Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_662/2023
Arrêt du 2 avril 2024
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président,
Chaix et Merz.
Greffière : Mme Rouiller.
Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Isabelle Théron, avocate,
recourant,
contre
Direction de la sécurité, de la justice et du sport de l'État de Fribourg, Grand-Rue 27, case postale, 1701 Fribourg,
intimée.
Objet
Droit de la fonction publique; résiliation des rapports de service,
recours contre l'arrêt de la Ie Cour administrative
du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg du 25 octobre 2023 (601 2023 75).
Faits :
A.
A.________ a été engagé comme policier au service de la Police cantonale fribourgeoise le 1
er janvier 1993. Il y a occupé différentes fonctions et a obtenu le grade de caporal en 2002, puis celui de sergent en 2006. Dans sa dernière affectation, A.________ était placé au poste de police U.________ et était principalement chargé du service au guichet, de l'accueil du public et de l'enregistrement des plaintes.
B.
Le 25 janvier 2022, A.________ a fait l'objet d'une évaluation par sa hiérarchie et une lettre d'avertissement lui a été adressée. Celle-ci rappelait les rapports d'évaluation des années précédentes, lesquels faisaient également état de certaines prestations insuffisantes, et mentionnait en particulier qu'il manquait de motivation et d'engagement, ainsi que de compréhension et d'empathie vis-à-vis des personnes qui se présentaient au guichet. Il lui était également reproché de faire preuve de suffisance et de ne pas collaborer avec ses collègues. Une période d'observation était prévue, jusqu'à fin juin 2022, moment auquel une nouvelle évaluation interviendrait. Au surplus, l'annexe à la lettre d'avertissement fixait deux objectifs précis à A.________. Il lui était en premier lieu demandé d'assurer une prise en charge professionnelle au guichet (objectif 1), cet objectif étant considéré comme atteint s'il ne faisait l'objet d'aucune remarque. Il devait au surplus adopter un comportement cohérent avec la fonction de policier et agir en adéquation avec les différentes dispositions applicables (objectif 2), cet objectif étant considéré comme atteint s'il atteignait la note de 3 au terme de la période d'observation. La lettre mentionnait que cette seconde évaluation pouvait conduire à l'ouverture d'une procédure de licenciement ordinaire.
Une nouvelle évaluation a eu lieu le 14 juillet 2022. L'appréciation globale des prestations de A.________ était considérée comme insuffisante, en particulier s'agissant du premier objectif qui lui avait été fixé.
C.
Le 17 octobre 2022, la Direction de la sécurité, de la justice et du sport (ci-après: DSJS) a informé A.________ de l'ouverture d'une procédure de licenciement ordinaire et l'a convoqué à une audition, au cours de laquelle une convention a été proposée à A.________. Plusieurs échanges ont ensuite eu lieu entre le DSJS et A.________. Ce dernier a notamment eu l'occasion d'adresser, par l'intermédiaire de la DSJS, certaines questions au service des ressources humaines de la Police cantonale. Le licenciement ordinaire de A.________ a finalement été prononcé par décision du 27 avril 2023, avec effet au 31 juillet 2023.
Par arrêt du 25 octobre 2023, la I
e Cour administrative du Tribunal cantonal fribourgeois (ci-après: tribunal cantonal) a rejeté le recours de A.________ contre la décision du 27 avril 2023. Il a notamment considéré que le droit d'être entendu de A.________ avait été respecté et que ses prestations devaient être examinées non seulement à l'aune des objectifs fixés dans la lettre d'avertissement et son annexe, mais également selon l'ensemble de ses prestations. A.________ n'avait pas rempli le premier objectif qui lui avait été fixé et la décision litigieuse respectait le principe de la proportionnalité.
D.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal cantonal du 25 octobre 2023 et son licenciement, ainsi que d'ordonner sa réintégration dans la fonction qu'il occupait au moment du licenciement. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et de son licenciement, ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité pour licenciement injustifié.
Le tribunal cantonal renvoie aux considérants de son arrêt et conclut au rejet du recours. La DSJS renvoie aux considérants de sa décision et à ses déterminations devant l'autorité précédente, s'en rapporte à justice s'agissant de la recevabilité du recours et conclut pour le surplus au rejet du recours. Le recourant persiste dans ses conclusions.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office (art. 29 al. 1 LTF) et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 149 II 66 consid. 1.3; 147 I 333 consid. 1).
Dans la mesure où l'arrêt entrepris concerne une décision de résiliation des rapports de service, il s'agit d'une contestation de nature pécuniaire, de sorte que le motif d'exclusion de l'art. 83 let. g LTF ne s'applique pas. La valeur litigieuse dépasse par ailleurs le seuil de 15'000 fr. ouvrant la voie au recours en matière de droit public en ce domaine (art. 51 al. 1 let. a et al. 2, art. 85 al. 1 let. b LTF ; cf. arrêt 1C_454/2023 du 9 février 2024 consid. 1).
Les autres conditions de recevabilité sont au surplus réunies, si bien qu'il convient en principe d'entrer en matière.
2.
Dans un grief d'ordre formel, le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), au motif que la DSJS a indiqué au service des ressources humaines de la Police cantonale qu'il n'était pas nécessaire de répondre à certaines des questions posées par le recourant dans son courrier du 27 janvier 2023. Dans ce cadre, il invoque également une violation de l'art. 40 al. 1 de la loi fribourgeoise du 17 octobre 2001 sur le personnel de l'État (LPers/FR; RSF 122.70.1) et de l'art. 29 al. 4 de son règlement du 17 décembre 2002 (RPers/FR; RSF 122.70.11), qui garantissent le droit d'être entendu de la personne concernée par une procédure de licenciement ordinaire.
2.1.
2.1.1. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit pour la personne intéressée de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise en lien avec sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1; 143 V 71 consid. 4.1). L'autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le refus d'une mesure probatoire par appréciation anticipée des preuves ne peut être remis en cause devant le Tribunal fédéral qu'en invoquant l'arbitraire (art. 9 Cst.) de manière claire et détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 146 III 73 consid. 5.2.2; 144 II 427 consid. 3.1.3).
2.1.2. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits constatés par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (ATF 148 I 160 consid. 3; 145 V 188 consid. 2). La partie recourante doit alors expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (art. 106 al. 2 LTF).
2.2. En l'espèce, le recourant a, dans son courrier du 27 janvier 2023 adressé à la DSJS, soumis un certain nombre de questions qu'il souhaitait voir transmises aux ressources humaines de la Police cantonale. Le recourant prétend que ce courrier avait pour but d'obtenir des précisions sur l'ensemble de la procédure de licenciement. Selon les autorités cantonales, ledit courrier ne devait servir qu'à clarifier la situation s'agissant de la convention proposée au recourant par la DSJS.
Dès lors que le recourant ne fait pas valoir que l'autorité précédente aurait établi les faits de manière arbitraire, il ressort du dossier que les questions adressées aux ressources humaines visaient à soupeser la proposition de convention faite par la DSJS et non à instruire une nouvelle fois la procédure de licenciement. En transférant ledit courrier aux ressources humaines, la DSJS a ainsi précisé qu'elles n'étaient pas tenues de répondre aux questions qui portaient sur le rapport d'évaluation du 14 juillet 2022 et n'étaient par conséquent pas en lien avec la proposition de convention. Ce faisant, la DSJS a considéré, par appréciation anticipée des preuves, que l'instruction relative à la procédure de licenciement était suffisante. Dans la mesure où le recourant a pu se déterminer à plusieurs reprises, par écrit et par oral, sur l'ensemble de la procédure, il n'apparaît pas que la DSJS, en procédant de la sorte, aurait fait preuve d'arbitraire ou aurait violé le droit d'être entendu du recourant.
Partant, ce grief doit être écarté.
3.
Le recourant reproche à l'autorité précédente d'avoir appliqué arbitrairement le droit cantonal ( art. 29 al. 2 et 3 LPers /FR).
3.1.
3.1.1. Le Tribunal fédéral revoit librement l'interprétation et l'application du droit fédéral et du droit constitutionnel cantonal (art. 95 LTF). Il examine en revanche sous l'angle restreint de l'arbitraire l'interprétation et l'application des autres règles du droit cantonal ou communal (ATF 147 I 433 consid. 4.2; 146 II 367 consid. 3.1.5). Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable. Il ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci apparaît insoutenable ou en contradiction manifeste avec la situation effective, ou encore si elle a été adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision critiquée soient insoutenables, encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son résultat. Si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution paraît également concevable, voire préférable (ATF 148 II 465 consid. 8.1; 148 I 145 consid. 6.1). Dans ce contexte, il incombe à la partie recourante d'exposer une argumentation spécifique qui réponde aux exigences accrues de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 149 III 81 consid. 1.3; 146 I 62 consid. 3).
3.1.2. L'art. 29 al. 1 RPers/FR prévoit que la procédure de licenciement ne peut être introduite qu'après avoir adressé une lettre d'avertissement au collaborateur ou à la collaboratrice. Cette lettre d'avertissement indique les carences constatées ainsi que les attentes d'amélioration et fixe un délai raisonnable pour y remédier (art. 29 al. 2 RPers/FR; cf. arrêt 8C_118/2013 du 11 février 2014 consid. 5.2). Au terme du délai fixé dans la lettre d'avertissement, si les insuffisances constatées persistent, l'autorité d'engagement ou la personne désignée par elle ouvre la procédure de licenciement et, le cas échéant, procède aux mesures d'instruction nécessaires en vue de compléter le dossier (art. 29 al. 3 RPers/FR).
3.2. Le recourant soutient qu'il ne pouvait être évalué sur d'autres critères que les objectifs fixés dans la lettre d'avertissement et son annexe. En particulier, il estime avoir rempli l'objectif 1 dès lors qu'il n'a fait l'objet d'aucune remarque pendant la période d'observation. A défaut de remarque, une procédure de licenciement n'aurait pu être ouverte. Le fait que l'autorité ait également tenu compte de son attitude générale, à savoir qu'il ne se montrait pas proactif, et du fait qu'il n'avait pas adapté ses horaires de travail à ceux définis pour le guichet, serait contraire à l'art. 29 al. 2 et 3 RPers/FR.
3.3. En l'espèce, l'autorité précédente a considéré que les prestations du recourant ne devaient pas être examinées exclusivement à l'aune des objectifs fixés dans la lettre d'avertissement et son annexe; d'autres prestations, telles que son attitude, sa motivation et ses compétences, devaient aussi être prises en compte. Outre les objectifs précis fixés dans son annexe et les remarques générales concernant l'attitude du recourant, la lettre exigeait également de ce dernier qu'il change véritablement et durablement son comportement pour démontrer qu'il était en mesure de répondre aux exigences du métier de policier. Au surplus, le tribunal cantonal relève que l'objectif 1 requérait du recourant qu'il desserve le guichet de la réception selon les horaires d'ouverture; dans la mesure où l'évaluation mentionne qu'il n'a pas respecté ce point, les exigences de l'objectif 1 ne pouvaient être considérées comme atteintes. Sur la base de ces éléments, l'autorité cantonale a constaté que le recourant n'avait pas rempli l'objectif 1, justifiant l'ouverture d'une procédure de licenciement ordinaire.
3.4. Le raisonnement du tribunal cantonal échappe à l'arbitraire. Il ressort en effet du dossier que la lettre d'avertissement et son annexe, d'une part, fixaient au recourant des objectifs précis et, d'autre part, exigeaient une modification de son comportement général. Or, l'évaluation du 14 juillet 2022 révèle que le recourant n'a ni complètement atteint l'objectif 1, faute d'avoir adapté ses horaires aux heures d'ouverture du guichet, ni modifié son attitude générale en faisant preuve de motivation et de proactivité. En d'autres termes, malgré le fait qu'il avait été communiqué au recourant que des améliorations, précisées dans la lettre d'avertissement et son annexe, étaient attendues de sa part, les insuffisances avaient persisté pendant la période d'observation. Cette constatation avait donné lieu à l'ouverture d'une procédure de licenciement. A cet égard, le recourant se contente, de manière appellatoire, d'affirmer avoir atteint l'objectif 1 et de contester qu'il lui avait été demandé de modifier son attitude générale.
En tout état, même si des critères plus généraux que ceux fixés par les objectifs de la lettre d'avertissement et son annexe avaient été retenus pour fonder l'ouverture de la procédure de licenciement, on ne saurait pour autant retenir, en l'espèce, une application arbitraire de l'art. 29 al. 2 et 3 RPers/FR. En effet, la lettre d'avertissement, qui faisait état d'une attitude de suffisance et d'un manque de motivation et d'engagement, précisait également que ces manquements ressortaient déjà des évaluations des années précédentes. Par conséquent, l'ouverture d'une procédure de licenciement notamment au motif que le recourant continuait à faire preuve de suffisance et d'un manque d'engagement, de motivation et de proactivité, alors que ces manquements lui étaient reprochés depuis plusieurs années et avaient été mentionnés dans l'avertissement, n'apparaît pas manifestement contraire au sens et au but de l'art. 29 al. 2 et 3 RPers/FR. En effet, cette disposition vise à permettre à la personne visée d'améliorer d'éventuels manquements pendant la période d'observation (cf. consid. 3.1.2 ci-dessus).
Au vu de ce qui précède, il n'apparaît pas que le tribunal cantonal ait fait preuve d'arbitraire dans l'application de l'art. 29 RPers/FR.
3.5. Le recourant estime encore qu'il aurait dû être renoncé à un licenciement dès lors qu'il avait atteint les objectifs fixés; une autre solution aurait violé l'art. 29 al. 5 RPers/FR, ainsi que le principe de proportionnalité et de la bonne foi. Dans la mesure où il a été vu ci-dessus que l'autorité précédente avait à juste titre considéré que le recourant n'avait pas atteint certains des objectifs fixés, ce grief, mal fondé, doit être écarté.
4.
Il s'ensuit que le recours est rejeté. Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant qui succombe ( art. 65 et 66 al. 1 LTF ). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Il n'est pas alloué de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire du recourant, ainsi qu'à la Direction de la sécurité, de la justice et du sport et à la Ie Cour administrative du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg.
Lausanne, le 2 avril 2024
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Kneubühler
La Greffière : Rouiller