de la recourante et réalisé un nouveau constat de l'arbre, l'avait encore confirmée dans un dernier préavis du 19 septembre 2022.
Enfin, s'appuyant sur ce dernier préavis, la cour cantonale a retenu que cet arbre ne devait pas seulement être envisagé pour lui-même mais aussi dans ses relations avec les autres arbres, notamment le second au sud de la parcelle, et dans la composition paysagère.
Une telle appréciation ne peut être qualifiée d'arbitraire: elle tient compte de l'intérêt poursuivi par le plan de site qui vise d'abord à la sauvegarde d'une valeur d'ensemble, tant dans ses dimensions historiques, architecturales que paysagères, et moins à la protection d'objets individuels, dans leur valeur intrinsèque (cf. art. 38 al. 1 et 2 LPMNS). En d'autres termes, la valeur paysagère d'un arbre constitue bien un critère objectif permettant aux spécialistes d'analyser, d'après leurs connaissances et leurs spécialités, son caractère digne de protection à l'échelle d'un plan de site. Par ailleurs, cette valeur ne nécessite pas une inspection approfondie de l'état mécanique de l'arbre, celle-ci ayant, en tout état de cause, déjà été menée.
Par conséquent, les motifs de mise sous protection de l'érable rouge résistent au grief d'arbitraire.
5.4.2. La recourante se prévaut encore du fait qu'un érable rouge de même couronne et de même taille, situé sur la parcelle n° 2480, en face du bien-fonds de la recourante, n'aurait pas été désigné comme arbre à conserver par le plan de site. Cette différence de traitement serait arbitraire et aurait exigé un transport sur place.
Le fait qu'un autre arbre semblable et de même essence mais situé en un autre endroit n'a pas été désigné comme devant être conservé par le plan de site litigieux n'apparaît pas arbitraire pour ce seul fait, puisque l'intérêt d'un arbre dans un plan de site ne réside pas seulement dans son essence mais aussi, et surtout, dans son intégration au sein d'une composition paysagère que le plan de site tend à préserver.
Ainsi, même si une mesure d'instruction avait été ordonnée, la décision de la cour cantonale sur l'érable rouge concerné ne serait manifestement pas différente, celui-ci ayant fait l'objet d'analyses par un expert privé et par l'OCAN.
5.4.3. Par conséquent, la cour cantonale n'a pas versé dans l'arbitraire en confirmant la décision de maintien de l'érable rouge sur la parcelle n° 1'839. Le grief doit être rejeté.
6.
Il s'ensuit que le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité.
La recourante qui succombe supporte les frais de la présente procédure ( art. 65 et 66 al. 1 LTF ). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 francs, sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Conseil d'État et à la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 2 avril 2024
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Kneubühler
La Greffière : Tornay Schaller