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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_101/2023  
 
 
Arrêt du 2 avril 2024  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Jametti, Présidente, Hohl et Rüedi 
Greffier : M. Botteron. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me François Besse, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________ SA, 
représentée par Me Stefano Fabbro, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
recours en matière civile, conclusions chiffrées et motivées séparément en cas de cumul de demandes (art. 42 al. 1 et 2 LTF); 
 
recours contre l'arrêt rendu le 23 décembre 2022 par la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud (PT18.004348-221169, 632). 
 
 
Faits :  
 
A.  
En avril 2015, la société A.________ SA, à U.________ (ci-après: la défenderesse ou la recourante), a établi des formulaires de soumission d'offre pour les travaux de carrelage et de faïence à effectuer dans deux bâtiments en construction à Y.________. La société B.________ SA, à X.________ (ci-après: la demanderesse ou l'intimée), lui a adressé des offres en remplissant les formulaires de soumission précités, sur lesquels elle a encore fait trois ajouts manuscrits. 
Sur la base de ces formulaires, les parties ont conclu les contrats des 22 septembre et 2 octobre 2015 pour le prix forfaitaire net de 447'897 fr. 93 pour le premier bâtiment et de 177'837 fr. 04 net pour le second bâtiment, soit pour 118 appartements en propriété par étages au total. 
Selon l'art. 3 des contrats, sous le titre "Définition des fournitures et prestations", "tous les travaux et fournitures nécessaires pour la réalisation de l'ouvrage selon le contrat et pour son usage tel que prévu, y compris les travaux et fournitures qui ne sont pas mentionnés ou spécifiés dans les documents en raison d'une présentation insuffisamment détaillée ou pour toute autre raison, mais qui sont cependant nécessaires pour garantir l'aptitude fonctionnelle, la sécurité et l'utilisation de l'ouvrage dans le cadre standard défini, et d'une manière générale pour l'exécution du contrat, font partie des fournitures et prestations". 
Les parties sont en litige au sujet de travaux supplémentaires: la demanderesse allègue qu'il s'agit de commandes complémentaires pour lesquelles elle a droit à une rémunération séparée; pour la défenderesse, il s'agit de travaux compris dans les prix forfaitaires. 
 
B.  
Le 25 janvier 2018, B.________ SA a ouvert action contre A.________ SA devant la Chambre patrimoniale cantonale vaudoise. Elle conclut à ce que la défenderesse soit condamnée à lui payer le montant de 281'872 fr. 20, montant augmenté dans sa réplique à 321'080 fr. 75, avec intérêts à 5 % l'an dès le 15 février 2017. 
La défenderesse a conclu au rejet de la demande et a invoqué la compensation. 
La Chambre patrimoniale a désigné un expert, lequel a déposé son rapport le 19 juin 2020 et un rapport complémentaire le 15 février 2021. L'expert a dressé un tableau récapitulatif listant les postes de travaux supplémentaires, précisant quels montants pouvaient être admis et pour quels motifs et a retenu un solde dû de 278'849 fr. 85. 
Par jugement du 14 février 2022, la Chambre patrimoniale a condamné la défenderesse à payer à la demanderesse le montant de 276'888 fr. 65 avec intérêts à 5 % l'an dès le 19 mars 2017. Se ralliant à l'expertise, sauf sur deux points pour des montants portés en déduction de 150 fr. et 1'920 fr., la Chambre patrimoniale a considéré que la demanderesse a droit à une rémunération séparée pour les travaux supplémentaires allégués par elle, au titre de modification de commande, dont le prix se calcule selon l'art. 374 CO
Statuant le 23 décembre 2022, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté l'appel de la défenderesse. 
 
C.  
Contre cet arrêt, qui lui a été notifié le 12 janvier 2023, la défenderesse a interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral le 13 février 2023. Elle conclut principalement à sa réforme en ce sens que la demande est rejetée et, subsidiairement, à son annulation et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Elle invoque la violation des art. 1, 18 et 373 CO, ainsi que de l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.). 
La demanderesse intimée conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable. 
Les parties ont encore déposé de brèves observations. 
La cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 et 45 al. 1 LTF), par la partie défenderesse qui a succombé dans ses conclusions libératoires (art. 76 al. 1 LTF), contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu sur appel par le tribunal supérieur du canton de Vaud (art. 75 LTF) dans une affaire civile (art. 72 al. 1 LTF), dont la valeur litigieuse dépasse 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours en matière civile est recevable au regard de ces dispositions. 
 
2.  
Le recours en matière civile au Tribunal fédéral doit contenir des conclusions et des motifs (art. 42 al. 1-2 LTF). Il est une voie de réforme: si le Tribunal fédéral admet le recours, il doit statuer lui-même sur le fond de la cause (art. 107 al. 1 LTF). Le recourant doit donc prendre des conclusions chiffrées lorsque l'action est de nature condamnatoire. Les conclusions chiffrées doivent être justifiées dans la motivation du recours. Il est indispensable qu'à la lecture du mémoire du recourant, le Tribunal fédéral comprenne clairement ce que veut celui-ci et que, s'il admet le recours, il soit en mesure de statuer et de lui allouer les conclusions qu'il a formulées, voire un montant inférieur (arrêt 4A_260/2022 du 7 mars 2023 consid. 1.2; 4A_85/2015 du 8 septembre 2015 consid. 1.3). 
En cas de cumul d'actions, soit lorsque le demandeur fait valoir plusieurs créances et que la cour cantonale les rejette par des motifs séparés, différents pour les unes et pour les autres, le recourant doit indiquer exactement quelle créance est critiquée et quelle modification (chiffrée) du décompte final en résulte, de façon que, si le Tribunal fédéral admet une créance et en rejette une autre, il soit en mesure de statuer immédiatement. En outre, dans sa motivation, il doit s'en prendre à toutes les motivations développées par la cour cantonale pour chacune des créances, que celles-là soient cumulatives, alternatives ou subsidiaires, en indiquant les passages de l'arrêt attaqué concernés. A défaut, son recours est irrecevable. 
 
3.  
Dans son arrêt, la cour cantonale a indiqué qu'elle allait examiner trois questions. 
 
3.1. Premièrement, les prestations litigieuses sont-elles englobées dans les prix forfaitaires convenus entre les parties? Deuxièmement, si tel n'est pas le cas, ces prestations ont-elles été acceptées par la défenderesse? Troisièmement, si oui, à quel montant s'élève la rémunération de la demanderesse?  
 
3.1.1. En ce qui concerne la première question, la cour cantonale a commencé par examiner si tous les travaux supplémentaires allégués par la demanderesse étaient des commandes complémentaires donnant droit à une augmentation de prix ou s'ils étaient compris dans les prix forfaitaires convenus. Elle a traité cinq postes de travaux supplémentaires que la demanderesse estimait être des prestations complémentaires non comprises dans les prix forfaitaires convenus et elle a écarté encore deux griefs.  
Ainsi, sous consid. 6.1, elle s'est penchée sur les travaux de joints en silicone, sous consid. 6.2, sur les travaux "cermiface" et de pose de profil d'arrêt alu, sous consid. 6.3 sur les travaux d'étanchéité, sous consid 6.4, sur "divers autres travaux", sous consid. 6.5, sur des travaux de carrelage supplémentaires, en particulier dans les sous-sols des bâtiments, que la défenderesse contestait seulement avoir acceptés. Puis sous consid. 6.6, elle a traité un argument général tiré de l'"offre de base" et, sous consid. 6.7, elle a écarté le témoignage d'un chef de projet. 
 
3.1.2. En relation avec la deuxième question, la cour cantonale a examiné, sous consid. 7.1 (par renvoi du consid. 6.5), les travaux de carrelage dans les sous-sols des bâtiments. Elle a considéré que la défenderesse avait laissé la demanderesse exécuter les travaux litigieux et qu'elle ne saurait donc invoquer qu'elle n'a pas accepté que celle-ci y procède et refuser de les rémunérer. Sous consid. 7.2, la cour cantonale a examiné le grief selon lequel la défenderesse n'aurait pas accepté "divers autres travaux", grief qu'elle a qualifié de difficile à suivre, puisqu'ils avaient été exécutés et "validés" dans un document, tout en supposant qu'elle invoquait également sur ce point l'art. 3 du contrat. Enfin, sous consid. 7.3, sans donner de précision quant aux travaux spécifiques concernés, la cour cantonale a considéré que les griefs de la défenderesse appelante étaient irrecevables, faute de faits valablement allégués et prouvés et de grief valable; elle a relevé à nouveau que la défenderesse se référait à l'art. 3 du contrat, lequel n'était toutefois pas pertinent sur la question de savoir si l'appelante a accepté ou non les travaux complémentaires concernés; la cour cantonale a écarté l'art. 16 des contrats, sur la forme écrite; enfin, elle a relevé qu'il ne faut pas mélanger la question de savoir si des travaux étaient compris dans le prix forfaitaire et, si tel n'était pas le cas, la question de l'acceptation de l'exécution onéreuse.  
 
3.1.3. Enfin, en relation avec la troisième question, soit celle de la rémunération des travaux supplémentaires, la cour cantonale s'est basée sur l'expertise, dont la défenderesse ne critiquait pas l'appréciation.  
 
3.2. Comparant, d'une part, les différentes créances de travaux supplémentaires alléguées et l'argumentation de la cour cantonale à leur propos et, d'autre part, le mémoire de recours en matière civile, la Cour de céans ne peut que constater que la créance de travaux de carrelage supplémentaires, en particulier dans les sous-sols des bâtiments, traitée sous consid. 6.5 et 7.1, a été admise par la cour cantonale et qu'elle est demeurée non attaquée par la recourante. Par conséquent, faute de toute indication chiffrée pour ce poste, que ce soit dans l'arrêt attaqué ou dans le recours en matière civile, le Tribunal fédéral ne serait pas en mesure de réformer l'arrêt attaqué même s'il devait admettre tous les griefs soulevés. Le recours est donc déjà irrecevable pour ce motif.  
 
3.3. Le recours est également irrecevable pour le motif qui suit.  
 
3.3.1. La Cour de céans constate que la cour cantonale a dégagé la volonté réelle et commune des parties, en relation avec les deux créances de travaux supplémentaires que sont les joints en silicone et les travaux "cermiface" et de pose de profil d'arrêt alu. Si elle a ajouté qu'une interprétation selon le principe de la confiance aboutirait au même résultat, cela ne change rien au fait que la recourante devait démontrer l'arbitraire de la constatation de la volonté réelle et commune, puisque ce n'est que si la preuve de cette volonté échouait qu'il faudrait recourir au principe de la confiance.  
Or, la cour cantonale a exposé que les premiers juges ont retenu que les joints de silicone ne figuraient pas dans les formulaires de soumission, que leur mention a été oubliée par la défenderesse lorsqu'elle a établi ces formulaires et que, selon la norme SIA 118, ces joints en silicone ne pouvaient donc faire partie des prestations comprises dans les prix. Elle a relevé que le fait d'avoir négocié un prix forfaitaire précis, sur la base d'une soumission d'offre très détaillée, exclut que de tels travaux non mentionnés soient compris dans le prix forfaitaire et, partant, que cette clause n'a pas de portée pour les travaux litigieux. Elle en a donc conclu, au vu de ces éléments, que les parties ont exclu que ces travaux étaient couverts par le prix forfaitaire. 
 
3.4. Si elle se plaint effectivement d'arbitraire manifeste dans la détermination de la volonté réelle et commune des parties, la recourante se borne en réalité à proposer sa propre interprétation des art. 1 à 3 du contrat. Elle ne parvient toutefois pas à faire apparaître arbitraire l'interprétation de la cour cantonale, qui retient qu'il s'agit d'un oubli et que celui-ci ne saurait justifier que les travaux supplémentaires soient couverts par le prix forfaitaire. Et cette constatation, non arbitraire, de la volonté réelle dispense et exclut d'examiner l'interprétation selon le principe de la confiance, soit en particulier la nature insolite de l'art. 3. Le grief est donc irrecevable.  
A nouveau, faute de toute indication chiffrée pour cette créance et faute de lien avec les conclusions du recours en matière civile, la Cour de céans ne serait pas en mesure de réformer l'arrêt attaqué, de sorte que le recours est également irrecevable pour ce motif. 
 
4.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être déclaré irrecevable, aux frais de son auteur (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 6'500 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 7'500 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 2 avril 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
Le Greffier : Botteron